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Nouvelle pour les XXIèmes Joutes Wattpadiennes des @EditionsManticore

Mémoires de mes vies,
Moi, jour d'aujourd'hui.

J'ai vécu ma première vie comme si ce devait être la dernière.

Je suis née femme dans une famille aisée habitant une grande ville aux États-Unis d'Amérique, dans les années 1700, 1750 peut-être. La révolution et la guerre d'indépendance eurent lieu dans ces eaux là ; mais peu importe.

À cette époque, l'un des mots que l'on aurait pu utiliser pour me qualifier serait « entourée ». En effet, en plus d'appartenir à une vaste famille munie d'une fratrie bien remplie, j'étais d'un naturel doux et sympathique qui m'attira l'amitié de nombreuses personnes. À moins que ce ne soit grâce à la fortune de feu mon père, qui sait ? Ça n'a plus d'importance aujourd'hui.

La vie était douce, simple, et j'étais alors heureuse, fort aimante et peut-être un peu trop indulgente envers le monde. Sûrement par naïveté, je croyais dur comme fer que chaque événement, bon ou mauvais, avait une raison d'être, un but, et que rien n'était injuste.

La vie alors n'était pas encore ce long fleuve noir et agité dans lequel chacun se débat, seul, pour tenter de garder la tête hors de l'eau et ne réussir qu'à retarder de quelques instants l'inévitable noyade. Non, à mes yeux en ces temps reculés, la vie était un jardin, un grand et magnifique jardin, et chaque bonheur comme chaque tragédie apportait de l'eau aux plantes fleurissantes qu'étaient les relations humaines.

Et cette vision des choses me convenait. Après tout, ce n'est pas pour rien si l'on dit : « Heureux sont les simples d'esprit ».

Lorsque j'atteignis l'âge de me marier, j'épousai un homme et mis au monde une ribambelle d'enfant, comme c'est ce que l'on attendait des femmes en ces années là. Plus tard, mon mari me trompa avec une damoiselle, et je le lui pardonnai. La rancune n'était pas une option dans mon esprit. « Je l'aimais » n'était même pas suffisant pour exprimer mes sentiments, et bien qu'il m'ait fait du mal, je n'aurais jamais pu faire une croix sur lui.

Il pouvait prendre mon cœur, le déchirer, le piétiner, le traîner dans la poussière, le déchiqueter, le réduire en charpie, l'abandonner à la merci des charognards ou même simplement l'oublier que celui-ci brûlerai toujours d'une flamme ardente. L'Amour a une façon bien à lui d'agir selon ses envies. Même aujourd'hui, il garde une place dans mon esprit.

Je supportai aussi la mort d'un de mes fils, évènement, bien que ma foi courant étant donné les mœurs de l'époque, beaucoup plus destructeur que ce que l'on aurait pu croire. Elle fut rapidement suivie par celles de mon époux, de la quasi-totalité de mes frères et sœurs, et de mes parents. Je ne mourus cependant pas avant un âge avancé, gardant le sourire, me répétant l'histoire de chacun de mes proches, me persuadant qu'ils n'étaient pas mort en vain car ils avaient vécu.

Et la mort me cueillit en tant que femme, une femme pleine d'espoirs qui n'attendait plus qu'une chose : revoir les êtres chers qu'elle avait perdus.

Puis, le noir survint.

Lors de ma seconde vie, je ne me souvenais en rien de ce qui m'était arrivé : je n'avais aucunement conscience d'avoir eu une vie antérieure. Mais peut-être cela était-il dû au fait que je n'avais aucunement conscience d'être en vie. Avais-je seulement une conscience ? Je ne peux m'en rappeler pour sûr.

Tout ce qui m'importait à ce moment était d'utiliser l'eau et la lumière du soleil pour grandir, devenir plus grand, plus fort. Un but simple, dicté par la nature elle-même.

Cela m'était bien évidement inconnu à l'époque, mais je peux à présent affirmer que j'étais un Trifolium incarnatum, espèce courante de Trifolium, un végétal de la famille des Fabaceae, de l'ordre des Fabales et de la classe des Magnoliopsida.

Pour faire plus simple, j'étais un trèfle incarnat, connu aussi sous le nom de trèfle du Roussillon ou trèfle farouche.

En bref, l'idée d'une vie simple et sans vague en perspective.

Et ce fut le cas. Mes camarades du règne Plantae récoltaient de l'eau, de la lumière, et transformaient le dioxyde de carbone en dioxygène, tout comme moi. Ils s'élevaient vers le ciel, tout comme moi. Ils laissaient leurs racines s'enfoncer de plus en plus profondément dans la terre, tout comme moi.

Et ils moururent rapidement et sans même s'en rendre compte, tout comme moi.

Je n'ai jamais su ce qui m'acheva ce jour ci ; une tondeuse à gazon ? Un enfant jouant dans l'herbe ? Un animal creusant la terre ? Tout ce que je sais, c'est que tout ce que je pouvais ressentir s'arrêta d'un coup.

Et la mort me cueillit en tant que plante, une simple plante qui ne comprenait rien et ne cherchait pas à comprendre, et qui peut-être songeait, sans même être capable de s'en souvenir tout ce temps plus tard.

Puis, le noir survint.

Durant ma troisième vie, toutes les perceptions que j'avais pu avoir en tant que végétal étaient si floues dans mon esprit qu'elles avaient fini par disparaître. Tel un songe qui s'évanouit aux premières minutes du réveil.

En revanche, les remembrances de ma première existence, de ma "Moi" du passé, me revenaient plus précisément que si je venais à peine de les vivre. Comme s'ils appartenaient à cette vie ci. Pourtant, rien de tel ne m'était jamais arrivé, je ne comprenais pas.

J'étais alors un jeune garçon espagnol un peu banal, issu d'une famille de pêcheurs ni pauvre ni riche, empli d'ambitions, de rêves et de passions. Peut-être aurais-je pu aller loin, devenir quelqu'un. Peut-être.

Mais ces souvenirs me hantaient.

Qui diable était cette personne dont l'existence se déroulait dans ma tête ? L'avais-je inventée ? Ou me rappelais-je réellement de ces événements dont je ne faisais pas partie, de cette famille que je n'avais jamais rencontrée, et de cette femme, qui n'était pas moi ?

Je n'étais pourtant pas fou.

J'évoquai tout de même ces faits étranges à ma famille, cherchant une réponse à mes questions. On me diagnostiqua un trouble psychologique quelconque. Ma mère voulut me faire interner, elle me criait de penser à eux, à leur réputation. Mon père me supplia de changer, de guérir. Il fallait les comprendre : la folie était mal vue à l'époque. Elle l'est toujours.

Mais je ne pensais pourtant pas être fou.

Alors je me tus. Je décidai de cacher ce que je savais, je transportai ce lourd secret partout avec moi, refusant de le dévoiler à qui que ce soit. L'histoire se déroulant dans ma tête ne pouvait pas être réelle, j'avais dû l'imaginer, ou la lire quelque part. Ma mémoire me jouait forcément des tours. Mais cela avait l'air si vrai... J'y croyais, pourtant... Personne ne devait savoir. Personne ne POUVAIT savoir. C'était pour le mieux.

Peut-être étais-je fou finalement.

Alors j'abandonnai mes rêves, abandonnai mes projets, abandonnai mes envies. Abandonnai ce que je savais être réel en faveur de ce que pensaient les autres. Je me contentai de ce que j'estimais être à ma portée. À la portée d'un adolescent à l'esprit malade et incapable de le contrôler. La majorité était saine d'esprit, et je n'en faisais pas partie. Alors à force de me croire fou, je le devins.

Cette fois ci, la mort me cueillit en tant qu'enfant, un enfant triste qui ne croyait plus en lui, en rien, et qui ne souhaitait plus qu'une chose : partir, puisque c'était là la seule chose qu'il avait le pouvoir de faire.

Puis, le noir survint.

Ma quatrième vie ne m'a pas vu naître. Je trépassai à la naissance, sans même savoir ce que j'étais. Ce que j'aurais pu être.

Et la lumière se fit.

Avant même que l'aube de ma cinquième vie ne se précise, je compris exactement ce qui m'arrivait. Et j'en fut terrifié.

Les souvenirs affluaient en un torrent de vérité et je su alors, je su que j'avais été naïve mais satisfaite, qu'un jour je tendais mes feuilles vers le ciel pour n'être plus qu'un engrais naturel le lendemain, que je n'étais pas fou, et, enfin, que j'étais mort. De nombreuses fois. Et que, pourtant, je vivais encore.

Et cela peut peut-être sembler cocasse, mais l'idée de ne pas mourir, ou plutôt de renaître tel un phénix, mais sous une autre forme, une toute nouvelle personne, ne me paraissait pas le moins du monde alléchante. Peut-être cela aurait-il pu tenter quelqu'un d'autre, mais pas moi.

Moi, ça me faisait seulement peur. Terriblement peur.

Mais je crois que le point culminant de cette crainte s'atteignait lorsque je pensais à la naissance.

Tout le monde a déjà eu cette inquiétude, plus minime pour certains que pour d'autres, lors de l'attente de l'heureux événement. Après tout, cela représente l'arrivée d'un petit être pur et neuf dans sa vie, ce n'est pas rien. La possibilité d'un problème, lors de l'accouchement ou plus tard, tourmente forcément les esprits.

Mais qui, de toutes ces personnes, est déjà mort à la naissance ?

Qui a vécu personnellement l'expérience de ne pas vivre plus de quelques instants ?

Et qui peut se vanter de connaître le sentiment de perdre son enfant, ou de se perdre soi-même, et de pouvoir s'en relever comme si de rien n'était ?

Certainement pas moi.

Alors ma cinquième vie se contenta de ça. Penser à ça. Craindre ça. Abhorrer ça. Tout faire pour l'éviter, s'en éloigner le plus possible, au point d'en déclencher une paranoïa et de passer son temps à tourner autour, toujours ça en tête mais incapable de se laisser y songer en détail, ou ne serait-ce que de prononcer un mot à ce sujet.

J'avais si peur.

Ce comportement, bien que se dissipant légèrement avec le temps, continua jusqu'à ma mort. Chaque proche attendant un enfant me mettait dans un état d'appréhension important, chaque accouchement m'épouvantait, chaque enfant né en bonne santé m'emplissait de jalousie et chaque heureux parent m'inspirait toute la colère du monde tant il me coûtait de voir que d'autres aient pu éviter ce que j'avais subit.

Je n'eus évidement pas d'enfant durant cette période.

Et cela aurait probablement continué si...

Si ma sixième vie n'avait pas été aussi... Spéciale.

En effet, la mort me cueillit lors de la sixième de mes vies comme une Chelonia mydas, ou tortue verte, qui ne put faire plus de deux mètres hors de l'œuf avant de s'envoler, coincée entre les serres d'une Fregata magnificens, ou frégate magnifique.

Puis, le noir survint.

Et je réalisai alors enfin que la vie était courte, parfois bien plus que ce qu'on aurait voulu, et qu'il était en mon devoir d'en profiter un maximum.

J'en étais alors à ma septième vie, en tant que jeune femme française et pleine d'avenir, et j'étais bien décidée à faire tout ce qui était en mon pouvoir pour en faire un véritable paradis. Cette décision se poursuivit lors de ma huitième vie.

Et à présent, je suis vieux.

Oui, vieux est bien ce qui me caractérise le mieux aujourd'hui.

Je suis toujours "Moi".

La même personne au fond de mon cœur.

Je n'ai pas changé et pourtant, je suis si différent.

Je me suis instruit. J'ai étudié les sciences, notamment la botanique et la zoologie. Énormément. Je voulais tout savoir sur ce que j'avais pu être. Je m'intéressai aussi beaucoup à l'histoire, désirant en connaître le plus possible sur les périodes durant lesquelles j'avais vécu.

Pendant ma longue vie, cette longue et neuvième vie, je n'eus pas la chance de donner naissance à un enfant, ma regrettée compagne étant stérile. Nous voulûmes adopter, mais ce projet n'aboutit jamais, ma chère et tendre épouse succombant à une grave maladie après des mois de lutte.

Alors, à la place, je m'occupais des enfants des autres.

Dans ma jeunesse, j'étais souvent le cousin, voire le grand frère de cœur, puis je fus le tonton rigolo, ma femme, de son vivant, étant alors la tata excentrique. Maintenant, je suis le papi-pote d'un peu tout le monde.

Les voisins, les amis, et la famille me confient leurs chérubins, et je les emmène au parc, leur donne à goûter, leur prépare des activités, de la cuisine de gâteau jusqu'à l'atelier peinture en passant par la découverte des animaux du jardin.

Et ils rentrent chez eux en fin d'après-midi, tout fiers de leurs nouvelles expériences.

Et à présent que l'automne de ma vie resplendit de feuilles tombantes, je me questionne.

Ai-je été heureux ?

La question du bonheur fut quelque chose de très important pour moi, surtout pendant ma septième et ma huitième vie.

Il faut rappeler que je n'ai jamais su, et ne saurai probablement jamais, combien de vies exactement me seraient délivrées. Cette renaissance éternelle trouvera-t-elle un jour un point final ? J'avais pensé que si cela devait arriver, cela arriverais à la fin de ma septième vie, mais force est de constater que je suis là, encore.

Pourtant, sept semblait être un bon nombre.

Alors peut-être que cette fin sera atteinte à la fin de cette neuvième vie, comme pour un chat.

Ou peut-être que cela ne s'arrêtera jamais, qui diable peut en attester sans douter ?

L'incertitude reste présente.

Alors je m'interroge encore.

Ai-je été heureux ?

Et, après presque neuf vies entières d'existence, alors que j'écris ces quelques mots par peur de disparaître sans aucune trace, j'ai le regret de constater que je suis incapable de répondre à ma question.

Peut-être n'est-ce pas plus mal.

Malgré tout, je peux affirmer une chose : cette expérience aura marqué mon âme éternellement.

Car oui, au final, ces vies m'ont énormément changé, chacune à leur manière.

Pourtant, je sais que, loin, très loin, au plus profond de mon être, je suis toujours cette femme américaine au grand cœur.

Je suis toujours ce trèfle indistinct parmi une forêt d'autres identiques.

Je suis toujours ce gamin espagnol qui n'avait seulement besoin de quelqu'un pour croire en lui.

Je suis toujours ce fœtus qui n'est jamais né.

Je suis toujours cette pauvre personne terrifiée à l'idée de perdre un enfant, ou de perdre plus.

Je suis toujours cette tortue de mer juvénile qui n'atteignit jamais l'océan.

Je suis toujours ces deux autres personnes qui tentèrent de faire de leur vie la meilleure chose possible en en dégustant la moindre seconde.

Et le faux grand-père que je suis en écrivant ces lignes est empli de ces vies antérieures, qui le forgent tel qu'il est. Tel que je suis. "Moi".

Maintenant, je n'ai plus qu'à attendre.

Attendre que la mort vienne me cueillir en tant que vieillard, un vieillard souriant, admirant l'avenir comme une chance, une aubaine, et qui ne reste debout plus que pour une chose : être heureux, en profitant de ce que la vie lui réserve.

Jusqu'à ce que le noir survienne.

Fin, pour ces neuf premières vies du moins.
Moi, 92 ans, 3 mois, 16 jours et 8 vies.

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