Histoire de se connaître - part.1
Inès était plus absorbée par la pluie qui battait les carreaux que par le professeur répétant l'Histoire Maya. S'obligeant à se concentrer sur le cours, elle croisa un instant le regard de son voisin.
Florian était arrivé juste à l'heure pour le cours et avait choisi la place restante, la plus proche de la porte. Ainsi, à huit heures cinquante-sept, il s'était installé à côté d'Inès. Ses doigts tapotaient les touches de son clavier sans grande conviction. La préoccupation principale de Florian, comme celle d'Inès n'était pas l'extinction de la civilisation maya, pourtant les partiels n'allaient pas tarder et il faudrait disserter sur un sujet semblable.
Peut-être Inès choisirait une civilisation d'Orient. Elle avait toujours été attirée par l'Orient. L'ancien Monde, berceau des civilisations avait, à ses yeux, plus de grâce que le nouveau monde.
Florian, lui, préférait ces peuples d'Amérique aux civilisations colonialistes, il choisirait sûrement les Incas, enfin, s'ils avaient le choix.
Il se força à reporter son attention sur le vieil homme assis à son bureau. Il portait une vieille chemise à carreaux et une cravate démodée, digne des professeurs de grandes universités américaines dans des films démodés eux-aussi. Ses cheveux poivres et sels tirés en arrière renforçaient bien cette impression de film, tout comme sa moustache.
Désuet pensa Florian un sourire aux lèvres. Ses doigts tapaient toujours sur son clavier alors que sa voisine mordillait son stylo d'un air absent.
Inès savait que son voisin s'appelait Florian, qu'il avait lui aussi choisi les civilisations anciennes comme spécialité et qu'il était passionné par l'architecture. Ce n'était pas beaucoup pour un camarade classe, de sa spécialité qui plus est, mais suffisant pour lui demander ses notes car sa page restait désespérément vide.
Elle retourna à la contemplation du ciel cotonneux mais préféra la vue de son voisin. C'était un homme banal, comme il y en a tant sur un campus. Il avait l'air assez grand, peut-être était-ce car il paraissait très mince. Inès n'avait que furtivement observé son visage, ses cheveux clairs tiraient sur le blond, peut-être le roux, elle ne savait pas dire. Elle n'avait pas su déterminer la couleur de ses pupilles quand il lui avait demandé s'il pouvait s'installer à la place restante.
Inès avait été trop obnubilée par sa voix. En effet, Florian n'avait pas la voix de sa stature, elle était légèrement suraiguë pour un homme de son âge, pourtant, elle roulait comme celle des anciens.
Quand Florian remarqua que sa voisine avait délaissé sa contemplation du paysage, il sourit. Il l'observa à son tour. Inès avait des cheveux noirs très volumineux, tirés vers l'arrière en une queue de cheval. Elle ne paraissait pas très grande. Florian ne pouvait en dire plus mais il se promit de mieux l'observer dans le futur.
Inès avait faim, son ventre grognait et elle espérait que Florian ne l'entendait pas. Elle s'interrogeait aussi s'il valait mieux lui demander ses notes maintenant, à quelques minutes de la fin du cours, ou en sortant. Elle ne se décida qu'en rangeant ses affaires, mais il avait déjà disparu.
Comme tous les étudiants sortant de cette salle, elle se dirigea vers le hall du bâtiment. La pluie ne tapait plus sur la verrière comme lorsqu'elle était arrivée dans le bâtiment Gustave Flaubert, trois heures auparavant mais le brouhaha restait identique.
Inès décida qu'il était temps de manger et, tout en marchant vers les jardins, elle sortit son sandwich de son emballage. Elle connaissait un coin dans les jardins partagés de l'université qui était à l'abri du mauvais temps et des regards. Inès avait découvert cet endroit lors de sa première année.
A l'époque, elle s'était perdue en cherchant la bibliothèque mais était restée subjuguée par la beauté de ce jardin aux couleurs du mois d'octobre. Maintenant qu'elle était en fin de licence, Inès venait souvent manger seule derrière les branches du saule pleureur.
Florian avait immédiatement quitté leur salle 155 pour traverser le campus jusqu'à la bibliothèque universitaire. Il voulait s'assurer une place tranquille pour préparer sa soutenance, il mangerait sûrement quelques biscuits tout en travaillant. Comme il l'espérait, la bibliothèque était déserte à cette heure-ci. Il s'installa donc entre deux rayons et sortit sa feuille, son ordinateur portable et ses stylos. Florian partit alors à la recherche d'un ouvrage sans remarquer que son écran de téléphone s'allumait.
Au même instant, en mordant dans son sandwich, Inès reçut un message. Intriguée, elle appuya sur la conversation. Quentin proposait de faire un repas après le partiel de civilisations anciennes. Quelques autres étudiants de cette spécialité avaient déjà accepté. Inès, décida qu'elle se laissait le temps du repas pour répondre et surtout pour se décider.
Florian déambulait entre les rayonnages spécialisés dans l'histoire de l'architecture à la recherche de la perle rare. Quand il pensa l'avoir déniché, il retourna à sa table et se plongea dans sa lecture.
Peu à peu, la bibliothèque se remplissait mais le jeune homme ne s'en rendit pas compte. C'est un raclement de chaise qui le sortit de ses pensées.
Quelques minutes plus tôt, Inès s'était réveillée en sursaut. Après avoir fini son sandwich, elle avait fermé quelques instants les yeux pour se reposer mais fatiguée par ses soirées de révisions, elle s'était assoupie.
Prise de panique, elle regarda l'heure sur sa montre. Les aiguilles indiquaient que 14h n'était pas encore passé. Rapidement, elle se leva et traversa le campus pour rejoindre la bibliothèque, elle espérait y trouver une place pour finir ses recherches.
Quand elle poussa la porte, l'air chaud envahit ses poumons. Elle jeta un regard aux alentours pour chercher une place libre, malheureusement, elle n'en trouva aucune. Inès réfléchit quelques secondes, si la salle de travail était si pleine c'était surement car les examens étaient proches. Elle s'en voulut de ne pas avoir pensé à l'éventualité qu'il y aurait tant de monde à cette heure. Tentant sa chance entre les rayonnages, elle chercha une table isolée entre les hautes étagères de livres. Persuadée qu'elle ne trouverait pas de place, Inès parcourut le rayon des livres sur les civilisations anciennes avant de faire demi-tour.
Au loin, elle aperçut un jeune homme penché sur un livre qui crayonnait sur une feuille tout en tapant sur son clavier. Elle remarqua ensuite la chaise vide en face de lui. Sans bruit, elle se rapprocha et l'observa. Il avait posé des lunettes en métal sur son nez et semblait absorbé par ses croquis.
Inès se racla la gorge pour attirer son attention mais Florian ne bougea pas. Elle tira alors la chaise libre pour s'installer.
Florian leva la tête, surpris. Il ne s'attendait pas à la voir et encore moins à ce qu'elle s'installe ici. Il ajusta ses lunettes argentées sur son nez et l'observa quelques instants. Elle n'était pas très grande comme il l'avait déjà constaté dans la matinée. Elle était même un peu rondouillarde mais son visage semblait s'illuminer quand elle souriait. Ses yeux, aussi noirs que ses cheveux, paraissaient rieurs. Elle le tira de sa contemplation quand elle lui demanda s'il pouvait lui laisser de la place. D'un hochement de tête il rassembla ses feuilles et la laissa s'installer en face de lui. Sans un mot, il reprit son travail.
Il hésitait à engager la conversation avec Inès, il la connaissait à peine et finalement, sa timidité prit le dessus. Sans un regard pour sa nouvelle voisine, il tourna les pages de son livre à la recherche d'autres informations.
Inès sourit en s'installant, heureuse d'avoir une place pour travailler et encore plus d'être face à Florian, elle pourrait lui demander ses notes de ce matin, mais aussi savoir s'il irait à la petite soirée organisée par leurs camarades de spécialité.
Après lui avoir permise de s'installer en face de lui, Florian avait repris son travail sans un mot. Derrière l'écran de son propre ordinateur, Inès l'observait travailler tout en tapant des mots clés sur son moteur de recherche. Elle remarqua qu'il dessinait le schéma de pyramide qui figurait sur le livre sur sa propre feuille. De temps en temps, il posait son crayon pour tourner une page ou pianoter sur son clavier d'ordinateur.
Curieuse, Inès scruta ses feuilles et remarqua que les croquis prenaient toute la place sur le papier et qu'il préparait sûrement ses notes sur ordinateur. Elle en déduit qu'il y avait de forte chance qu'il travaille sur sa soutenance orale. Elle engagea donc la conversation pour en avoir confirmation :
« Tu prépares ton oral ? »
Florian ne répondit pas de suite, puis, comme surpris par la question, il hocha de nouveau la tête. Décidée, Inès posa une autre question pour pouvoir entendre le son si particulier de sa voix.
« Tu as choisi quoi comme thème ?
- La symbolique de la pyramide dans les différentes civilisations anciennes. C'est pas tout à fait définitif, je vais affiner je pense. Et toi ? Tu as choisi ? Demanda-t-il à son tour.
- Le miracle de Babylone.
- Pourquoi miracle ?
- Tu trouves pas ça miraculeux toi ? Un jardin suspendu au milieu d'un désert.
- C'est le jardin qui t'intéresse alors ? Pas la cité.
- Je suis persuadée que la cité est aussi importante que le jardin et puis pour moi, on ne peut pas comprendre l'un sans l'autre. »
Florian acquiesça, Inès avait raison. On ne peut pas comprendre les secrets d'une civilisation juste par un monument, il faut apprivoiser la civilisation et pour elle c'était indispensable de passer par la cité. Ce point de vue l'intéressait énormément. Il tapota son clavier notant quelques idées quand elle lui demanda encore :
« Tu vas parler de toutes les civilisations qui ont construit des pyramides ?
- Non, ricana Florian, c'est trop compliqué ce serait trop long, le but c'est de comprendre le point commun du symbole de la pyramide tu vois ?
- Oui, plutôt. Pourquoi des civilisations aussi différentes que les mayas, les égyptiens ou les aztèques construisaient tous des pyramides ?
- C'est ça oui ! Est-ce que c'était un choix religieux, architectural ou quoi...
- Tu vas parler de Silbury Hill ? »
Inès scruta le visage de Florian, ses yeux clairs s'illuminaient quand il parlait de quelque chose qui lui plaisait et sa voix paraissait moins monter dans les aiguës quand il était à l'aise. Il parut néanmoins surpris par la question et ses yeux s'écarquillèrent.
« Je, je n'y avais pas pensé... Mais ça n'a pas vraiment de rapport avec les civilisations anciennes si ?
- Je sais pas vraiment mais ça reste un site sacré et une pyramide.
- Je vois oui, merci. »
Elle l'observa taper quelques mots sur son ordinateur et se replongea elle aussi dans ses notes, mettant fin à la conversation.
Ils travaillèrent chacun sur leurs projets en silence pendant presque une heure, recopiant des informations, des schémas et prenant des notes. Au bout d'une heure, Inès et Florian relevèrent la tête, agacés, tous les deux au même moment. Un groupe d'étudiants, sûrement de première année s'installait en faisant grand bruit.
Leurs regards se croisèrent et Inès lança :
« Hum Florian, je me demandais, tu pourrais me prêter tes notes de ce matin ?
- Hum oui, si tu veux ... Je peux t'envoyer un PDF si ça te va.
- Merci Florian, désolée.
- Bop ça arrive à tout le monde de pas suivre. »
Florian souriait. Inès, elle, rougit excessivement.
Il savait, Florian se doutait. Inès en était certaine, c'est pour cette raison que son visage chauffait autant.
Elle voulut le mettre mal à l'aise à son tour mais elle ne savait pas trop comment s'y prendre, elle le connaissait si peu. Il ne semblait pas trop aimer les soirées, du moins, il avait l'air d'un bourreau de travail pourtant, l'un n'empêchait pas l'autre songea-t-elle.
Elle même était une solitaire, acharnée de travail. Inès avait toujours eu une réputation de première de la classe. Elle le savait mais depuis qu'elle avait commencé ce cursus d'histoire, elle était plus à l'aise, moins renfermée.
Elle avait pris goût aux petites soirées intimistes que donnait régulièrement sa colocataire mais pour les autres étudiants de sa promotion d'histoire, elle restait la petite brune qui serait major à la fin de l'année.
Seuls ceux qui, comme Florian, faisaient civilisations anciennes avec elle, avaient pu découvrir une jeune femme rieuse et passionnée, derrière la petite intello rondouillarde. Et pour cette raison-là, ne pas être seulement celle qu'ils pensaient connaître, elle allait se rendre à la soirée sur les berges.
Florian ne pouvait s'empêcher de sourire en songeant qu'il avait réussi à faire rougir la belle Inès. Il l'avait toujours trouvée plutôt mignonne. Le genre de beauté atypique, elle n'était pas un canon de beauté. Petite et forte, carrée d'épaules avec des cheveux presque crépus mais son visage regorgeait de bonne humeur et de gentillesse. Elle avait toujours pour tous ceux qu'elle croisait et c'est ce qui lui avait tant plu.
Sa timidité maladive l'avait empêché de lui parler, d'apprendre à la connaître, il ne savait vraiment rien d'elle.
Florian sentait son ventre se tordre, il jeta un œil à sa montre, elle indiquait plus de trois heures de l'après-midi. Alors, il décida de sortir un paquet de biscuits de son sac. Tout en travaillant, il se mit à grignoter, Inès releva la tête et lui demanda s'il avait mangé. Comme il répondit, un peu honteusement, par la négative, elle se pencha sur son sac pour en tirer une compote.
C'était celle qu'elle n'avait pas mangée le midi même et lui céda avec un sourire. Il la remercia chaleureusement, mais toutefois un peu gêné et chacun reprit son travail. Il n'osa pas lui proposer de partager les biscuits.
Il l'observa encore à la dérobée, caché derrière son ordinateur. Après quelques minutes, elle finit par attraper son téléphone pour pianoter dessus.
Inès ne savait pas si elle devait lui poser la question où s'il verrait la proposition par lui-même. Elle choisit d'accepter cette soirée après les examens, elle avait besoin de se détendre. Peut-être s'amuserait-elle plus que ce qu'elle pensait.
Enfin, elle regroupa ses notes et partit à la recherche d'un livre sur les étagères. Quand elle l'eut trouvé, elle rangea ses affaires, repoussa sa chaise et remercia Florian d'avoir partagé sa table.
Sans bruit, Florian la regarda quitter la bibliothèque, ses cheveux en queue de cheval battaient ses épaules au rythme de ses pas. Il tenta en vain de se replonger dans la signification des pyramides chez les Egyptiens mais seul le visage souriant d'Inès s'imposait comme une évidence.
Après plus d'une demi-heure à rêver, Florian choisit de rentrer chez lui, peut-être serait-il plus concentré. Malheureusement, même assis sur son bureau, dans l'atmosphère de sa chambre, il ne parvint pas à avancer dans son travail.
Ainsi, il choisit de répondre au message de ses camarades de promotions. Florian avait décidé qu'il n'irait pas fêter les partiels sur le bord du fleuve avec les autres, l'alcool et la musique n'étaient pas ce qu'il préférait et il n'avait pas très envie d'y aller. Peut-être seulement par peur de s'ennuyer ou bien par peur de ne pas être celui qu'il avait réussi à construire toute l'année. L'homme sans problème, le blond du fond de l'amphi, le travailleur timide. Pourtant, ses convictions vacillèrent.
Dans un appartement semblable, assise sur un vieux canapé dont le cuir était élimé, Inès tentait désespérément de mettre de l'ordre dans ses idées. Des feuilles jonchaient la table basse, le sol et une partie de la place à côté d'elle. Contrairement à ce que croyait sa colocataire, Inès n'était pas plongée dans son travail mais n'arrêtait pas de réactualiser la conversation de classe. Elle attendait sans savoir vraiment quoi. Quand elle fut sur le point d'abandonner et de se remettre au travail, un message la surprit.
Florian viendrait. Elle ne savait pas ce qui l'avait décidé, elle espérait seulement qu'ils pourraient passer un peu de temps ensemble.
Inès rangea ses fiches et partit se coucher après avoir avancé un peu plus ses recherches sur Babylone.
Florian n'avait, lui, pas pu avancer plus ses recherches, l'esprit trop embrumé, il s'était glissé sous ses draps espérant que Morphée ne tarderait pas. Le dieu des songes en avait décidé autrement. Il prenait visiblement son temps avant de le visiter puisqu'il se tournait dans son lit sans parvenir à trouver le sommeil.
Peut-être regrettait-il ? Il n'en savait rien. Il ne savait même pas pourquoi il avait changé son message, acceptant finalement la proposition. Ses yeux avaient navigué un moment entre le message d'Inès et les photos de son frère sur le mur en face de lui. Il n'était en rien un fêtard comme son frère, mais un travailleur acharné comme Inès, et elle avait accepté, espérant que tout le monde soit là.
Elle l'avait écrit, et ce "tout" pesait sur lui. Il avait eu l'impression qu'il était destiné à lui et lui seul. Comme une réponse implicite à cet après-midi, quand il avait réussi à la faire rougir.
~
En rentrant le lendemain dans l'amphithéâtre avec une dizaine de minutes d'avance, Florian se surprit à chercher la chevelure épaisse de sa voisine de la veille. Visiblement, Inès n'était toujours pas là, il s'installa alors quelques rangs plus bas, prenant le soin de laisser une place de libre entre la sienne et l'allée. Il espérait qu'elle serait là et surtout qu'elle s'installerait auprès de lui.
Florian posa son ordinateur sur la table, ouvrit un document vierge et attrapa les feuilles qu'il avait imprimées le matin même avant de partir pour l'université. Il n'avait pas pu la croiser au cours de la matinée car leurs cours de langues ne correspondaient pas, ainsi, il avait attendu ce cours sur l'essor de la religion perse avec impatience.
Croiser ses yeux sombres durant l'espace de quelques secondes lui plairait énormément.
Florian fit cliqueter son clavier en mettant en page sa feuille de cours puis attrapa son crayon à papier et son stylo noir puis griffona quelques mots sur les feuilles qu'il avait sorties un peu plus tôt.
Inès ouvrit la porte de l'amphithéâtre pour s'installer au fond de celui-ci afin de suivre le cours tout en bouquinant tranquillement. Lorsqu'elle aperçut Florian, elle décida plutôt de descendre quelques marches et de discuter un peu avec lui tout en sortant ses notes.
Malheureusement pour elle, Florian n'était pas très bavard, alors, après avoir échangé les formalités d'usage, ils se terrèrent dans leur silence.
L'un et l'autre suivirent le cours avec plus ou moins d'attention et c'est lorsque Florian fit glisser quelques feuilles vers Inès qu'elle l'observa de nouveau, interpelée.
Ses cheveux étaient toujours aussi clairs, tout comme ses yeux. Il avait revêtu une chemise dans les tons bleus et passait nerveusement sa main dans ses cheveux.
Inès le dévisagea longuement puis reporta son attention sur les feuilles qu'il avait poussées vers elle. L'intitulé était clair, tapé à l'ordinateur et mis en valeur, on pouvait lire en haut de la première page :
La chute de la civilisation maya
Inès sourit, et le remercia tout en glissant les pages dans son cahier. Il avait pensé à lui partager le cours de la veille et il avait même pris la peine de le lui imprimer.
E
lle était très touchée de l'attention.
Ils se quittèrent à la fin de l'heure de cours sans avoir échangé un mot de plus.
Florian contempla la silhouette trapue mais gracieuse d'Inès quitter l'université puis il s'éloigna dans la direction opposée.
Lorsqu'il ouvrit la porte de son appartement, Florian regrettait. Il avait cogité tout le long du trajet et maintenant qu'il était chez lui, il regrettait, pas de lui avoir proposé son cours évidemment, il s'était engagé et puis Inès le lui avait demandé mais il n'aurait jamais dû faire le reste songea-t-il.
Inès souriait en s'installant à plat ventre sur son lit avec les notes du cours que lui avait gentiment fourni Florian. Elle attrapa ses surligneurs et entreprit de synthétiser et de de mettre en page les notes de son camarade.
Au détour de la deuxième page, elle remarqua quelques mots écrits au stylo noir. Rapprochant un peu plus le papier de son visage, elle constata qu'il s'agissait de son interprétation du paragraphe.
Elle sourit en se rendant compte qu'il devait vraiment être passionné pour lui partager ses impressions. Inès tourna les pages à la recherche de nouvelles annotations pour les déchiffrer. C'est arrivée au bas de la dernière page qu'elle remarqua l'écriture régulière de Florian. Cette fois-ci, les quelques mots étaient écrits au crayon à papier, ce qui attira plus particulièrement l'attention de la jeune femme.
Ses joues rougirent à la lecture de cette note de bas de page qui lui était adressée.
~
Inès
Voudrais-tu venir réviser avec moi demain ?
Je t'attendrai à la bibliothèque dès son ouverture
Flo'
Réviser avec Florian, Inès lu et relu le mot sans savoir quoi faire. Elle savait qu'en restant chez elle, toute la journée du lendemain, elle ne serait pas productive, elle se demanda juste si elle serait capable de travailler avec Florian. En effet, il était indéniable qu'Inès était attirée par le jeune homme. Il avait quelque chose qui l'intriguait mais elle ne savait pas dire quoi.
Elle prit à son tour un stylo, le rose, car elle aimait annoter les feuilles de cours en rose et griffonna à son tour des remarques, des questions. Elle surligna les titres en rose pâle et les informations qu'elle jugeait importantes en violet clair tout en se demandant si elle irait vraiment réviser avec lui mais sachant, pertinemment, au plus profond d'elle même qu'elle voudrait le voir et c'était pour cette raison qu'elle travaillait d'arrache-pied ce soir.
Florian s'en voulait d'être aussi timide, si elle regardait ses notes que ce weekend, elle ne verrait pas son message, elle ne viendrait jamais et il avait envie de mieux la connaître. Le garçon finit par s'endormir tiraillé entre les doutes, l'espoir et les regrets.
Il se réveilla tôt le lendemain matin et prit un soin particulier à se préparer et notamment dans le choix de sa chemise. Après une longue réflexion, il opta pour une bleue pâle qu'il enfila avec un pantalon noir.
Dans le miroir de son rétroviseur, il prit même le temps de passer sa main dans ses cheveux avant de les ébouriffer d'un geste inconscient qui témoignait plus de sa nervosité que d'une quelconque envie de plaire.
Deux minutes avant l'ouverture de la bibliothèque, Florian entrait sur le campus, nerveux, il jeta un regard aux alentours à la recherche de la chevelure noire d'Inès pis se dirigea vers le bâtiment sans savoir réellement s'il espérait qu'elle soit là.
Quand le réveil d'Inès sonna, elle se retourna et tenta de grappiller quelques secondes de sommeil supplémentaires, peine perdue, elle le savait. Elle finit par se lever et se préparer puis sorti ses feuilles de cours tout en remuant d'un geste distrait son café.
L'étudiante essaya, pendant presqu'une heure de se plonger au cœur de la civilisation babylonienne mais son esprit était accaparé par autre chose, un visage.
Quand il eut été évident qu'elle n'avancerait pas plus, elle décida de partir en direction de l'université et d'accepter la proposition de Florian. Au moment où elle attrapa la poignée de la porte, elle se surprit à douter, et s'il ne l'avait pas attendu ? Pire, s'il avait proposé à quelqu'un d'autre ? En quête de réponse, elle poussa le battant de l'ouverture et s'engagea entre les rayonnages.
Florian s'était mis au travail le plus rapidement possible, tachant d'oublier le fait qu'elle ne soit pas venue. Il s'en doutait, elle avait récupéré ses notes mais n'avait pas pris la peine de tourner les pages. Il reprit son dessin de pyramide qu'il annota au feutre noir comme tous les précédents.
Au bout d'une heure environ, il leva la tête de son croquis, le glissa dans son livre et attrapa une feuille volante pour dresser les points importants de son oral. Ses yeux pourtant se fixèrent au loin, sur la porte d'entrée. Son cœur s'accèlera à la vue d'une silhouette qu'il n'espérait plus voir.
Inès était venue réviser avec lui. Il n'en croyait pas ses yeux et la regarda s'approcher. Elle avait mis un sweat ample beige et un jean bleu simple. Ses cheveux noirs étaient relevés en une queue de cheval dont s'échappaient quelques mèches trop courtes qui encadraient son visage, lui donnant, il trouvait un air d'ange.
Sans esquisser un geste, il l'observa se rapprocher et bredouilla un bonjour quand elle tira la chaise libre pour s'installer.
Inès était heureuse de voir qu'il l'avait attendue et presque aussi stressée mais elle ne savait dire pourquoi elle était si angoissée. Était-ce ses si beaux yeux qui la dévisageaient ?
Essayant de retrouver son calme apparent, elle posa son sac à main sur ses genoux pour en sortir sa trousse, ses feuilles cartonnées et le document de Florian.
« Tu l'as regardé ? Demanda-t-il précipitamment
- Bien sûr, hier soir. Inès marqua une pause. Comment je serai venue sinon ? »
Elle l'observa sourire embarrassé et continua
« D'ailleurs y'a quelques trucs que je comprends pas trop. En fait, je suis pas sûre d'être d'accord avec certaines de tes analyses. »
Inès tourna quelques pages à la recherche de ses annotations et ils discutèrent pendant près d'une heure, s'enrichissant chacun du point de vue de l'autre.
Quand il fut presque treize heures, Florian proposa de faire une pause :
« Tu veux manger quelque chose ?
- J'ai rien pris là avec moi mais on peut passer à la boulangerie et puis je connais un endroit sympa si ça te dis.
- Pourquoi pas, de toute façon on a cours à quatorze heures trente, on reviendra pas ici. »
Inès acquiesça et rangea ses affaires mélangées à celle de son camarade. Elle fut prise d'un frisson quand ses doigts effleurèrent ceux du garçon.
Florian sourit en remarquant qu'elle tentait de camoufler sa gène en se recoiffant. Il s'étonnait lui-même de son audace. Celle fille lui faisait faire des choses qu'il n'avait jamais tenté auparavant.
Perdu dans ses pensées, il la suivit jusqu'à la sortie du bâtiment puis ils marchèrent côte à côte sans un mot vers la boulangerie la plus proche. Ils rirent devant la vitrine ne sachant pas quoi choisir et quittèrent la boutique, un sandwich chacun, souriant.
Inès se demandait si elle devait vraiment partager son havre de paix avec un garçon qu'elle connaissait à peine. Pourtant Florian n'était pas n'importe quel garçon, et visiblement, elle le savait. Il la faisait rire, sourire, frissonner mais surtout, il la rendait heureuse. Alors elle bifurqua en direction de son coin de paradis pour s'installer sur le banc en face du saule pleureur celui-là même derrière lequel elle aimait disparaître le temps d'un instant ou deux.
Ici, avec Florian, elle n'avait pas peur de s'afficher. Inès savait que c'était paradoxal, que l'étudiante solitaire mangeant à l'abri des regards et traînant avec un jeune homme de sa promotion serait le prochain sujet de discutions. Elle n'était pas habituée à réfléchir en fonction de ce que penseraient les autres.
« Tu préfères peut-être un autre endroit, moins ... Caché ou ...
- Non non ! Inès ! S'exclama-t-il. C'est très bien ici, si tu viens souvent alors, il marqua une pause, ça me va. »
Florian ne savait pas pourquoi il lui avait fait un clin d'œil, mais les joues rouges de confusions de sa camarade lui firent chaud au cœur et il s'installa à côté d'elle.
Au début sans un mot, ils mangèrent leurs sandwichs puis ils entamèrent une conversation banale, en apprenant plus l'un sur l'autre. Plus le temps tournait, moins ils avaient envie de se quitter. Inès se surprit même à proposer de ne pas aller en cours.
« Inès ! Toi la première de la classe, tu veux sécher ? »
Elle rougit vivement et détourna les yeux, déçue. Elle pensait que Florian était au dessus de son image d'intello, En colère contre elle même de s'être trompée sur lui, elle se leva et quitta le jardin pressée.
Florian passa un main dans ses cheveux puis tenta de la rattraper :
« Inès ! Tu vas où ?
- En cours ! Puisque mon statut d'intello m'empêche de sécher ! »
La jeune femme marchait furieuse, faisant battre ses mèches au rythme de ses pas. Elle regrettait presque d'avoir partagé un moment avec lui, de lui avoir fait confiance, de lui avoir partagé son jardin secret, au sens propre des mots.
Florian s'arrêta net. Sa réponse resta coincé dans sa gorge. Il se traita mentalement d'idiot puis voulu la rattraper mais elle avait déjà disparue.
Penaud, il prit la route de leur amphithéâtre espérant la retrouver et s'excuser. Il attendit pourtant le dernier moment pour descendre toutes les marches et s'installer le rang juste derrière elle.
Distraitement, il prit des notes du cours mais finit par abandonner et arracher une page pour y gribouiller quelques mots.
Cette phrase lui pesait plus que tout, plus que le regard d'Inès furieux quand elle l'avait quitté, plus que le sourire qui s'était emparé de lui quand il l'avait fait rire, rougir ou frissonner.
Au moment de partir, il fit tomber sa feuille sur la table de la jeune fille et quitta la salle sans même s'assurer qu'elle la prendrait. Il s'en voulait d'avoir été si maladroit.
Pendant tout le trajet, il rumina ses sombres pensées espérant qu'elle ne lui en voudrait pas trop.
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