Suzanne était fatiguée, elle avait tout donné sur scène. Il était tard lorsqu'elle s'allongea enfin dans son lit.

La jeune femme vivait dans une mansarde, sous les toits de Paris.

André, le gérant du cabaret, lui prêtait le logement gratuitement. Oui, c'est vrai que la chanteuse était sa petite favorite des employés. Et cela procurait certains avantages.

Non pas qu'André ne lui demande quelque faveurs intimes. Le gérant était un quinquagénaire qui flairait l'affaire dans la voix et dans le charme de la jeune femme. Mais il était droit dans ses bottes. Il aimait sa femme, et en était fier.

Celle-ci gérait les serveurs et le repas, tandis qu'André s'occupait du spectacle.

L'homme n'avait pas fait la guerre. La faute à sa jambe paralysée, qu'il trainait derrière lui depuis qu'il s'y était pris un éclat d'obus. Enfin, c'est ce qu'il racontait.

Suzanne ne connaissait pas la véritable histoire, et se demandait si ce n'était pas plutôt une balle de revolver qui avait eu raison de sa mobilité. Elle pensait que son patron n'avait pas vraiment u envie de soutenir son pays, peut-être avait il cherché un moyen...

Elle le connaissait depuis maintenant trois ans. La jeune femme l'avait rencontré pendant la guerre, alors qu'elle était vendeuse en boulangerie.

Elle tentait de gagner sa pitance comme elle le pouvait. Mais un logement sur Paris, ça coutait un bras !

Alors elle avait accepté la proposition d'André, qui déjà à l'époque, disait que les gens avaient besoin de divertissement. Oui, même en temps de guerre.

Au début, le gérant l'avait embauchée en tant que serveuse. Puis, il lui avait proposé d'auditionner, lorsque sa chanteuse l'avait lâché.

Et, à sa plus grande surprise, Suzanne chantait diablement bien.

Alors, elle avait pris le poste.

Et depuis, elle logeait ici, et gagnait de mieux en mieux sa vie. Oui, sa vie lui plaisait.