Sentiments contrariés
Nicolas et Apolline se sont installés l'un contre l'autre sur le canapé et ils ont décidé de regarder un film tous les deux sur la télévision de l'appartement. Lorsque je sors de la douche, Raphaël s'est lui aussi installé devant le film quand la blonde me propose de les rejoindre.
Apolline est ma confidente ici, depuis deux mois que je suis arrivée dans cet appartement, nous discutons de tout. J'ai quitté ma ville, ma famille et mon copain pour mes études de pâtisserie et je suis entrée en colocation avec eux. Grâce à elle, je me sens mieux, moins seule et perdue. Apolline est en train de devenir ma grande sœur ici. Pourtant, nous nous ressemblons autant qu'un chien et un chat. Elle est aussi blonde que je suis brune, aussi extravagante que je suis calme et timide, et ses yeux sont aussi clairs que les miens sont sombres.
Elle m'a expliqué à mon arrivée qu'elle s'est installé dans cet appartement pour vivre avec son amoureux Nicolas. Nicolas est un garçon tout ce qu'il y a de plus normal, pas très grand, aux cheveux bruns et aux yeux marrons mais d'une profonde gentillesse qui m'a tout de suite accueilli quand je suis arrivée.
Ils habitent tous les deux ici depuis deux ans et logent également le meilleur ami de Nicolas, Raphaël. Apolline m'avait prévenue à mon arrivée que c'était un grand dragueur. Il faut dire qu'il a tout du tombeur, il est grand, a des cheveux noirs biens coiffés et des yeux verts qui pétillent de malice et de bonne humeur. il m'a toujours fait penser aux garçons plus âgés qui jouaient au ballon quand je retournais au pueblo¹. Il est vrai sue Raphaël n'est pas tous les soirs à l'appartement, il préfère sortir et passer la nuit avec une de ses conquêtes. Nicolas me l'avait expliqué la première fois que je m'étais étonné de son absence. Pourtant, j'ai remarqué que depuis quelques semaines, il passe ses soirées avec nous. Nous jouons aux jeux vidéos tous ensembles ou à des jeux de sociétés ou, comme ce soir, il nous arrive de regarder un film. Mais, moi, depuis un petit moment, je passe mes soirées enfermée dans ma chambre, au téléphone. Avec ma famille et mon meilleur ami mais principalement avec mon copain. La distance me pèse. J'ai l'impression que nos sentiments s'envolent.
Ce soir encore, j'ai laissé couler quelques larmes sous la douche mais plutôt que de m'apitoyer sur mon sort, je décide d'enfiler un short avec mon tee-shirt trop grand qui me sert de pyjama et de rejoindre mes colocataires. Même en cours de route je dois bien pouvoir comprendre ce film.
Apolline a posé sa tête contre le torse de son petit copain qui passe négligemment sa main le long de son bras. De l'autre côté du canapé, Raphaël a mis ses pieds sur la table basse en verre et ne prête pas vraiment attention au film qui se déroule sur le grand écran de l'autre coté de la pièce. Sa concentration et ses yeux vacillent entre son téléphone et l'histoire de super-héro.
Je décide donc de m'installer à coté de lui et regarder le film avec eux. L'histoire ne me passionne pas vraiment et je commence à fatiguer, ma tête vient se poser sur l'épaule de mon voisin. Il pose son téléphone sur l'accoudoir du canapé et profite de ma présence pour jouer avec l'une de mes courtes mèches brunes qui s'est échappée de derrière mon oreille. Instinctivement, je pose ma main sur son torse et me colle un peu plus à lui. A ce contact, il vient glisser sa main sous mon tee-shirt pour la balader le long de mes côtes et me serrer dans ses bras.
La chaleur de son corps contre le mien me fait oublier ma morosité et je me blottie tout contre lui comme pour chercher le sommeil. Pourtant, alors que j'allais réussir à m'endormir , un grand bruit de verre brisé retenti et Apolline s'écrit :
" Putain ! Quelle conne ! "
Je me redresse et constate qu'elle a fait tomber son verre d'eau. Raphaël la regarde avec des yeux plus noirs encore que les miens pendant que je me fige en remarquant les éclats de verre éparpillés partout dans le salon.
" Madre Mia²..." je souffle dans ma langue maternelle.
Mes colocataires me regardent surpris attendant des explications. Je me lève du canapé tout en faisant attention où je met les pieds et explique à mes amis :
" Ma maman est arrivée en France à 18 ans, elle a rencontré mon père qui donnait des cours de français aux immigrés pour payer ses études. Quand je suis née, ils voulaient m'appeler Lucie mais ma mère ne parle pas bien français alors, avec la fatigue de l'accouchement, elle l'a prononcé à l'espagnole, Lucía "
Je reviens de la cuisine, un balai à la main en continuant mon explication :
" Ma maman parle mieux français maintenant mais elle a tenue à m'élever en parlant espagnol, alors j'ai les deux nationalités, les deux cultures et je parle les deux langues
- Pourquoi tu as juré en espagnol et pas en français? demande Apolline curieuse en m'attrapant le balais des mains
- Mon père contrairement à ma mère n'est pas croyant , je n'ai jamais entendu 'Mon Dieu' Je ne dis que ce que j'entends, je dis en souriant, parfois ma mère à besoin que je traduise en français certains mots quand elle n'arrive pas à se faire comprendre et inversement quand elle ne comprend pas ce que lui dit mon père, il m'appelle pour que je traduise en espagnol. " Je souris à nouveau
Nicolas éteint la télévision, aide sa chérie à nettoyer les bris de verres, je propose mon aide mais Apolline refuse poliment :
" Non, merci, tu as l'air fatiguée, va te coucher, je vais terminer seule "
Je souris et m'éloigne dans le couloir quand j'entends des éclats de voix, les trois amis sont en train de se disputer. Je rebrousse chemin pour écouter sans être vue.
" A quoi tu joues Apolline ? demande Raphaël de sa voix rocailleuse
- De quoi tu parles ?
- Bordel ! Tu vas pas casser un verre à chaque fois qu'elle se rapproche de moi !
- Elle est en couple Raphaël ! Je la laisserai pas tromper son copain !
- Raph' Apolline a raison, elle ..
- J'ai bien compris de quel côté tu étais ! Merci !
- Non, Raph'... Ecoute ... "
Pendant que les 3 amis se disputent, je réfléchis. Apolline aurait cassé le verre exprès ? J'allais juste m'endormir, mais lui, qu'attendait-il ? Je tends de nouveau l'oreille :
" Tu couches avec qui tu veux mais pas elle ! Elle. A. Un. Copain.
- Si je voulais juste coucher avec elle, je l'aurai amenée en soirée et je l'aurai un peu fait boire, copain ou non elle aurait pas refusé !
- Pourquoi tu es au petit-déjeuné ici avant tout le monde même quand tu n'as pas passé la nuit là!
- Apolline, ma puce, calme-toi, tu vas réveiller tout l'immeuble
- Laisse-moi finir ! " Elle repousse Nicolas qui tentait de la prendre dans ses bras et qui décide de s'éloigner, laissant les deux personnes à qui il tient le plus se déchirer. Apolline reprend moins fort mais toujours en colère :
" Parce que tu veux pas qu'elles tombent amoureuses, tu veux pas t'attacher ! Tu trouveras pas une relation sérieuse comme ça ! Tu me dégoûtes quand tu fais ça !
- Alors d'après toi, répond Raphaël prêt à exploser, parce que j'aime les histoire d'un soir je peux m'attacher à personne ! Je suis un dragueur alors je ne peux pas tomber amoureux ! Je sors plus le soir, j'ai envie de voir personne sauf elle ! "
Je n'écoute pas la fin et m'appuie contre le mur du couloir, abasourdie par ce que je viens d'entendre et ce que j'en comprends. Nicolas reviens de la cuisine où il a du aller jeter les bris de verre pour calmer tout le monde :
" Raph', mon cœur, calmez-vous, vous allez vraiment finir par la réveiller
- La réveiller ? Lucia ? Apolline répond, mais vous avez pas remarqué qu'elle s'endort en pleurant, qu'elle sait pas quoi faire et qu'elle passe ses soirées au téléphone ? Pourquoi ? Raphaël ? Pourquoi ? Parce qu'elle est encore amoureuse de son copain mais qu'elle ne peut pas le voir. Parce qu'elle aussi est attirée par toi mais qu'elle ne sait pas quoi faire, parce que personne ne la connait vraiment ici et que personne ne peut la conseiller, alors, elle téléphone. Son copain lui manque, alors elle pleure et elle ne s'endort jamais parce qu'elle réfléchis jusqu'au bout de la nuit. "
Une larme coule sur ma joue et je m'éloigne vers ma chambre, j'entends encore Apolline expliquer :
" Le matin, elle sourit mais elle n'a pas fermé l'œil de la nuit parce qu'elle s'est demandé si quitter tout ce qui comptait pour elle, ça valait le coup. Alors Raphaël, tu tombes amoureux de qui tu veux mais pas elle. Même amoureuse de toi, parce que oui elle l'est, elle n'est pas assez forte pour ça, je t'en pris Raph' "
Je ferme la porte de ma chambre et m'allonge sur ce grand lit, trop vide pour moi seule. Mes larmes redoublent et les mots de mes colocataires tournent en boucle dans ma tête. J'attrape mon téléphone pour appeler mon meilleur ami mais je préfère lui laisser un message au vue de l'heure tardive de la nuit.
A : Mon chou☀
Je vais l'appeler demain, j'en peux plus de cette distance, je vais lui dire même si ça me brise le cœur
Alors que mes larmes s'étaient calmées, elles reprennent de plus belle lorsque j'envoi le second message.
A : Mon amour❤
Mon cœur, je t'appelle demain, je dois te parler
Je t'aime ❤
Sa réponse est immédiate et je sanglote plus fort en la lisant, puis j'éteins mon téléphone et le pose sur ma table de chevet.
De : Mon amour❤
Il y a un problème ? Tu es sûre que ça va?
Moi aussi je t'aime ❤
Je n'éteins pas la petite lumière , je n'arrive pas à dormir seule dans le noir, je me roule en boule sous la couette , serrant dans mes bras mon ours en peluche. Je me tourne et me retourne dans mon lit sans parvenir à trouver le sommeil. Alors que je pensais tout le monde endormi, j'entends des pas dans le couloir qui s'éloignent. Je met cette hallucination sur le compte de la fatigue mais les pas reviennent et s'arrête en face de ma porte . Ca doit donc être Raphaël qui avait oublier quelque chose au salon. Sa chambre est juste en face de la mienne.
Effectivement, il s'agit de Raphaël mais il ne retourne pas se coucher puisqu'il se trouve dans l'encadrement de ma porte.
" Qu'est-ce ... Je begais en cachant comme je le peux mes yeux rougis et mes joues humides.
- J'ai vu la lumière sous la porte, je me suis dit que peut-être tu ne dormais pas, je peux rentrer ?
- Oui, vas-y " Je reponds en me tournant face à lui. Je sens le matelas s'affaisser à côté de moi
" Pourquoi tu ne dors pas Lucia?
- J'y arrive pas
- Tu n'éteins pas la lumière pour t'endormir?
- Non, j'ai peur du noir quand je suis seule, je sais c'est bête mais ... Je ravale un sanglot
- Chuuut , calme-toi Lucia, tout va bien. Tu n'es pas seule ici "
Je me concentre sur ma respiration pour me forcer à me calmer. Raphaël se rapproche de moi et s'appui contre le mur pendant que je me redresse.
" Viens -là, Lucia, me dit-il de sa voix grave mais douce
- Je, ça va aller, ne t'inquiète pas pour moi
- Lucia, tu allais t'endormir tout à l'heure devant le film et la tu n'y arrives pas, réinstalle-toi comme tout à l'heure, on peut essayer
- Mais toi ? tu ne vas pas être bien installé, et ...
- Lucia, si ça peut t'aider à dormir, je m'en fou.
- Vale³... Mais tu prends mon oreiller alors, tu seras mieux installé
- Oui ne t'inquiète pas pour moi "
Le silence retombe pendant que nous nous installons puis il me propose :
" Si tu veux me parler de quoi que se soit, vas-y hein
- Merci, Raphaël, n'éteins pas s'il te plaît
- Bien sur "
Je pose ma tête sur son épaule et ma main sur son torse nu. Cette idée ne me fait même pas rougir, je souhaite juste m'endormir pour une heure ou deux. Il me rapproche de lui, attrapant mon dos pour me coller à son corps. Ainsi installée, je me sens bien. La chaleur de son corps fait envoler mes doutes. Quand il pose sa main contre la mienne, une question me traverse l'esprit.
" Raphaël, pourquoi tu fais tout ça?
- Pour que tu te reposes Lucia, tu en as besoin, dors ma grande ... "
Je souris et ferme les yeux laissant le sommeil m'envahir.
~
Sa tête est tombée de mon épaule et sa position paraît inconfortable. Je ne veux pas qu'elle se réveille, elle a tellement besoin de dormir et elle paraît si sereine comme ça. Doucement, je décide de l'allonger correctement sur le lit. Je m'installe de nouveau à côté d'elle et je pose sa tête sur mon torse. Naturellement, elle vient remettre sa main sur moi, d'abord sous sa joue puis elle la descend sur mon ventre. Son contact me fait frissonner. Je prends une grande inspiration pour calmer le feu qui brûle en moi. J'entends encore Apolline me répéter "Elle a un copain" puis "Elle est amoureuse de toi". En posant ma main sur sa taille pour la rapprocher de moi, je nous promet à voix haute :
" Lucia, tu me rends fou, vraiment, mais je te jure que je ne tenterai rien. C'est toi qui décide"
J'éteins la lumière et tente à mon tour de m'endormir.
~
La lumière filtre doucement par le volet entre-ouvert, Lucia n'a pas bougé de sur mon torse. Je jette un regard à son réveil, 8h10, il faudrait que je me lève, les autres vont trouver ça bizarre si je ne suis pas en train de déjeuner à la demie. Je ne veux pas la réveiller de suite, elle a l'air si bien au pays des rêves. J'observe la chambre de ma colocataire quelques minutes. En face de moi, son bureau quelques feuilles y traînent, son ordinateur est bien rangé et des livres sont sur l'étagère au dessus, surement des livres de cuisine ou de pâtisserie. La fenêtre est à côté du bureau au dessus de la table de chevet. Son téléphone est éteint posé à côté de la petite lampe éteinte également. De l'autre côté du lit, une grande armoire. Après avoir fait le tour de sa chambre, mon regard se pose sur elle. Son carré d'un noir de jais lui tombe sur les joues, je remet ses mèches derrière son oreille et doucement, je lui caresse la joue. Ces cils papillonnent et ses yeux s'ouvrent doucement.
Elle se redresse perdue et me questionne :
" Tu as, ça fait longtemps que tu es là? On a ?
- Chut Lucia, non ne t'inquiète pas. Je suis venue te voir car tu n'arrivais pas à dormir hier soir, tu t'en souviens?
- Ah oui, merci Raphaël, d'être venu, d'être resté
- Avec plaisir, je vais aller déjeuner
- D'accord, je vais pas tarder non plus "
~
Il quitte la chambre et je retombe sur mon oreiller. Je n'avais pas si bien dormi depuis que j'ai quitté mon village près de Toulouse. Mes peines m'assaillent au moment même où je décide de me lever. J'ouvre mon volet et ma fenêtre, j'allume mon téléphone. Il faut que j'appelle mon copain aujourd'hui, que je parle à Apolline ensuite. J'ai aussi une montagne de travail à faire. Malgré ma nuit de sommeil, je suis déjà épuisée par la journée qui arrive. Pourtant je remet un sourire sur mon visage en enfilant un short avant de passer la porte de ma chambre. Je retrouve donc mes colocataires attablés à la cuisine. Raphaël boit un verre de jus d'orange et Nicolas discute avec sa copine mais m'accueille à bras ouverts. Je pose mon téléphone sur la table à ma place et je coupe un morceau de brioche que je mange en silence, évitant à tout pris le regard de Raphaël qui me brûle. Alors que je déjeunais paisiblement, Raphaël annonce :
" Je vais faire les courses après la douche, laissez vos listes sur la table "
Je lève les yeux vers lui et détaille son torse nu, bien dessiné sur lequel j'ai passé la nuit. Je baisse les yeux sur ma brioche quand je remarque qu'il a capté mon regard. Je sens qu'il m'observe quand il dit qu'il reste du jus d'orange dans le frigo. Comme s'il cherchait à croiser mon regard. Lorsqu'il s'éloigne, je pose mon regard contre son dos et l'observe jusqu'à ce qu'il disparaisse dans la salle de bain. Je me lève pour attraper le jus d'orange, au même moment, Apolline s'excuse :
" Lucia, je suis désolé d'avoir cassé le verre hier soir, tu allais t'endormir et ça a du te reveiller.
- Ne t'inquiète pas c'est pas grave, ça arrive à tout le monde
- Désolé encore, vraiment. Elle jette un regard à son copain avant que je lui propose
- Ça te dis d'aller faire un tour au parc cet après-midi ?
- Oui ! On fait un café ensuite ?
- Pourquoi pas, c'est une bonne idée" Je souris.
Un message me sort de ma bonne humeur matinale quand je pose la carafe de jus d'orange sur la table.
De : Mon amour❤
Je peux t'appeler maintenant ou tu préfères plus tard ma puce?
Finalement, je laisse mon petit déjeuné en plan et je cours presque jusqu'à ma chambre, traversant l'appartement les larmes aux yeux, je bouscule même au passage Raphaël dans le couloir. Je ferme la porte de ma chambre ainsi que ma fenêtre puis compose le numéro de mon copain. Il décroche à la première sonnerie :
" Allo?
- Allo ma puce ?
- Oui, ça va ?
- Oui, tu me manques mais ça va et toi? La vie Lyonnaise va toujours?
- Je ne sais pas, Bof.
- Pourquoi? Tu dors toujours mal ?
- Oui, quand je suis seule je n'arrive pas à fermer l'oeil
- Lucia? Quand tu es seule comment ça?
- Hier soir, j'ai failli m'endormir devant le film, appuyée contre Raphaël, mon colocataire. Quand je suis partie me coucher, il a vu la lumière et il m'a rejointe
- Lucia, vous avez juste dormis?
- Oui, Louis, mais, je ne t'appelais pas pour ça
- C'est à cause de ton colocataire donc?
- Non ! Enfin, un peu mais ... J'éclate en sanglot seule sur mon lit en continuant de parler. Ce n'est pas à cause de lui que j'ai pris la décision, Louis, je t'aime, mais je n'en peux plus. Cette distance, je n'arrive plus à la supporter. C'est trop dur. Je crois... Je crois qu'il faut qu'on arrête ou je risque de faire une bêtise.
- Lucia, je t'aime moi aussi. Soi forte, je t'en pris tiens le coup!
- J'en ai marre d'être forte, je ne suis pas forte. Laisse moi te quitter dans ma faiblesse. Je suis désolée. J'en peux plus, ce n'est pas toi Louis, je te promet, c'est nous, je ne pensais pas que se serait si difficile sans toi. Je n'arrive plus à tenir "
Mes larmes redoublent quand il comprend que je ne reviendrais pas en arrière. Je l'entends respirer fort derrière l'appareil.
" Louis, je suis désolée, il faut que tout s'arrête mais je t'en pris ne fais pas de bêtise. Louis, n'oublie pas que je t'aime s'il te plaît...
- Tu peux pas faire ça Lucia ! Bordel ! Non ! C'est pas 500km qui vont tout arrêter ! C'est pas possible ! Lucia ! Je t'en pris !
- Louis, s'il te plait...
- Je t'aime Lucia, je t'aime "
Il répète ces mots en boucles, ma vue se brouille et je murmure avant de raccrocher :
" Moi aussi Louis, je suis désolée "
Je m'effondre sur mon lit, la tête dans l'oreiller pour étouffer mes pleurs. La porte de l'appartement claque et mes colocataires s'activent à ranger les provisions de la semaine. Même si mes pleurs se sont calmés, je ne peux pas sortir ainsi. Mes cheveux sont emmêlés d'avoir tiré dessus, mes yeux sont rougis d'avoir pleuré et mes joues sont striées de larmes. J'attrape une tenue propre dans mon armoire et ma trousse de maquillage, aller me faire une beauté me fera du bien.
Je prends donc une douche, me sèche et enfile mon jean bleu délavé. J'ai décidé de l'accompagner d'un tee-shirt blanc très simple dénudant ma hache gauche grâce à un nœud au dessus de celle-ci. Je me brosse tranquillement les dents et me nettoie bien le visage puis j'applique sur mes lèvres un gloss rose pâle et sur mes paupières, un fard beige. Je l'accompagne d'un peu de mascara. Enfin, j'attrape ma brosse à cheveux pour démêler mes cheveux sombres et laisser retomber autour de mon visage.
Comme je suis prête, je repasse par ma chambre, range mes affaires. Je prends mon téléphone et remarquant les deux appels manqués de Louis, je respire calmement. Je ne veux pas pleurer. Je décide plutôt de le renommer dans mes contacts. Effacer tout ça me fait mal au cœur mais il n'y a que comme ça que je pourrais avancer. J'efface ses messages vocaux sans les écouter, je ne veux pas faire marche arrière. Déterminée à passer à autre chose, je sors de ma chambre avec une livre de recette sous le bras et je laisse mon téléphone sur mon lit. Je recommence de zéro.
Dans la cuisine, les amoureux ont commencé la préparation du repas, je décide de m'installer sur la table pour travailler un peu. Il faut que j'apprenne différentes recettes de pâtes pour mes gâteaux. Je suis malheureusement très vite dissipée par Apolline qui me propose de jouer à Mario avec elle. Elle a vite laissé tombé la cuisine comme je laisse vite tomber mes révisions. Les garçons nous rejoignent et nous partageons un bon moment à quatre, sans arrières pensées.
Après le repas, Apolline et moi commençons à nous préparer pour passer l'après-midi dehors. Le début du mois de Novembre est très doux, j'enfile juste une veste en jean par dessus mon tee-shirt. Un petit sac pour ranger mon portefeuille et mon téléphone et me voilà prête. Mon amie est ravissante elle aussi. Elle a tressé ses longs cheveux blonds et appliqué un rouge à lèvre pétard sur sa bouche. Elle a choisi une combinaison pantalon à motifs géométriques qui lui va à ravir. C'est aussi l'avis de son copain qui l'embrasse à pleine bouche avant de nous laisser nous éloigner. Raphaël m'observe de ses yeux verts qui s'assombrissent . Je détourne le regard au moment ou il traverse la pièce, m'effleurant au passage ma hanche dénudée. J'essaie désespérément de cacher mon trouble en avançant sur le seuil de la porte. Enfin mon amie me rejoint et nous descendons les escaliers de l'immeuble.
Nous discutons de tout et de rien, comme lorsque nous nous sommes rencontrés en traversant le parc au pied duquel nous vivons. Toujours en discutant de banalités, nous nous installons à la terrasse de son café préféré.
Nous nous asseyons et je pose mon téléphone sur la table. Je décide d'entrer dans le vif du sujet mais mon portable m'en empêche. Son écran s'allume, Louis m'appelle. Je perds mon sourire mais ne décroche pas.
" Apolline, je sais que tu as fait exprès de casser le verre hier soir ...
- Je suis désolée, vraiment, encore une fois mais je ne veux pas que tu trompes ton copain et Raphaël ne veut que coucher avec toi et, tu ne décroches pas ? Elle m'indique le téléphone du menton et je réponds
- Non, justement, c'est Louis je sais, mais, nous ne sommes plus ensembles
- Tu veux dire que j'ai cassé ce verre pour rien ?
- Non t'inquiètes pas Apolline, hier soir j'aurai fait une bêtise sans toi mais aujourd'hui je repars de zéro "
Le serveur vient nous prendre commande et reviens quelques minutes plus tard avec nos deux cafés.
" Mais Lucia, tu es toujours amoureuse, ça se voit, pourquoi tu fais ça ?
- Tu sais quand je suis arrivée ici, j'ai décidé que rien ne pourrait m'empêcher de vivre ma passion, pourtant je ne pensais pas que ça serait aussi difficile de quitter Toulouse, mes amis, mes parents et Louis. La pâtisserie, c'est tout pour moi, je pensais pas pouvoir être admise ici, c'est loin de chez moi et je ne savais pas comment le gérer. J'ai essayé de consigner ma vie d'avant et celle d'ici mais c'est trop dur. Cette distance n'aide pas mais je veux essayer de profiter alors, j'ai décidé de repartir de zéro.
- C'est Raphaël qui t'as fait prendre cette décision ?
- Sincèrement Apolline, ça fait un moment que j'y pensais mais j'ai jamais eu le courage. Hier soir, sur son épaule, je me suis sentie bien, je ne pensais plus à rien. J'ai pris ma décision à ce moment là et quand je vous ai entendu ...
- Nico' avait raison ! On parlait si fort que ça? Je sirote tranquillement mon café avant de répondre.
- Disons que je suis un peu restée pour écouter"
Nous éclatons de rire toutes les deux, terminons notre boisson chaude et laissons la monnaie suffisante sur la table. Tranquillement, nous retraversons le parc en continuant de discuter.
" Lucia, tu vas faire quoi pour Raphaël?
- Maintenant que je suis célibataire tu veux dire ? Ou que je sais ce qu'il veut de moi ?
- Les deux? On dirait que tu l'as évité toute la journée
- Je ne sais pas, je ne sais pas trop à quoi m'attendre avec lui "
J'omet volontairement la nuit que nous avons passé ensemble et comme Apolline ne relance pas la conversation, nous finissons le trajet en silence. Il est 17h tapante quand nous arrivons à l'appartement. J'ai ignoré Louis toute la journée et je compte bien m'y tenir jusqu'à ce soir. Pour attendre l'heure du repas, je me replonge dans mes révisions.
~
Une fois le repas avalé, les garçons proposent de jouer aux cartes, je n'ai même pas le temps d'accepter qu'ils ont déjà distribué. La partie est amusante et je me sens bien. Aux alentours de 22h30, je décide d'arrêter et d'aller me préparer pour dormir, enfin essayer. Ma journée a été fatigante, j'espère trouver le sommeil facilement. Raphaël est déjà dans sa chambre lorsque je sors de la salle de bain. Ça me permet de l'éviter mais je crois que j'aurai bien aimé le croiser aussi. Dans ma chambre je me déshabille et enfile juste un tee-shirt. Je m'allonge dans mon lit et je me rends compte que je me sens mieux qu'hier, comme libérée. Pourtant je ne trouve pas le sommeil, je me tourne et me retourne dans mon lit. J'ai chaud. Je pense à Louis aussi, juste un peu. Je me lève pour aller à la cuisine. Le carrelage froid contre mes pieds nus me fait du bien et je verre d'eau que j'avale me remet les idées en places.
Arrivée au bout du couloir, je vais pour pousser ma porte quand je remarque la lumière qui filtre de sous celle de Raphaël. J'hésite un instant et ouvre sa porte.
Il est allongé sur son lit, un drap beige recouvre le vas de son corps et il me sourit comme s'il attendait ma venue.
" Lucia, tu n'arrives toujours pas à dormir c'est ça ?
- Oui, je peux? je demande en m'asseyant sur son lit
- Bien-sur, installe-toi "
J'observe sa chambre, les murs sont sombres mais elle paraît grande, il y a peu de meubles, juste le nécessaire, un placard et un bureau. Il me tire de mes pensées en m'attrapant l'épaule. ce contact me fait frissonner. J'espère qu'il ne s'en est pas rendu compte. Doucement, je m'allonge sur le côté et je pose ma tête sur ma main. Il vient s'allonger contre moi et me serre dans ses bras. Mes pensées, mon corps, tout bouillonne en moi. Je sens son cœur battre contre l'arrière de ma tête pourtant sa respiration est calme comme si son esprit ne voulait pas que son corps prenne le dessus. Je sens son regard sur moi et sa main qui me serrait contre lui vient se balader sur mon bras. Une question me vient alors à l'esprit.
" Raphaël, pourquoi tu fais ça? Pourquoi tant d'efforts juste pour m'accrocher à ton tableau de chasse?
- Ne dis pas n'importe quoi ma belle.
- Je suis déjà dans ton lit Raphaël, pourquoi te retenir? Je sais très bien que tu forces, que tu t'obliges, pourquoi tu fais ça ? Sa main s'arrête un instant sur mon bras puis il répond
- Lucia, qu'est ce que tu veux toi ? Je ne sais pas, alors oui je me contrôle car on doit pas vouloir la même chose.
- Qu'est-ce que tu voudrais toi ? De moi ?
- Tout Lucia ; perplexe, je ne réponds pas, alors il poursuit, je sais que ton coeur est pris, alors je ne fais rien.
- Tu ne veux donc pas juste une nuit, comme avec une autre ?
- Tu n'es pas les autres Lucia "
Doucement, il reprend ses caresses sur mon bras. Lentement, il fait descendre sa main sur mon ventre, à travers mon tee-shirt, il fait des ronds sur mes côtes avec son pouce.
" Raphaël, tu ne veux juste pas que je trompe Louis c'est ça ?
- Ça commence par ça oui, acquiesce-t-il
- Nous ne sommes plus ensemble "
Sa main se crispe et il se redresse. Je sens tout son corps bouge contre moi, à ce moment là, je sais. Je sais ce que je veux pourtant sa remarque me fait tiquer.
" Tu es toujours amoureuse de lui, Lucia, je ne veux pas être ton second choix. Je ne veux rien avec toi tant que tu penseras à lui. Ça ne servira à rien "
Je sens l'adrénaline, le désir couler dans mes veines. Moi, Lucia, timide et renfermée, j'ai l'impression d'être quelqu'un d'autre. Je me retourne pour le faire face et le regardant dans les yeux, j'affirme provocante :
" Aide-moi à l'oublier alors "
Ses yeux deviennent noirs et de sa main la plus proche de moi, il m'attire contre lui comme s'il avait peur de je m'enfuie. Pourtant, ça ne risque pas, je me suis accrochée à son cou et nos lèvres se découvrent. Mon corps brûle lorsqu'il me fait basculer sous lui. Ce n'est que maintenant qu'il est appuyé sur ses bras au dessus de moi, que je remarque qu'il ne porte qu'un short. Ses bras sont musclés, son torse bien dessiné, tout comme ses abdominaux. Sa tête se rapporche de mon cou. Sa bouche remonte de mon épaule en une ligne de baisers jusqu'à mon oreille où il murmure d'une voix grave :
" Je n'attends que ça Lucia "
¹ pueblo : village en espagnol
² Madre Mia : équivalent de Mon Dieu en espagnol
³ Vale : équivalent de Ok en espagnol
© ✓ictoire
03.05.20
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