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Chapitre 7 - « Il a peur » (partie 1)

« La peur. Elle s'infiltre en moi, paralyse mes membres et mon esprit. Elle m'empêche de penser, d'agir. Elle anéantit ce qui, en moi, pourrait grandir et la combattre. Je m'étais juré que je pourrais tenir, je pensais que je n'avais aucune raison de flancher, je me répétais que je n'avais rien à perdre. C'était vrai. Mais on ne raisonne pas avec la peur. »

— Auteur inconnu, Le Cœur du Monde, date inconnue



JE N'Y ARRIVERAI jamais.

Je m'affale sur mon lit et m'y recroqueville, épuisée moralement.

Jamais. C'est bon, j'ai compris.

Je n'en peux plus. Encore une fois, j'ai tenté de soutirer des informations à Marc. Encore une fois, il s'est contenté de m'assurer que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Cela fait quatre jours qu'il s'aveugle, ou feint de s'aveugler, et me laisse tâtonner dans le noir. Je n'en peux plus. Je n'ai plus de forces. Cette situation nous fait du mal à tous les deux, je sais qu'il en souffre aussi, mais cela ne m'empêche pas de le détester.

Mon regard dérive dans la chambre et accroche ironiquement le livre Candide, que j'ai dû lire l'année dernière et qui traîne sur notre bureau. Je le jetterais bien à la tête de Marc.

Quelque chose dépasse du livre. Intriguée, je me lève et m'en empare. Une photographie est glissée entre deux pages. Celle de la famille réunie autour de Maman et Marc. Je ne me souvenais pas de l'avoir cachée ici... Enfin, j'avais presque oublié son existence, cela n'a rien d'étonnant.

Je me rassieds sur le lit et l'étudie du regard. Mamie arbore un immense sourire, Papi cache mal sa joie et Papa rayonne, comme s'il dégageait des ondes de bonheur. Lya et moi, assises à même le sol, nous livrons à une sorte de duel de regards. Je me demande si elle s'en souvient. S'il s'agit de la dernière fois que nous avons joué ensemble, elle et moi.

Maman sourit, elle aussi. Les coins de sa bouche remontent jusqu'à ses yeux. Mais le regard qu'elle pose sur l'appareil est épuisé, ses traits sont tendus, son visage blême... Est-ce dû à l'accouchement ? Bien sûr que oui. À quoi d'autre ?

Mes yeux restent rivés au visage de ma mère. Ses traits sont fins, son visage symétrique. Son nez, court et droit. Ses yeux parfaitement normaux, alors que les miens m'ont valu quelques moqueries à l'école primaire – je me souviens encore de la voix perçante de Simon Jannin qui hurlait : « Iris c'est une sorcière, avec ses cheveux roux et ses gros yeux et son nez tout cassé ! » Ça ne m'a jamais vraiment touchée – il faisait moins le malin quand je lui proposais de le casser pour de vrai, son nez – ; pourtant, devant le visage harmonieux de ma mère, je me sens mal à l'aise. Je regrette de ne pas lui ressembler.

Attends une seconde... Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. Je me souviens parfaitement de la nuit où je l'ai vue – où elle m'a attirée dans son monde.

Elle me ressemblait.

Mes traits se retrouvaient sur son visage.

Alors comment se fait-il que ça ne soit pas le cas ?

Incrédule, je secoue la tête. Est-ce que j'ai imaginé ma mère ? Impossible. On n'imagine pas ce genre de chose. Mais alors, pourquoi aurait-elle eu une apparence si différente de la photo ? Même en vieillissant, on ne change pas autant...

Et dans ce cas, comment c'est possible ? Qui est la vraie ?

« Iris ? Tout va bien ? »

Je sursaute. Lya se tient sur le seuil de notre chambre et m'observe, intriguée.

« Oui oui, mens-je en fourrant la photo sous mon oreiller, avant de me lever et de lui offrir un grand sourire. Qu'est-ce que tu fais là ?

— Les adultes partent au musée, après le déjeuner. Ils voulaient savoir si tu voulais venir. »

Je ricane.

« Non merci. »

Ma sœur, dans son état normal, aurait ricané aussi, et serait repartie dans sa chambre.

« Tu es sûre ? insiste Lya. Ce serait bien, on serait tous ensemble...

— Depuis quand tu prônes le vivre-ensemble, toi ? » répliqué-je.

J'en ai assez de dissimuler mon inquiétude, assez de faire semblant de penser qu'elle est normale alors qu'il est évident que personne n'y croit. J'en ai assez de ce jeu de mensonges et de secrets.

Lya aussi, visiblement. Elle soupire, profondément.

« Tu le sais, Iris, répond-t-elle d'un ton las. Tu devrais le savoir. »

Elle se détourne et redescend l'escalier, me laissant plantée là, tétanisée par l'urgence qui vibrait dans sa voix.

Comme si c'était notre dernière chance de comprendre.

Ma dernière chance.

Je descends à mon tour au salon. Marc est assis sur le canapé, caché derrière un livre – le même depuis quatre jours. Je m'avance vers lui, arrache le bouquin de ses mains et le tire par le bras. Il me jette un regard noir mais ne résiste pas.

« Qu'est-ce qu'il y a ? demande-t-il lorsque j'ai refermé la porte de la cuisine derrière nous.

— Tu comptes faire l'autruche combien de temps encore ?

— Iris, tu t'inventes des problèmes, réplique-t-il sèchement. Tu devrais lâcher la grappe à Lya. »

Je ne sais pas ce qui me prend. Tout remonte, tout, le chat et les photos de Maman et les sourires de Lya et sa presque noyade à la piscine et sa voix pleine d'urgence et les rêves et le bus et l'explication irrationnelle et les yeux de Maman fixés sur moi et les pensées de Lya et sa prison et Marc qui fait semblant de rien. Tout, tout, dans un immense chaos. Mes pensées s'entrechoquent, cognent contre mon crâne et j'explose. J'explose.

Je me mets à hurler, sans même savoir ce que je dis. Les paroles sortent les unes après les autres, sans aucune logique, comme si elles étaient directement reliées au désordre absolu dans ma tête. Je ne peux rien filtrer, rien, les mots se bousculent sous ma langue et sortent avant que je ne les aie compris. Je vomis au visage de mon frère toutes les pensées ce que je gardais pour moi.

Le flot ne se tarit pas peu à peu, il s'interrompt brutalement, sans que je sache ni comment, ni pourquoi, ni même ce que je viens de dire. Marc ouvre la bouche mais je le vois à peine, je me détourne, les murs se refermeng sur moi. Je me rue hors de la cuisine, me heurte aux regards stupéfaits du reste de la famille. C'est trop. Je traverse le salon sans regarder autour de moi, m'engouffre à l'extérieur et me mets à courir.

Je ne m'arrête qu'après une dizaine de minutes, quand la moiteur de l'air estival a étouffé le chaos de mon esprit. Je m'appuie contre un mur, sonnée.

Je ne sais pas trop ce qui vient de se passer. Comment ai-je pu à ce point perdre le contrôle ?

Dans la poche de mon jean, mon téléphone vibre. Je m'en empare machinalement. Papa a tenté neuf fois de m'appeler. Je tape rapidement un message :


Tout va bien. Je vais déjeuner chez Élia. Pas besoin de m'attendre pour aller au musée :p


J'hésite avant de l'envoyer, mais je n'ai aucune envie de retourner à la maison pour affronter leurs questions et leur inquiétude. Voir Élia me soulagera, d'abord parce que parler à quelqu'un d'extérieur me fera du bien, et puis... parce que c'est Élia, tout simplement. Rassurée d'avoir pris une décision, je presse la touche Envoyer et me mets en route.

J'avance en titubant, comme dans un brouillard. L'écho de mes cris et du silence de Marc vrille mes oreilles. Une femme en passant me jette un regard méfiant ; un homme se détourne d'un air dégoûté ; un gamin m'observe en pouffant derrière sa main. J'enregistre ces informations sans en prendre conscience, enfermée dans mon propre esprit.

Tout droit, encore. À gauche. À droite. À nouveau à gauche. Ça y est, la porte avec la tête de mort dessinée au-dessus du 13. Composer le code, un-sept-trois-neuf, un-sept-trois-neuf. Allez. Les escaliers, deux étages, l'odeur poussiéreuse du vieux tapis. La porte, on y est. Appuyer sur la sonnette aux couleurs arc-en-ciel. Écouter le bruit strident. Attendre.

« Iris ? Oh, ma chérie, je suis tellement contente que tu sois venue ! C'est une superbe surprise », claironne une voix à mes oreilles.

Je cligne des yeux. La mère d'Élia se tient derrière sa porte, un immense sourire fendant son visage fin. Mon amie la trouve épuisante, mais j'apprécie pour ma part son enthousiasme communicatif et sa joie de vivre. Élia m'a plusieurs fois raconté sa vie et j'ai toujours été impressionnée par sa résilience. Quand sa mère et son frère sont morts à Tian'anmen, elle a tenu bon. Quand elle a dû fuir la Chine avec sa petite sœur, elle a tenu bon. Quand son mari a été emprisonné pour meurtre il y a deux ans, elle a tenu bon. Et elle arbore encore ce sourire qui s'étend jusqu'à son regard pétillant. J'aimerais lui ressembler.

Elle m'entraîne dans le salon et se précipite vers la cuisine. J'observe la pièce autour de moi. Des photos de villes et de paysages chinois côtoient sur les murs une croix en bois. « Dieu ou le destin, qu'importe, dit souvent la mère d'Élia. Il y a quelqu'un qui veille sur moi. Quelqu'un qui veille sur chacun de nous. » Je caresse distraitement Shīzi, la chatte qu'Élia a insisté pour adopter. « Lion » en chinois, c'est un nom un peu étrange pour une bestiole incapable de tuer une souris, mais la mère de mon amie regrette d'avoir donné un prénom français à ses enfants. Elle a voulu renouer avec ses racines et, d'après mes recherches, « chat » se dit māo en chinois – je comprends qu'elle ait voulu éviter.

« Eeh, Iris ! »

Je sursaute et tourne la tête en souriant, délaissant Shīzi. Louis, le grand frère d'Élia, vient d'entrer dans le salon. Lui et moi adorons nous taquiner, et le voir semble me ramener à moi-même. L'écho de mes cris se dissipe dans la chaleur du foyer d'Élia.

« Loulou, lancé-je joyeusement. Alors, t'as dézingué combien d'oreilles cette semaine ?

— Eh, oh, réplique-t-il en riant. J'ai jamais cassé les oreilles de personne – pas avec ma clarinette au moins.

— Va demander à ta mère, je suis sûre qu'elle aura une autre version de tes débuts !

— Elle n'a pas tort, intervient l'intéressée depuis la cuisine, un rire dans la voix.

— Maman ! »

J'adresse un sourire innocent à Louis.

« Petite effrontée, retourne à l'école primaire, ricane-t-il.

— Les attaques sur l'âge dans un débat, c'est pas ouf, tu sais ?

— T'appelles ça débat ? » réplique-t-il avec dédain.

Je m'apprête à répondre que oui, et que s'il refuse de l'admettre c'est parce qu'il est en train de perdre, lorsqu'un raclement de gorge se fait entendre depuis le couloir.

« Maman, Louis, vous n'en avez pas marre de me piquer mes amis ?

Tes amis, au pluriel ? relève mesquinement Louis.

— Va au diable et rends-moi Iris !

— Ah d'accord, j'ai pas de libre arbitre », m'offusqué-je en adressant un sourire rayonnant à Élia.

Mon amie se tient devant la porte qui mène au couloir. La première chose que je remarque est évidemment l'immense chapeau blanchâtre posé sur sa tête. Élia porte habituellement des chapeaux pointus, dont elle adore la forme, mais celui-ci est plus atypique. Il doit faire cinquante centimètres de haut et presque autant de large, comme un ballon – une montgolfière ? Au milieu du couloir obscur, il diffuse une clarté lunaire. En-dessous, elle porte une longue robe noire, sans fioritures, comme pour attirer l'attention uniquement sur son couvre-chef.

La mère d'Élia se précipite vers elle, arrange son chapeau avec un claquement de langue désapprobateur, se penche vers elle et lui murmure quelque chose à l'oreille. Élia hoche la tête. Je souris à Louis, lui tire la langue puis rejoins mon amie. Elle m'entraîne dans sa chambre. Encombrée, mal rangée, elle pourrait ressembler à la mienne s'il n'y avait pas de morceaux de tissus, d'aiguilles et de photographies dans tous les coins.

« Superbe, dis-je d'une voix qui me semble un peu enrouée. Ça marche comment ? »

Elle ôte son chapeau, souriant d'un air mystérieux. En-dessous, ses longs cheveux noirs sont plaqués contre son crâne par des pinces et des barrettes. Elle pose l'objet sur ses genoux.

« J'ai mis dix lampes, indique-t-elle en désignant plusieurs ampoules cachées dans les replis du tissu, des LED un peu cassées que maman ramène de l'atelier. Et des bouts de plastique phosphorescents, tu sais, comme les étoiles qu'on accroche au plafond des chambres ? Comme ça, si je le recharge assez souvent, il brille.

— Donc c'est une lampe frontale, mais en beaucoup moins puissant et moins pratique. OK.

— Plus joli, par contre, plaide-t-elle.

— Ça représente quoi ? »

Son sourire s'évanouit.

« Il n'est pas complet », souffle-t-elle.

Elle remet le chapeau sur sa tête, s'empare d'un morceau de tissu noir sur le dossier de sa chaise, le place sur son couvre-chef, dégage son visage et éteint le plafonnier. La lumière filtre à travers la toile sombre, diffusant dans la chambre une douce clarté. Les traits d'Élia sont restés dans l'ombre, je distingue à peine le sourire qui revient.

« Tu sais, lâche-t-elle d'une voix douce. La lumière, les ténèbres, Dumbledore, tout ça.

— C'est le film, pinaillé-je, la gorge nouée. Cette citation n'est nulle part dans le livre.

— Elle est vraie quand même. »

Élia pivote pour me regarder dans les yeux. Les siens, coupés de la lumière par ses arcades sourcilières, se détachent à peine de l'obscurité.

« N'oublie pas. Il y a toujours de la lumière, quelque part. »

Et elle rallume le plafonnier. Quelle dramaqueen, c'est dingue...

« Un jour, tu comprendras à quel point tu as l'air ridicule dans ces moments-là », raillé-je.

Elle ignore ma remarque. Ce n'est pas la première fois qu'elle me sort ce genre de comédie. Élia a toujours adoré ça. Et elle sait qu'au fond, moi aussi.

« Je n'avais pas le choix, se défend-elle. Ça fait une semaine que tu réponds mollement à mes messages. Ça te ressemble autant que mon frère à ta sœur. Et maman m'a dit que tu avais l'air complètement perturbée quand tu es arrivée. Dis-moi ce qu'il se passe. »

Je pousse un nouveau soupir, pour la forme. Élia ne lâchera pas le morceau. Et puis, ça me soulagera de me confier. De toute façon, je déteste mentir à ma meilleure amie.

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