Un regard derrière lui, personne. Alors Bastien continua son chemin dans l'obscure ruelle. C'était un lieu plutôt terrifiant de nuit. Et la solitude ne l'aidait pas à se sentir bien. Il aperçut enfin sous un lampadaire un homme avec un chapeau qui fumait une cigarette. Allez ! Il était venu pour ça. Rassemblant son courage il s'arrêta devant lui, se retint de tousser en respirant l'affreuse odeur du tabac et déclara les mots convenues :

— La lune est belle ce soir.

L'homme ne réagit pas d'abord. Le jeune homme se questionna alors. Avait-il fait erreur ? N'était-ce pas un piège ? Puis l'autre jeta sa cigarette au loin et lui dit d'une voix rauque.

— Suis-moi !

Il avançait d'un pas rapide. Bastien devait presque courir pour rester derrière lui. Puis ils arrivèrent devant une librairie, rideau de fer abaissé. L'homme frappa à la fenêtre et le mena à l'arrière de la boutique devant une porte. Elle s'ouvrit sur une femme à grosses lunettes, qui le toisa des pieds à la tête.

— Entre ! lâcha-t-elle.

Pénétrant dans l'arrière-boutique seul, elle ferma à clef derrière lui. Ses yeux brillèrent devant tous les ouvrages stockés autour de lui.

— D'abord montre-moi que tu as l'argent !

Il sortit la liasse de billet de sa poche. C'était une somme énorme qu'il présenta nerveusement. La fille hocha la tête, satisfaite.

— C'est par là ! invita-t-elle.

Dans une toute petite pièce adjacente un homme chauve, un piercing à l'arcade sourcilière, les attendait.

— Eh bien t'es tout jeune ! commenta-t-il.

— Il a l'argent, affirma la fille dans son dos.

— Je veux voir le livre d'abord ! Que ce soit bien un vrai, se défendit Bastien.

L'homme haussa les épaules et se décala en lui présentant sur un pupitre l'objet de toutes ses convoitises. Bastien s'en approcha, tremblant. La couverture était en cuir, il savoura ce contact sous ses doigts avant de feuilleter l'ouvrage. Il reconnut l'écriture de son ancêtre sans souci. Il poursuivi son exploration, examinant les espèces présenter dans le bestiaire. C'était bien un original. Arrivé au kraken il referma le livre convaincu.

— C'est un vrai, proclama-t-il.

— Alors tu le prends ? demanda l'homme.

— Oui, dit-il en tendant la liasse de billet.

Tandis que l'homme comptait l'argent il serra l'ouvrage sur son cœur. Encore un exemplaire qui revenait dans la famille.

— Le compte est bon ! Bonne lecture mon gars ! Quand tu verras ce qu'il a découvert sous les eaux ce type tu vas en faire des cauchemars ou rêver c'est au choix.

S'il savait réellement, songea Bastien.

Il serra le livre contre lui jusqu'à la maison familiale où il jeta le livre dans la cheminée. Il le regarda brûler le cœur serré. Un si bel ouvrage ! Des découvertes si extraordinaires ! Mais il se souvenait de la promesse de son grand-père, de sa folie. Personne ne devait se douter de ce qui vivait au fond des eaux, sinon le monde perdrait la raison à son tour.