37. Hayate, seigneur d'Eos
Hello,
c'est mercredi, et mercredi c'est... mercredi. Il est une heure du matin ici, j'ai perdu ma fin de phrase.
Bonne lecture !
--------
Complexe, tel était le mot qui caractérisait au mieux Hayate. Le seigneur d'Eos était pourvu d'une multitude de facettes, bien plus que ce qu'il paraissait de prime abord. Comme tous les nés-morts, il était maudit, descendu en enfer avec sa mère à la naissance. Cette perte inscrite dans son cœur était la source d'une blessure qui ne se refermerait jamais et la malédiction garantissait la haine de la famille. Mais le mal s'accompagnait parfois du bien : plongés au cœur du royaume des morts, les destins des nourrissons partis avec leurs mères étaient variables. La majorité d'entre eux demeuraient là-bas, morts à la naissance, mais certains, suite aux aléas des destinées, croisaient la route d'une chimère qui les bénissait et les renvoyait en surface, chez les vivants. De mémoire d'homme, nul ne connaissait les critères de choix des chimères, pas même les bénis. Un unique détail était connu de tous : une chimère ne bénissait qu'un enfant à la fois, et n'en choisissait pas un autre immédiatement après le décès du né-mort.
L'origine géographique, ethnique, sexuelle de l'enfant ne paraissait pas non plus entrer en ligne de compte. Rien, les anciens n'avaient aucun indice expliquant l'arrivée d'un né-mort.
Hayate était une boule d'amour qui n'aspirait qu'à la joie. Sa nature bienveillante, heureuse, positive, en faisait un rayon de soleil. Il était de ces personnes auprès de qui l'herbe était plus verte, le vent plus doux, la vie plus belle. Ses yeux bleus brillaient, emplis d'étoiles, sa chevelure blonde rebelle brisait les peignes le plus robustes et son sourire, son magnifique sourire ravissait quiconque en bénéficiait. S'il n'était pas né-mort, il eut été la coqueluche d'Eos. Cependant, sa nature de né-mort n'était pas compatible avec le bonheur. Aux yeux d'Eos il était une abomination qui devait être maîtrisée, contrôlée. Les chimères offraient à leurs protégés un accès illimité à leur puissance, leur magie, leur sauvagerie, et leur inimitié pour les humains. Un né-mort était une bombe à retardement. Chaque instant était une seconde gagnée pour ceux qui vivaient dans l'entourage d'un né-mort.
Par bien des aspects, les chimères s'apparentaient aux Hommes : elles se regroupaient en clans, s'affrontaient pour des raisons futiles, et avaient chacune une personnalité bien distincte. Bien avisé était celui qui comprenait leur cœur et la naissance de ce sage n'avait point encore eu lieu. Dans l'esprit du commun des mortels, les nés-morts étaient des armes chimériques conçues pour répandre le chaos à travers les royaumes, des dangers pour l'espèce humaine, des démons à forme humaine dont le contrôle était impératif.
L'enfance de Hayate se déroula dans cet unique environnement peuplé de contradictions ; il fut isolé des autres enfants, en danger en sa présence, mais constamment surveillés par les mages-guerriers d'Eos, les magies anciennes lui furent enseignées, mais les anciens lui interdirent de nombreux sortilèges « périlleux », car leur vénérable sagesse abondait en ce sens. Ces vieilles personnes avisées omirent cependant un détail : Hayate était intelligent et eut tôt fait d'apprendre à s'infiltrer en douce dans les salles scellées afin d'y consulter les grimoires qui lui étaient refusés. Crainte et contrôle furent maîtres mots durant toute sa jeunesse. Le peuple d'Eos était terrifié par toute cette puissance qu'elle s'évertuait à soumettre à sa volonté et haïssait Hayate pour cela. À l'inverse, Hayate courrait vers eux dès que l'occasion lui était donnée. Il offrait son temps, son énergie, sa joie, à quiconque croisait sa route et essuyait de nombreux refus. Eos ne méritait pas celui qui allait devenir son seigneur. Lorsque son prédécesseur tomba lamentablement au combat, au cours d'une guerre qui humiliait des générations de mages-guerriers, Hayate, devenu aisément le plus puissant mage-guerrier de la cité depuis quelques années, fut pressenti au poste. Le besoin de démonstration de force motivait cette possibilité malgré les réticences bien connues de toute la population. Afin de pallier ce désagrément, et d'ôter les craintes d'une partie de ses habitants, le conseil d'Eos modifia ses lois avec le dessein d'amoindrir les responsabilités du seigneur. Hayate n'eut pas les prérogatives de chef de guerre de ses prédécesseurs ni le mandat de dirigeant de la cité, mais il était un argument dissuasif de taille pour tous les ennemis d'Eos.
Il essayait petit à petit de regagner plus de pouvoir, il voulait leur montrer qu'il n'était pas le monstre que les habitants d'Eos redoutaient, cependant les événements jouaient en sa défaveur. La guerre qui le fit seigneur ? Il y mit fin en deux batailles titanesques durant lesquelles il tua pratiquement autant d'hommes dans ses rangs que dans les rangs ennemis. Les sages de la cité lui avaient interdit de nombreux sortilèges « dangereux » avec l'arrogance caractéristique des Hommes qui s'imaginent être les meilleurs en tout. Le pire des sortilèges d'Eos était un coup de roseau sur les doigts en comparaison des deux ou trois attaques que Sin enseigna à son né-mort. La chimère aimait la guerre, elle aimait le sang et comme les autres chimères de la trinité — groupe hétéroclite des trois plus puissantes chimères connues — elle n'aimait pas la subtilité. Hayate n'apprit pas la Loi, jugée trop propre, pas assez destructrice, par Sin, mais il gagna en maîtrise et, comme sa chimère, usa d'un sortilège qu'il nomma lui-même « les rotations de l'enfer ». Pour Sin ? « La base ». La chimère parcourait le monde entouré de ces vents violents aux multiples jets de magie. Les rotations étaient un mélange contrôlé, parfois, des principaux éléments constituants la Nature. Cette magie dévastait tout sans exception sur son passage. Hayate n'employait les rotations qu'une fois au pied du mur, ce qui arrivait fort peu souvent, jamais même. Les batailles qui avaient suivi son accession au poste de seigneur d'Eos furent l'un des derniers exemples d'utilisation de ce sortilège. Depuis, les attaques sur Eos étaient plus rares.
Hayate jouissait du poste depuis quelques années et, hormis quelques missions diplomatiques et d'autres, plus secrètes, il s'ennuyait. Le conseil avait redirigé toutes ses tâches vers d'autres postes, le jeune homme n'avait donc rien à faire à part sourire et regarder les aiguilles de l'horloge tourner.
De fait, il n'éprouva aucun remords à déguerpir quelque temps lorsqu'il fit la rencontre d'Aitsuki le jour où il annonça qu'Eos avait trouvé le corps de feu le seigneur de Théa. Sa cité se passerait de ses services avec un grand soulagement. Au moins n'auraient-ils pas peur de le voir détruire Eos pendant ce temps.
Hayate était curieux, et terriblement jaloux. Elle était née-morte, comme lui, mais tout le monde l'aimait, elle, même Nox l'aimait ! Lui qui haïssait le monde entier se pâmait tel un soupirant transi. La première fois qu'il l'avait vue, dans la grande salle du temple, assise tranquillement parmi toutes ces femmes qui ne la rejetaient pas, il avait manqué d'hurler sa colère. Pourquoi ? Qu'avait-elle de plus que lui ?
Il en sut la raison bien vite, les circonstances de sa naissance étaient demeurées secrètes par un miracle. Elle avait la chance de l'anonymat. Hayate continua de la jalouser, mais sa colère s'était évaporée, il appréciait cette née-morte, qui ne pourrait pas ? Aitsuki était avenante, serviable, compatissante, et entrainante. Elle savait gagner le cœur des gens et les convaincre de la suivre. Il n'y avait qu'à observer le comportement des poivrots dans l'auberge pour le comprendre. Un mot de sa part et ils partiraient mourir dans les terres chimériques. La Chimère abritait une ligue, Hayate en était certain depuis quelques semaines après des années à le soupçonner. Les ligues clandestines n'étaient pas légion et de manière générale très discrètes, mais leurs membres étaient les seuls, avec certaines armées, que l'on rencontrait dans les terres chimériques. Il fallait être fou, ou être membre d'une ligue clandestine, ou les deux, pour s'y rendre.
Aitsuki avait sa ligue, autre point de jalousie de Hayate. Lui était à la tête d'une cité, mais il avait moins de respect. Elle avait gagné leur confiance, pire, elle avait gagné sa confiance. S'il ne lui restait pas un soupçon de loyauté, Hayate quitterait Eos pour intégrer la ligue.
— À quoi penses-tu Hayate ? l'interrogea Aitsuki, le sortant ainsi de sa torpeur.
Ils étaient toujours à l'intérieur de la Chimère, dans la pièce principale creusée dans la roche qui servait de bar. Hayate, accoudé au comptoir, regardait les bouteilles posées derrière elle.
— Il y aurait une place pour moi dans ta ligue ?
— Quelle ligue ?
Il lui jeta un regard entendu et désigna le livre noir qu'elle n'avait pas rangé.
— Celle de ton journal intime, là.
Aitsuki lui décocha un sourire et lui proposa un peu d'oublitout qu'il refusa poliment.
— Que ferait le seigneur d'Eos dans une ligue clandestine ? s'amusa-t-elle tandis que le livre noir disparaissait sous le comptoir.
— Il se trouverait une famille, soupira Hayate. Bien que l'idée d'appartenir à la même fratrie que l'autre me fasse frissonner.
« L'autre » était dans les toilettes magiques qu'il étudiait dans le but de les utiliser prochainement. Aitsuki avait demandé un cœur de dragon...
— Rassure-toi, je doute que Nox souhaite rejoindre une ligue clandestine, et puis il a déjà un frère.
— Et une grand-mère tyrannique oui, je sais. Mais moi je n'ai pas de parents vivant à Eos, et vue ma popularité là-bas... ajouta Hayate. Je ne suis qu'une arme, si je pouvais dormir au fond d'un puits et n'en sortir qu'au moment de protéger la cité les habitants d'Eos seraient ravis.
Aitsuki posa une main douce sur son bras, compatissante. Elle avait senti la mélancolie qui l'enveloppait petit à petit. Elle lui promit que le jour où la ligue clandestine serait son seul recours, la ligue qui n'existait pas à la chimère lui ouvrirait ses portes. En attendant, il serait toujours le bienvenu entre ces murs, elle lui garderait sa chambre.
— En parlant de ma chambre, dit Hayate en saisissant l'occasion. Serait-il possible de virer les gosses fantômes qui y jouent la nuit ?
-----------
Merci d'avoir lu ce chapitre !
Axel.
Ps : le concours Fyctia est terminé, Nox a fini en 8ème page, ce qui n'est pas si mal. C'est Fyctia alors il n'y avait rien à en attendre et il n'y aura rien de plus avec eux mais cela m'a forcé à relire mes premiers chapitres ^^".
Merci pour votre aide en tout cas et surtout merci d'être ici !!
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro