you should see me in a crown- Billie Eilish

LEILÏ DE TOPAZE

-chateau royal de Topaze-

Le jour du couronnement d'un roi ou d'une reine était celui le plus important dans tout son règne. On disait que c'était le moment le plus décisif, car il s'agissait en un petit espace de temps de convaincre le monde entier qu'on avait sa place sur le trône.

C'était aussi l'un de seuls jours où les souverains quittaient leur territoire pour aller sur un autre, sauf en cas de crise majeure. Cela restait exceptionnel et fortement déconseillé. Mais aujourd'hui c'était différent, car aujourd'hui, je serai reine.

J'avais revêtu la première tenue officielle des Topaze. C'était une robe large survolée par un voile doré. J'étais indéniablement très charmante dedans avec mes cheveux châtains foncés bouclés et tressés ainsi que ma peau mate et mes yeux noisette.
La seconde tenue, je la porterai plus tard, lors de la cérémonie plus nationale lors du départ des autres souverains. C'était une tenue purement militaire mais un véritable symbole de la puissance de Topaze, et surtout, de mon pouvoir.

La cérémonie de couronnement s'opérait en plusieurs étapes, en tout cas chez les Topaze. D'abord, il y avait une partie plus symbolique où l'on affirmait que nous allions participer à la grandeur de Topaze et réciter nos quelques devises avec une chorégraphie poussée. C'était la cérémonie traditionnelle où tous les souverains étaient présents pour honorer mon pouvoir. La deuxième partie était un défilé militaire. Généralement, tous les autres rois et reines partaient à ce moment de la cérémonie car cela touchait principalement la population. J'avais tout préparé minutieusement afin de rendre mon couronnement, le jour le plus exceptionnel des prochaines décennies.

La plupart des souverains étaient déjà présents dans ma salle d'accueil richement ornée, quelques heures avant la cérémonie officielle. Je les avais invité plus tôt, surtout par objectif de les tenir à l'œil sous couverture d'une action diplomatique. Je les dévisageai tous un par un. Si tous paraissaient respecter mon futur pouvoir, je savais qu'ils cherchaient avant tout à cerner le type de décisions politiques je pourrais instaurer, et comment ils pourraient en tirer bénéfice. Dommage pour eux, malgré mon manque d'expérience, je connaissais déjà un peu le domaine.

La reine Sophie de Diamant était majestueuse. Ses cheveux blonds bouclés, son regard glacial et hautain aussi que sa posture de souveraine inspiraient chez moi un sentiment à la fois de haine et d'admiration. Elle était de ses femmes que je haïssais naturellement tout en étant fascinée.

Le roi Fredderik d'Émeraude me salua et je lui rendis sa formule de politesse. Je n'avais pas d'aprioris sur lui. Il se contentait d'agir pour son pays, sans se soucier du reste de la politique internationale. Intéressant, mais cela ne restait pas une solution efficace. Que cachait-il sous ses airs de gentil petit roi ?

Le roi Philipp d'Améthyste qui paraissait si vieux que je ne craignais qu'il ne tomberait en décomposition aujourd'hui, le jour de mon couronnement. Je ne comprenais même pas comment celui-ci pouvait toujours gouverner alors qu'à chaque mouvement, il risquait de tomber et de ne jamais se relever. Quant à sa politique, je doutais sincèrement qu'il en ait une.

Le roi Nahar de Rubis n'était pas là. D'après ce que j'avais entendu la reine Sophie dire de lui, il n'était qu'un égoïste et prétentieux homme ne se souciant que de lui-même. J'avais ri intérieurement, songeant qu'elle était elle aussi pareil. En tout cas, le retard du roi de Rubis ne me laissait pas indifférente.

Le roi Masahiko Echoelys de Saphir, le seul dont on nommait systématiquement le nom de famille, me fit la révérence que je lui rendis. Il semblait être le plus souverain le plus acceptable, mais son royaume était trop pauvre. Je soupirai. Je crus voir la reine Sophie me dévisager au loin tandis qu'elle discutait avec notre homologue d'Émeraude d'un air intéressé. je ne mis pas longtemps à discerner que tous les rois se moquaient particulièrement de mon couronnement. Ils n'étaient ici que pour des buts politiques et que leur présence ici n'était qu'un prétexte pour discuter de traiter.
J'avais encore beaucoup de choses à apprendre, malgré tout ce que je savais déjà. J'eus alors ce sentiment de mépris envers mes homologues d'autres Pierres. Ils n'avaient tous aucune valeur à mes yeux.

⸻ Cela fait du bien de faire de nouvelles rencontres, déclara le roi Echoelys accompagné du roi d'Émeraude en venant à ma rencontre, je vous souhaite un bon couronnement Leilï de Topaze, je suis convaincu que la cérémonie sera grandiose.

Je perçus son regard que je jugeai hypocrite. Je me comportai de la même manière.

⸻ Je vous en remercie et je suis très fière d'avoir été choisie par mon peuple pour gouverner Topaze. C'est un véritable honneur pour moi, répondis-je poliment.

Dans le royaume de Topaze, le pouvoir pouvait se diviser en trois familles de sang royal et, chaque fois que l'ancien souverain mourrait ou abdiquait pour des raisons politiques, des élections avaient lieu entre trois représentants de chaque branche. Je fus désignée face à deux autres candidats qui, si cela ne tenait qu'à mon jugement, manquaient d'intelligence pour gouverner. Ce système nous était propre. Le royaume de Diamant était purement démocratique et la reine Sophie, réélue à plusieurs reprises par son peuple, en jouait beaucoup. Cela avait profondément le don de m'énerver.

Le royaume d'Améthyste possédait un système assez particulier. C'était les anciens souverains qui choisissaient dans un communiqué officiel le futur souverain et le peuple ensuite approuvait ou non ce choix. Généralement, il n'y avait que peu d'opposition car beaucoup des personnes choisies étaient appréciées par le peuple ou alors complètement inconnues. Tout reposait sur la sagesse et la confiance de la population envers le souverain. Je me demandai souvent comment leur système ne tournait pas au cauchemar.

Le royaume d'Émeraude était plutôt classique. On changeait de souverains à chaque mort d'un ancien. La seule particularité était que le bord politique de son successeur ne pouvait pas être le même que le précédent et qu'il devait donc y avoir une variation dans le parti politique au pouvoir. C'était ingénieux, bien que je doutais fortement de l'efficacité de ce régime.

Le royaume de Rubis était une royauté absolue. Il n'y avait jamais d'élections ou d'écoute du peuple. Le pouvoir se transmettait de génération en génération au sein d'une même famille descendant directement du premier roi de Rubis. Je savais que Nahar de Rubis appréciait beaucoup cela, et que cela expliquait notamment les grands désaccords depuis quelques années entre Rubis et Diamant, dont je pourrais tirer bénéfice.

Enfin, le royaume de Saphir était une monarchie familiale. La famille des Echoelys régnait depuis des siècles et écoutait les volontés de son peuple sous diverses référendum. Visiblement, leur système ne leur permettait pas de s'en sortir économiquement. C'était fort dommage.

Je pris encore quelques minutes à parler avec d'autres souverains. Je perçus très vite une méfiance de la reine Sophie de Diamant envers moi, sentiment que je partageai. Le reste des rois parurent m'apprécier, bien que je gardais mes distances. Au milieu des discussions, le roi Nahar de Rubis arriva enfin, avec presque deux heures de retard, ce qui était proprement scandaleux. Personne, et pas même les représentants de Diamant, première puissance de Mîr Amar, n'auraient agi ainsi. Il ne prit pas le soin de s'excuser et se contenta de se mêler à la foule en échangeant avec les autres souverains. Je ne le quittai pas du regard. Jamais je ne tolèrerais un tel irrespect envers Topaze. Puis, il vint à ma rencontre.

⸻ Votre Majesté Leilï de Topaze, c'est un honneur de vous rencontrer.

Je lui répondis poliment en le saluant à mon tour.

⸻ Et vous de même, votre majesté Nahar de Rubis. Même si je doute que vous soyez arrivé à l'heure indiquée, ce qui reste un manque à votre code d'honneur de roi. Je ne savais pas que Rubis avait aussi peu de principes.

Je le dévisageai en silence tout en observant le reste des souverains.

⸻ Je vois que vous avez l'œil votre majesté, fit le roi de Rubis, mais si je puis me permettre...

⸻ Je ne vous permets pas d'ajouter quoi que ce soit. Vous étiez absent à l'heure que j'ai expressément demandée, vous êtes en tort, répliquai-je en souriant docilement, mon royaume serait susceptible d'envahir le vôtre pour moins que ça.

Il se mit à rire. Je ne flanchai pas.

⸻ Créer une guerre rien que pour cela, n'est-ce pas de la barbarie ?

⸻ Non, un jeu de puissance, répondis-je sans le regarder, mon royaume, si je vous déclarais la guerre, détruirait presque entièrement la surface de Rubis. N'ai-je pas tort ?

⸻ Vous avez donc bel et bien une armée puissante ou alors n'est-ce là que de fausses paroles pour tenter de me dissuader d'échanger avec vous ?

Je m'esclaffai.

⸻ Ne prenez pas à la légère la puissance de Topaze, votre majesté.

⸻ Ni celle de Rubis.

Je commençai à l'apprécier. Je lui tendis ma main. Il fallait que je commence à m'imposer et à surprendre Mîr Amar. Alors, je souriais et je regardais Nahar de Rubis face à moi.

⸻ Faisons une alliance, une alliance inédite entre Rubis et Topaze face à l'ennemi.

Il hocha la tête, une lueur de malice dans le regard. Personne au vue des circonstances ne pouvait se douter de l'alliance que nous venions de créer. Décidément, la politique était vraiment un jeu amusant, surtout pour ceux qui le découvraient. Oromë, une célèbre de chanteuse que j'avais invitée pour la cérémonie, nous écoutait calmement, assise derrière nous. Lorsque le roi de Rubis m'eût quitté, elle se rapprocha de moi.

⸻ Je vois que vous ne tardez pas, votre majesté, à entrer dans le jeu géopolitique.

⸻ Je ne compte pas laisser mon manque d'expérience faire perdre mon pays. Aussi, vous comprendrez que je me dois de tenir tranquille les puissances rivales. Mais vous, les artistes, n'avez pas ce problème.

Elle me sourit légèrement.

⸻ Les artistes renient la politique tout en l'utilisant. Vous, c'est votre raison même d'exister. Tout comme nous, à l'état de nature, vous n'êtes rien.

Je pris une gorgée d'un verre de vin et lui tendis un verre qu'elle refusa poliment. Nous restâmes quelques minutes sans rien dire puis elle ajouta soudainement :

⸻ Me permettez-vous de vous donner un conseil, votre majesté ?

J'hochais la tête, ne sachant réellement ce que je ferais de ce qu'elle me dirait. Après tout, quel regard avait-elle sur ce qui se dressait devant moi ?

⸻ Ne prenez pas à la légère les autres souverains, ils sont impitoyables tous les uns que les autres, et, en tant que femme, beaucoup ont encore du mal à vous accepter dans la vie politique...

⸻ Mais pourtant, la reine Sophie de Diamant....

⸻ ...est constamment sur le qui-vive, continua la chanteuse, elle tient sa nature méfiante de ce que la politique a fait d'elle et de rien d'autre. Vous devez être comme elle si vous voulez restez sur le trône.

⸻ Je vois, fis-je simplement, mais ne vous inquiétez pas pour moi. Je sais déjà comment faire pour tous les mettre dans ma poche, et les retourner les uns contre les autres. Un jour, Topaze gouvernera tout Mîr Amar.

Oromë ne répondit rien, mais je savais qu'elle pensait beaucoup.

⸻ La cérémonie va bientôt commencer, une fois que le roi suprême et sa fille seront arrivés, déclarai-je, cette soirée sera la plus grandiose que le royaume de Topaze n'aura jamais connu.

⸻ Je n'en doute pas votre majesté, m'affirma en souriant Oromë

Je finis de diriger les préparatifs tout en surveillant les souverains. Je revis la planification de la journée, entre entrevues avec des journalistes, cérémonies, accueil des différents acteurs présents pour assister aux festivités. Tout cela, et en si peu de temps. Je courrai dans tous les sens, sentant peu à peu l'immensité de la cérémonie qui arrivait. Je revins aux côtés d'Oromë qui m'adressa un sourire compatissant.

⸻ Vous allez faire resplendir Topaze, ne soyez pas trop angoissée, me dit-elle d'une voix bienveillante en me prenant les mains.

Je lui répondis en souriant, et je me sentis plus rassurée.

Une servante vint à ma rencontre m'annonçant l'arrivée du roi suprême et de sa fille pour la cérémonie de couronnement. Je me levai aussitôt, la chanteuse m'imita et me quitta, probablement pour aller s'entraîner avant sa prestation durant le couronnement.

⸻ Le roi suprême Olympe Aramîr est arrivé, annonçai-je, allons l'accueillir comme notre devoir nous l'exige.

Aucun souverain ne vint me contredire et tous suivirent mes mouvements. J'entendis les chuchotements agacés de la reine Sophie de Diamant envers une de ses servantes qui l'accompagnaient, une certaine Léopoldine, à cause de sa maladresse. Le roi Philipp d'Améthyste et le roi Masahiko de Saphir étaient silencieux tandis que le roi Fredderik d'Emeraude et le roi Nahar de Rubis étaient en grande discussion politique. J'essayais d'écouter ce qu'ils disaient et en quoi j'aurais pu en tirer profit, mais malheureusement je n'obtins rien de bien intéressant.

Nous atteignîmes l'extérieur du château royal de Topaze et aperçûmes le roi suprême descendre de sa calèche dans sa tenue officielle d'un blanc très différent de celui, plutôt argenté, des Diamant. Nous fîmes aussitôt la révérence qu'il nous rendit. Avec lui, sa fille Hernulia Aramîr qui semblait en fin d'adolescence, portait également une tenue officielle et je devais reconnaître qu'elle resplendissait.

⸻ Nous vous apportons nos félicitations pour votre futur couronnement Leïli de Topaze, déclara le roi suprême dès qu'il fut à ma hauteur, je ne doute pas que vous serez une très bonne reine.

⸻ Je vous remercie, répondis-je poliment, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour garantir la sécurité de mon peuple.

Les autres souverains ne firent aucun commentaire, même si je voyais au visage de certains qu'ils doutaient de ma parole. Je pris cela en note dans mon esprit. Le loup était un loup pour l'homme, mais c'était d'autant plus le cas dans le monde politique.

J'invitai les autres rois et reine à retourner dans le salon principal du palais où ils pouvaient se rafraîchir et manger quelques spécialités de Topaze, que mes servants venaient d'apporter. La reine Sophie faisait goûter chaque plat qu'elle désirait manger à Léopoldine par crainte d'être empoisonnée. Le reste se montrait plus confiant et dégustait simplement la nourriture et les boissons mises à disposition, peut-être parce que la présence du roi suprême les rassurait.

Quant à moi, je discutai avec Olympe Aramîr dont je perçus très vite la sagesse.

⸻ Tous les invités sont arrivés ? me demanda-t-il au cours de la discussion

⸻ Oui, les membres des trois familles de Topaze sont arrivés il y a quelques jours, les différents souverains sont présents ainsi qu'une journaliste de la Gazette des Pierres avec qui j'aurais un entretien dans un peu moins d'une heure, et la chanteuse Oromë pour le couronnement.

Il hocha la tête poliment, et ne dit rien de plus. Sa fille restait silencieuse. Lorsque nous fûmes dans le salon, il me fit la révérence et partit discuter avec d'autres souverains. Hernulia, elle, préféra engager la discussion avec des servants dont Léopoldine, celle de la reine Sophie, qui avait pu s'espacer un instant.

L'entretien avec la journaliste arriva rapidement donc je me dirigeai vers la salle du trône où celui-ci aurait lieu, à l'abri des regards. Je passai devant la salle où Oromë s'entraînait puis j'atteignis ma destination. Je vérifiai mon apparence et, voyant que j'étais toujours aussi satisfaite de ce que je dégageai, j'entrai dans la salle.

La journaliste était déjà présente et relisait ses notes, concentrée. Elle portait de courts cheveux bruns coupés au carré, des yeux marrons profonds, des grains de beauté, un visage fin et fermé. Sa tenue était très soignée et je devinai très vite qu'elle était professionnelle. Tant mieux. Elle releva la tête en m'entendant arriver, et fit une révérence.

⸻ Bonjour votre majesté, je m'appelle Alone et je suis une des patrons de la Gazette des Pierres et journaliste, se présenta-t-elle avec politesse.

⸻ Bonjour, enchantée de faire votre rencontre. Je vous en prie, asseyez-vous, fis-je en lui montrant une chaise.

Elle obéit. Elle sortit aussitôt ses carnets, son stylo, et m'informa qu'elle me poserait plusieurs questions dont les réponses que je donnerai seraient retranscrites exactement comme je les avais prononcées. Cela me semblait parfait alors nous commençâmes l'entretien.

⸻ Vous êtes la plus jeune des souverains, pensez-vous que cela impactera votre arrivée dans la politique et la perception que l'on aura de vous sur la scène internationale ? demanda Alone

⸻ Bien sûr, répondis-je aussitôt, tout le monde me verra comme la jeune inexpérimentée facilement manipulable et prenant de mauvaises décisions. Je pense que ce genre de jugements est complètement erroné et que beaucoup de vieux souverains commettent aujourd'hui beaucoup d'erreurs dans leur rôle politique. Je pense que mon œil neuf sur la situation nous sera très rapidement bénéfique, et que mon énergie de jeune politicienne nous fera prendre de bonnes directions pour Topaze. Aussi, le fait que tous aient des aprioris sur moi, va également me permettre de les surprendre dans le jeu politique.

Je la voyais prendre des notes rapidement.

⸻ Quelles sont vos priorités pour votre royaume ? continua-t-elle

⸻ Sans trop développer ce point, il s'agira surtout de développer des alliances, augmenter notre puissance de Topaze et réussir à nous imposer davantage et continuer à améliorer le fonctionnement de notre armée.

⸻ Selon vous, est-ce dur, en tant que femme aujourd'hui, de gouverner ?

⸻ Bien sûr, je suis convaincue que Mîr Amar, depuis presque mille ans, n'a jamais été réellement capable de tolérer la présence d'une femme à la tête d'un Etat. On peut facilement prendre les chiffres. Plus de deux tiers des souverains ont été des hommes dans tous les royaumes, les femmes sont plus facilement victimes de toutes sortes de critiques et d'actes à leur encontre que les hommes, et je suis là aussi dans le but de changer cette vision néfaste que l'on peut avoir des reines qui sont tout aussi capables que leurs homologues masculins de diriger un pays.

L'entrevue dura encore quelques minutes. J'appréciais la compagnie de cette journaliste dont je trouvais les questions très pertinentes. Elle, au moins, ne me percevait pas comme une jeune fille simplette qui découvrait la vie. Je lui en étais reconnaissante.

⸻ Je demanderai à trois journalistes amateurs mais très prometteurs, Leroson, Cynelia et Lasaria de corriger et de réfléchir à la mise en page de l'article. Celui-ci devrait être prêt et diffusé dans quelques jours. Nous avons obtenu l'accord de tous les royaumes pour qu'il soit distribué partout.

J'hochais la tête.

⸻ Merci beaucoup Alone, et bonne continuation à vous.

⸻ Je vous souhaite une bonne cérémonie votre majesté, me répondit-elle

Je quittai alors la salle et tout s'accéléra soudainement. Tous les invités durent rejoindre leur place attitrée dans la cour du palais. Les habitants de Topaze commencèrent à se placer dans la fosse. Moi, je dus recevoir les dernières retouches de maquillage, ajustements de tenue et de coiffure. Je me trouvai vraiment magnifique ainsi et j'étais désormais prête à me faire une place dans Mîr Amar.

La première cérémonie se déroula très bien. Oromë chantait nos hymnes patriotiques sur la puissance de Topaze. Alone prenait des notes de ce qu'il se passait, les autres souverains se contentaient d'observer, le peuple chantait à l'unisson. Je ressentis aussitôt une immense fierté à être de Topaze et de gouverner ce territoire.

Peuple de Topaze, sous le coup de l'épée
Vous, armés, près au prochain combat
Vous qui tranchez de vos mots tous les scélérats,
Vous agissez uniquement sous votre propre volonté.

Tout fut grandiose, à l'image de Topaze. Même la reine Sophie de Diamant paraissait en avoir plein la vue. Il y eut une entracte entre les deux parties de la cérémonie. Curieusement, aucun souverain ne partit et tous, sauf la reine Sophie, me complimentèrent pour l'investissement que j'avais mis dans mon couronnement. Je n'eus ni l'occasion de parler au roi suprême, ni à Oromë, ni à Alone mais je pensais à eux durant toute l'entracte.

La deuxième partie fut tout aussi extraordinaire avec le long défilé des soldats qui récitaient les valeurs de Topaze. Je dirigeai le défilé. En tout, la cérémonie dura plusieurs heures. Personne n'en détacha le regard. J'avais réussi mon pari politique.

Tous les soldats se mirent ensuite sur le côté. Je fus seule au centre de la cour, sous les regards de la foule. Puis, le roi suprême se leva, fit la révérence, et se mit à mes côtés. Plus personne ne parlait, tout était entièrement silencieux. Toute l'attention était concentrée sur moi, et moi seule. Mon cœur battait vite dans ma poitrine.

Olympe prit la couronne officielle de Topaze et la posa sur ma tête. Je me tournai vers le soleil qui éclairait mon visage et vers mon peuple. Ilse mit à mes côtés et déclara d'une voix forte que je n'oublierai jamais :

⸻ Je proclame Leïli de Topaze, reine du territoire de Topaze aujourd'hui. Que son règne soit glorieux et prometteur pour l'avenir de Mîr Amar. Longue vie à la reine !