Nouvelle pour les XXIVèmes Joutes Wattpadiennes des @EditionsManticore
L'homme qui tua Alexander Hamilton
~~~
BAM.
11 juillet 1804.
Un coup de feu.
Celui qui lui coûta la vie.
Je le vois s'écrouler, calme, paisible. Entre ses côtes, une balle. Dans ma main, le pistolet d'où elle provient.
Qu'est-ce que j'ai fait ?
Mes oreilles bourdonnent, le sang bat à mes tempes.
Je commence à regretter.
Qu'est-ce que j'ai fait ?
Je tente de m'approcher, l'esprit vide. Je veux réparer mon erreur.
Mais le puis-je seulement ?
Qu'est-ce que j'ai fait ?
On m'éloigne. On m'éloigne avant que je ne puisse effectuer la moindre action.
Je le voudrais pourtant. Je voudrais faire quelque chose. Dire quelque chose.
Mais en avais-je le pouvoir ?
En avais-je... Le droit ?
Probablement pas. Pas après ce que j'ai fait.
Qu'est-ce que j'ai fait ?
Nous quittons Weehawken Heights, retraversons l'Hudson.
Il fait de même, aidé par son second et le médecin. Ils semblent paniqués. Pas lui.
Qu'est-ce que j'ai fait ?
Je repense à la raison de notre présence à cet endroit précis ; les duels sont interdits à New-York. Mais tout est légal dans le New-Jersey.
J'en viens à regretter ce fait. Peut-être que cela aurait pu nous empêcher de... M'empêcher de...
Qu'est-ce que j'ai fait ?
Je songe à présent à la cause de ce conflit. Une bagatelle. Des propos injurieux, une absence d'excuse. Pourquoi me suis-je laissé emporter ainsi ?
Ça ne me ressemble pourtant pas...
Qu'est-ce que j'ai fait ?
Mes pensées se bousculent dans mon crâne, et cette même question résonne, inlassablement, comme pour me hanter.
Et c'est seulement le lendemain, des heures plus tard, que tout s'arrêta enfin.
Je l'avais tué.
Lorsque j'appris la nouvelle, quelque chose se brisa.
Mon sang me semblait brûlant et glacé, mon cœur me pesait, lourds de mes regrets, de mes erreurs. Mes pêchés rampaient dans mon dos.
J'ai du mal à respirer.
Je l'avais tué.
Je songe à sa femme. À ses enfants encore en vie.
Lorsque j'ai tiré, je ne pensais qu'à moi, à ma fille. Je ne voulais pas la laisser devenir une orpheline. Je savais déjà ce que cela faisait.
C'était probablement égoïste.
Le monde avait besoin de lui.
Je connaissais la souffrance de perdre un proche. Pourtant, j'ai infligé cette sensation à de nombreuses personnes.
J'aurais dû savoir. J'aurais dû réfléchir.
Il était aimé par beaucoup, pourtant j'ai orchestré son départ de leurs vies. Certains se tenaient à ses côtés lorsqu'il mourut.
Et j'en suis la cause.
Tout est de ma faute.
Où est-il à présent ? Son corps est enterré à Trinity Church, mais son esprit ? A-t-il disparu, lui et toutes ses idées, sa passion, ses valeurs, ces mondes qu'il continuait de créer et de détruire dans son cerveau ?
Ou a-t-il rejoint ses camarades de guerre, son fils, sa mère, Washington, tous ceux qu'il a perdus, ces proches auxquels il a tenu, dans un Paradis, un autre côté, un meilleur endroit, plus calme, plus doux, loin des problèmes de la vie ?
A-t-il croisé mes parents, ma famille ? Ma chère et tendre Theodosia ? Est-il en train de leur parler ?
Leur raconte-t-il comment il est mort ? Pourquoi ? De la main de qui ?
Décrit-il précisément le duel ? Qui tira en premier ? Qui étaient les témoins ?
J'aimerais y être, pour connaître sa version des faits. Et pour lui poser une question.
Car, à ce jour, je ne puis toujours me décider si, tirant dans l'arbre derrière moi, il toucha sa cible ou non.
Et je n'aurai probablement jamais de réponse.
Je l'ai tué.
Je l'ai tué.
Je l'ai tué, il est mort.
Mort.
Pourquoi l'ai-je tué ?
Qui suis-je pour choisir qui vit ou meurt ?
Nous n'étions pas en guerre. Ce n'était pas un ennemi. Je l'ai tué de mon plein gré.
Qu'est-ce que j'ai fait.. ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?
Sa voix résonne dans ma tête. Son image ne me quitte jamais.
J'aimerais dire que ce n'est pas de ma faute. J'en suis incapable.
Je revois tous ceux qui trépassèrent. Ils me regardent. Ils demandent pourquoi j'ai fait ça.
Je ne sais pas quoi leur répondre.
J'ai du mal à dormir. Comment pourrais-je dormir alors que je l'ai condamné au repos éternel ?
J'ai du mal à sourire. Comment pourrais-je sourire alors qu'il ne sourira plus jamais ?
J'ai du mal à respirer. Comment pourrais-je respirer alors que je l'ai fait pousser son dernier soupir ?
J'ai du mal à vivre. Comment pourrais-je vivre.. ?
Je voudrais m'excuser. Mais il ne peut pas m'entendre.
Et rien ne pourrait pardonner ce que j'ai fait.
Qu'est-ce que j'ai fait.. ?
À présent, le futur m'est flou, gris.
Ma carrière politique est vouée à l'échec. Je suis considéré comme un meurtrier, un criminel. Plus personne ne me fait confiance.
L'Histoire ne racontera que mes erreurs, les choix que j'aurais dû faire, les décisions que j'aurais dû prendre.
Et alors que lui sera considéré comme un grand homme, un génie stratégique, un excellent politicien, parti de rien pour finalement percer ; le monde ne me verra que comme le méchant.
Je ne serai plus moi-même.
Je ne serai plus qui je suis.
Mon nom ne sera prononcé qu'avec antipathie.
Personne ne s'intéressera à mes bonnes actions, à ce que j'ai essayé d'accomplir.
Personne ne verra en moi le personnage, l'être humain, qui a fait de son mieux. Qui a tenté de faire de son mieux.
Finalement, mon héritage est sécurisé, peut-être mieux que si j'avais réussi politiquement parlant :
je suis l'homme qui tua Alexander Hamilton.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro