Quand un adulte voit une enfant pleurer,

Bien souvent le même discours réapparaît :

Il lui dira qu'il est triste de gâcher telle beauté,

Que la tristesse ne la sied guère,

Qu'un sourire lui rendrait majesté...

Alors vite, que s'arrête cette mer !

La petite fille, sous le compliment,

Exécute un maigre sourire ;

Cela suffit au plus grand

Qui tapote sa tête avec un rire.

En grandissant, cela n'a pas changé :

Une jeune fille, dans les WC du lycée,

Renifle et agrippe le robinet.

Une surveillante passant par là,

Un "veux-tu voir la psychologue ?" lui lancera.

Puis que la tristesse ne la sied guère,

Et qu'un sourire lui rendrait majesté...

La jeune fille acquiesce un peu amère

Puis fuit d'une traite, d'un pas pressé.

Si les larmes "embellissaient",

Est-ce que cela irait ?

La jeune fille pensa avec ironie

Que si ses larmes salées avaient été paillettes

Et que leur sillon avaient illuminé sa tête,

Alors il n'y aurait eu aucun soucis.

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Explications (à lire ou pas) :

J'ai voulu narrer quelque chose que j'ai observé. Cela arrive (parfois ou souvent) que lorsqu'une petite fille pleure, on lui dit "ne pleure pas ! Une belle jeune fille comme toi, c'est dommage !". J'y ai réfléchis et j'ai trouvé ça ridicule et même désolant.

La personne qui tente de consoler pense que l'argument "cela rend pas jolie de pleurer" - autrement dit celui de la beauté - est recevable et même efficace. Il présuppose donc que, pour la petite fille, l'apparence est importante.

Je dis "fille" car, en général, on dit pas à un garçon "voyons, tu serais plus beau si tu ne pleurais pas !". (On dira plutôt "les garçons ça pleure pas"... Mais c'est une autre histoire.)

Bref, vous voyez où je veux en venir : on peut considérer ce traitement comme "sexiste" et j'ai voulu montrer dans ce poème, non pas tant le caractère discriminant (on n'est pas là pour faire de la politique non plus) mais accentuer le côté absurde et ironique de la situation (d'où la mention des "paillettes").

De plus, "consoler" ainsi une personne triste au point d'en pleurer par une simple phrase qui ne cherche pas la nature du problème mais juste à le régler n'est pas très sympathique. On peut dire que "l'empathie" dont fait preuve l'adulte dans le poème n'en est pas vraiment une... 

Pourtant, il est évident que cela part d'une bonne intention, maladroite certes, et un peu forcée, mais pas mauvaise non plus.

C'est pour ces raisons que la jeune fille fuit, frustrée.