AU Sans Tuerie - Un jour sans soleil
Un cauchemar. Juste un cauchemar. Hibari dort à côté de moi. À l'opposé du lit, Wren et Eugénie passent leur meilleure nuit.
Juste un cauchemar.
Je mords mon avant-bras pour étouffer la quinte de toux qui m'agite. Je respire de plus en plus mal, ma gorge a commencé à enfler. Et je suis tout le temps fatigué, mais c'est rien c'est la rue, c'est normal. Puis je sue, mais je sue... Je lave beaucoup trop les draps, une lessive sur deux c'est des draps. Infernal.
Enfin. Au moins, vu la tête du médecin hier... Je sais à peu près ce que j'ai. Je dois faire des examens complémentaires. J'ai rien dit à personne. Je ne veux pas en rajouter. C'est compliqué déjà de trouver le parfait équilibre avec Wren, et Hibari ne va pas bien donc... Et j'ai peur que, si je flanche, tout s'écroule. J'y repense, et des larmes coulent sur mes joues. J'ai peur de les laisser. J'ai peur de faire exactement comme mes parents ont pu faire.
Bon. Lève-toi, Stef, tu ne pourras pas te rendormir. Je vais faire le petit-déjeuner, ça leur fera plaisir.
***
J'ouvre les yeux, et je hurle en voyant mon ventre enflé. Ça réveille Dodo, qui saute immédiatement sur ses pieds comme s'il fallait se défendre contre une menace. Je ne sais pas ce qu'Ernesto a pu voir dans sa vie pour réagir aussi vite au moindre cri. Seung-Il se redresse à peine, et lance d'une voix ensommeillée : « Ça va ma chérie ? ».
Je fais oui de la tête, et me recroqueville. Allez. J'en ai presque fini. La grossesse ça... Ne me réussit pas. Vraiment pas. Ça allait à merveille à Nhan que je n'ai jamais trouvée aussi belle qu'enceinte, mais à moi...
Non, je ne regrette pas. Je ne veux pas regretter. Car c'est un enfant que j'ai voulu, avec un des deux hommes que j'aime.
Mais de la même manière que je pense parfois à lui quand je suis entre les bras de mes amoureux, être une femme enceinte me replonge dans toutes mes angoisses, toute la terreur que j'ai traînée tout au long de mon adolescence. J'ai beaucoup parlé à ma psy avant de me lancer là-dedans. Et à mes partenaires. À tous mes partenaires, donc autant à Sip et Dodo qui étaient les premiers intéressés, qu'à Nhan pour avoir son avis. Et je m'y suis lancée.
En me réfugiant sous la couverture, je prie pour que tout se finisse au plus vite.
***
Je tire la couverture pour ne pas avoir à sortir du lit. Il y a des jours avec... Et des jours sans. C'est un jour sans. J'ai juste envie de rester immobile, de me rendormir, et de ne pas me réveiller, de ne jamais me réveiller. Le monde m'effraie trop ce matin. Tout est gris. Ou se mêle. J'ai peur.
Je regrette ces instants de lucidité. C'est pour ça que je ne veux pas prendre mes médicaments, ou aller chez mon psy. Parce que ça me rend triste. Parce que c'est un complot pour me rendre triste. Au moins, quand je suis dans mes délires, je suis toute à mon travail, et je ne suis pas tant une larve.
Si tu m'aimes, Georgia, arrête de vouloir que je prenne ces putains de médicaments et laisse-moi sombrer.
Je t'en supplie.
***
Putain, les courses.
Putain de bordel de MERDE les courses.
J'ai oublié les courses en posant Raraka à l'école primaire ce matin. Nhan va me tuer, c'est la troisième fois que je fais le coup. Putain...
Je suis vraiment nul, hein ? De toute façon...est-ce que je pouvais être autre chose qu'une déception ? Je suis le Son raté, aaah on me l'a assez dit.
Puis un mauvais ami. J'ai pas su trouver les mots quand Stefan m'a dit pour... Enfin, ce que pensait le médecin. Putain, j'arrive pas à digérer l'info. C'est moi qui l'emmène à l'hôpital cet aprèm. Putain.
Puis un mauvais compagnon. Nhan doit juste en avoir marre de moi. Je suis un gosse dans le corps d'un adulte, je ne suis pas capable de quoi que ce soit, je me dégoûte et j'en ai marre, marre, marre, marre. J'ai encore oublié les courses.
Puis un mauvais père. Raraka va juste grandir en se disant que son père est un raté, pas capable de dépasser sa propre immaturité.
Putain de bordel de merde, les courses.
J'en ai marre.
***
Je range les courses dans le frigo. Lilas est au collège, et moi je me retrouve seule avec moi et moi-même.
Maintenant que je suis seule, je commence à me parler à voix haute. Mes regrets. Mes doutes. Mes angoisses. J'aurais aimé que ça se passe autrement.
Même si j'aime ce qui se trouve dans ma vie, je déteste d'avoir à la vivre ainsi. Je veux mon enfance. Je veux mon adolescence. Pourquoi est-ce que j'ai eu à grandir si vite ?
De rage, je jette un vase. Il se fracasse dans un vacarme assourdissant sur le sol de la cuisine.
Et tabarnak, maintenant je dois me taper le ménage.
***
Je ne veux plus jamais revoir ce regard dans les yeux de Prudence.
Ma sœur cadette a déjà quatre enfants, qui de ses dires font son bonheur. Elle a accepté un mari, bon gré mal gré, elle m'a dit qu'il était beau. Et elle m'a demandé si, puisque j'étais partie, j'avais aussi un mari, et des enfants.
Elle a plaisanté en disant qu'avec mon crâne d'oeuf et ma carrure, il me fallait vraiment un homme étrange. Puisque c'est Prudence, c'est drôle.
Et puisque c'est Prudence, j'ai voulu lui parler de Jennifer. De Salimeh. D'Ambroise. Qui rendent ma vie tellement plus belle, le Seigneur soit loué de les avoir mis sur mon chemin.
Son visage s'est fermé.
Puis elle a ri.
— Ce n'est pas drôle, comme blague, Tomyris !
Je ne veux plus jamais revoir ce regard dans les yeux de Prudence.
***
Bon, hé bien... On s'y fait, à la solitude, non ?
Personne ne m'aime.
Personne ne m'aimera jamais.
Je m'y suis fait.e, à cette idée, ahah.
Saty est morte il y a un an maintenant. C'est la date anniversaire. Elle n'était pas immortelle. Elle me manque. Je ne peux plus remonter à cheval, moi, sans elle.
Et je suis seul.e face à mon chagrin, dans une chambre grise où il fait si froid.
De toute façon, personne ne m'aime.
***
J'attends Maquo.
C'est notre anniversaire. Ça fait trois ans, jour pour jour, qu'il m'a embrassé pour la première fois dans ce café. Trois ans qu'il sait que je lui donnerai ma vie. Trois ans.
Je l'attends depuis deux heures.
Sirajuddeen me lance un regard un peu triste derrière le comptoir. Il me dit souvent qu'il me trouve malheureux. Mais je suis très heureux, voyons. Maquo sait que je l'aime. Et il m'embrasse, donc il m'aime ? Et on fait des choses ensemble, on regarde des films, on fait des câlins, et... Il doit bien m'apprécier...
Deux heures et demi.
Un SMS. Une larme sur ma joue. Ah... Il ne viendra pas...
Ce n'est que la troisième fois...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro