Chapitre 2
Paris, 10 décembre 2019
« ...Et voici le journal du midi-quinze heures, présenté par Caroline Dubois... La guerre continue dans certains pays du sud... Un attentat a été déjoué en Italie... Un meurtre a eu lieu dans une petite ville près de Lyon... Des policiers ont été fusillés, hier, dans le sud de la Bretagne... D'après une enquête du journal « Les Poussins Déchaînés » l'élection présidentielle à Rellenf, petit pays se situant près de l'Amérique du Sud aurait été truquée... Une femme âgée de 89 ans a tué son mari avec une petite cuillère... »
Cathie Locho soupira, essuya ses mains couvertes de peinture et éteignit la radio. Depuis quelques temps, il était impossible de tomber sur une station radio qui diffusait de bonnes nouvelles.
On était samedi, Cathie n'avait rien à faire (mis à part deux exercices de mathématiques, mais elle avait décidé de les faire plus tard). Elle fit alors son activité favorite : la peinture. Cathie adorait peindre. Elle aimait aussi la sculpture et la photographie. Mais la plupart du temps, elle peignait. Elle s'amusait à reproduire sa chambre ou à dessiner le dehors. Une dizaine de tableaux qu'elle avait créés étaient accrochés au-dessus de son bureau. Certains représentaient des paysages de son imagination, d'autres sa chambre. Il y avait aussi quelques photographies qu'elle avait prises : des photos de paysages, de sa famille et de ses deux meilleures amies Lora et Lizzie. Sur son bureau il y avait des sculptures qu'elles avaient faites de ses propres mains. Il y en avait de toutes formes.
M. et Mme Locho avaient cinq filles. Toutes avaient une chambre qui possédait les mêmes meubles et étaient disposés au même endroit les uns par rapport aux autres.
Les deux aînées, Jeanne et Marie n'habitaient plus la maison. Leur chambre était donc vide.
Mais, les chambres de Cathie et de ses autres sœurs étaient identiques ; quand on rentrait dedans, on pouvait voir en premier un lit, en face de celui-ci, il y avait une coiffeuse avec un gigantesque miroir. Puis à côté, il y avait un bureau, enfin encore à côté, une armoire.
C'était M. et Mme Locho qui obligeaient les filles à avoir les mêmes meubles. Les trois chambres avaient la même couleur de tapisserie : blanche.
Cathie trouvait que ça faisait hôpital, alors, à l'âge de douze ans, elle avait décidé de la peindre bleu ciel. Cathie s'était ensuite prit une grosse punition par ses parents car ceux-ci avaient interdit à leurs cinq filles de décorer leur chambre sans leur demander l'autorisation. Mais, la punition n'avait pas empêché Cathie d'accrocher aux murs de sa chambre des photos qu'elle avait prises, des peintures qu'elle avait faites et d'installer sur son bureau des petites sculptures (mais elle s'était bien sûr repris une autre punition de ses parents stricts).
Ensuite, ce fut au tour d'Eliza (sa petite sœur de six ans et qui s'appelait en vérité Elisabeth, mais, elle voulait qu'on l'appelle Eliza) qui voulut faire comme sa grande sœur et décida de peindre sa chambre en rose électrique. Mais, quand on a trois ans, on n'est pas vraiment pro de la peinture et Eliza avait fait un carnage. Heureusement, Cathie avait été la première à voir l'état de la chambre de sa petite sœur, donc, elle avait réparé les dégâts avant que les parents voient ce qu'avait fait la cadette de la famille. Cathie avait repeint soigneusement les murs de la chambre d'Eliza et avait couvert les pâtés par des autocollants de princesses Disney.
Malheureusement, ça n'avait pas empêché Eliza d'être punie pour avoir peint sa chambre en rose électrique. Cathie aussi avait été punie car ses parents la soupçonnaient d'avoir poussé sa sœur à désobéir. La jeune fille avait trouvé ça injuste.
En bref, seule Olympe, son autre petite sœur de neuf ans, avait laissé sa chambre en blanc et était la fille la plus obéissante de la famille (ce qui était tout le contraire de Cathie).
La porte de la chambre de Cathie s'ouvrit et Olympe entra.
- Catherine ! s'écria-t-elle.
- Je t'ai déjà dit de toquer avant d'entrer ! grommela Cathie. Et ne m'appelle pas « Catherine », « Cathie » suffira, ajouta la jeune fille.
Elle détestait qu'on l'appelle par son prénom en entier. Seuls ses amis respectaient son vœu, sinon, sa famille, les voisins, les profs... l'appelaient « Catherine ».
Heureusement qu'elle n'avait pas hérité du prénom de sa petite sœur, Olympe. Cathie ne savait pas ce qui avait pris à ses parents d'appeler sa petite sœur par ce prénom-là. Ça faisait belle lurette que plus personne sur Terre ne s'appelle comme ça (vous en connaissez beaucoup des gens d'aujourd'hui qui s'appellent Olympe ? Encore pour des personnes âgées ça passe, mais pour des jeunes du XXIème siècle...)
Sa petite sœur ignora sa remarque et lui dit :
Maman a dit que tu devais aller chez Mme Mortez pour ton cours d'Histoire !
Cathie soupira. Elle n'était pas du tout bonne en Histoire, au plus grand désespoir de ses parents. Ces deux derniers sont historiens et ses deux sœurs ainées font des études d'archéologie, alors c'est sûr l'Histoire est très importante dans la famille Locho. Même Olympe et Eliza étaient beaucoup plus douées que Cathie.
Helen Locho, la mère, désespérée par les notes médiocres de Cathie, avait décidé de l'inscrire à des cours d'Histoire. Mme Mortez, la voisine, était une ancienne professeure d'Histoire. Elle avait proposé à Mme Locho de lui donner des cours gratuitement.
- Attends ! Je termine mon tableau... Tu peux aller prévenir Mme Mortez que je serais en retard et...
- Non ! Tu dois y aller, sinon maman va te gronder et tu seras punie ! Et puis tu sais bien que l'Histoire est bien plus importante que la peinture ou la sculpture...
Cathie allait la gifler mais elle se retient. Ça ne servirait à rien. Comme d'habitude, cette conversation se terminerait en cris et en pleurs et Cathie serait grondée et punie. Ce n'était pas la première fois qu'on la critiquait sur ses talents d'artiste. Toute sa famille voyait d'un très mauvais œil que Cathie peigne, fasse de la sculpture ou encore de la photographie. Mais, elle n'était pas la seule de la famille à aimer l'art, il y avait Jeanne, l'une de ses deux grandes sœurs qui, quand elle était plus jeune adorait la peinture. Tout comme Cathie, Jeanne avait eu envie d'en faire son métier, mais ses parents avaient réussi à la convaincre de travailler dans l'Histoire.
- Moi, jamais je ne me laisserai convaincre ! avait décidé Cathie.
La jeune fille reposa son pinceau et essuya ses mains sur son pantalon. Sa petite sœur fit la moue
- Quoi ? T'as un problème ? s'écria Cathie
- Ben, c'est un peu dégoutant... répondit Olympe
- C'est mon pantalon de travail, ok ? Alors dégage ! Je vais me changer !
- Ne me parles pas comme ça ! cria la petite fille avant de sortir de la chambre de sa grande sœur
Cathie enleva son « pantalon de travail » et enfila un jean propre.
La jeune fille prit son manteau et sortit de sa chambre.
Elle allait sortir de la maison quand Olympe lui rappela en lui tendant un livre :
- Hé ! Tu as oublié ton livre d'Histoire !
- Oh ! Mon Dieu ! Comment ai-je pu oublier ce livre chéri ! dit Cathie, ironique.
Elle le prit des mains de sa sœur, le fourra dans son sac et sortit de la maison.
Mme Mortez habitait juste en face de la maison des Locho. C'était une très grande et très vieille maison. Plus petite, Cathie avait peur et ne voulait jamais rentrer dans cette maison, pas même s'approcher. Bien que la jeune fille ait tous justes seize ans, elle avait quand même un petit peu peur. Arrivée près de l'imposante porte, elle sonna. Trente secondes plus tard, une dame âgée d'une soixantaine d'années ouvrit la porte.
- Ah ! Catherine ! Te voilà ! Comment vas-tu ?
- Bien, répondit sèchement la jeune fille.
Mme Mortez faisait partie des personnes qui appelaient la jeune fille par son vrai prénom. La voisine trouvait que « Catherine » était plus jolie.
- Tu devrais être fière de porter ce prénom, avait-elle dit un jour, car une femme historique l'a porté : Catherine de Médicis !
Cathie trouvait cela ridicule. Des milliers de femmes sur Terre s'appelaient Catherine et aucune n'avait dû penser à Catherine de Médicis.
Une fois, Mme Mortez avait dit à sa jeune élève d'apprendre la biographie de Catherine de Médicis par cœur.
« Pour s'amuser ! » avait dit Mme Mortez.
Cathie n'avait rien trouvé d'amusant à apprendre la biographie d'une femme du XVème siècle.
- Allons, entre ! Veux-tu quelque chose à boire ? Ou peut-être veux-tu grignoter ? demanda Mme Mortez
Avant que Cathie puisse répondre, elle disparut dans la cuisine. La jeune fille entra dans le salon. C'était une très grande pièce. Elle était dix fois plus grande que son propre salon.
Au centre de la pièce, il y avait six canapés et dix fauteuils qui étaient disposés en cercle. Une table trônait au milieu du cercle. Les murs étaient ornés de tableaux qui représentaient des personnages allant de l'Antiquité jusqu'au début du XXème. Sur un des murs, il y avait une grande cheminée. Au plafond, il y avait un grand lustre doré.
En bref, le salon de Mme Mortez ne ressemblait pas à un salon comme celui de nos jours. D'ailleurs toutes les autres pièces de la maison avaient un style comme celui du salon.
Quand Cathie était petite, elle était très surprise que le salon ne contienne pas de télé. Elle avait même osé demander pourquoi. Mme Mortez avait d'abord ri et avait finalement dit : « Je n'aime pas la télé ! Ça rend idiot ! »
Cathie n'avait pas compris comment la télé pouvait, d'après la voisine, rendre idiot. Elle avait donc laissé cette conversation de côté.
La jeune fille sortit son livre d'Histoire. En l'ouvrant, elle se rappela la première fois qu'elle était entrée dans la maison de Mme Mortez. Cathie devait avoir entre quatre ou cinq ans. Elle avait eu très peur quand elle était entrée. Et puis, au fil du temps elle s'était habituée à cette maison du XVIIIème siècle.
L'entrée de Mme Mortez mit fin à ses pensées. La dame s'avança les bras chargés d'un plateau. Dessus étaient posés dix bols remplis de brioches sucrées et deux verres de limonade. Mme Mortez posa le tout sur la table. Cathie se demanda pourquoi il y avait tant de brioches et deux verres de limonade. Mme Mortez était diabétique, elle ne pouvait pas manger de sucre et elle détestait la limonade. Cathie demanda pourquoi il y avait autant à manger.
- Mon petit-fils va venir tout à l'heure.
- Vous avez un petit fils ? ne put s'empêcher de demander Cathie.
- Mais oui ! Contrairement à ce que tout le quartier pense, je ne suis pas une vieille sorcière qui vit seule, isolée de tous, dans une maison très étrange.
Cathie ne répondit pas. C'était en effet ce que le quartier (y compris elle) pensait. Une vieille dame étrange, réservée, isolée, habitant une maison très bizarre.
La jeune fille prit une brioche sucrée et mordit à pleines dents. Mme Mortez était très énervante avec ses leçons d'Histoire, mais elle était la meilleure cuisinière au monde. Cathie se demandait souvent pourquoi Mme Mortez n'avait pas choisi à faire cuisinière.
- J'avais une vie très sociable à l'époque... murmura Mme Mortez. Même les stars n'avaient pas une vie aussi sociable que moi, dans le temps... Je connaissais tous les gens qu'il y avait sur la planète, même ceux qui viennent d'autres époques. Aujourd'hui, je suis plus à l'aise avec les gens du XIXème siècle.
- J'ai... Je vous demande pardon ? bredouilla Cathie interloquée.
Mme Mortez sursauta et, s'apercevant que sa jeune élève était là, elle dit précipitamment :
- Non ! Non ! Rien ! Oublie ce que je viens de dire ! Je... Je récitais un monologue que j'ai lu dans un livre.
Cathie savait qu'elle mentait. Il devait y avoir autre chose, mais, elle n'insista pas. Elle commença donc à réciter la vie de Charlemagne.
Vingt minutes plus tard, la sonnerie retentit. Mme Mortez, se leva et alla ouvrir. Cinq minutes plus tard, la voisine revient suivie de trois adolescents.
- Nous serons plus que prévu, annonça Mme Mortez.
Cathie fut étonnée de voir Lora et Lizzie et fut encore plus surprise quand elle vit que le petit-fils de Mme Mortez était Louis Vintage, le garçon le plus populaire du lycée.
- Cathie, voici Louis, mon petit-fils.
- Oui, on se connaît, dit ce-dernier.
Cathie se sentit rougir. Quand Louis parlait, elle se mettait à rougir et son ventre se crispait.
A part en cours, Louis et Cathie ne se parlaient jamais. C'était la première fois qu'il lui parlait autre part qu'au lycée.
La deuxième chose qu'elle fut incapable d'admettre est que Louis, le type le plus populaire du lycée soit le petit-fils de Mme Mortez, la vieille dame que tout le monde croit folle.
- Et voici Lora et... Lizzie, c'est bien cela ? demanda Mme Mortez à la jeune concernée.
Ce fut Lora qui répondit à la place de Lizzie ; cette dernière contemplait le salon d'un air intrigué.
- C'est cela ! Nous sommes des amies avec Cathie, dit Lora en se plaçant à côté de cette dernière.
Soudain, Mme Mortez pâlit.
- Quelque chose ne va pas, grand-mère ? demanda Louis
- Je... Je vais dans ma chambre me reposer un petit peu, répondit Mme Mortez d'une voix blanche.
Elle monta lourdement les escaliers. Une fois que la vieille dame eut disparu, un silence de mort régna dans la pièce.
Je vais chercher deux autres verres, dit Louis au bout de deux minutes.
Il sortit du salon.
- C'est fou ce qui nous arrive, aujourd'hui ! déclara Lizzie qui n'avait pas parlé une seule fois. On décide, Lora et moi, d'aller se promener dans le parc et voilà qu'on se retrouve dans la maison de la folle du quartier. Plus étrange encore : le mec le plus populaire du lycée est le petit-fils de la vieille débile du quartier !
- Lizzie ! gronda gentiment Cathie. Je te rappelle que Mme Mortez est ma prof d'Histoire et qu'elle n'est pas aussi folle qu'on le pense !
« Ou pas. » se murmura Cathie à elle-même.
Elle avait repensé à l'étrange monologue de la vieille dame.
Ses paroles résonnaient dans la tête de Cathie :
« Je connaissais tous les gens qui avait sur terre... Même ceux qui venaient de différentes époques... Aujourd'hui je suis plus à l'aise avec les personnes du XIXème siècle... »
Qu'est-ce que cela pouvait-il bien signifier ? À moins que la vieille dame plaisantait... ou alors elle était tout simplement folle. Cathie trouva que la deuxième hypothèse semblait plus crédible que la première. Pourtant, tout au fond d'elle, elle savait qu'il y avait autre chose.
- Hé oh ! Cathiiiiiiiiiie ! appela Lora
La jeune fille sortit de ses pensées et regarda ses deux amies.
- On était en train de t'expliquer comment on a rencontré Louis, dit Lora.
- Ah...
- Évidemment, tu n'as rien suivi... ! soupira Lizzie
- D'accord, mais là je vais vous écouter at-ten-ti-ve-ment !
* * *
Lizzie Olyra était couchée sur son lit en train de grignoter des bonbons tout en feuilletant des magazines de mode. Lizzie avait les cheveux plutôt blonds, elle avait tout le temps un teint de pêche, même quand elle était très malade. Le seul défaut de la jeune fille est qu'elle était ronde. Depuis qu'elle était toute petite, elle avait pris l'habitude de grignoter des sucreries et de boire du soda à chaque repas. Lizzie s'en fichait pas mal qu'elle soit ronde ou pas, son seul but était d'être habillée à la mode (chose qui énervait beaucoup ses deux meilleures amies, Lora Loiret et Cathie Locho). Soudain, Lizzie entendit quelqu'un tomber et l'instant d'après, elle entendit de grands cris stridents.
Lizzie s'arracha de sa lecture et descendit. Elle trouva Tom, son petit frère de quatre ans, assis au bas des escaliers, en train de pleurer bruyamment. Marc son autre petit frère âgé de six ans poussait des cris stridents.
- Qu'est-ce qui se passe ici ? demanda Lizzie par-dessus les pleurs de Marc et les cris de Tom.
- C'est Marc ! Il m'a poussé dans les escaliers ! répondit Tom
- Ce n'est même pas vrai ! J'étais aux toilettes quand tu es tombé ! se défendit Marc.
- Comment es-tu tombé alors, si Marc était aux toilettes ? questionna Lizzie à Tom.
Avant que Tom réponde, le téléphone de Lizzie sonna. Elle décrocha. C'était Lora Loiret sa meilleure amie.
- Allô ?
- Salut Lizzie ! Tu fais quoi cet après-midi ?
- Eh bien...
- Lizzie ? Tout va bien ? C'est quoi ces cris ?
- Oh... Rien de grave... Une petite chamaillerie entre mes frères...
- Ah... je dois sortir Cookies et je voulais te demander si tu voulais m'accompagner.
- Tu dois sortir qui ?
- Cookies. C'est le chien de ma tante. Je m'occupe de lui, et en échange je reçois dix euros. En ce moment, je me fais de l'argent de poche pour m'acheter le dernier téléphone : le Phone-i10 !
- Waouh ! Il coûte super cher en plus !
- Oui et vu que mes parents n'ont pas vraiment les moyens de me l'acheter... Ils ne sont pas aussi riches que la famille de cette peste de Rose Inty.
- C'est sûr. »
Rose Inty était la fille la plus populaire du lycée et ses parents étaient une des familles les plus riches de la ville. Rose était une fille gâtée, égoïste que Cathie, Lora et Lizzie détestaient.
- Bon tu viens ou pas ? demanda Lora.
- Lizzie jeta un coup d'œil vers ses frères. Ils étaient occupés à faire une course de voiture et avaient complétement oublié l'incident de l'instant d'avant. Lizzie considéra que la dispute était close. Noémie, la nounou des deux garçons n'allait pas tarder à arriver. Lizzie hésita une minute et puis elle répondit :
- OK ! J'arrive ! Donne-moi juste une minute pour que je surveille mes frères le temps que leur nounou arrive !
- D'acc ! On se donne rendez-vous devant chez moi ! décida Lora avant de raccrocher
Lizzie s'installa près de ses frères. Aucun incident ne se reproduisit. Dix minutes plus tard, Noémie arriva. Lizzie enfila son manteau et partit rejoindre son amie. Malgré le soleil, il faisait froid en ce samedi après-midi. Lora habitait une rue à côté. La famille Loilet n'était pas très riche, elle logeait dans une petite maison, tout au fond du quartier.
La porte s'ouvrit avant que Lizzie ait sonné.
- Hello, Lizzie ! s'écria Lora en claquant deux bises sur les joues glacées de Lizzie.
- Cookies ! appela Lora.
Un chien au poil marron et blanc sortit en aboyant joyeusement. Il lécha la main de Lizzie et sautilla autour de Lora.
- C'est sa façon à lui de dire bonjour ! expliqua Lora à Lizzie.
Elle attacha au chien une laisse et la petite troupe se mit en route.
- Tu n'as pas demandé à Cathie de venir avec nous ? demanda Lizzie à Lora.
- Bien sûr que si ! Mais comme d'habitude, elle ne répond pas !
- Je crois qu'elle avait son cours d'Histoire cet après-midi, dit Lizzie.
- Ah oui ! C'est vrai...
Lizzie et Lora s'assirent sur un banc et discutèrent, pendant que Cookies se coucha près des pieds de Lora. Soudain, le chien bondit sur ses pattes et se mit à courir. Dans sa précipitation, il arracha sa laisse.
- Cookies ! Coucher ! cria Lora.
Mais le chien ne l'écouta pas, il courut et bouscula des passants. Lora courait vite. Elle se lança à la poursuite de Cookies. Lizzie courut aussi pour rattraper Lora, mais elle ne courait pas aussi vite que cette dernière et la perdit vite de vue.
Lora cria le nom du chien mais celui-ci n'obéissait pas. Il continua à courir. Soudain, un bus passa. Le chien ne s'arrêta pas et s'aventura sur la route.
- COOKIES ! NON ! hurla Lora.
Trop tard. Le chien fut renversé par le bus. Celui-ci continua son chemin sans se soucier qu'un chien venait d'être percuté. Sans réfléchir, Lora se précipita à l'endroit où était le chien. Son pelage était couvert de sang.
- Cookies, répéta Lora.
Lizzie avait rejoint son amie. Elle passa un bras autour des épaules de Lora.
On ne devrait pas rester ici sinon on va nous renverser nous aussi, murmura Lizzie en voyant les voitures klaxonner et les éviter de justesse.
- C'est eux qui n'ont qu'à faire attention ! Espèce de gros débiles ! Sales malades ! dit-elle en levant le majeur sur une grosse voiture noire et argentée.
- Lora ! Calme-toi ! dit Lizzie, choquée.
La voiture se gara sur le côté, le conducteur sortit.
- Oh super ! Génial ! Voilà ! Tu nous as attiré des ennuis, Lora ! Cet homme va appeler la police et on se retrouvera au commissariat ! Oh ! Je n'imagine même pas la tête des parents ! s'écria Lizzie affolée.
L'homme se dirigea vers les deux jeunes filles. Il avait l'air menaçant. Plus il se rapprochait du jeune duo, plus Lizzie était terrorisée, plus Lora était en colère. Dès qu'il parvint à leur hauteur, il dit sévèrement :
- En voilà des manières ! Quel âge avez-vous ? A peu près seize ans, non ? Eh bien, vous méritez la prison espèce de mauvaises crapules ! J'appelle la police ! On ne fait pas de tels gestes envers des gens de haute importance !
Il sortit son téléphone portable pour composer le numéro de la police.
De « haute importance » ? demanda Lora qui, contrairement à Lizzie, n'avait pas perdu son sang-froid.
- Oui, petites crapules ! gronda sévèrement l'homme. Savez-vous qui se trouve dans cette voiture ?
- Bernard ! appela une voix provenant de la voiture.
Tous se retournent. Un jeune homme d'à peu près leur âge s'approcha du petit groupe.
Lizzie et Lora le reconnurent tout de suite ; c'était Louis Vintage le mec le plus populaire du lycée.
- Louis Vintage, présenta l'homme aux deux jeunes filles. Le fils de célèbre styliste, Julia Mortez et du plus grand milliardaire de la Terre Tony Vintage.
- On se connaît ! Je suis dans le même bahut qu'elles, dit Louis. Excusez Lora. Elle est très excessive ! Ce... ce geste vulgaire n'était pas forcément pour vous, n'est-ce pas Lora ?
Celle-ci acquiesça.
Le chauffeur grommela des mots incompréhensibles dans sa barbe.
Louis poussa un petit cri.
- Quelque chose ne va pas, Monsieur Louis ? demanda le chauffeur.
Sans répondre, le jeune homme se précipita sur le corps du chien.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Louis, l'air horrifié.
- Mon chien a été percuté par un bus. J'étais tellement en colère que j'ai fait ce...
- Ce geste vulgaire qui n'était pas pour vous monsieur, expliqua Lora au chauffeur.
Le chauffeur ne répondit rien.
- Mais, il faut le soigner ! s'écria Louis. Bernard, dit-il au chauffeur, allez me chercher la trousse à pharmacie ! Elle se trouve sous le siège passager !
- Ce n'est pas que je m'y oppose, monsieur Louis, mais vous avez votre cours de guitare qui commence dans vingt minutes et...
- On s'en fout de mon cours de guitare ! Allez me cherchez la trousse à pharmacie tout de suite ! ordonna Louis.
Le chauffeur s'exécuta en grognant une nouvelle fois dans sa barbe. Il revient peu après avec une trousse à pharmacie.
- Louis soigna les plaies du chien. Celui-ci était inconscient. Le jeune homme finit par le couvrir de bandages.
- Voilà ! Maintenant, il lui faut beaucoup de repos ! Où habites-tu ? demanda-t-il à Lora.
Elle lui donna l'adresse de sa maison.
- Bernard ! Ramenez-ce chien à cette adresse, ordonna Louis en tendant un petit bout de papier où était noté l'adresse du logement.
- En fait, précisa Lora, Cookies n'est pas à moi ! Il est à ma tante et si elle le voit dans cet état-là, elle va faire une crise cardiaque ou pire, elle ne voudra plus jamais que je m'occupe de lui, donc elle ne me donnera plus d'argent et je ne pourrais pas m'acheter le Phone-i10 !
Louis éclata de rire.
- Sérieux ! C'est juste pour avoir le téléphone dernier cri que tu t'occupes de... Cookies, c'est ça ?
- Oui... Enfin je veux dire non... Enfin, oui pour Cookies et non ce n'est pas juste pour avoir le Phone-i10...
Pourquoi, alors ?
Lora soupira. Elle ne voulait pas avouer au fils de l'homme le plus riche du monde que sa famille n'avait pas les moyens d'acheter un minable chien.
- Parce que... ma mère déteste les animaux... mentit Lora.
En vérité, Mme Loiret adorait les animaux. Elle en avait eu plusieurs quand elle était petite. Et la famille Loiret en avait eu énormément quand Lora était petite. À l'époque, les parents avaient une grande maison, un grand jardin, où ils pouvaient garder plus d'une dizaine d'animaux. Mais, depuis que son père avait perdu un poste important au ministère et que sa mère avait dû arrêter de travailler car elle était tombée grièvement malade, la famille avait été obligée de vendre la maison avec ses animaux et de louer une petite maisonnette.
Cookies appartenait à sa tante Anna. Cette dernière l'avait trouvé abandonné, au bord d'une route. Il était très malade. Lola l'avait soigné et puis, avec le temps, elle l'avait finalement adopté. Lola était la sœur de M. Loiret et la meilleure amie de Mme Loiret. Quand Cathie eut trois ans, Anna avait emménagé à Londres, avec son fiancé. Et puis, un beau jour, celui-ci la quitta et partit en Amérique en emportant tout l'argent d'Anna. Une fois ruinée, Anna revient à Paris et emménagea... dans la maison voisine de celle des Loiret.
La maman de Lora était toujours à l'hôpital quant à son père, il avait trouvé un emploi comme fabricant dans une usine. Il avait pu économiser pour que Lora puisse trouver un travail plus tard.
- Bon, reprit Louis. Eh bien, Bernard s'arrangera pour rapporter Cookies chez lui sans qu'Lola le voie dans cet état ! N'est-ce pas ? demanda-t-il au concerné.
Le chauffeur nommé « Bernard » grogna et prit Cookies comme si c'était un sac de pomme de terre. Il l'installa à l'arrière de la voiture. Bernard resta près de la portière comme s'il attendait quelque chose qui se produise.
- Eh bien ? demanda Louis.
- Je me permets de vous faire remarquer que vous avez votre cours de guitare et que vous devez rendre visite à votre grand-mère.
- Ben, en fait je vais d'abord chez ma grand-mère, arrangez-vous pour reporter mon cours de guitare... Ou vous pouvez même l'annuler...
- Mais...
- J'y vais à pied si c'est la question, dit Louis avant de tourner les talons.
- Vous allez où ? demanda-t-il à Lizzie et Lora
- Eh bien... commença Lora
- Parce que si vous voulez, coupa Louis. Vous pouvez m'accompagner chez ma mamie. Elle n'habite pas loin d'ici !
- Oh oui ! Volontiers ! s'écria Lizzie qui n'avait pas parlé depuis l'intervention du chauffeur.
- Alors ! Allons-y ! »
Plus tard, alors que le petit groupe était presque arrivé, le téléphona de Louis sonna. Pendant que celui-ci était occupé à répondre, Lora prit Lizzie à part et lui dit :
- Lizzie ! Qu'est-ce qui t'as pris de dire « oui » pour l'accompagner ?
- Ben quoi ? Ce n'est pas tous les jours qu'on se promène en compagnie du mec le plus populaire du bahut !
- Peut-être, mais Louis n'est pas le genre de type à être tout le temps ami avec toi. Tu vas voir lundi, il va nous laisser tomber comme une vieille peau de banane et il va continuer à se vanter, comme il a toujours fait. Il va continuer à se la jouer « Je-suis-le-fils-du-plus-grand-milliardaire-du-monde-donc-j'ai-tous-les-droits » et il va frimer qu'il sort avec cette co... cette débile de Rose Inty ! »
Lizzie voulut répondre mais Louis avait fini sa conversation téléphonique.
Le petit groupe continua de marcher jusqu'à la maison de la grand-mère de Louis.
- C'est ici ! annonça le jeune homme.
Les deux adolescentes eurent un choc, c'était la maison de Mme Mortez, la dame la plus folle du quartier.
- Tu... Tu es vraiment sûr que c'est ici ? bredouilla Lora.
- Oui, oui... dit Louis en s'approchant de la grande maison. Lora et Lizzie le suivirent peu rassurées. Louis toqua à la porte. Une dame aux cheveux blancs comme la neige ouvrit.
- Ah ! Louis ! s'exclama-t-elle en apercevant le jeune homme. Viens ! Entre !
- Mes deux amies peuvent-elles entrer ? demanda Louis.
- Bien sûr ! Quels sont vos noms ? questionna la vieille dame.
Les deux jeunes filles se présentèrent timidement. Mme Mortez les invita à entrer. Lora et Lizzie voulurent partirent loin d'ici, mais ce ne serait pas très poli. Elles entrèrent à contrecœur dans la maison de la dame que tout le monde disait folle.
* * *
« ... Et puis on t'a trouvé, là, ici, dans le salon de cette vieille folle ! conclut Lora.
- Et je dois avouer qu'il est très étrange, observa Lora
- Mme Mortez n'est pas du tout une folle ! Elle m'enseigne l'Histoire ! dit Cathie
- Ah bon ?! s'écrièrent Lora et Lizzie en cœur
- Oui !
- Oh ! Ma pauvre ! dit Lora
- Est-ce qu'elle fait des trucs bizarres ? Genre, faire le poirier tout en te racontant le cours ? » Demanda Lizzie.
Lora et Lizzie éclatèrent de rire. Cathie était contrariée de voir que ses amies pensaient, comme tout le quartier, que Mme Mortez était folle. La famille de Cathie était la seule à penser que la vieille dame n'était pas du tout folle.
- Elle a juste un style... particulier ! avait déclaré le père de Cathie.
- Enfin Cathie ! Dit Lora. Cette dame est folle ! Regarde ses fringues ! Un jour elle s'habille comme au Moyen-Âge, et un autre jour à la mode gallo-romaine ! À croire qu'elle fête Carnaval tous les jours !
Lora n'avait pas tort. Mme Mortez ne s'habillait jamais à la mode du XXIe siècle. C'est à cause d'une de ses habitudes que tout le monde la prenait pour une folle.
Soudain, Louis entra dans la pièce les mains chargées de deux verres.
- Alors comme ça, ma grand-mère te donne des cours d'Histoire ? demanda-t-il à Cathie.
- Oui, vu que je ne suis pas très forte... répondit Cathie
- T'inquiètes, moi non plus ! Elle n'est pas énervante ?
- Eh bien... hésita Cathie
- Tu sais, tu peux le dire qu'elle est embêtante. Moi aussi, quand elle me donne des cours pendant les vacances je trouve qu'elle est très énervante ! Mais bon, c'est grand-mère ! Elle a toujours adoré l'Histoire. Elle aime tellement au point qu'elle s'habille comme à l'époque... C'est pour ça que tout le quartier la prend pour une folle !
Il avait ajouté cette dernière phrase en regardant Lizzie et Lora d'un air glacial. Elles comprirent que Louis les avait entendues traiter Mme Mortez de folle. Elles baissèrent la tête honteuse.
- Bon, ben, je vais y aller ! J'ai mon cours de guitare, murmura-t-il.
Il posa rageusement les deux verres sur la table.
- Salut Cathie ! On se voit lundi ? A la cantine, tu pourras venir manger à notre table, si tu veux, proposa Louis
Il s'avança vers Cathie et lui claqua deux bises sur ses joues. La jeune fille rougît.
Louis partit en ignorant complétement Lora et Lizzie.
- Quel con ce type ! s'écria Lora une fois que Louis fut partit.
- Lora ! s'écria Cathie.
- Quoi ? Tu ne vas pas te mettre du côté de ce mec ! Tu as vu comme il nous a « snobés » ! Avant d'entrer dans la maison de cette... Cette tarée, on était ses « meilleures potes » ! Et là, il nous ignore !
- Et tu te demandes pourquoi ! Tu as dit du mal de sa grand-mère, il a dû entendre et il a été vexé ! expliqua Cathie
- Non ! Moi je pense que ce mec est un manipulateur ! Il se sert de nous comme ses « bouche-trous » ! Lundi, il ne te regardera même plus !
- Qu'est-ce que tu en sais ?
- Les mecs bourrés de frics sont tous comme ça !
- Louis n'est pas comme ça, s'écria Cathie en se levant du canapé.
- On parie ?
- Je te dis que Louis n'est pas « snob » ! Il n'est pas comme Rose Inty !
- Pourquoi il sort avec, alors ?
- C'est Rose qui fais son intéressante ! Elle prétend qu'elle est en couple avec Louis !
- Punaise Cathie ! Tu es avec nous ou avec Louis et sa bande de potes bourrés de fric ?
- Je suis du côté de personne, cria Cathie.
- Si ! Tu dois choisir ! Nous trois, Louis et ses potes ne sommes pas du même monde !
- Qu'est-ce que ça veut dire « nous ne sommes pas du même monde » ?
- Eh bien, Louis est riches et...
- Mais tu ne peux pas deux secondes, mettre l'argent de côté ? Ce n'est pas une question de riche ou pas ! Et puis, certains riches sont très sympas, et il y a des pauvres qui sont complétement débiles ! Et je suis sûr que Louis fait partie de la catégorie « riche et sympa »
- Ou pas.
Cathie perdit patience.
- En fait tu es jalouse !
- Moi ? Jalouse ? Et de quoi ?
- De Louis ! Tu es jalouse parce que tes parents sont ruinés et que ceux de Louis sont hyper riches !
- N'importe quoi !
- Si ! Et toi tu sais de quelle catégorie tu fais parties ? De « pauvres et débile »
Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Lora fusilla Cathie du regard et prit Lizzie par le bras
- Viens Lizzie ! Ne restons pas près de cette snob ! Partons !
- Mais... les filles ? murmura Lizzie. Vous vous disputez pour des queues de cerises ! Réconciliez-vous et voilà !
- Tu viens de perdre deux amies... du moins une... cracha Lora à Cathie.
Lora sortit en claquant la porte. Lizzie resta près de Cathie.
- Qu'est-ce que tu attends pour aller rejoindre ta meilleure amie ? dit Cathie ironiquement.
- Mais... Tu es aussi ma meilleure amie, Cathie !
- Sérieux ?
- Ben, oui... et pour Lora aussi ! Tu sais, elle est juste de mauvaise humeur parce que... parce que comme elle t'a raconté, son chien a été renversé par un bus...
- Et c'est Louis qui l'a soigné ! Comment peut-elle dire qu'il est con ?
Il y a aussi sa mère qui est à l'hôpital, continua Lizzie. Sa maladie s'est aggravée !
- Ah... Je ne savais pas ça... murmura Cathie.
Il eut un grand silence.
- Pourquoi tu le sais et pas moi ? reprit brusquement Cathie.
- C'était la raison de notre visite.
Cathie se rassit sur le canapé.
- Je dois faire mes exos... Tu peux me laisser ?
Lizzie tourna les talons et sortit. Avant de sortir elle demanda :
- Tu mangeras avec nous lundi ?
- Je ne sais pas... je verrai, répondit Cathie.
Lizzie partit.
Cathie resta pensive pendant quelques minutes puis, elle se demanda où est Mme Mortez. Elle attendit un petit peu puis, la jeune fille décida de commencer son exercice. La jeune fille n'arrivait pas à se concentrer. La dispute entre Lora et elle la préoccupait. Cathie et Lora ne se disputaient pas souvent.
Et puis il y avait Louis qui, pour la première fois, lui avait vraiment adressé la parole.
Cathie resta vingt bonnes minutes plongée dans ses pensées. Soudain, elle pensa à Mme Mortez qui n'était toujours pas revenue. La jeune fille décida d'aller voir. Elle se leva, traversa le salon et alla dans le couloir. Elle monta le gigantesque escalier. Au premier étage, il y avait un long couloir. Sur les murs, il y avait plein de tableaux représentant des personnages de l'époque. Elle traversa le couloir. Au fond, il y avait une porte. Cathie l'ouvrit. « Ça doit être la salle de bain » se dit la jeune fille.
Mais, Cathie fut très surprise de voir que celle-ci ne contenait qu'une bassine. La jeune fille ne s'attarda pas et ouvrit l'autre porte. Cathie déduit que ça devait être la chambre de Mme Mortez. Un grand lit à baldaquin se dressait au milieu de la pièce. Les murs étaient couverts de tableaux. Il y avait une grande cheminée, identique à celle du salon. Au fond, une autre porte était présente. Derrière, il y avait une autre pièce.
« Une bibliothèque, je suppose » se dit Cathie.
Il y avait plein de livres qui étaient rangés dans de grandes armoires. Cathie alla dans une autre pièce. C'était une autre chambre. Elle ouvrit une autre porte : c'était une salle de bain identique à la première. Elle ouvrit la porte qui se trouvait au fond. Derrière, il y avait une autre bibliothèque. Et ce fut comme ça pendant une demi-heure au moins. Au bout d'un moment Cathie explosa.
- Punaise ! cria-t-elle à haute voix. C'est quoi cette maison ? Où est Mme Mortez ?
Cathie s'assit sur un des fauteuils de la chambre où elle se trouvait. Elle était comme les autres ; tableaux représentant des personnages d'époque, lits à baldaquins, chaises, tables, commodes, armoire...
Quelque chose retint l'attention de Cathie. Sur une des commodes, une lampe à huile était posée.
- ça alors ! s'écria Cathie en se précipitant vers la lampe à huile. Mme Mortez est très conservatrice ! Qui, de nos jours...
Soudain, la jeune fille entendit quelqu'un dans la pièce d'à côté.
« Ah ! ça doit être Mme Mortez qui me cherche ! » Se dit Cathie. Elle s'approcha de la porte. Elle allait l'ouvrir quand soudain, elle entendit une seconde voix.
- Bon, Hortense ! Que les choses soient claires... cria la voix inconnue
- Enfin, Henriette ! Allons discuter dans la chambre d'à côté, cette bibliothèque n'est pas très confortable, dit la seconde voix que Cathie parvint tout de suite à identifier.
C'était celle de Mme Mortez.
La jeune fille se précipita sous le lit. Elle vit deux femmes entrer. Cathie aurait bien voulu voir la tête de l'inconnue mais elle ne put la distinguer. La jeune fille fut intriguée par les vêtements que portaient ces deux femmes ; l'une portait une longue robe dorée décorée avec des diamants bleu et rouge. L'autre qui était Mme Mortez, portait une robe plus modeste. Elle était bleue avec des motifs blancs.
Ces deux femmes semblaient sortir tout droit des années 1700. Cathie se demanda un instant si elle était retournée au XVIIIème siècle. Mais elle se rassura vite en se disant que Mme Mortez ne serait pas là si elle était retournée dans le passé.
« Et puis, on ne peut pas remonter le temps... à part dans les films et dans les livres ! » se dit Cathie.
Mais, elle ne savait pas qu'elle se trompait complétement...
« Je disais, reprit l'inconnue. Que je te donne ces quarante mille francs et la perle dorée...
- On avait dit quatre-vingt-dix mille francs ! corrigea Mme Mortez.
- Si tu veux... Mais, en échange, tu m'aides à en finir avec ce... ce couple qui m'énerve depuis tant d'années !
- Mais... Tu as eu ton compte avec eux, non ?
- Oui ! Mais ça ne me suffit pas... Alors, m'aideras-tu ?
Mme Mortez poussa un long soupir.
- Il n'y a pas un autre moyen ?
- Non ! Il n'y en a pas ! Après tout le mal qu'il m'a causé ! Il doit payer ce qu'il m'a fait ! Et sa femme aussi ! Après tout, c'est elle la responsable de tout cela... Si elle ne s'était pas mise en travers de mon chemin, tout aurait été bien... Enfin, bon c'est comme ça et c'est le seul moyen...
- Alors je refuse ! cria Mme Mortez
- Hortense ! Tu sais aussi bien que moi que tu as besoin de ces quatre-vingt-dix mille francs et surtout de cette perle dorée...
- Oui... dit Mme Mortez en mettant sa tête dans ses mains.
- Alors ? C'est oui ou non ?
Il eut un grand un silence.
- Je... Je vais réfléchir... murmura Mme Mortez
- Ne prends pas trop de temps, quand même... » Lui lança la dame.
L'inconnue sortit par la porte d'où elle était entrée.
Mme Mortez resta un long moment immobile, la tête dans ses mains. Soudain, comme si elle se rappelait quelque chose, elle se leva vivement et sortit précipitamment de la chambre. Cathie resta interdite par la conversation qu'elle venait d'entendre. Il y avait plusieurs choses qui l'intriguaient dans ces étranges échanges. La première est que ces deux femmes avaient parlés de francs, « Alors que maintenant, nous sommes en euros ! En France, en tout cas ! » Pensa Cathie.
Ensuite, l'inconnue avait dit qu'elle voulait en finir avec un certain couple. Qu'entendait-elle par « en finir » ? Voulait-elle tuer ce couple ? Cathie chassa cette hypothèse de sa tête. Les meurtriers sont rarement habillés de vêtements d'époque...
Et puis, l'inconnue (que Mme Mortez avait nommée Henriette) avait appelé l'homme « il » et n'avait pas nommé le nom de la femme. Comme si la dénommée Henriette était dégoûtée rien que d'appeler le prénom des amoureux.
La jeune fille mit ses questions dans un coin de sa tête et se glissa hors du lit. Elle eut bien envie de suivre l'inconnue à la tenue étrange, mais elle se ravisa en se disant que si Mme Mortez découvre que Cathie a disparu, elle risque de se douter que sa jeune élève l'a espionnée... La jeune fille sortit donc par la porte où Mme Mortez avait fait de même, quelques minutes plus tôt. Cathie ouvrit tout doucement la porte, en faisant bien attention à ce que Mme Mortez ne se trouve pas dans la pièce. Elle continua à faire comme à l'aller ; elle marcha de pièce en pièce.
Cathie se trouvait dans une salle de bain, quand elle entendit une voix de la pièce voisine.
« Oh là ! Là ! J'avais complétement oublié ce satané cours d'Histoire ! Et Catherine qui doit s'impatienter ! Qu'est-ce que je vais trouver comme excuse pour expliquer ma longue absence ? Si je continue comme ça, à disparaître d'un coup pour revenir deux heures plus tard, Catherine va se poser des questions !... Bon, je vais d'abord me changer... »
Un bruit d'armoire se fait entendre. Il y eut un long silence et Cathie se dit que cette voix était celle de Mme Mortez. Elle devait se changer.
« Pourquoi changer de fringues à cette heure-ci ? » se demanda la jeune fille.
« Mais qu'est-ce que je suis bête ! C'est parce qu'elle ne veut pas que je voie sa drôle de robe. Oui mais, pourquoi ? OK, ça ne se fait pas tous les jours de voir des gens habillés en tenue d'époque mais moi, ça ne me dérange pas... Enfin, pas au point d'appeler les flics... »
Mme Mortez se remit à parler toute seule.
« Bon, qu'est-ce que je vais dire à la petite ?... On va faire comme d'habitude, je vais lui dire que j'ai eu un coup de migraine et que j'ai dû aller me coucher ! Tant pis si elle se pose des questions... Je lui donnerai des réponses brèves, comme d'habitude, mais bon, je n'ai pas le choix ! Il ne faut absolument pas qu'elle sache... »
Mme Mortez se tut soudainement. Cathie entendit des bruits de pas se diriger vers la salle de bain où la jeune fille était. Comprenant que Mme Mortez se doutait qu'il y avait quelqu'un dans l'autre pièce, Cathie se cacha derrière la baignoire. La jeune fille remarqua que la salle de bain n'était pas comme toutes les autres salles de bain qu'elle avait croisées jusqu'à présent. Non, celle-ci était normale c'est-à-dire qu'elle contenait un lavabo, une baignoire... Enfin, une salle de bain comme on a l'habitude de voir et qui ne contient pas qu'une minable bassine. Cathie se précipita derrière la baignoire. La porte s'ouvrit brusquement sur Mme Mortez qui parcourut la salle de bain des yeux. Elle soupira avant de refermer la porte. La jeune fille sortit de sa cachette. Elle entendit Mme Mortez sortir de sa chambre.
Cathie regagna lentement le salon, tout en faisant attention que Mme Mortez ne se trouva pas dans la pièce d'à côté.
Plein de questions se bouscula dans la tête de Cathie. Elle repensa surtout quand Mme Mortez avait dit
« Il ne faut absolument pas qu'elle sache... » Que Cathie sache quoi ? Mystère...
La jeune fille se remémora la conversation qu'avait eu Mme Mortez avec l'inconnue dénommée Henriette. ça non plus ça n'avait pas de sens ; d'abord, les deux femmes étaient étrangement habillées et puis la dame avait dit à Mme Mortez qu'elle l'aiderait à éliminer un couple et en échange elle lui donnerait la perle dorée.
« Une perle dorée ? Pourquoi ? » Se demanda Cathie. « En tout cas, elle a l'air très importante aux yeux de Mme Mortez. »
Quand elle arriva au salon, Mme Mortez était installée confortablement dans un fauteuil, mais, elle avait l'air ailleurs. Quand elle vit son élève entrer, elle se leva et dit :
- Ah ! Catherine ! Je me demandais où tu étais passée !
Cathie douta sur les dernières paroles qu'avait prononcées Mme Mortez. Elle pensait à tout sauf à Cathie et ses leçons.
- Je suis désolée de t'avoir fait attendre ! continua Mme Mortez j'ai eu des migraines donc j'ai dû aller me coucher !
« Tu parles ! » pensa Cathie.
- Bon, reprenons... dit Mme Mortez. Nous en étions à quel chapitre ?
- Sur la première guerre mondiale...
- Bien... Lis-moi le texte qui se trouve sur la page de droite.
« (...) Les stratèges allemands craignent par-dessus tout d'être pris en tenaille par la France et la Russie. Ils ne voient l'espoir du salut que dans une attaque immédiate de la France qui mettrait celle-ci hors de combat avant que la Russie ait eu le temps de mobiliser ses troupes innombrables. »
Un silence suivit. Cathie regarda Mme Mortez. Elle semblait avoir la tête ailleurs.
- Mme Mortez ?
La vieille dame ne répondit pas. Elle avait les yeux perdus dans le vide.
- Mme Mortez ? appela encore une fois Cathie.
- Celle-ci ne répondit toujours pas.
Cathie répéta encore une fois son nom, puis, voyant qu'elle ne répondit toujours pas, elle la secoua tout doucement, puis un peu plus fort.
- Hortense ? chuchota Cathie.
Mme Mortez tourna la tête vers la jeune fille, d'un air horrifié.
La vieille dame marmonna des choses incompréhensibles et puis, elle s'adressa à Cathie :
- Je ne m'appelle pas Hortense, pourquoi as-tu dit ça ?
Cathie haussa les épaules. C'était sorti tout seul.
ça se voyait au premier coup d'œil que Mme Mortez mentait. Cathie le savait, et puis, elle l'avait entendu lors de la conversation qu'elle avait surprise entre la vieille dame et l'inconnue.
Mais, pourquoi ne voulait-elle pas avouer qu'elle s'appelait Hortense ?
- Bon, reprit Mme Mortez. Nous en avons fait assez pour aujourd'hui. On se voit la semaine prochaine ?
Et, elle se leva ce qui signifia que Cathie devait partir. Mme Mortez l'accompagna jusqu'à l'entrée.
- Au revoir, Hortense ! dit Cathie.
- Je ne m'appelle pas Hortense ! répondit sèchement la vieille dame avant de claquer la porte derrière Cathie.
Cette dernière sourit. Mme Mortez l'appelait bien « Catherine » alors que la jeune fille détestait ce prénom. Alors, à son tour, que Mme Mortez le veuille ou non, Cathie était bien décidée à l'appeler par son vrai prénom et à découvrir cette mystérieuse inconnue que la jeune fille avait surpris en train de discuter avec Mme Mortez.
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