Bonjour, 

un nouveau chapitre pour fêter une nouvelle semaine ( j'aime ma tablette).

Bonne lecture !

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Comme l'avait prédit Nox, Théa se crut une nouvelle fois sujette à une attaque. La Chimère échappait aux suspicions à la grâce de la profondeur des cavités dans laquelle l'auberge se dissimulait à présent et qui avaient contenu la puissance d'Aitsuki libérée dans la pièce. Cependant, les commérages allaient bon train et, si les murmures ne franchissaient pas la petite porte de bois sombre de l'entrée, ils se propageaient de table en table au gré des bavardages des résidents. La chimère était particulièrement occupée cette nuit, les membres de la ligue restés fidèles et certains anciens pénitents s'étaient rassemblés dans les alcôves, un seul sujet de discussion à la bouche. Allant de table en table, Aitsuki croisait les regards la peur au ventre. Qu'adviendrait-il s'ils savaient qu'elle avait manqué d'exploser ? L'envie d'offrir une tournée d'oublitout la démangeait, mais ils auraient tous tôt fait de réapprendre la nouvelle dehors.

La nuit s'avança et Aitsuki savoura le plaisir coupable du mensonge par omission. Les bribes de conversation qu'elle captait pointaient vers un coupable tout désigné. N'était-il pas le fils aliéné de la mort ? Un monstre sans âme ni cœur ? La ligue de pouilleux alcooliques sans mission en était convaincue : Nox avait déclenché toute cette pagaille. Des voix s'élevèrent pour demander son interdiction de séjour à l'auberge. En plus d'être un péril pour les affaires, Nox était dans l'armée régulière, fils de l'ancien seigneur de guerre et frère du très certainement prochain, le mage-guerrier était désormais également un danger pour leur survie, plus encore qu'à l'accoutumée.

— Je vous laisse lui annoncer cela lorsqu'il reviendra, bande de braves, leur dit Aitsuki, narquoise.

Un mage borgne qui mâchait des racines d'herbe arc-en-ciel lui rétorqua qu'en tant que leader, il était de son devoir à elle de s'en charger.

— Typhon l'aurait fait sans sourciller, ajouta-t-il.

Aitsuki lui jeta son torchon à la tête. Typhon n'était plus revenu à la chimère depuis sa défection. Ni la disparition de Rufus ni les saccages de Théa ne l'avaient poussé à revenir. Aitsuki ne l'avait jamais rencontré.

— Lorsque tu iras lui dire de prendre ma place, rappelle-lui qu'il est parti en laissant une ardoise et que les intérêts augmentent, lui lança Aitsuki furibonde.

Elle regarda les cinq hommes qui s'entassaient autour de la minuscule table et leur remémora l'existence du livre rouge, moins célèbre à l'extérieur de l'auberge que le fameux livre noir, mais tout aussi redouté. À la différence de son alter sombre, ce livre était laissé à la vue de tous, bien en évidence, menaçant. Le livre rouge contenait, scrupuleusement notées, toutes les ardoises des clients. Aitsuki n'utilisait cette arme qu'en de rares occasions, mais ce n'en était que plus efficace.

— Vous aussi vous voulez dire à Typhon de revenir ? demanda-t-elle aux autres qui répondirent par la négative. Bien.

Elle avait un peu honte d'utiliser la réputation de Nox afin de se couvrir, mais elle ne pouvait avouer sa faute. Grogne et quelques autres s'en doutaient probablement, mais le respect, ou la peur, maintenait leurs lèvres scellées. Le vieux mage et ses acolytes attendaient l'aube pour partir en direction des terres chimériques. La mission était périlleuse, ils partaient à quatre, combien seraient-ils au retour ? Les terres de l'Ouest regorgeaient de trésors et de monstres. Le lever du jour était le doux compagnon des départs discrets. Les équipes de nuit s'endormaient, celles du jour prenaient doucement leurs fonctions et tout le monde savait que les bêtes de la nuit s'éloignaient avec les rayons de l'astre solaire. Aitsuki n'aimait plus l'aube et sa chaleur douce. L'aube était son coucher et la caresse des rayons rouges du crépuscule lui manquait. Elle courut toute la nuit de table en table. De temps en temps, un nouvel arrivant emportait des rumeurs. Les patrouilles avaient été doublées, le perturbateur courait toujours et Théa était toujours dans l'incertitude. Les chefs de clans voyaient leur autorité décliner au fil des incidents tandis que l'armée aspirait à plus de liberté... pour elle. Nox rentra au milieu de la nuit. Il ignora les regards suspicieux et gagna le comptoir où Aitsuki nettoyait une carafe. Elle fit un signe amical à Kira, petite frimousse de six ans qui chapardait dans les rues puis s'approcha de Nox.

— Qu'est-ce que je te sers ?

— Une potion d'invisibilité, répondit le mage-guerrier.

Aitsuki le regarda, suspicieuse. Il avait son armure, sa tête de tueur psychopathe et l'amabilité du puits, mais quelque chose était différent.

— Nous ne servons pas ce genre de boissons, dit-elle avec précaution. La poudre d'écailles de basilic est au registre des substances illicites.

Nox soupira, et lui demanda pourquoi rien n'allait aujourd'hui.

— J'essaye d'être discret, tu sais pourquoi, j'aurais vraiment besoin d'une potion, s'il te plaît.

— Je les garde en réserve, murmura Aitsuki. Je reviens, dit-elle avec un sourire.

Nox acquiesça et la regarda partir, un gobelet de bois à la main. La jeune femme s'enferma quelques instants dans une pièce qu'elle fouilla frénétiquement. Elle en ressortit le verre plein
qu'elle tendit au mage-guerrier.

— Sur la bouteille était inscrit « dix minutes », je pense qu'il y a un délai entre la prise et l'effet, mais je ne suis pas sûre, je n'ai jamais étudié les potions.

— Mais tu sais que la poudre de basilic est interdite, fit judicieusement remarquer Nox.

— Rufus m'a forcée à lire la liste des drogues et substances interdites de Théa, les aubergistes ont le devoir de conseiller leurs clients et de refuser toute transaction illégale.

La leçon était bien mémorisée, Rufus aurait été fier. Aitsuki sourit et regarda Nox absorber sa potion avant de demander un verre d'alcool afin d'en faire passer le goût. La jeune femme s'exécuta et lui offrit un peu de vin qu'elle but avec lui.

— J'aime bien celui-ci, un peu fruité et léger, dit-elle en observant la couleur de la robe.

— Très bon en effet, répondit Nox.

Aitsuki dégusta son verre, servit Grogne qui venait du ravitaillement puis revint porter son attention sur le mage-guerrier.

— La potion devrait bientôt faire effet, tu devrais y aller Nyx

— Hayate, corrigea Nox avant de se figer. Qu'est-ce que tu m'as donné ?

Aitsuki sourit et mentionna qu'il était peut-être possible qu'elle possède un peu d'Alètheia, de potion de vérité. Nox était soudainement blême.

— Comment as-tu su ? s'étrangla le maître d'Eos alors qu'il reprenait son apparence de dieu solaire.

— Tu as dit « s'il te plaît ».

Elle n'ajoute pas que les papillons qui l'accompagnaient depuis son réveil et battaient des ailes à chaque fois qu'elle pensait au mage-guerrier s'étaient volatilisés à son arrivée ce soir. Son instinct lui avait dit que ce n'était pas lui, ou bien avait-elle pas refusé le fait qu'il ne semblait rien éprouver à son approche.

— J'avais pourtant bien calculé mon coup, soupira Hayate. Mon armure était répugnante, j'ai pensé à de la bave de troll toute la journée, j'ai vérifié l'absence du grincheux. Mince !

Aitsuki rit et lui demanda pourquoi il avait besoin d'une potion d'invisibilité.

— Il me fallait bien une excuse pour te voir.

Il grimaça et la supplia d'éviter les questions, la potion de vérité allait faire effet un moment. Il eut une moue si attendrissante qu'Aitsuki lui accorda cette faveur. Elle espéra qu'il ferait preuve d'honnêteté de lui-même.

— Tu n'as pas besoin de te grimer en Nox pour venir ici, tu sais ? Personne ne parlera. Les secrets sont plutôt bien gardés.

— C'eut été moins drôle, répondit Hayate. Je me suis promené dans toute la ville et les rares personnes que j'ai croisées ont reculé de trois mètres. Nox est aussi détesté que moi, mais pour une fois ce n'est pas moi qu'on craignait. Tu devrais essayer de te faire passer pour Nox toi aussi.

— Elle aussi ? demanda Nox en s'asseyant à côté de lui.

Le retour des papillons. Aitsuki tenta de les éloigner d'elle en résumant l'histoire à Nox qui jubila à l'idée de profiter d'un Hayate foncièrement honnête, mais fut vite refroidi par la jeune femme qui refusa tout net, de le laisser faire.

— Ce n'est pas bien, lui dit-elle.

— Il a pris ma place, rétorqua le mage — guerrier, qui sait quels secrets il a appris.

— Aucun, répondit l'intéressé. Elle m'a grillé. Tu pourrais apprendre la politesse.

— Et tu pourrais rentrer chez toi, lui renvoya l'autre. Que fais-tu ici d'ailleurs ?

Hayate répondit qu'il s'était mis en route dès réception des lettres. Théa était sur le chemin du royaume de Terpas.

— Pas vraiment non, grommela Nox.

La cité des sables était certes enclavée dans les terres chimériques, mais Terpas était au Sud-est, la route la plus courte et la plus sûre passait bien à l'est de Théa.

— Pourquoi es-tu venu ? demanda gentiment Aitsuki. Des problèmes à Eos ?

À son ton, elle ne se souciait pas de la politique de la ville. La question était plus personnelle. Hayate la rassura, Eos le détestait toujours autant, mais pas plus.

— Quitte à traverser le monde, autant passe voir des gens qui m'apprécient.

— Je ne t'apprécie pas, répliqua Nox.

— Ne t'inquiète pas, Aitsuki m'apprécie pour deux.

Si un regard pouvait tuer, Hayate serait mort mille fois.

— Je suis heureuse que tu sois ici, mais s'il te plaît, ne refais plus jamais ça.

L'ordre était si poli qu'Hayate ne put que s'y plier. Son cercle de proches était bien trop restreint pour qu'il se permette d'en ôter un membre. Et s'il ne portait pas Nox dans son cœur, il était son miroir. Les deux hommes portaient la même malédiction et leurs vies étaient bien trop similaires pour qu'ils n'éprouvent pas le besoin de se rapprocher.

— Je suis passé car Nox me l'a demandé dans sa dernière lettre.

— Je n'ai rien fait de tel. Je t'ai dit où trouver tes morts.

Hayate leva les yeux au ciel, Terpas était immense, des précisions étaient nécessaires, il était donc venu en chercher.

— Je t'ai dit « sous la cascade de sang » !

— Il y a des rivières rouges partout ! Terpas regorge de plaines d'argile !

— Mais il y a une seule cascade de sang de chimère ! s'exclama Nox.

— Oh !

Le silence se fit, Hayate réalisant sa méprise et Nox qu'ils étaient en pleine dispute avec public. Quelques hommes attendaient patiemment de pouvoir approcher du comptoir. Aitsuki les invita à venir et récupéra les verres en râlant contre les deux hommes.

— Vous êtes mauvais pour les affaires. Que souhaites-tu Grogne ? Un oublitout ?

— Juste les toilettes, répondit le mage en lui rendant son verre avant de s'éloigner en direction d'une petite porte au fond.

La vie reprit tranquillement et le ton fut plus léger. Aitsuki invita Hayate à rester quelques jours avec eux, les morts attendraient, sa cité aussi. Le maître d'Eos refusa, non sans tristesse, sa ville avait besoin de lui, et ses morts avaient des informations à lui révéler.

— Les morts ne parlent pas, fit remarque Aitsuki.

Hayate se tourna vers Nox.

— Rufus a totalement foiré son éducation chimérique hein ?

Le mage guerrier hocha la tête, il partageait cet avis. Vexée, la jeune femme leur présenta leur ardoise.

— Ouch, ça en fait des angles.

Hayate essaya de négocier, mais rien n'y fit, Aitsuki fut intraitable. Ils discutèrent un moment puis furent brusquement interrompus par Grogne qui sortit en chancelant des toilettes. Il était en sang, ses vêtements étaient en lambeaux et il paraissait avoir rencontré la mort.

— Plus jamais je ne rentre dans tes chiottes !

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Merci d'avoir lu ce chapitre ! 

Axel.