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"Le danseur fou de Paris"

~ par Werifesteria20 ~

N'hésitez pas à identifier l'auteure dans vos commentaires ♥


« Bouillon, août 1991.

A toi,

Auteur de mes pensées les plus intimes,

Charpentier d'un monde à tes beaux yeux inconnu,

Menuisier de mes plus belles rimes,

Créateur d'émotions ainsi disposées dans mon cœur repu,

Kim Seokjin,

Je t'adresse cette lettre.

Jeune. J'étais si jeune artiste lorsque tout cela a commencé. J'étais fougueux, cascadeur, sur de moi, bien foutu peut-être, bien décidé à passer la corde au cou de mes rêves, et à les pendre aux rampes de ponts fissurés par des espoirs bien trop grands pour le petit bout d'homme que j'étais. J'avais dans ma main une plume qui délicatement effleurait le papier vierge, devant les yeux ton corps gracieux se déhanchant sur la mélodie d'une âme tout aussi belle, dans ma tête des milliers de mots que je rêvais de t'accorder au clair de Lune, et dans mes paumes moites de Vie, un monde entier que tu m'inspirais, toi, le danseur fou de Paris.

Oh, Seokjin, je t'ai tant de fois vu danser. Tu jouais avec le cœur des gens, le mien en particulier, comme je jouais avec les mots que j'étais fier de poser sur papier. Ton corps oscillait sur la musique, il la rendait belle, la rendait puissante d'offrir ainsi l'inspiration au plus grand danseur de la capitale. Et mes mots, eux, ils oscillaient au même rythme sur cette feuille blanche qui se couvrait de l'Encre que tu y faisais couler, toi, ma muse aux mèches dorées.

Tous les matins, je te retrouvais près de cette poste qui avait été dévastée par les bombardiers de 1945, et je te regardais danser dans les ruines de la Ville. Accompagné de feuilles brunies par la saison, d'épais flocons, de pétales de roses ou encore de gouttes d'eau qui m'inspiraient bien des proses, tu étais toujours là, à danser comme un dingue sous ce ciel coloré qui ne semblait plus vouloir briller que pour t'impressionner. Peut-être était-ce pour ça d'ailleurs, que les gens te surnommaient ainsi, le danseur fou de Paris. Parce que peu importe le temps, la saison, tu restais en place et tu attendais patiemment que sonne le carillon. Ding Dong, 7h, début de chorégraphie, entrée du danseur sur sa scène immense que sont les restes de Paris.

Et si tu étais le danseur fou de Paris, moi, j'étais l'écrivain fou du danseur de Paris. Car qu'importe s'il était le temps aux moissons ou aux blancs flocons, je me levais avant l'Aube pour te rejoindre à l'autre bout de cette Ville désolée pour tous ceux qu'elle n'avait su protéger. Et dans tes mouvements raffinés et dans les bribes d'une musique enjouée je croyais même voir le monde autour de toi renaître de ses cendres. A 7h les bâtiments avaient été dévastés par les bombardiers et n'étaient toujours pas réparés, et à 7h05, la Ville était devenue belle de Toi, transpirante de passion et de Vie, de tes notes disparates si belles qu'elles invitaient chaque âme qui les rencontrait à venir y danser avec elles, et les rues avaient finalement retrouvé cette Paix infinie.

Ah, Seokjin, si tu savais combien de mes écrits sont nés de ton parfum de pêche, combien de mes proses se sont faufilées dans tes cheveux dorés et combien de mes poèmes ont décrit la Vie selon tes beaux yeux noirs. Tu transpirais la passion, et de ta passion pour le rythme m'est venu l'amour des mots qui servaient à te décrire, toi, et ton monde que je m'imaginais presque tenir entre mes mains, tant tu semblais m'en partager des bribes lorsque tu tourbillonnais dans les airs au bout de ce chemin.

Tu m'as partagé tant de toi en ce temps, en te mouvant simplement, que j'ai l'impression de te connaître par cœur. C'est d'ailleurs pour cette raison que je te tutoie, j'espère que cela ne te dérange pas trop... Enfin soit. Tu dois te demander pourquoi je te parle de tout ça maintenant. Après tout, le temps est passé, je suis désormais un vieillard et il est bien tard pour exprimer tout cela sous forme de mots, n'est-ce pas ?

Mais cette semaine, lorsque je t'ai vu arriver avec plusieurs dizaines d'années en plus, souriant aux côtés de tes deux magnifiques petits-enfants, je me suis rendu compte d'une chose ; à trop explorer ce monde magnifique que je tenais dans mes mains, ce monde qui se dessinait sous l'inspiration que tu m'offrais gracieusement et qui se colorait sous ma plume enchanteresse, je crois que j'ai fini par en oublier d'explorer le monde extérieur. Ah, j'en ai usé des cartouches d'encre, des cartouches de toutes les couleurs même, pour décrire mon monde tel que je le voyais. Mais le monde d'autour, celui qui court et emmène les danseurs fous et les écrivains esseulés à devenir de vieux hommes finissant leurs vies dans une maison de repos, oui, ce monde tel qu'il l'est réellement, pourrais-je dire que je lui ai consacré ne serait-ce qu'une seule goutte d'encre?

La réponse est non. Et lorsqu'on a 87 ans, et qu'on est assis dans son fauteuil roulant toute la journée à attendre que vienne la mort même sur le papier, c'est une chose bien difficile à avaler. Oui, en te voyant, j'ai réalisé que la seule cartouche qu'il me reste encore intacte, c'est celle que chaque être humain possède juste au creux de sa poitrine. Tu sais, celle qui est faite pour se percer au contact de l'aventure et de l'amour et qui tatoue nos cœurs à l'encre indélébile? Oui, celle-là même dont le but de tout homme est de l'user le plus possible en affrontant le monde et ses peurs jusqu'à ce que vienne la dernière heure.

Oh, magnifique danseur fou de Paris, je réalise que j'ai laissé filer le plus important entre mes doigts abîmes. J'ai raté ma vie, et toute celle que j'aurais pu passer à tes côtés si seulement j'avais eu le courage d'affronter mes peurs et si j'avais osé. J'ai passé les années les plus prospères pour mon corps à contempler ce monde immobile que je tenais dans les mains, à en explorer chaque recoin, chaque ruelle et chaque sentier. J'en ai fait le tour, et maintenant que j'en suis devenu un -d'être immobile-, non seulement je tourne en rond dans ce monde qui ne peut s'étendre au-delà de mes paumes sèches et ridées, mais en plus je me rends compte qu'il y avait autour de moi un monde entier que j'aurais pu explorer à tes côtés.

Qu'il y avait des peaux à caresser plutôt que des plumes et du papier, des centaines de beaux villages à découvrir plutôt que des recoins imaginés, la douce odeur de la rosée à humer plutôt que le parfum de feuilles oubliées, des larmes de joie et de douleur à laisser couler plutôt qu'une encre foncée, des expériences à vivre plutôt qu'à imaginer... Et me voilà ; 87 ans, seul, essoufflé, assis devant ma fenêtre qui donne toujours sur le même paysage renfrogné, attristé par cette vie que je n'ai pas su mener.

Et je t'avoue que sur le coup, j'en ai eu un sacré coup au moral. Tant que ma plume en est restée paralysée pendant quelques temps. Parce que ces 87 années, je les ai passées dans les nuages, et découvrir du jour au lendemain que malgré ça, je reste un homme avec les pieds sur terre -quoique, devrais-je plutôt dire les roues sur terre désormais ?--, et un être humain qui ne laissera ici-bas de lui que l'ombre d'une Vie misérable, ça rend les choses soudainement bien plus douloureuses, et la Mort et l'oubli qu'elle porte avec elle bien plus effrayants que ce que je n'avais pu en percevoir jusqu'ici.

Mais dans le fond, tu dois certainement le comprendre, je reste ce même gamin bourré d'espoirs et de rêves, bien déterminé à rendre belles de mots les choses qui croisent ma route. Je reste ce même garçon qui pensait que ses proses, ses métaphores, ses rimes et ses quelques mots gribouillés au dos d'un vieux carnet suffiraient à le faire voyager. Celui-là même qui pensait tenir le monde entre ses mains parce que de simples lettres bien agencées il était capable de faire naître des couleurs et des étoiles dans un ciel d'ébène de fin d'été. Celui qui pensait qu'il donnerait du sens à sa vie en effleurant simplement le papier vierge de ses doigts créatifs et en le remplissant ensuite de rimes qui font du sens, et parfois un peu moins. Celui qui se sentait plus libre que l'air lorsqu'il voyait s'animer dans ses paumes moites de Vie un monde entier que tu lui inspirais. Celui qui te regardait avec des étoiles dans les yeux et qui a tant de fois essayé de placer ces quelques mots dans le creux de tes oreilles. Celui dont le cœur battait la chamade quand tu prenais le temps de parler avec lui, même juste quelques instants, et qui repartait toujours de ces conversations avec un cœur gonflé comme un ballon.

Oui, ce garçon-là, ce gamin un peu trop rêveur et bourré d'espoirs bien trop grands pour lui, qui dansait avec toi dans les ruines de la Ville, ce garçon fou du danseur fou de Paris et des beaux mots qui lui servaient à le décrire, je le suis toujours. Alors j'ai décidé de reprendre cette plume que j'avais laissé tomber face au triste constat de mon insignifiante Vie, et de t'adresser cette lettre et ces quelques mots pour essayer de bien terminer ma Vie. Car pour me donner un certain sens sur terre et pas seulement dans les cieux, quoi de mieux que de t'écrire cette lettre en ce Jour délicieux ? N'est-ce pas la plus belle chose à faire, celle qui donnerait le plus de sens à mes derniers temps malheureux?

Alors oui, je sais qu'il est tard. Je sais que tu ne te souviens certainement pas de moi, que je n'ai pas du effleurer ta vie avec autant de puissance que tu as renversé la mienne, mais je voudrais te dire, juste une dernière fois, parce que je veux prendre le courage de te le dire au moins une fois ; Je t'aime, Kim Seokjin. Pas juste un peu, pas juste pour les quelques milliers de fois où je t'ai vu danser, mais plutôt pour la personne que tu étais -et que tu es toujours- dans ton intégralité, toi, le danseur fou de Paris. Pour ce garçon qui m'a ouvert les portes d'un monde que je ne regrette pas d'avoir découvert, même s'il m'a dans le fond irrémédiablement éloigné de toi. Pour ce garçon qui partageait avec moi l'argent qu'avaient rapporté ses danses à chaque fois qu'il le pouvait -et refusait pertinemment le mien lorsque j'arrivais à gagner quelques pièces en cirant les pompes à quelques riches bonhommes -, et qui m'a certainement sauvé la vie plus d'une fois en me partageant son pain. Pour cet homme dont les danses envoûtantes m'offraient de merveilleux accès à des mondes interdits qui m'inspiraient bien des poèmes, pour la personne que tu as été, et que -je n'en doute pas- tu es toujours. Puisque nous ne changeons jamais vraiment.... Dans le fond nous restons ces mêmes fragiles enfants.

Bon, je te l'accorde, je n'ai plus grand-chose à t'offrir. Je ne peux te promettre que quelques jours, quelques semaines, quelques mois tout au plus. Physiquement, il n'y a plus grand-chose que je pourrais te laisser explorer à part le nombre incalculable de rides qui trônent sur mon front (j'aime à dire que j'en ai pris une pour chaque année que j'ai passé loin de toi, c'est pourquoi j'en ai autant désormais), et peut-être mes mains tremblantes qui, parait-il, -lorsqu'elles sont gantées du moins- regorgent de richesses. Il n'y a plus beaucoup d'endroits où je pourrais t'emmener à part au petit restaurant du coin pour un rendez-vous en tête-à-tête, si toutefois tu le souhaites -et que j'obtiens l'accord de ces fichues infirmières-, ou alors dans les couloirs pour une petite promenade main dans la main, mais attention, je ne tiens plus debout que pour un aller-retour seulement !

Oui, alors, je vais m'arrêter là. Je n'ai absolument rien à t'offrir, et je m'excuse d'avance de venir ainsi troubler ta tranquillité alors que je n'ai finalement rien dans les mains. A part cette lettre, un monde entier que je pourrais te faire explorer, et puis, quelques ennuyantes heures que je pourrais peut-être t'aider à passer, je n'ai plus rien en ma possession qui vaille la peine de t'être donné.

Mais je veux tout de même tenter ma chance. Parce que 87 ans, c'est un bel âge pour se prendre son premier râteau, n'est-ce pas ? (C'est bien comme ça que disent les jeunes, hein ? Tu as vu, je reste à la page ! Je sais même utiliser les petits bonhommes jaunes -ça porte un nom mais je ne m'en rappelle pas- sur mon téléphone portable !). Alors ? Ce ne serait pas trop la classe de sortir avec un vieil homme qui reste aussi jeune dans sa tête dégarnie ?

Bon. Je vais m'arrêter là. Si tu avais lu mes romans, tu saurais certainement que je suis du genre à traîner en longueur, et que quand ma plume est inspirée, il n'y a plus grand-chose qui puisse l'arrêter. C'est donc à contrecœur que je m'efforce de m'arrêter désormais, mon but n'étant pas que tu t'endormes au milieu de la lecture de cette longueeeee lettre...

Ah, mais, il y a tout de même une dernière chose que je voulais te dire. Je sais que tu es veuf, et je t'offre d'ailleurs toutes mes plus sincères condoléances. Je n'ai pas eu la chance de beaucoup connaître la belle guitariste et chanteuse qui a accompagné ta longue vie, mais je suis persuadée que c'était une femme merveilleuse, certainement tout aussi merveilleuse que la personne que tu es, c'est pourquoi je t'envoie mon plus grand respect face à cette perte qui a dû être extrêmement difficile à surmonter. Et je voudrais juste que tu saches que je ne compte en aucun cas la remplacer.

J'ai bien conscience que l'amour que tu lui portais était fort, inébranlable, magnifique également, enfin, que c'était le genre d'amour qu'on ne peut porter qu'une seule fois dans une Vie. Tout comme mon cœur n'a jamais porté que toi, tu n'as jamais porté qu'elle, et il n'y a plus de place dans ce petit morceau de chair pour un vieil être comme moi aux sentiments interminables. Et je le comprends. Et je le respecte. Je ne te demande d'ailleurs pas de m'aimer autant qu'elle, je ne pourrais d'ailleurs même pas te demander de simplement m'aimer, puisque ce sont des choses qui ne se commandent pas. Je te propose juste de passer quelques temps à mes côtés sur ce vieux chemin qui commence à descendre de plus en plus vers le centre de la Terre.

Simplement quelques douces et belles journées à mes côtés, où tu pourrais m'expliquer ce que c'est que de parcourir ce monde qui galope. Peut-être même qu'en passant simplement quelques minutes avec moi tous les jours, tu pourrais de ta plume user un peu de cette cartouche qui s'impatiente au fin fond de mon cœur ?

Enfin... Seokjin, acceptes-tu de me partager quelques bribes de ton Monde ?

Ton admirateur depuis 1946,

L'écrivain aux doigts gantés,

Kim Namjoon. »


Une bonne soixantaine de résidents étaient attablés dans ce grand réfectoire.

Regroupés par affinités ou parfois moins autour de petites tables, beaucoup piquaient du nez dans leurs assiettes vides qui ne servaient d'ailleurs à rien d'autre qu'à décorer un peu ces tables rondes aux couleurs mortellement ennuyantes. Pour briser l'ennui et l'impatience, certains pitres intemporels racontaient leurs folies de jeunesse -vraies ou inventées- à qui voulait bien les écouter, et se mettait parfois en route un débat partiellement animé entre quelques êtres ayant soudainement retrouvé une moue bien plus enfantine aux travers de leurs faciès ridés. Et bien que parfois les rires éclataient dans un coin de cette grande pièce, les voix étaient en général plutôt faibles et laissaient au silence le pouvoir d'y régner en maître.

Au milieu de ces vieilles âmes pour la plupart immobiles, zigzaguaient rapidement les aides-soignants, mains scellées aux fauteuils de quelques retardataires qui appréciaient fort bien cette promenade et la façon dont la vitesse de ces jeunes gens leurs rappelaient leurs propres jeunes temps. Une infirmière aux longs cheveux blonds noués en une queue de cheval se hâtait de distribuer les cachets avant que commence le service de midi, bousculant parfois la jeune serveuse aux cheveux noirs qui distribuait les bières à qui désirait commencer son repas par-là, avant de se confondre en excuses.

Une fois que le personnel soignant eu fini de descendre tous les pensionnaires au réfectoire, deux d'entre eux s'arrêtèrent entre les tables dans un coin relativement silencieux pour radoter, à la façon des quelques vieux qui se plaignaient d'eux, sur un vieil homme grincheux qui n'avait pas voulu descendre manger, prétendant qu'il avait à terminer d'écrire une lettre parfumée. La femme visiblement agacée continuait ses grands gestes tandis que sa voix aiguë résonnait dans la salle et réveillait quelques curieux qui tendaient l'oreille après avoir redressé le nez, et le second, un quadragénaire à la même blouse blanche et orange, se contentait de rire face aux dires de la jeune femme qui semblait résolue à abandonner ce vieux grincheux dans sa chambre pour dîner.

Bien vite, les quelques oreilles curieuses et jusqu'ici silencieuses qui s'étaient intéressés à la conversation des deux soignants se mirent à marmonner entre eux, répétant ce qu'ils avaient entendus et débattant sur les expériences similaires qu'ils avaient eu face à des aides-soignants un peu trop pressés qui ne savaient pas attendre deux secondes que les vieux hommes se soient préparés. Et le calme usuel dans ce coin de la pièce fut remplacé par des chuchotements, des ragots en tout genre et des critiques de toutes sortes qui n'avaient qu'un seul sujet : le 'mauvais' personnel soignant. Que ce soit bien clair, ce n'était pas là leur seul sujet de conversation. Mais c'était de loin leur préféré lorsqu'il s'agissait de radoter. Et pourtant derrière leurs nombreuses critiques, beaucoup d'entre eux cachaient une affection toute particulière pour ces quelques jeunes gens qui égayaient leurs quotidiens et les aidaient dans les tâches simples qui devenaient difficiles. L'opposé se valait également, évidemment. Mais quoi de mieux pour montrer son affection que de s'en plaindre ?

Dans un autre coin de la pièce, était attablé un vieil homme dont les cheveux gris clairs étaient parfaitement apprêtés. Lavés et peignés, ils semblaient doux comme la soie et beaucoup d'autres au crâne lisse les enviaient. Il tapait en rythme sur la table de son annulaire où trônait fièrement une alliance dorée, tandis qu'il attendait que se pointe son vis-à-vis, un homme plutôt jeune comparé à lui qui habitait dans l'appartement voisin au sien. Ce n'était pas tant qu'ils s'appréciaient grandement, mais puisque les deux étaient autonomes, toujours mobiles, et issus du même dernier étage où la maison de retraite louait de beaux appartements, ils avaient étaient installés l'un en face de l'autre à cette petite table qui trônait dans le coin. Et puis finalement, Seokjin avait appris à apprécier sa place, bien que son voisin ne soit pas très causant, puisqu'il pouvait de là lorgner librement le vieil homme en fauteuil roulant qu'il pensait avoir reconnu lorsqu'il était arrivé -et qui n'était toujours pas descendu, d'ailleurs -, et piquer l'assiette de son voisin qui en plus de ne pas être très causant n'était pas un grand mangeur. De plus, il avait de là une bonne vue sur l'avancée des plats, sa chaise se trouvant juste à côté de l'entrée de la cuisine, et ça s'était donc finalement avérée être la meilleure place possible pour un glouton comme lui qui adorait humer l'odeur des plats en préparation.

Grattouillant délicatement une tâche qui semblait être incrustée dans la table, il lorgnait la place où était en général assis le vieil homme qu'il pensait avoir reconnu comme étant l'écrivain aux doigts gantés, qui était également un jeune homme qu'il avait rencontré et beaucoup apprécié il y avait de cela une bonne 60aine d'années. Ils avaient échangé quelques mots le jour de son arrivée, sur la terrasse, lorsque tous deux étaient sortis prendre l'air après un repas bien apprécié, et c'est là que Seokjin l'avait reconnu. Dépourvu de ses cheveux et de sa jeunesse, il avait bien changé, mais le vieil homme en était presque sûr, c'était lui, simplement gratifié de quelques années et de rides en plus.

Mais Seokjin n'avait pas osé lui demander s'il le reconnaissait. Après tout, à leurs âges, beaucoup avaient des problèmes de mémoire, et il savait de source sûre que cela en rendait certains affreusement irritables. C'était bien sûr compréhensible, mais ne voulant pas irriter le vieil homme qui n'avait pas une seule fois évoqué le passé, il s'était bien gardé de le faire lui-même. Seulement, une semaine était passée, et comme ils avaient depuis reparlé tous les jours sur cette grande terrasse, Seokjin avait grandement envie de le lui demander. Il réfléchissait donc à la manière dont il pourrait amener ça sur le tapis lorsqu'ils se retrouveraient encore à parler depuis ce même paysage un peu morne d'automne.

Perdu dans ses pensées, il ne vit pas arriver non loin de là le vieil homme de ses songes.

Penché légèrement en avant pour avoir une forme plus aérodynamique, un grand chapeau noir recouvrant l'entièreté de son crâne presque lisse, il s'activait à faire avancer son fauteuil en poussant dynamiquement sur les roues de celui-ci. Il traversa le long couloir à toute allure, ses bras s'activant d'une manière telle qu'il ne les pensait plus capable de faire depuis bien longtemps, avant de s'engouffrer dans le réfectoire sous le regard perplexe de son aide-soignante et l'hilarité des 3 autres membres du personnel qui avaient observé la scène.

Kim Namjoon était un vieil homme à l'apparence grincheuse, et fort peu agréable avec le personnel de la maison de repos qui, selon lui, le traitait comme un gamin avec quelques nombreuses déficiences mentales. Il avait beau ne plus entendre grand-chose et avoir besoin de quelqu'un pour faire sa toilette, cela ne faisait pas de lui un homme idiot, et il s'agaçait assez rapidement lorsqu'un membre du personnel lui parlait comme à un bonhomme qui n'aurait pour guise de cerveau qu'une cacahuète à moitié mangée. Alors il prenait souvent un malin plaisir à embêter ce personnel soignant, en se faisant vraiment passer pour un idiot, en les mettant en retard pour des broutilles, en sonnant pour un rien ou encore en leur faisant croire qu'il n'était qu'un vieil homme qui n'avait plus la force de se déplacer tout seul afin que ceux-ci le poussent jusqu'au réfectoire.

Alors, voir ce vieil homme arriver à toutes berzingues dans le réfectoire était plutôt drôle pour la plupart des membres du personnel qui le pensaient jusqu'ici bien incapable de se déplacer tout seul, et leurs éclats de rire se firent bien vite entendre dans l'entièreté de la grande salle. Parfaitement apprêté, habillé d'un costume-cravate que l'aide-soignante avait -après de maintes discussions- accepté de prendre le temps de lui mettre, une enveloppe coincée entre ses fines lèvres étirées, de belles chaussures en cuir qu'il n'avait eu que très peu l'occasion de mettre soigneusement nouées, il sortait du lot ainsi habillé. Il traversa la salle par l'allée de droite qui offrait un petit passage au travers des tables, et freina difficilement en posant ses mains sur les roues de son fauteuil et une chaussure par terre qui fit un bruit assez désagréable lorsqu'elle rencontra le sol.

Finalement arrêté, il redressa la tête pour faire face à un jeune aide-soignant, qu'il ne reconnaissait pas mais qu'il identifia grâce aux couleurs de sa blouse, qui lui adressa d'une voix amusée :

-Eh bien, M'sieur Kim, où est-ce que vous filez comme ça ? Dites donc, ce que vous êtes élégant aujourd'hui, on a quelque chose à fêter ?

-Je l'espère bien, oui ! Assura le vieil écrivain avec un doux sourire en se laissant conduire par le jeune homme jusqu'à sa table où une vieille femme et deux hommes étaient déjà attablés. Tous le saluèrent de manière chaleureuse, le complimentèrent également en chœur sur ses habits élégants, et peu de temps après, les entrées arrivèrent. Lui qui n'était d'habitude pas très causant et préférait se perdre à contempler la vue qu'il avait de sa place sur la vallée, se trouvait en ce jour fort enclin à la conversation pour une raison qui lui échappait, et il ne cessait de parler de choses en tout genre qui animèrent leur petite table pour toute la durée du repas.

Son enveloppe précautionneusement placée à côté de son assiette, il ne pouvait s'empêcher de lui jeter des coups d'œil à chaque fois que le silence refaisait surface autour d'eux. Il ne cessait de relire les quelques mots qu'il avait écrit sur le dessus de l'enveloppe : «Au danseur Fou de Paris » qu'il s'était énormément appliqué à écrire de sa plus belle écriture, se demandant si tout compte fait, tout cela était vraiment une bonne idée. Après tout, il n'était même pas dit que Seokjin le reconnaîtrait. Ça faisait si longtemps, le temps était passé depuis, et dieu seul savait à quel point il pouvait faire des ravages sur les vieux souvenirs et sur les liens qui s'étaient formés entre deux personnes. Comment réagirait-il si Seokjin avouait ne pas le reconnaître ? Est-ce que cette belle lettre serait vaine ? Est-ce que ses derniers mots se perdraient dans le néant, seraient condamnés à errer dans l'oubli?

Il fut tiré de sa rêverie lorsque Monsieur Jung, un vieil homme toujours bien trop poli et doté d'un sourire dont le temps ne semblait pas avoir modifié l'éclat, aperçut la lettre et lui demanda curieusement :

-Vous avez préparé une lettre pour quelqu'un, Namjoon-ah ?

-Oui... Se contenta de répondre le dénommé de sa voix grave.

-Ce sont des mots doux ? Le charria la doyenne, Madame Lu, en se rapprochant de lui. Vous déclarez votre flamme à quelqu'un aujourd'hui ?

-M'enfin, comment le savez-vous ? Railla le vieux au chapeau en poussant délicatement la plus âgée du groupe qui ria à la remarque.

-Rooh, Namjoon, je vous conçois que je n'y vois plus grand-chose, ajouta-t-elle en tournant le visage vers lui mais en gardant les yeux dans le vide, mais j'ai toujours un très bon odorat. Je dirais même qu'il est bien meilleur depuis que je n'y vois plus rien. Et je peux dire qu'au vu de la manière dont vous avez noyé votre corps sous le parfum, vous voulez plaire à quelqu'un !

-C'est trop ? Le parfum ?

-Mais non, certifia Mr Jung en souriant, vous êtes parfait comme ça Namjoon !

Le concerné soupira de soulagement, et se mit à sourire légèrement face à leur conversation plus que puérile. Si on lui avait dit un jour qu'il se déclarerait à 87 ans, et qu'il flipperait tellement qu'il aurait à se rassurer auprès de ses quelques vieux collègues de table, il n'y aurait certainement pas cru, ou alors aurait éclaté de rire face à l'absurdité de la situation. Parce que oui, tout ceci était bel et bien absurde. Quoique, n'était-ce pas plutôt de remettre quelque chose à un lendemain que l'on n'était même plus sûr de pouvoir accueillir qui était réellement absurde ?

-Et alors qui est la grande chanceuse ? Reprit Mr Min, le quatrième attablé avec eux, un vieil homme qui s'était retranché dans un mutisme affolant après la mort de Monsieur Park, son compagnon de balade, et ne s'était remis à parler que depuis qu'il était à leur table.

-C'est moi bien-sûr ! Ajouta la vieille dame d'une voix taquine qui fit rouler des yeux le pauvre écrivain.

-Jamais ! Railla celui-ci, vous parlez beaucoup trop. Vous entendre parler tous les midis me donne mal au crâne. Alors non, ce n'est pas pour vous.

Tous se mirent à rire face à la remarque, en particulier le plus jeune, à savoir monsieur Min, qui était bien d'accord avec les dires du vieil écrivain. Le restant du repas se passa calmement, tous firent quelques suppositions sur l'élu du cœur du vieil homme, mais celui-ci refusa pertinemment de nommer qui que ce soit dans la salle, et ne laissa s'échapper aucune émotion qui aurait pu le trahir lorsque le plus jeune -qui semblait avoir un bon flair pour ce genre de choses- nomma Seokjin.

Finalement, le repas toucha à sa fin, et le même cirque qu'au début de celui-ci eut lieu ; entre les serveurs qui s'activaient à débarrasser les tables pour ne pas mettre en retard la plonge, et les aides-soignants qui couraient dans tous les sens pour remonter les pensionnaires dans leurs chambres, c'était un beau chahut. Après avoir salué ses collègues de table, comme il les appelait, le vieil homme se dirigea vers la terrasse, se frayant difficilement un chemin au travers des tables et des employés pressés. Il essuya à plusieurs reprises ses mains moites sur son pantalon noir et vérifia presque tous les mètres que la lettre qu'il avait glissé entre ses deux cuisses n'était pas tombée. Finalement, lorsqu'il arriva sur la terrasse et que l'air frai d'automne lui caressa la peau, calmant légèrement les battements de son cœur qu'il n'avait jamais entendu autant s'affoler qu'en cet instant, il soupira de bien-être et se rapprocha de la rambarde. Il attendit quelques minutes que Seokjin le rejoigne, et sursauta furieusement lorsque celui-ci posa sa longue main déformée par l'arthrose sur son épaule.

-Je ne voulais pas vous faire peur, Namjoon, ria celui-ci en se penchant légèrement pour s'excuser. Oh, mais dites, quel bel homme, vous êtes fort élégant aujourd'hui !

-Vous trouvez ? Ajouta doucement le concerné en rougissant légèrement. Mais j'aurais beau faire tous les efforts du monde, je ne serais jamais aussi élégant que vous !

Et c'était vrai. Le vieil homme en était plus que conscient, lorsque l'on en venait à parler de vieillesse, on ne pouvait pas s'empêcher de parler de ces injustices. Et encore, une injustice n'est peut-être pas un terme assez fort pour qualifier ça. En outre, Seokjin avait vraiment magnifiquement bien vieilli. Il était toujours aussi beau, d'une manière différente, certes, les rides remplaçant tout de même la peau lisse de son visage, mais ses traits eux, étaient restés fondamentalement inchangés, contrairement à Namjoon dont certains traits semblaient s'être dissipés avec les années. Ses cheveux étaient restés intactes bien qu'ils aient pris une couleur grisée un peu moins chatoyante que le blond qu'il portait lorsqu'il était jeune, et son corps, bien que légèrement voûté, gardait cette même allure élancée et cette ligne qui en faisait pâlir plus d'un. Namjoon, lui, ne pouvait pas s'estimer aussi chanceux. La Vie lui avait très vite repris ce qu'elle lui avait donné ; il avait commencé à perdre ses cheveux avant même d'avoir soufflé ses 35 bougies, et cela faisait plus de 15 ans déjà qu'il était en fauteuil roulant. Il n'avait pas vraiment compris le charabia des médecins et des kinés, mais de ce qu'il en avait retenu, c'était en partie sa faute et celle à 'pas-de-chance'. Il ne l'aimait pas, celle-là, d'ailleurs. Et puis bien sûr avec sa progressive immobilité étaient venus les kilos en trop, les douleurs articulaires liés au manque de mouvement et à un léger surpoids, et bien d'autres choses qu'il n'avait pas le cœur à citer.

C'est donc avec sincérité et certainement une pointe de jalousie qu'il répondit doucement à son vis-à-vis. Celui-ci ne répondit rien et se contenta d'accueillir chaleureusement les quelques mots de Namjoon dans un coin de son cœur fatigué, avant de poser son regard sur le paysage d'automne et ses mains sur la rambarde. L'écrivain en profita pour détailler son vieil ami tout en retournant encore et encore sa lettre dans ses mains avant de finalement briser le silence en ajoutant doucement :

-Seokjin, j'ai quelque chose pour toi...

Le concerné se trouva étonné par le fait que Namjoon le tutoie, et se retourna pour faire face au vieil homme qui lui tendait de ses mains gantées une lettre. Il l'attrapa et en profita pour sourire largement au vieil homme qui semblait légèrement gêné, avant de plisser les yeux pour essayer de déchiffrer ce qui se trouvait écrit en grand sur le devant de l'enveloppe. Il chercha à tâtons ses lunettes sur son torse, lunettes qu'il gardait généralement attachées sur un coin de sa chemise ou par une lanière autour de son cou, mais ne les trouva pas. Il put tout de même déchiffrer les quelques lettres qui jonchaient le devant du papier qu'il trouva extrêmement doux, et remonta délicatement son regard dans celui de son vis-à-vis avant d'ajouter d'une voix douce dont lui seul avait le secret :

-Tu te rappelles de moi, alors...

-Bien sûr, comment pourrais-je t'avoir oublié ?..

Tous deux se regardèrent avec beaucoup de douceur, voyant presque au travers de leurs peaux ridées les gamins qu'ils étaient lorsqu'ils s'étaient rencontrés ; ces jeunes artistes téméraires, magnifiques et bourrés de talent qui sillonnaient les rues de Paris. Leurs épidermes n'étaient plus seulement ceux abîmés de deux personnes âgées, il était devenu ceux qu'ils avaient tant rêvé d'explorer lorsqu'ils étaient des gamins rêveurs et passionnés. Ne se tenait plus devant eux un être dont la vieillesse avait fatigué l'âme, mais plutôt ces magnifiques âmes dont ils étaient tombés éperdument amoureux. Et c'était de maigres étincelles qui régnaient dans leur monde jusqu'alors, mais leurs âmes autrefois nouées qui se retrouvèrent finalement après avoir été si longtemps séparées s'entrechoquèrent et créèrent le plus beau des artifices. Tant que les yeux des deux s'humidifièrent légèrement face à l'émotion qui ravageait leurs vieux corps et les faisait redevenir soudainement, juste le temps d'un instant, ces jeunes gens qui pleurent face à la beauté de tant de lueurs.

Finalement c'est Seokjin, pris d'un énorme sentiment de curiosité, qui détourna le regard en premier. Il se mit à chercher encore après ses lunettes sous le regard amusé de l'autre, autour de son cou, dans ses poches, attachées au rebord de sa chemise, et même dans ses cheveux où elles traînaient parfois, mais ne les trouva pas. Entre temps une aide-soignante était arrivée sur la terrasse, et s'approcha d'eux avant de demander plus sous forme d'affirmation que de question :

-M'sieur Kim, je vous remonte dans votre chambre ?

-Non, non, non, vous ne voyez pas que j'essaye de me déclarer ? Ronchonna le concerné en faisant un geste de main à la trentenaire qui ne put s'empêcher de laisser s'échapper un petit gloussement face aux dires du vieil homme.

-Vous déclarer ? Eh bien, vous le ferez demain ! Je n'ai pas que ça à faire ! Ajouta-t-elle en agrippant les poignées du fauteuil roulant de l'écrivain, un sourire fatigué dessiné sur son visage.

-Mais non ! S'énerva cette fois-ci le vieil homme en se retournant dans son fauteuil pour faire face à la femme aux cheveux courts qui lâcha les poignées, prête à abandonner. A mon âge, il n'est écrit nulle part qu'il y aura un lendemain, alors je fais ça aujourd'hui ! Laissez-moi tranquille à la fin !

-Bien ! Je ne viendrais pas vous rechercher, je vous préviens, et vous n'avez pas intérêt à vous en plaindre ou à couiner parce que je ne vous ai pas mis aux toilettes! Bougonna celle-ci en se dirigeant rapidement vers la porte vitrée qui était restée ouverte suite à son passage.

-C'est ça ! Je ne me plains jamais, moi, de toute façon, marmonna l'écrivain pour lui-même face à un Seokjin fort amusé par la situation.

-Elle n'est pas fort aimable, conclu le plus âgé en regardant la soignante s'éloigner, l'agacement collé aux traits.

-Oh, elle n'est pas désagréable. Disons qu'on se cherche constamment, j'adore l'ennuyer et je comprends qu'elle ne me supporte plus, ajouta Namjoon d'une voix taquine. Et puis, elle est trop jeune pour comprendre qu'à nos âges, on a plus tout le temps du monde. Ça les dépasse, tout ça. C'est malheureux quand on y regarde, c'est elle que l'on force à courir sans arrêt alors qu'elle est jeune et qu'elle devrait apprendre à prendre le temps, et c'est nous qui sommes forcés à prendre notre temps alors qu'il est grand temps que nous nous mettions à courir, n'est-ce pas ?

-Le monde est parfois mal fait, ajouta le danseur en acquiesçant aux dires de son vieil ami. Alors, puisqu'il est temps pour nous de nous mettre à courir, devrais-je lire en vitesse cette lettre que tu m'as remise ?

-Bien sûr, et plus vite que ça ! Ajouta l'écrivain en souriant de toutes ses -partiellement fausses- dents, ses petits yeux bridés disparaissant même sous l'intensité de ce grand sourire qui bouleversait ses traits, témoin intemporel de la joie qui s'infiltre dans les veines et réchauffe l'âme.

-Montons dans mon appartement alors, je dois avoir laissé mes lunettes sur la table. Et tu sais ce que c'est, la vieillesse ne nous laisse plus la possibilité de lire quoique ce soit sans ces affreuses binocles !

Namjoon acquiesça après avoir lâché un léger rire et observa le danseur glisser la lettre délicatement dans la poche intérieure de sa veste marron, un doux sourire étirant ses lèvres qu'il remarquait être un peu moins pulpeuses que lorsqu'il était plus jeune. Le vieil homme aux cheveux gris attrapa ensuite sa canne, qui était depuis lors posée sur la rambarde, et attendit que Namjoon fasse demi-tour difficilement avant de se mettre en marche à ses côtés, direction le 4è étage de cette immense maison de repos qui trônait fièrement sur le toit d'une colline. A croire qu'ils voulaient déjà les rapprocher du ciel.

Ils traversèrent la salle à manger sous le regard désapprobateur et le soupire d'agacement de la femme qui venait de nettoyer le sol et devrait repasser derrière eux pour effacer leurs traces de pas, et s'engouffrèrent ainsi dans les grands et ternes couloirs en direction de l'ascenseur.

Ils n'avaient plus aussi fière allure que lorsqu'ils dansaient ensemble dans les décombres d'une Paris dévastée, l'un boitant sévèrement de sa jambe gauche qu'il n'avait pas encore fait opérer, et le second peinant parfois à faire avancer sa « Gertrude » comme il aimait l'appeler, mais il restait une douce aura qui traînait autour d'eux et réchauffait les cœurs des quelques visiteurs ou employés qui passaient à leurs côtés. Une étrange bulle de douceur, parfumée aux senteurs de deux cœurs heureux, d'une simple douce joie de marcher enfin sur le même chemin après avoir dû emprunter des routes qui ne s'étaient pas même croisées une seule fois pendant les soixante dernières années.

Mais il y avait autre chose, aussi, qui régnait autour d'eux. Un air de jeunesse qu'aucun des deux n'était en mesure d'expliquer, ni même de comprendre. Soudainement les douleurs s'étaient éteintes, les corps se mettaient à bouger un peu mieux que ce qu'ils ne le faisaient habituellement, ils avaient tous deux retrouvé une motivation qu'ils semblaient avoir perdu depuis longtemps. Il y avait des réactions qui se produisaient dans le corps de chacun des deux, des choses muettes depuis si longtemps qui se remettaient soudainement à parler, des cœurs froids et ennuyés qui retrouvaient soudainement une certaine raison de battre et à l'opposé des choses omniprésentes et lourdes à porter qui se soumettaient finalement au silence, berçant les deux d'une certaine légèreté qu'ils n'avaient plus rencontré depuis des lustres et qui leur faisait un bien fou.

Ils abordèrent tous deux quelques souvenirs qu'ils avaient de l'autre durant leur montée, chaque souvenir s'échappant de la barrière des lippes gercées rendant plus douce encore l'atmosphère qui les entourait, et faisant chanter à nouveau les jeunes enfants qui étaient enterrés dans un coin de leur poitrine et pouvaient enfin revoir les couleurs du jour. Ce n'était pas grand-chose, seulement quelques simples mots tirés du passé et soudainement réanimés, mais pour eux, cela signifiait beaucoup. Ayant vécu chacun dans l'espoir secret qu'un jour ils se retrouveraient, rien n'était plus beau, malgré les circonstances, que le moment de douceur qu'ils passaient l'un à côté de l'autre, dans l'ombre des couloirs tristes d'une maison de repos.

Finalement, ils arrivèrent dans l'appartement du plus âgé qui referma délicatement la porte derrière Namjoon lorsque celui-ci fut rentré. Comme l'écrivain s'en serait douté, l'appartement de l'aîné était extrêmement bien rangé, décoré avec goût et une certaine modernité qui ne l'étonna pas non plus, décoration qui brisait cette ambiance froide qui régnait usuellement dans les chambres de ce grand bâtiment. Les couleurs des murs étaient pourtant les mêmes, toujours tous blancs et ne laissant de place à la couleur que sur les portes en bois et les tables aux mêmes teintes, mais ainsi décoré d'objets divers et de jolies peintures, cela donnait une atmosphère bien plus chaleureuse à la pièce de vie sur laquelle donnait la porte d'entrée.

Le vieil homme s'attarda un peu sur les photos qui pendaient au mur, entourées de cadres noirs et gris qui contrastaient grandement avec les murs blancs, où étaient représentées de nombreuses personnes différentes, et de nombreuses couleurs également étonnantes. Il n'y avait qu'une seule photo en noir et blanc qui trônait au milieu des autres, celle qui était extraite d'un journal de 1957 que Namjoon avait également conservé où trônait le Danseur Fou de Paris en première de couverture. Ce n'était pas la seule fois où le brillant danseur avait fait la une dans les journaux, mais Namjoon trouvait de loin que cette photo était celle qui représentait le mieux la passion du danseur pour son art, et qui mettait également le mieux son corps en valeur, c'est pourquoi il l'avait précieusement gardée dans un coin de sa chambre, encadrée également dans un contour en ferraille qu'il trouvait drôlement joli.

Autour de cette photo en noir et blanc trônaient toutes autres sortes de photos hautes en couleur, des photos de jeunes enfants dansant aux côtés du plus âgé, d'autres qui ressemblaient à des photos de famille où Namjoon reconnut les petits-enfants et le fils unique du danseur ainsi que sa femme, et de nombreuses photos de paysages que le vieil écrivain trouvaient drôlement inspirantes. Il resta quelques temps le regard perdu sur une photo qui représentait la pointe de montagnes jaillissant de la brume, réalisant que c'était une chose qu'il aurait pu voir si seulement il avait sorti un peu plus tôt la tête de ses livres et de son bien petit monde.

De son côté, le vieux danseur s'était mis à lire la lettre silencieusement après avoir attrapé ses lunettes qui traînaient effectivement sur la table et s'être assis sur une chaise. Happé par la curiosité, il s'était pressé à sortir le doux papier de la petite enveloppe, en prenant tout de même soin de ne pas le déchirer de ses mains bien moins habiles qu'elles ne l'étaient avant, et avait passé quelques temps à contempler la magnifique écriture du vieil homme avant de se lancer dans la lecture.

Namjoon, voyant que son vieil ami s'était plongé dans la lecture, détourna le regard et sentit ses joues chauffer drôlement, ce qu'il trouva d'ailleurs grandement ridicule. Rougir à son âge comme un adolescent prépubère intimidé par une belle femme, c'était tout bonnement burlesque et grandement risible. Il se maudissait d'ailleurs silencieusement de réagir de la sorte, raillant en son for intérieur après ce vieux corps qui peinait à se mouvoir mais semblait ne pas avoir oublié ce genre de réaction idiote qu'il aurait préféré ne plus avoir.

Afin de dissiper sa gêne et d'occuper son temps pendant que l'autre lisait cette longue lettre, Namjoon se dirigea doucement vers la grande étagère qui remplissait le coin de la pièce, à côté de la petite télévision qui était évidemment exactement la même que la sienne. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit apparaître dans cette étagère, non pas une seule de ses œuvres, mais l'entièreté de ses romans, accompagnés de ses 2 recueils de poèmes et de cette nouvelle qu'il trouvait désormais étonnamment stupide. Le vieil homme cligna des yeux plusieurs fois, incertain de bien voir, mais c'était bien réel, ils se trouvaient bien là, au milieu d'œuvres en tout genre, ses mots les plus précieux, tous les témoins d'un monde intérieur qu'il avait si durement et passionnément cultivé pendant des années, un monde qui avait été créé et développé sur base de la passion qui émanait du propriétaire-même des lieux. Et il n'en manquait pas un.

Il se pencha légèrement pour attraper de sa main tremblante le seul et unique livre qui traînait sur le bord de l'étagère et n'était pas parfaitement rangé comme les autres, un marque-page incrusté entre ses pages abîmées pour avoir été trop de fois tournées. Il laissa un doigt tremblant parcourir chaque reliure du bouquin avant d'en effleurer les pages encore et encore et huma délicatement la drôle d'odeur fruitée qui semblait avoir été emprisonnée dans les douces feuilles. Il contempla les différentes annotions qu'avait faites le danseur, ne comprenant pas vraiment qu'on puisse écrire sur les pages d'un bouquin mais aimant ce qu'elles racontaient sur son implication dans la lecture, et puis, enfin, laissa ses doigts retracer le titre de l'œuvre : « Le Cœur et ses Artifices ».

C'était son plus ancien roman. La toute première histoire que l'écrivain avait réussi à poser sous forme de mots. Mais il était sorti en dernier, quelques années après sa dernière œuvre, puisqu'il avait pendant tout ce temps été censuré pour avoir osé mettre en avant l'histoire de deux hommes qui s'aiment. Il s'était inspiré de ses propres sentiments inavoués pour le danseur, de toutes ces choses qu'il aurait aimé dire et entreprendre avec celui-ci et qui hantaient désormais son cœur, tels les souvenirs d'un amour déchu et enfoui sous des tonnes d'erreurs, et en avait fait une de ses plus belles œuvres. Une des plus transpirantes de beauté et de sincérité. Celle de l'histoire qu'il aurait rêvé de mener avec le Danseur fou de Paris, mais qu'il n'avait jamais eu. Celle qu'il aurait peut-être la chance de démarrer désormais. Tard, mais qu'importe.

Alors doucement il redressa la tête, et se retourna quelques peu pour faire face à un Seokjin qui le regardait déjà. Ses mains étaient légèrement tremblantes, détail qu'il n'avait pour l'instant pas relevé, et les verres de ses petites lunettes rondes étaient légèrement embués. Il garda son œuvre dans ses mains et se rapprocha du vieil homme dont les yeux humidifiés se permettaient de refléter du monde un tas de jolies lueurs. Il déposa délicatement sa main sur celle de l'autre, oubliant tout le reste et se concentrant entièrement sur le vieux danseur qui était visiblement ému par sa lettre. Il voulut lui demander pourquoi il pleurait, mais c'est Seokjin qui se lança en premier d'une voix tremblante:

-Je... Je n'en reviens pas... Après toutes ces années, après tout ce temps, à attendre... Enfin, à t'attendre... Comment... Comment se fait-il qu'on ne se retrouve que maintenant ? Enfin, je veux dire, la vie aurait pu faire quelque chose pour nous, pour nous éviter de la rater ainsi ?

-Ne dis pas ça, Seokjin, tu n'as pas raté ta vie. Regarde-toi, tu as parcouru le monde pour tout ce qu'il avait de plus beau, tu es devenu un artiste accompli, un des plus grands de notre génération, tu as une magnifique famille et as passé une vie entière aux côtés d'une femme splendide, ta vie a été une réussite, Seokjin. Comme chacune de tes danses, ta vie en a d'ailleurs été une des plus belles, essaya de le rassurer le vieil homme en caressant doucement la main libre de l'autre qui tremblotait toujours sur sa cuisse gauche.

-J'ai toujours été malheureux, Namjoon. Je l'ai été parce que je n'ai jamais voulu accepter ce que j'étais, et que je n'ai réalisé la vraie nature de mes sentiments pour toi que lorsqu'il était déjà beaucoup trop tard. Je me suis marié avec ma meilleure amie, femme que j'ai rendue malheureuse à ne pas pouvoir l'aimer comme elle l'aurait souhaité. Elle m'a donné tant de choses, elle m'a offert l'amour et le réconfort quand je pleurais de ne pas pouvoir être moi-même, et toutes ces choses, je n'ai jamais pu lui rendre. J'en étais incapable. Parce que mon cœur était bourré d'artifices, mais qu'ils n'étaient pas pour elle. Alors finalement on n'est pas dans des situations si différentes, toi et moi. Toi tu as oublié de parcourir le monde extérieur, et moi j'ai oublié d'écouter celui qui dansait à l'intérieur. Tu as vécu seul, mais tu as vécu heureux. Et moi ? Moi j'ai vécu accompagné, mais j'ai vécu malheureux. J'ai exploré le monde, mais je l'ai exploré sans jamais accepter celui qui dormait au creux de ma poitrine. C'est moche. Je ne comprends pas que la Vie n'ait pas accepté de faire quelque chose pour nous plus tôt. Regarde-nous maintenant... C'est trop tard... Susurra le vieil écrivain

Le vieil écrivain resta abasourdi devant ces révélations, n'ayant jamais pensé que Seokjin puisse avoir été aussi malheureux. Il avait l'air si sûr de lui, si bien dans son corps et dans son cœur lorsqu'il dansait sur les restes de Paris. Et même encore des années après lorsqu'il le regardait danser à la télévision, il ne voyait là qu'un homme comblé et un artiste bien dans ses baskets. Il n'avait jamais pensé que tout cela pouvait s'avérer ne pas être vrai. N'être qu'une façade derrière laquelle on cache son vrai soi, qu'un monde que l'on créer pour se cacher de celui qui hurle à l'intérieur que ce qu'on fait n'est pas juste. Que le chemin que l'on emprunte n'est pas le bon, et qu'il serait temps de le changer.

Mais Namjoon était bien déterminé à remonter le moral au vieil homme. Alors c'est sans plus tarder qu'il attrapa sa main légèrement déformée par l'arthrose et qu'il laissa les siennes se frayer un passage entre ses doigts tremblants. Il attendit que l'autre le regarde dans les yeux avant d'ajouter délicatement :

-Voyons, Seokjin, il n'est jamais trop tard. Et si toutefois nous devons admettre qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps, n'oublions simplement pas que ces artifices ne meurent pas, eux. Et qu'il suffira simplement de s'y accrocher de toutes ses forces et d'y croire passionnément pour qu'une prochaine fois, dans une autre vie, dans un autre endroit, nous puissions nous retrouver et apprendre à explorer nos mondes intérieurs d'une main et ceux qui courent de l'autre. J'ai beau avoir passé ma vie enfermé dans ces murs que je m'étais créé, je ne doute pas un seul instant que la Vie ait de beaux projets pour ceux qui n'ont pas réussi à tout faire tenir dans une seule vie.

Seokjin se contenta de sourire délicatement, quelques larmes dévalant néanmoins sur ses joues tandis que ses lèvres ne s'arrêtaient plus de trembler, tressautant au moindre sanglot qui s'emparait de son corps et l'empêchait courtement de respirer, et il ajouta dans un murmure :

-Je.. J'avais si peur de finir mes jours ici, malheureux, sans ne jamais te retrouver...

-Mais je suis là maintenant. Et même si nos chemins n'avaient pu se retrouver, nous nous serions rencontré à nouveau plus tard, dans une autre vie, j'en suis certain.

Le vieil écrivain retira rapidement ses gants, dévoilant ainsi ses mains extrêmement abîmées et dépourvues d'un doigt, ses plus grandes cicatrices de guerre, et avant même que Seokjin n'ait le temps de réagir, il laissa sa main droite monter jusqu'à la joue du vieil homme. Il n'était pas spécialement à l'aise avec le fait de montrer ainsi ses mains détruites, aussi abîmées que Paris ne l'était lorsqu'ils s'étaient rencontrés, mais il voulait à tout prix lui partager le peu de chaleur qui avait survécu dans son corps aux cours de ces dernières années. Il laissa ensuite sa deuxième main glisser dans la nuque du plus âgé avant d'y exercer une légère pression pour que celui-ci se penche en avant, collant alors leurs fronts ensemble avant d'ajouter en plongeant son regard dans celui de l'autre:

-Mais il nous reste encore un peu de temps, alors prenons-le pour rattraper un peu de celui qui a filé aux travers de nos vieux doigts et nous nargue du haut de sa tour. Aujourd'hui on l'attrape, et on ne le laissera plus s'échapper, jamais. Jamais. Et ces mondes qu'on a pas su conquérir, on va les terrasser, là, maintenant, et on continuera de leur faire la peau jusqu'à notre dernier souffle, je te le jure, monsieur le Danseur Fou de Paris.

Et dans un geste lent, quelque peu maladroit mais affreusement doux, l'écrivain posa ses lèvres sur celles chaudes et humides du danseur. Et franchement, ce n'était rien. Juste un ridicule baiser entre deux vieux hommes. Pas grand-chose aux yeux du monde. Une vulgaire bagatelle aux yeux de l'Univers. Une minuscule poussière aux yeux des cieux. Mais pour chacun c'était un immense pas dans ces mondes qu'ils avaient jusqu'ici délaissés. Dans les lèvres du danseur il y avait ces saveurs du lointain, ces arômes épicées, ces couleurs du levant qui firent voyager l'écrivain à des milliers de lieux de là, sur le toit d'une montagne, par-delà la brume, au beau milieu de ce monde extérieur qu'il n'avait qu'un peu trop délaissé. Et dans ses lèvres à lui, il y avait ces saveurs de vérité, celles qui sonnent justes aux artifices du cœur et qui laissent à l'âme le pouvoir d'enfin se mettre à danser, dans ce monde intérieur qui ne demandait qu'à être accepté et exploré.

Et finalement, dans cette petite pièce aux couleurs d'ici et d'ailleurs, à quelques mètres sous les cieux et à des dizaines de lieues du sol, loin de ces regrets qui faisaient petit-à-petit sauter les rouages d'un cœur, loin de cette peur qui ravageait ceux qui sillonnaient seuls les derniers mètres de ce magnifique mais chaotique chemin, il n'y avait plus l'ombre d'une personne âgée. Plus aucune peau ridée, plus une seule trace d'un corps qui fatigué par son bien long travail se mettait à pleurer. Plus de lunettes qui trahissaient la présence d'yeux abîmés, ni de gants qui recouvraient de vilaines traces du passé. Plus de vieilles lèvres qui se découvraient pour la première fois et ne parvenaient plus à s'arrêter, plus de vieilles mains qui se cramponnaient à l'autre comme aux derniers Artifices d'un cœur en route pour un long chemin. Non, il n'y avait plus rien de tout ça.

Il n'y avait plus que deux âmes, qui, heureuses de s'être finalement retrouvées, s'entremêlaient et dansaient sur les toits de mondes bien trop peu explorés, brûlantes d'envie de s'attacher à tout jamais pour qu'une fois terminées, leurs explorations ne laissent sur leurs vieux cœurs qu'un immense tatouage à l'encre dorée.

.FIN.

* * *

Quelques mots de l'auteur.e pour conclure sur sa participation à ce recueil ?

- Tu penses à quoi/ à qui quand on te parle de vieillesse ?

A beaucoup trop de choses. Franchement, ce serait bien trop dur de résumer ça en quelques lignes. Je pense à mon travail, à toutes ces personnes hyper intéressantes et attachantes que j'ai rencontré de par mon boulot. Je pense à ceux qui rient sans arrêt, à ceux qui râlent sans arrêt aussi, à ceux qui font exprès de nous embêter, et à ceux, au contraire, qui font tout pour nous aider.Je pense à mes grands-parents, à une partie de la vie qu'on oublie bien souvent, à une horloge où les minutes défilent plus lentement, ou peut-être,d'après les dires de certains, bien plus rapidement. En bref, y'a trop de choses qui me viennent en tête, et je ne pourrais certainement pas toutes les énumérer au risque d'y passer la nuit. Mais si je ne devais parler que d'une seule chose, je parlerai de toutes ces émotions que je n'ai ressenties qu'aux côtés de personnes âgées pour l'instant. Je parlerai de ces personnes qui me font pleurer à me raconter leurs vieilles années avec des sourires rêveurs ou parfois chargés de tristesse. Je parlerai de ceux qui me font rire aux éclats à être des pitres intemporels. Je parlerai de tout ce qui rend l'être humain,humain justement, de tout ce qui fait que l'homme est si beau. De ses émotions,de ses souvenirs, de ses histoires passées et de celles à venir. Je parlerai de ces histoires d'amour et à ces belles amitiés qui naissent en fin de vie et dont j'ai parfois été témoin, je parlerai de ces personnes qui ont compris ce qui était le plus important sur cette terre. Parce que moi, quand on me parle de vieillesse, je pense à la Vie, tout simplement.

- 3 mots qui s'associent bien avec « vieillesse » pour toi ? Tu les as utilisés pour écrire ? (Si tu n'as pas 3 mots tant pis).

Temps... Partage ! Et... douceur ? Honnêtement je sais plus ? Je pense que je les ai tous utilisés quelque part, c'est des mots bateaux dans un sens.. x)

- Tu arrives à t'imaginer plus vieille.vieux ? Si oui, tu t'aimeras plus vieille.vieux ?

Pas le moins du monde. Je pense pas être une exception pour le coup, j'suppose que beaucoup de jeunes gens ne s'y voient pas. Je veux dire, ça parait tellement loin de nous, tout ça. Perso, j'arrive déjà pas à m'imaginer mon année prochaine, ni ce que je pourrais devenir un jour, alors comment pourrais-je me voir dans cette période si lointaine ? Et même quand j'y pense, quand je me force à essayer d'imaginer ce que je pourrais être, je ne vois qu'un trou noir. Honnêtement, j'ai juste cette impression que j'irais pas aussi loin que ça qui m'trotte dans la tête, et c'est peut-être ça qui m'empêche de m'imaginer cette période. Enfin, j'en sais rien.

- Est-ce qu'écrire sur la vieillesse pour toi c'est transmettre un message en particulier ? Si oui, lequel ?

Je sais pas si y'en avais un en particulier. J'crois pas. J'avais juste envie de partager un peu de cette douceur qu'ils me partagent au quotidien, dans mon travail et même dans ma propre famille. J'avais aussi (pas très subtilement x) envie de parler un peu des quelques défaut des maisons de repos (très gentiment on n'va pas s'mentir), en essayant néanmoins de rester plus ou moins neutre entre les deux parties (sans prendre trop part pour l'un ou pour l'autre). Sinon, rien de particulier avec cette histoire-là en tout cas. Le message principal il était plutôt pour moi, j'espère que je m'écouterai d'avantage dans le futur ^-^

- Tu veux ajouter quelque chose ? Libre à toi ! Sinon merci infiniment pour ta participation ♥

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