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Chapitre 4 - La nuit, tous les chats sont gris (partie 1)

« Les morts ne peuvent se mêler aux vivants, ne peuvent interférer avec leurs actions. Il en va de l'équilibre du monde. »

— Auteur inconnu, Le Cœur du Monde, date inconnue



ENGLUÉS.

Il n'y a pas d'autre mot.

Allongé sur mon lit, Marc m'observe d'un œil morne. Cela fait trente minutes que nous sommes rentrés à Marseille ; nous n'avons pas bougé depuis.

Englués, oui. Dans les questions qui nous torturent depuis maintenant deux semaines. Dans le silence pesant qui flotte entre nous. Dans les regards que nous lance Lya. Regards doux, pleins d'espoir, parce que maintenant, notre sœur recherche notre compagnie.

Nous pourrions trouver ce changement génial. S'il n'y avait que ce changement – s'il n'y avait pas les rêves, et le mot, et le bus, et cette sensation trop prégnante que quelque chose cloche. Tous ces éléments que nous consignons sur nos feuilles, jouant les enquêteurs sans jamais avancer.

Nous ne comprenons pas. Et cela nous terrifie – Marc parce qu'il veut tout comprendre, tout connaître, et moi parce que j'ai confiance en lui presque plus qu'en moi-même.

Peu à peu, au cours des deux dernières semaines, la curiosité s'est vu remplacer par l'angoisse, puis par l'abattement. Une écrasante impression de fatalité. Les choses changent autour de nous et nous sommes laissés sur le bord de la route.

J'ai beau tenter de me convaincre que tout cela est absurde, je n'y parviens pas. Trop d'éléments dissonent. Avec un soupir, je me lève et décide de défaire mes bagages. Je rejoins notre lit superposé, soulève ma valise et la renverse sur Marc avachi dessus. Son grognement me tire un sourire, malgré le malaise qui flotte toujours entre nous.

Mon frère ayant déserté mon lit, je m'affaire à remettre mes affaires à leur place – si tant est qu'une chose puisse être à sa place dans notre chambre. Ce n'est pas qu'elle soit petite, non. Même si elle mesure deux mètres sur cinq, ce qui n'est pas des plus pratiques, il y a assez de place pour qu'avec un peu de bonne volonté, nous puissions tout ranger décemment. Sauf que nous n'avons pas assez de bonne volonté – ou alors, nous l'employons autrement. Résultat, si l'espace devant la porte au milieu de la chambre est dégagé par la force des choses, vêtements sales et vieux cahiers s'amoncellent contre le lit et entre l'armoire et le bureau.

Lya détestait ça. Maintenant, si la vue de notre bazar ne la réjouit pas, cela ne semble plus la déranger autant. Désormais, elle nous sourit, cherche à se rapprocher de nous, pourtant cela ne me rassure pas.

Je me souviens des soirées où nous jouions seuls, Marc et moi. Lya était dans sa chambre, j'avais l'impression qu'elle nous écoutait, mais elle ne se joignait jamais à nous. On se demandait pourquoi. C'était comme si elle se... retenait. Comme si elle avait envie, au fond, de nous rejoindre. Mais ça, on a mis des années à le comprendre.

« Tu penses qu'elle a enfin décidé de ne plus nous éviter ? » Après ce long silence inhabituel, ma voix me paraît rauque, voilée. « Qu'elle voulait le faire depuis longtemps ? Ça expliquerait des choses, tu ne crois pas ?

— Peut-être, reconnaît Marc en haussant les épaules. Mais pourquoi ?

— Je ne sais pas. Mais c'est possible qu'il n'y ait pas de problème. »

Il hausse les sourcils, incrédule.

« Ce serait bien. » Il hoche la tête. Il s'assied sur le bureau, sous la fenêtre, et colle son front au carreau comme pour voir quelque chose dans la nuit. « Mais c'est faux. Il y a un problème.

— Ouais, admets-je dans un soupir, je ne pense pas que ce soit juste ça. Qu'elle ait... décidé de changer.

— Putain. Même les soirs où on jouait tous les deux en se demandant pourquoi elle ne venait pas me manquent. »

Il s'interrompt, mais je devine ce qui se cache derrière ses paroles, parce que ce même constat résonne dans ma tête. C'est Lya qui nous manque. Marc est si discret sur ce qu'il ressent, d'habitude...

« Elle n'est pas partie, je lui fais doucement observer.

— Non... »

Dire qu'il n'a pas l'air convaincu est un euphémisme. Mon affirmation cachait elle aussi un espoir plus qu'une certitude.

« Si elle est partie, où est-elle ? » je m'enquiers sans réfléchir à ce que je dis.

Il ne semble pas m'avoir entendue, pourtant il sursaute légèrement et se redresse sur le bureau, en plissant les yeux. Comme si une idée venait de lui traverser l'esprit.

« À quoi tu penses ?

— À rien. À Lya. »

Il n'ajoute rien. Peut-être ai-je imaginé cette lueur dans son regard.

Le dîner se déroule dans la même atmosphère pesante. La table en bois est poussée au fond de la pièce, si bien que je suis complètement cernée : à ma droite et derrière moi, le mur ; devant moi, le meuble ; et à ma gauche, Papa avec son sourire faussement enjoué, qui tente de maintenir la conversation mais ne rencontre aucun écho. Maria ne mange pas et ne prononce aucun mot, dégoûtée par le bruit de succion que produit Papi en aspirant sa soupe. Mamie, pour une fois plongée dans ses pensées, ignore les tentatives de conversation de son fils. Ironiquement, seule Lya y répond, bien que cela ne semble pas la passionner.

Leurs paroles, flottant dans le vide, m'oppressent et m'épuisent. J'ai envie d'être seule. Besoin. Mais il y a assez de comportements étranges dans cette famille avec Lya, alors je prends sur moi et reste à ma place. Je croise le regard de Maria. Elle m'adresse un discret sourire et pointe ma soupe du menton. Je n'y ai pas touché, moi non plus. Je reproduis son geste en direction de son bol et elle le saisit pour le porter à ses lèvres. Je l'imite.

Certes, je déteste les soupes cuisinées par Mamie. C'est aqueux, plein de morceaux gluants et spongieux, et il faudra plus que des rêves, une sœur étrange et quelques autres mystères pour me faire changer d'avis. Mais sentir le liquide emplir ma gorge et descendre dans mon œsophage me calme, étrangement. Me reconnecte à ce que je sens, à moi-même. Je rends son sourire à Maria.

Ma belle-mère a toujours été douée pour comprendre comment se sentent les autres et réagir en conséquence. Quand, en sixième, je pleurais parce que je m'éloignais de mon ancien meilleur ami qui avait déménagé, elle me réconfortait. Quand, peu après qu'on a su comment était morte notre mère, Marc hurlait la nuit après un cauchemar, elle se levait et l'aidait à se rendormir. Je l'ai même vue plusieurs fois murmurer des choses à Lya qui faisait semblant de ne rien entendre. Depuis qu'elle vit avec nous, elle semble se consacrer à réconforter chacun. Je ne sais pas comment elle fait.

La nuit venue, Marc et moi regagnons notre chambre. Et comme chaque soir depuis qu'elle nous a montré les photos de Maman, Lya nous suit.

« Vous voulez pas que je dorme avec vous ? propose-t-elle pour la huitième fois.

— Lya... commencé-je, m'apprêtant à refuser, comme lors des huit soirs précédents.

— En fait, me coupe Marc d'une voix plus forte, pourquoi pas ? Maintenant qu'on a un peu plus de place que cette foutue chambre avec son toit trop bas.

— Mais...

— Allez, viens, Lya. Demande pas aux adultes, ils nous diront pas non. »

Je lève les yeux au ciel. Lya va chercher son matelas dans sa chambre et Marc me glisse :

« Iris, tu l'as dit toi-même la semaine dernière, faut qu'on agisse. C'est l'occasion de lui poser des questions, OK ? »

J'acquiesce, sceptique. Nous nous installons ; Marc descend son matelas de son lit pour ne pas être exclu. Lya nous rejoint ; lorsque Papa passe la tête par la porte, nous affichons un air innocent. Il hausse les sourcils mais s'éloigne sans nous faire de remarque.

Nous éteignons la lumière. Le silence plane entre nous, pendant une durée que je ne saurais quantifier. J'écoute la respiration de Lya, à côté de moi. Lente, profonde, comme si elle dormait. C'est pourquoi je sursaute en entendant sa voix.

« C'est chelou, lâche-t-elle.

— D'être là, tu veux dire ? réplique Marc d'une voix étouffée.

— Ouais. »

Le silence retombe quelques instants.

« Pourquoi tu veux dormir avec nous, Lya ? » demandé-je.

J'entends la main de Marc retomber sur son matelas, et je devine son exaspération. Mais parfois, il faut juste foncer dans le tas.

« Je sais pas, souffle ma sœur, c'est... je me sens seule, parfois. Loin...

— Loin ? » répète Marc.

Il faut le connaître pour sentir l'excitation derrière son ton retenu, mesuré.

« Oui, loin, je... ne sais pas si vous pouvez comprendre... »

Sa voix est tremblante, comme si elle allait se briser. Elle s'est livrée si facilement que je suis tentée de croire qu'elle ment, mais il y a quelque chose de si vrai dans son intonation... Ses paroles sonnent juste.

« Parfois, je rêve que tout change, ajoute Lya. Ça me fait peur. Tout ce que j'ai connu s'effondre... »

Je n'ose pas faire un geste. J'ai peur, moi aussi – peur d'elle, peur pour elle. Est-ce que quelqu'un, ou quelque chose, la menace ? Ça expliquerait qu'elle veuille se rapprocher de nous, par instinct de survie... Est-ce que quelqu'un lui a fait du mal ? Non. Arrête, Iris. Arrête. Ça n'a aucun sens – tu es ridicule.

« Tu te souviens de la fois où on a été au Parc Astérix, quand t'as eu dix ans ? » demande soudain Marc.

Il y a quelque chose de forcé dans sa voix, le ton qu'on emploie quand on veut insinuer quelque chose. Je fronce les sourcils.

Nous n'avons jamais été au Parc Astérix.

« Je... vaguement, souffle ma sœur.

— Tu ne te souviens pas de ce que t'as dit en sortant ? poursuit Marc avec une hésitation, comme s'il improvisait.

— Je sais pas...

— T'as dit que tu... avais eu peur. Mais qu'on avait été ensemble. Et que... que ça t'avait aidée. Tu te souviens pas ? »

Je devrais lui donner des cours de mensonge, c'est pathétique là...

« Je...

— On est avec toi, ajoute Marc avec douceur. Même si tout change. On est ensemble. »

Il y a tant de conviction dans ses deux dernières phrases que je ne sais pas à qui il les adresse. Je décide de les prendre pour moi. Même si tout change, on est ensemble.

Le silence s'étire, épais, insupportable. Je le brise avec la première question qui me vient à l'esprit :

« Tu as hâte de la rentrée ?

— Oh... murmure-t-elle, surprise par l'incongruité de ma question. Bof. Je... pas énormément. »

Cette réplique en demi-teinte ne lui ressemble pas non plus. Dans son état normal, Lya répond par un discours soigneusement organisé, ou par le silence. Pas d'hésitations ou d'entre-deux, elle ne parle que quand elle sait ce qu'elle va dire.

« Moi, j'ai hâte de retrouver Élia », insinué-je, dans l'espoir qu'elle parle à son tour de ses amis ; n'importe quel indice pourrait nous être utile, à ce stade.

Lya n'a jamais ramené personne à la maison, ne nous a parlé d'aucun camarade qu'elle appréciait et passe ses journées seule, si j'en crois Louis, le frère d'Élia, qui étudie dans son lycée. Mais rien ne dit que cela non plus n'a pas changé.

« Je vois. » Elle sursaute. « Je pense que je ferais mieux d'aller dormir dans ma chambre. »

Sans répondre à nos questions, elle ramasse son matelas et le traîne derrière elle, hors de la pièce. Marc et moi nous entre-regardons, stupéfaits. Mon frère soupire et rapproche son matelas du mien.

J'ai envie de l'interroger sur les questions qu'il a posées à Lya, mais le temps que je tourne et retourne les phrases dans ma tête pour trouver une formulation correcte, son souffle profond et lent m'indique qu'il ne sera pas en état de me répondre. Je laisse tomber ma tête sur mon oreiller, attendant de trouver moi aussi le sommeil.

Une heure plus tard, j'attends encore.

Il ne vient toujours pas. J'ai beau me tourner, me retourner, patienter, mon esprit ne semble pas intégrer qu'il est minuit. Minuit trente. Quarante-cinq. Une heure.

Les lumières ténues des maisons voisines agressent mes rétines ; chaque son résonne à mes oreilles. Les voix fortes bien que lointaines qui s'envolent dans la nuit ; les klaxons des automobiles qui passent en vrombissant ; les portes et les vitres battant sous le mistral déchaîné ; et, juste sous ma fenêtre, un léger miaulement...

Intriguée, je me redresse. Pas que les chats errants soient rares, dans le dédale de ruelles où nous vivons. Mais ce miaulement-ci me rappelle quelque chose. On dirait un appel. Pas une supplique ou une menace, comme ceux des autres chats, plutôt une invitation.

Je me lève, comme hypnotisée, enjambe Marc endormi et me dirige vers la fenêtre, légèrement ouverte pour laisser entrer l'air de la nuit. J'écarte les volets pour me pencher à l'extérieur.

Une petite silhouette noire, qui se détache à peine de l'obscurité.

Le cœur battant la chamade, je fouille ma table de nuit et trouve ma lampe frontale. Prenant soin de ne pas réveiller mon frère, j'éclaire le bureau et rédige un mot à son intention.


Marc,

Je sors, j'ai un truc à voir. On doit comprendre. Je ne me suis pas fait kidnapper, promis. Je rentre bientôt. Ne t'en fais pas.

À plus, et fais pas de conneries,

                                                             Iris


Le mot me semble ridicule, mais il fera l'affaire. Il ne faut pas que Marc me suive.

Mes yeux effleurent sa silhouette endormie, ses cheveux dorés que la sueur colle à son front. Pour la première fois de ma vie, je sens que je dois le protéger. Mon petit frère. L'angoisse me saisit à nouveau, une part de moi voudrait se recoucher. Mais c'est trop tard, je ne peux pas. Je dois agir, saisir toutes les pistes qui se présentent. Il l'a dit lui-même.

Je rassemble le courage qui se terre au fond de moi, dans ma poitrine. Je lui insuffle la force de nos hésitations, de cette seule certitude : Nous devons savoir.

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