Dans la ville de Fort-de-France, sur l'île de la Martinique, habite Vincent Guillaume. Il a 10 ans, l'âge du rêve...

     Sur cette île des Antilles, le climat est tropical et attire les touristes du monde entier. Ils y viennent se détendre, se reposer du stress d'une civilisation modernisée. Aller sur une île des Antilles est surtout le rêve des occidentaux de l'Amérique du Nord; mais pour Vincent, son plus grand rêve est de voir cette chose magique et mystérieuse : la neige.

     Chaque jour, après l'école, il déambule à proximité de l'aéroport de sa ville et imagine dans sa tête les aventures rocambolesques qui lui arriveraient s'il pouvait aller une fois au Canada ; ce pays réputé pour ses hivers rigoureux ... et enneigés !

     Jour après jour, un projet germe dans son esprit. La nuit, dans le silence de la maison, il règle les détails, observe attentivement chaque partie de son plan. Il se sent un peu comme un espion avant une mission importante.

     La veille du grand jour, Vincent est assis à sa table de travail et il vérifie une dernière fois les étapes de sa mission.  Après s'être assuré que tout est en ordre, il écrit un petit mot à ses parents :

« Papa et Maman,

Je vais prendre l'avion qui va au Canada pour aller jouer dans la neige et faire des châteaux de glace. Ne vous inquiétez pas pour moi, tout va bien aller.

Votre fils qui vous aime, Vincent xx

P.S. : Ne t'inquiète pas Maman, j'ai pris des vêtements chauds.»

     Ce devoir accompli, Vincent se couche et s'endort en rêvant du lendemain.

Le jour «J» arrive enfin.

     Comme d'habitude, Vincent se prépare pour l'école. Il dépose sa lettre sur son oreiller, prend ses livres, embrasse sa mère et sort de la maison.

     Il marche lentement jusqu'au buisson de poinsettias, y dissimule ses livres et attrape ensuite le petit baluchon de vêtements et de nourriture qu'il y avait caché. Ensuite, il prend ses jambes à son cou et file à l'aéroport.

     Dans un petit aéroport, la sécurité est moins vigilante que dans les gros; aussi Vincent réussit-il à se faufiler jusqu'à l'aire d'embarquement des bagages.

     Ses yeux fouillent parmi toutes ces valises et Vincent découvre enfin ce qu'il cherchait : une grosse malle appartenant à un diplomate connu. Vincent sait que cette malle sera mise à l'intérieur de l'avion, car l'illustre personnage peut se prévaloir d'un traitement de faveur.

     Vincent examine autour de lui : personne pour remarquer son manège ! Vivement, il ouvre la malle, enlève quelques vêtements de son contenu et les cache dans un coin. Ensuite, il s'engouffre dans la grosse valise et referme le couvercle.

     Quelques 15 minutes plus tard, le vol à destination de Montréal est en partance et peu après, il survole l'Océan Atlantique. Dans son drôle de compartiment, Vincent jubile littéralement de plaisir et d'impatience, tout en grignotant quelques biscuits pigés dans son baluchon. Le vol se fait sans encombre et quelques heures plus tard, Vincent sent que l'avion atterrit et qu'on le transporte au sol.

      Il attend plusieurs minutes, puis il surgit comme un diable en boîte et se faufile habilement dans la foule. Grâce à sa petite taille, il réussit à esquiver les douaniers. À un moment donné, il se perd quand même un peu dans l'immense bâtiment

     Finalement, il se retrouve à l'extérieur. Le ciel est bleu et le soleil illumine cette fin d'après-midi. Vincent frissonne, autant de joie que de froid ! Il enfile son gilet et met son capuchon. Oui, il y est arrivé ! Le soleil fait briller des millions d'étoiles sur les cristaux de neige qui recouvrent le sol.

     Vincent s'élance en riant sur ce nuage blanc, ces champs givrés auxquels il avait tant rêvé en Martinique. Rapidement, d'autres enfants se mêlent à ses ébats enneigés !

Que d'aventures il racontera à ses parents lors de son retour dans son île !

(septembre 1984)