PDV LUCINDA

Lætitia : quoi?!

     Je lui souris, fière de moi.

Moi : ce soir, je libère mon bien aimé.

Lætitia : tu l'as maîtrisé quand, ce sort? On en a parlé qu'avant-hier.

Moi : tu sais que rien n'est au dessus de mes capacités.

     L'expression de surprise sur son visage disparaît pour laisser place à un sourire.

Lætitia : et donc...?

Moi : ça fait deux jours qu'il n'est pas venu. Et j'ai le pressentiment qu'il va le faire aujourd'hui. Même s'il ne le fait pas, je demanderai à le voir.

Lætitia : il va croire qu'il a une chance.

Moi : justement. Et c'est pour ça qu'il ne refusera pas.

Lætitia : tu le mènes à la baguette, dis donc.

     Mon sourire s'agrandit.

     La porte du salon s'ouvre plus tard sur une Élizabeth qui a l'air de mauvaise humeur.

Moi : qu'est-ce qu'il y a?

     Elle s'assoit sur le canapé en face de moi, près de Læ. Celle-ci et moi nous regardons, confuses.

Élizabeth : ce n'est qu'un imbécile.

Lætitia : s'il y a bien une personne de qui tu peux ainsi parler, c'est Dérick.

Élizabeth : ne prononce pas ce prénom horrible!

Moi : tu dois sacrément être en colère contre lui, dis donc.

Lætitia : qu'est-ce qu'il a fait?

     Elle serre ses avant-bras avec rage.

Moi : il ne t'a pas trompée j'espère?

     Mon ton froid et sans appel la fait se raidir.

Élizabeth : n-non... Il... Il se passe qu'on s'est disputé.

Lætitia : j'espère que le sujet n'est pas stupide.

Élizabeth : notre avenir de couple.

     On reste sans voix, la fixant avec étonnement.

Moi : vous... Vous allez... Vous marier?

Élizabeth : justement, on ne sait pas. On discutait tranquillement quand le sujet a dérivé sur ça. Et quand je lui ai posé la question à savoir s'il me demanderait un jour ma main, il s'est tu.

Moi : si j'apprends qu'il joue avec tes sentiments, je le ferai exécuter sur le champ. Et c'est non négociable.

     Docilement, mais effrayée par mes propos, elle hoche la tête.

Moi : je vais vous laisser. Il faut que j'aille tout préparer.

Élizabeth : tout préparer?

Lætitia : je vais t'expliquer.

     Je quitte le salon et vais dans ma chambre. Je pose ma veste sur le dossier de ma chaise de bureau et invoque Léo.

Léo : enfin! Ça fait combien de temps, déjà?

Moi : même pas deux mois. Donc, moins de seize heures dans ton monde.

     Il se tait aussitôt.

Moi : s'il te plaît, j'aimerai avoir de la poudre d'étoiles de votre monde.

Léo : pourquoi?

Moi : je t'expliquerai plus tard, c'est urgent.

     Il hoche la tête et disparaît pour revenir cinq minutes plus tard avec.

Moi : tu as été rapide, dis moi.

Léo : le roi des esprits n'a pas hésité en sachant que c'est sa fidèle amie qui l'a demandée.

Moi : faudrait d'ailleurs que je pense à vous rendre visite un de ces jours.

Léo : tu es sérieuse?

Moi : pourquoi ne le serai-je pas?

     Ses yeux pétillent alors que je trace le cercle de magie pure.

Léo : tu m'expliques maintenant?

Moi : c'est pour libérer mon fiancé de l'emprise de son père.

Léo : hein?!

     Je lui explique plus en détails et finis de tracer le cercle en même temps que je finis mon histoire.

Léo : tu dois sacrément l'aimer, hein.

     Je lui lance un regard et le détourne en haussant les épaules. Je fais genre alors que c'est vrai.

Moi : merci pour ton aide. Maintenant, faut que tu y ailles. Il pourrait apparaître à n'importe quel moment.

     Je rends le cercle invisible et m'assois sur mon lit.

Léo : tu me chasses avec tant de brutalité.

Moi : vas-y avant que je ne le fasse vraiment.

Léo : d'accord, d'accord, pas la peine de s'emporter.

     Il disparaît et je soupire, fatiguée. Néanmoins, un petit sourire s'invite sur mes lèvres.

     Seulement quelques minutes après, celui que j'attendais arrive enfin.

Zeldris : Lucinda!

     Pourquoi il a l'air en colère?

Moi : baisse d'un ton avec moi.

Zeldris : pas tant que je n'aurai pas eu une bonne explication du pourquoi tu serrais ce blondinet dans tes bras il y a deux jours!

Moi : et ce n'est que maintenant que tu me fais une crise de jalousie?

     Il fronce les sourcils tandis que je me tourne vers lui.

Zeldris : j'étais... Occupé.

Moi : j'ai eu des vacances, en tout cas.

     Il soupire. Je me lève et me place devant lui.

Zeldris : Lu...

Moi : je te déteste Zeldris.

     Il serre les poings. Je poursuis, doucement :

Moi : mais je t'aime depuis toujours.

Zeldris : Lucy...

Moi : ne l'utilise plus jamais. Tu as perdu certains droits envers moi et je te détesterai toujours pour ce que tu as fait à mes parents.

     La tristesse traverse son visage.

Moi : par contre, je deviendrai ta femme...

     Ses yeux grandissent de surprise.

Moi : à deux conditions.

Zeldris : tout ce que tu souhaites.

     Il me prend les mains.

Moi : premièrement, tu ne me toucheras pas avant le mariage, c'est moi qui prendrai les initiatives.

Zeldris : et la deuxième?

     Je retire mes mains des siennes et sors du cercle avant de me tourner vers lui.

Moi : nos deux royaumes ne fusionneront pas. Chacun dirigera de son côté.

Zeldris : mais c'est impossible!

Moi : pas forcément.

     Il reste silencieux, semblant méditer à mes paroles. J'en profite pour réciter ma formule magique. Il se fige soudainement, puis tombe à genoux. Il hurle de douleur, comme si son âme se déchire. Je ferme les yeux pour ne pas avoir à le regarder souffrir sans pouvoir intervenir et continue la formule, ce qui fait briller le cercle rendu visible vu la lumière qui traverse mes paupières closes.

     C'est pour son bien que je le fais. Pour notre bien.

     Quand je termine, j'ouvre les yeux. Une masse noire flotte au dessus du corps inerte de mon fiancé. Je le saisis de mon sceptre pour la capturer, mais avant même d'avoir pu ouvrir la bouche, il disparaît.

     Il est... Mort? Définitivement? Non, ça serait trop facile...

     Un son provenant du sol me ramène à la réalité. Je range mon sceptre et me mets au niveau de Zeldris pour le retourner.

Moi : Zel?

     Une goutte tombe sur sa joue. Une goutte écarlate. Je me rends compte que je pleure, mais de joie.

     Je l'ai enfin retrouvé.