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Chapitre 5 - Perdue entre deux mondes (partie 2)

Je pose l'emballage sur la petite pile que j'ai formée avec tous ceux que j'y ai entassés. J'ai essayé de les compter, un jour. Quatre-vingt-huit. Le lendemain, il y en avait cinquante-trois. Je n'ai jamais su si j'avais perdu la tête au point de ne plus savoir compter ou si elle en avait retiré pour que je me croie folle. Elle en serait capable.

Un emballage dégringole de la pile. Je ne veux pas qu'il tombe je ne sais où sur le sol, non, je ne veux pas de ces horreurs partout dans ma prison. J'ai toujours été ordonnée, mais ça tourne à l'obsession depuis que je suis ici, je crois. Cloisonner. Séparer.

Je tâtonne sur le sol pour le retrouver. Sursaute. Sous mes doigts, aucun emballage, mais un creux. Mon cœur accélère, saisi par un espoir que je sais déjà ridicule. Une lettre ? Oui, c'est cela, on dirait un A. Je continue à tâter le sol autour de la lettre. Irai. Non, ça continue – Trahirai. Je cherche encore. Je finis par trouver le début du message. Fébrile, je le déchiffre avec soin. Je prononce les mots à voix haute, d'une voix trop faible pour qu'ils l'entendent, mais ça me fait du bien, à moi. J'ai l'impression d'exister.

« Je trahirai demain pas aujourd'hui.

» Aujourd'hui, arrachez-moi les ongles,

» Je ne trahirai pas. »

Étrange ironie, une fois de plus. Mais quelque part, cela me réconforte.

« Vous ne savez pas le bout de mon courage.

» Moi je sais. »

Non, je ne le sais pas.

« Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.

» Vous avez aux pieds des chaussures

» Avec des clous. »

Ma voix tremble, manque de se briser.

« Je trahirai demain, pas aujourd'hui,

» Demain. »

Mais je ne me tais pas.

« Il me faut la nuit pour me résoudre,

» Il ne faut pas moins d'une nuit

» Pour renier, pour abjurer, pour trahir. »

Il ne reste que deux vers.

« Aujourd'hui je n'ai rien à dire,

» Je trahirai demain. »

Ce n'est pas le vrai poème. Je l'ai étudié en troisième, ou en première, ou bien en seconde. Ou peut-être l'ai-je lu ailleurs. Toujours est-il que je le connais. Le vrai comportait deux strophes supplémentaires avant la conclusion, mais je comprends que celui qui l'a recopié ici les ait omises.

Je décide d'aller jusqu'au bout. De réciter les strophes manquantes.

« Pour renier mes amis,

» Pour abjurer le pain et le vin,

» Pour trahir la vie,

» Pour mourir. »

J'avale ma salive. Et je continue, la voix plus vacillante que jamais.

« Je trahirai demain, pas aujourd'hui.

» La lime est sous le carreau,

» La lime n'est pas pour le barreau,

» La lime n'est pas pour le bourreau,

» La lime est pour mon poignet. »

Je ne tiens plus, ma voix tremble tant sur la fin que les paroles sont à peine audibles. Je me recroqueville sur moi-même, laissant enfin les larmes couler. Je ne comprends pas pourquoi on a gravé ce poème ici. Cela pourrait me sembler surréaliste, mais j'ai dépassé le stade de l'étonnement.

Je n'ai pas le courage d'être une résistante. Et elle a beau me terrifier, elle n'est pas un agent de la Gestapo. Pourtant, l'analogie me trouble.

Je trahirai demain.

Un rire nerveux me secoue, un rire de désespérée. Quel message faut-il que j'y voie ? « Attends avant de céder » ? Ou au contraire, « tout est perdu, tue-toi avant de révéler quelque chose » ? Je ne sais même pas quelle information si précieuse je pourrais détenir. Peut-être qu'il n'y a rien à comprendre.

« Aujourd'hui, je n'ai rien à dire. Je trahirai demain. »

Je ne comprends pas... Je voudrais tant qu'on m'aide.

« Lya ? »

Juste parler à quelqu'un.

« Lya... »

Je relève la tête, surprise. Cela fait si longtemps que je n'ai pas entendu mon prénom. Ils ne m'appellent pas Lya ici, ils ne m'appellent pas du tout. Ils me posent juste des questions.

« Lya. »

Maman... Je la reconnais immédiatement. Maman !

Elle se tient adossée à la porte, et elle me semble plus réelle que tout en cet instant ; il n'y a plus qu'elle et moi. La prison s'évapore, et le poème, l'obscurité, le tas d'emballages, tout semble n'avoir aucune importance.

Cette impression étrange d'être hors du temps, hors du monde... quitter le réel, m'enfoncer dans un autre univers... Ça ne m'est pas arrivé depuis que je suis ici.

Maman.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine tandis que je la détaille. Ce n'est pas la femme qui nous a quittés ce soir-là. Elle est bien plus jeune, elle doit avoir mon âge. Elle me ressemble. Je veux qu'elle me ressemble.

« Lya. »

Maman.

Quelque chose naît en moi. Quelque chose de fort, de grand, de rassurant aussi, comme une couverture chaude et douce. Une émotion que je mets quelques instants de trop à identifier. Bonheur. Je ne suis pas surprise, pas triste, juste heureuse de la voir, par-dessus tout.

Maman.

« Lya, tu es là. »

Et soudain, sans que je sache pourquoi, la couverture quitte mes épaules, l'émotion s'évapore dans les brumes de ma conscience, ne laissant derrière elle qu'un morne désert.

« Oui, c'est moi. » Je ris d'un rire cynique, sans joie. « Enfin, je crois...

— Je suis là, murmure Maman d'une voix caressante. Je suis là, c'est fini, tout ira bien. Viens dans mes bras.

— Maman, je... »

Je voudrais me blottir contre elle comme quand j'avais quatre ans, mais je revois la Chose me prendre dans ses bras, me porter encore quand nous sommes arrivées ici, elle et moi, me tenir contre son corps moite... Je me mets à trembler. Je ne peux pas la toucher. Je ne peux pas serrer ma mère dans mes bras – ma mère qui vient de loin, de je ne sais quel paradis mystique pour m'aider, me réconforter. Je. Ne. Peux. Pas.

Un frisson de terreur me parcourt. Je pâlis et je comprends...

Je comprends que jamais, plus jamais je ne serai la Lya d'avant. Jamais je ne serai la fille qui rêvait de revoir sa mère pour lui faire un dernier câlin. Jamais je ne serai la fille qui, en croisant des familles heureuses – du moins en apparence – dans la rue, s'imaginait qu'elle retrouvait sa mère et était presque joyeuse à cette idée.

J'ai devant moi ce dont je rêve depuis douze ans et je suis incapable de faire le moindre geste.

« Lya, Lya... Lya, ne t'en fais pas. »

Je sais qu'en théorie on ne peut pas toucher les fantômes, qu'ils nous passent à travers. Mais jusqu'à il y a cinq minutes, je pensais qu'ils n'existaient pas, alors qu'importe la théorie. Ma mère s'approche de moi, ses doigts frôlent mon visage et essuient les larmes qui coulent toujours de mes yeux. Je reviens treize ans en arrière, quand j'avais trois ans et que je pleurais pour rien ou presque.

Je comprends alors que ma mère est capable de ce que tous les monstres de cette terre ne pourront faire.

Elle est capable de douceur. D'humanité.

Je me blottis contre elle, soulagée. Parce que si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais. Au bout d'une éternité ou de quelques secondes, elle se détache de moi et prend mon visage entre ses mains fraîches.

« Tiens bon, ma Lya, tu vas t'en sortir. »

Je fais un pas vers elle pour la serrer à nouveau dans mes bras ; un mouvement au sol, à la limite de mon champ de vision, m'arrête. L'emballage d'une barre alimentaire, que j'ai déplacé en m'avançant. Tout semble plus consistant, désormais. Les murs grisâtres, le métal de la porte, les autres emballages... tout. Je sens à nouveau les secondes s'écouler. Une angoisse de petite fille me serre le cœur et je regarde ma mère. Ne me laisse pas.

« Courage, chuchote-t-elle comme un adieu, tu es forte. Je le sais. Mais c'est trop tôt... »

Je tends la main vers elle, mais alors juste avant que j'effleure sa peau, elle disparaît. Comme ça. Sans prévenir. Ma mère est morte une seconde fois.

« Tu me manques, avoué-je au vide. Je voudrais... »

La détresse me coupe la voix et je me laisse tomber au sol.

Pourquoi m'a-t-elle laissée ? Je suis si seule, maintenant. Tout n'est que silence, obscurité, désespoir. Je m'allonge sur le sol, sans me soucier de la poussière qui se mêle à mes cheveux ou du contact glacial du béton. Je m'étends à côté du poème. Tous ces mots qui me rappellent ce que je ne suis pas. Qui est assez cruel pour les avoir inscrits ici ? La lime est pour mon poignet. J'essaie de ne pas penser à cette lime, j'essaie vraiment.

Mais tout est si sombre...

Étendue sur le sol, je me concentre sur ma respiration. Fuir le chaos dans ma tête. Peine perdue, tout m'atteint avec une intensité bien trop forte. Je me sens mal, tellement lâche, incapable. Disparaître, je voudrais disparaître. Les murs autour de moi se resserrent. Un poids sur ma poitrine, étouffant mes cris et mes espoirs. Il ne me reste plus rien, juste l'amertume de la honte et l'aigreur des regrets.

Bientôt, le désespoir engloutira tout. Je commence déjà à sombrer. Des parties de mon esprit se détachent, chutant dans l'infini. Elles aussi sont mortes. Le vide s'étend en moi. Je ne suis plus rien.

Le béton contre mon dos me fait souffrir. Chaque cellule de mon corps en contact avec lui semble me hurler qu'il est froid et dur. Je ne me lève pas.

Une sensation, c'est déjà plus que le vide.

Peu à peu, je reprends contact avec la réalité. Le vide reflue. Alors enfin, je me redresse. J'aperçois au sol un objet qui a dû tomber de ma poche. Je me précipite pour le ramasser. Deux mots sur un bout de papier. Si peu et tellement.


Souviens-toi


Mon écriture... C'est un ticket de métro. Je dois l'avoir utilisé il y a quelques semaines. Je sens les larmes au bord de mes yeux à la simple vue de cette marque de ma vie d'avant mais non, non, non. Ne plus pleurer. Me concentrer, me concentrer. Un vague souvenir surgit en moi, ma main, ma main traçant ces mots avec un vieux crayon.

Le toi est rouge et non gris. Je m'en rappelle, le crayon avait roulé, m'avait échappé, pas moyen de le retrouver. Mais en le cherchant, mes doigts avaient rencontré une pointe métallique et j'avais fini mon message avec mon sang. Mon sang, venant se rappeler à moi.

Quelle drôle d'idée.

Je regarde l'inscription sur le mur, celle qui me semblait familière. Je comprends que c'est moi qui l'ai écrite, elle aussi. Ces mots n'ont pas été gravés pour moi, mais par moi. J'ai écrit cet étrange poème sans m'en souvenir, sans en avoir conscience... Le doute me saisit aussitôt. Comment serait-ce possible ? Je ne l'ai vu nulle part chez moi, j'en suis certaine, et je ne vois pas pourquoi je l'aurais inventé. Je n'ai jamais essayé d'en écrire. Mais, surtout, pourquoi ai-je oublié que je l'ai écrit ? C'est impossible... À moins que je n'aie passé beaucoup plus de temps ici que ce que je ne pensais.

À moins que je ne sois vraiment ici depuis des années.

Cette idée me glace le sang. J'enfouis mon visage dans mes mains.

Je suis folle. Cette option me semble probable, bien trop probable. Je n'ai pas réussi à compter les emballages, après tout. Quatre-vingt-huit, cinquante-trois. Elle a accompli ce qui semble son but, j'ai perdu la tête ; je ne peux faire confiance à personne... pas même à mes propres pensées.

N'ai-je pas, il y a quelques instants, cru voir ma mère revenir d'entre les morts ? Quelle naïveté ! Non seulement folle, mais en plus idiote. La mort est définitive. Dire que je lui ai parlé, que j'ai voulu la serrer dans mes bras... Ça devait être comique, tiens, de m'observer seule dans ma cellule m'adresser au néant. Elle a dû bien s'amuser, si elle est capable de rire. Elle m'espionne, je le sais, enfin, je crois le savoir. Quelle stupidité...

Ma rage contre moi-même retombe aussi vite que ma joie tout à l'heure – fausse, absurde joie. Pas que je m'apprécie davantage, mais je n'ai plus l'énergie de me haïr. Je suis vide.

Je suis cinglée, complètement tarée, je n'ai plus de souvenirs puisqu'ils pourraient tous être faux, plus de pensées, plus d'émotions, plus rien, plus d'identité.

J'aimerais tellement me réveiller, voir que ce n'est qu'un rêve. Que je suis normale, que tout va bien.

Mais tout ne va pas bien. Non.

Je me force à vouloir. Je rappelle à moi la peur, la tristesse, la colère et la détermination, et je renforce encore mon arc. Je me renforce.

Je me renforce ?

Je ne suis pas forte. Je suis seule, je suis perdue... À quoi bon me renforcer ? Je suis désarmée, abandonnée...

Je ne suis même pas certaine de savoir qui je suis. Si je suis encore quelqu'un.

Si, je le sais. Je dois le savoir. Je suis Lya. Je suis Lya Jaouen, fille de Shéhérazade Tutaj et d'Émile Jaouen, sœur d'Iris et de Marc Jaouen. Le nom de ma mère veut dire « ici » en polonais. Elle s'appelait ainsi parce qu'elle avait été trouvée dans une maison déserte, sans indication sur son prénom et son nom qui avaient donc été choisis au hasard. J'aurai dix-sept ans le onze septembre prochain. Je suis Lya.

Je suis Lya, et je ne veux pas mourir.

Je suis Lya.

Je suis Lya.

Je suis Lya ?

La porte s'ouvre, un rai de lumière s'infiltre dans la pièce. Je distingue les inscriptions sur le mur. L'une est gravée en lettres anciennes, l'autre, bien plus brouillonne, me rappelle quelque chose...

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