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Sans Nom #9 (1/2)

Avant, 27 ans


partie une : LES ETOILES NE SOURIENT PAS



Musicographie:

- Etoiles Invisibles, de Orelsan

-A l'heure où je me couche, des Casseurs Flowteurs

- Des histoires à raconter, des Casseurs Flowteurs

- Elle viendra quand même, de Orelsan



[NdA :

 Non, je ne pouvais pas me contenter d'une seule chanson. 

Oui, je n'écoute que du Orelsan.

5700 mots]



/❕\ Trigger : dépression, évocation de suicide  /❕\


PDV Yamada Hizashi :


- Bye listeners, et n'oubliez pas : life is a smile !

Je conclus l'émission avec mon enthousiasme habituel et mon éternel sourire enjoué. La phrase résonne dans le studio d'enregistrement jusqu'à ce qu'un biip sonne l'arrêt du live. Dans un léger soupir satisfait, je me laisse tomber contre mon fauteuil, le faisant pivoter sur ses roues. Je me retrouve face à une large vitre derrière laquelle deux femmes et une homme m'observent en souriant. J'élargie le mien (de sourire) en levant mon pouce gauche en l'air et accompagne mon geste d'un clin d'œil légèrement exagéré. Bon, c'est ma marque de fabrique de toujours exagérer les choses donc ils ne relèvent pas. Au contraire, ils me répondent avec des applaudissements et des clin d'œil encore plus surjoués. A cette vue, un éclat de rire traverse mes lèvres étirées. Je n'entends pas ce qu'ils disent mais je sais déjà qu'ils me complimentent sur l'émission d'aujourd'hui. Je devine leurs mots :  "toujours autant en forme" ; "tu leur en a mis plein la vue, comme d'hab" ; "c'était vraiment trop cool, toujours aussi parfait" ; "rien à redire sur la playlist, tu gères complètement !". Les mêmes remarques, les mêmes sourires, les mêmes gens, toujours. Present Mic est toujours génial devant un micro. Et ils ont raison, aujourd'hui a encore été une soirée parfaite : j'ai maintenu un timbre joyeux tout le long, j'ai ris aux bons moments -et juste suffisamment longtemps pour ne pas que ça devienne trop lourd-, j'ai été à l'écoute de mes auditeurs, j'ai répondu aux questions des appelants avec une touche d'humour toujours bien placée et un ton compréhensif, et j'ai été naturel du début à la fin.

Bref, j'ai été trop cool, comme d'habitude.

Je me retourne vers le bureau et débranche mon ordinateur portable. Je me lève et pars rejoindre les trois adultes qui se trouvent dans l'autre pièce. J'ouvre la porte dans un fracas qui ne fit sursauter personne.

- Hey hey hey, guys ! How are you tonight ? How was I this time ?

Ils se jettent sur moi en criant mon nom.

- Mic ! s'écria le directeur technique. C'était superbe, tu es incroyable !

- Sérieusement, ajouta la technicienne de maintenance, tu as été époustouflant ! Je ne compte pas mes éclats de rire pendant que je t'écoute !

- Ça fait trois ans que j'écoute et observe ton émission depuis la régie, et à aucun moment tu ne perds ton énergie, s'exclame la seconde femme. Je te jure, je sais pas comment tu fais pour être toujours aussi en forme, mais on ne s'en plaint pas !

Je leur répond en souriant :

- Je sais, je sais.

Ils continuent de s'extasier en commentant ma prestation tandis que je les écoute sans perdre mon sourire. Ils rient en disant que je m'en sors parfaitement et que je n'ai même pas besoin d'eux ; pourtant ce sont toujours eux qui insistent pour rester pendant mes lives. Moi, je n'ai jamais prétendu vouloir un public ; et il est vrai que je n'ai jamais eu aucun problème technique lors de mes directs ; mais ça ne me dérange pas de recevoir ces remarques positives et ces sourires admiratifs. Le staff de ce studio m'adore, et je le leur rends bien.

En revenant rapidement sur différents passages de l'émission, on partage encore quelques éclats de rire. Au bout d'un moment, la cheffe opératrice du son annonce qu'il est tard (c'est à dire 5h30 du matin) et qu'on devrait rentrer se reposer -bien qu'on sait tous que Present Mic ne dort jamais, ajouta-t-elle en me donnant une tape amicale dans le dos. Je la rejoins dans son fou rire alors que je me lève pour renter chez moi. Les murs tremblent presque sous les vibrations de ma voix -pourtant je n'ai pas activé mon alter. Après avoir salué le directeur et la cheffe opératrice, je sors du bâtiment en compagnie de la technicienne. Nous discutons avec enthousiasme malgré l'heure avancée. Nous faisons ça depuis si longtemps... la fatigue n'est pas un problème lorsqu'on fait quelque chose qu'on aime. L'habitude fait que le soleil déjà levé ne m'éblouit même plus, au contraire, il est plutôt agréable. Ma collègue et moi écartons tous deux les bras en prenant une profonde inspiration afin de s'imprégner de l'air ambiant. Je souffle un grand coup tandis qu'elle préfère prendre son temps pour expirer l'air de ses poumons. Nous reprenons ensuite notre conversation en marchant vers le parking où la femme sort ses clés pour déverrouiller sa voiture. Elle se tourne vers moi en ouvrant sa portière.

- Hey, je te ramène ?

Elle me le demande toujours, mais je refuse presque à chaque fois. Je n'aime pas les trajets en voiture, elles sont souvent trop basse et je m'y sens à l'étroit. Comme elle s'y attendait, je décline l'offre gentiment, sans oublier de sourire bien sûr. Je souris toujours.

- Comme tu veux. répond-elle en s'installant derrière le volant. Bon, rentre bien !

Pendant que le moteur chauffe, elle baisse la vitre et me jette un dernier regard pétillant derrière lequel je devine une pointe de fatigue. Compréhensible, elle n'est pas un robot après tout.

- Et reste en vie jusqu'à samedi prochain ! !

Sur ces mots, la voiture démarre. Je l'observe s'éloigner avec un sourire crispé. Heureusement qu'elle ne peut plus me voir... Cette phrase, c'est celle que je disais (en anglais bien sûr) pour conclure mon émission à mes débuts, mais je l'ai changé il y a deux ans car elle me met mal à l'aise. J'entends la musique de sa radio à travers la fenêtre ouverte, et je continue de l'entendre dans ma tête alors même que le véhicule disparaît au coin de la rue. Je reste un moment là, sur ce parking presque désert, à sentir le soleil matinal sur ma peau et à fredonner l'air musical. Quelques voitures circulent déjà sur les routes, de rares bruits de pas se font entendre dans les rues. Il est bientôt six heures, la ville se réveille doucement.

Aujourd'hui encore, je parcours à pied les 3 kilomètres et demi qui séparent le studio de ma maison. Le silence de l'aube me surprend toujours après les cris et les rires de ma prestation. C'est bizarre de revenir au calme lorsqu'on a fait que parler bruyamment pendant quatre heures entrecoupées de nombreux passages musicaux.

Bizarre, mais pas désagréable.

La ville est calme, mais pas silencieuse. Au contraire, j'ai l'impression que les bruits sont amplifiés : le peu de voiture me permet d'entendre les miaulements affamés des chats de gouttière, la rareté de la population encourage les oiseaux à se balader sur les trottoirs, et les petits bruits parasites et anodins comme les fuites d'eau ou les grincements de volets forment une étrange mélodie. Tout est musique lorsqu'on tend bien l'oreille. Et j'adore la musique ; j'adore la chanson d'un quartier qui émerge d'une nuit de sommeil.

J'arrive chez moi pendant que les autres se préparent à partir au travail. Je sors mes clés, dont le tintement métallique m'arrache un énième sourire, bien qu'il soit moins marqué que les autres. J'ouvre la porte en chantonnant, j'entre, enlève mes chaussures, et retire mon costume de héro. Je me dirige immédiatement vers la cuisine pour me faire une tisane. Je ne sais pas si ça va me permettre de dormir, mais au moins ça fera du bien à mon corps -surtout ma gorge. Ce n'est pas comme si je m'égosillais à crier dans ce micro ; je parle même moins fort que d'habitude lorsque je suis au studio, et j'abuse rarement de mes cordes vocales ; mais ça fait toujours du bien, même lorsqu'on a rien, de sentir le liquide chaud couler dans son œsophage. Pendant que l'eau chauffe, je jette un coup d'œil à l'horloge murale : six heures vingt-huit. C'est ce que j'aime appeler une nuit blanche ! En sirotant ma boisson, j'observe par la fenêtre le petit monde qui se lève. Je ne sais jamais s'il est tard ou s'il est tôt dans ces moments là. Ça fait vingt-deux heures que je n'ai pas dormi alors que la majorité de la population japonaise vient de se réveiller.

Je commence à ressentir la fatigue, mais pas suffisamment pour pouvoir dormir. Je vide le mug en petites gorgées et le dépose dans l'évier. Je ferme tous les rideaux et tous les volets de la maison, puis m'enferme dans ma chambre sans allumer la lumière. Je trouve mon lit dans les ténèbres, le matelas étouffe le bruit de ma chute.

Silence.

Enfin.

Je n'entend plus rien.

L'absence de bruit me dévore bien plus que l'obscurité. Je n'ose même pas un soupir, de peur de briser ce rêve éveillé. Après tous les bruits de la journées et tous les rires de la nuit, me retrouver ainsi me fait du bien. Qui l'eût cru ? Le grand, le fameux, le fabuleux Present Mic, l'homme génialissime mais incapable de contenir sa voix aime l'absence de bruit ! C'est incroyable ! Nous croyions tous qu'il y était allergique, et que c'était pour cette raison qu'il s'efforçait de parler tout le temps et trop fort ; trop tout court. Cette nouvelle chamboule tout le pays, que dis-je, le monde entier ! L'univers court à sa perte ; toute notre vie n'était-elle donc qu'un mensonge ? Je répète mes amis, Present Mic aime le silence !

Je pouffe de rire à cause de mon imagination stupide. Puis je regrette immédiatement avoir fait du bruit. Non, le célèbre DJ n'aime pas le silence.

Je le trouve simplement apaisant.

Cette fois-ci je ne me retiens pas de soupirer. Bon sang, je suis crevé ! Je me retourne dans le lit pour m'allonger sur le dos. Les yeux entièrement ouverts, je fixe le vide et l'obscurité.

Ce matin, je suis Hizashi Yamada. Plus de héro, plus de DJ, plus de Prof d'anglais. Juste moi, les ténèbres, et le silence. Ça me fait un bien fou, mais ça me fait aussi mal. J'ai tellement l'habitude des cacophonies insupportables que lorsque je rentre chez moi, c'est l'absence de son qui m'agresse les oreilles. Pourtant, j'en ai tellement besoin . . .

Les gens oublient souvent. Ils oublient que je suis un être humain, et que oui, parfois, j'ai besoin de calme et de solitude. << je sais pas comment tu fais pour être toujours aussi en forme>> avait dit l'opératrice son, et ils ont tous acquiescé. Mais que pensent-ils que je suis ? Un monstre immortel et insensible ? Bien sûr qu'il m'arrive de me sentir mal ! Bien sûr qu'il m'arrive d'arrêter de sourire, d'être fatigué, d'être triste. Je ne suis pas... je ne peux pas... Je ne veux plus crier, rire, parler. Je veux juste que tout cela s'arrête.

Merde, ça revient.

Je sers les dents. Je sens monter en moi ces émotions que je repousse toute la journée. Quand je suis Present Mic, je parviens à les ignorer, à les rejeter ; mais lorsque je retire le costume et me retrouve seul dans l'appartement, je n'ai plus la force de les combattre. Je n'ai plus envie de les combattre. Je le dis souvent : parfois, il faut savoir se laisser aller. Mais ça ne vaut pas que pour les bornés du travail à qui je conseille de se détendre un peu ; ça signifie qu'il faut arrêter de refouler toutes ses pensées, se laisser aller dans ses sentiments profonds. Alors je m'abandonne à cette vague d'émotions négatives et me laisse volontairement couler sous ces flots sombres.

J'ai mal, je suis fatigué, j'ai faim, j'ai peur, je regrette. Aujourd'hui est plus fort que les autres jours. D'habitude, même lorsque l'insomnie me tient, j'attrape un livre ou mon ordinateur, ou je lance simplement une musique. Mais là, je n'en ai pas envie ; je n'ai envie de rien, rien d'autre que de me laisser pourrir sur ce lit. Je me suis efforcé de la repousser toute la journée, je me suis forcé de sourire toute la nuit ; mais je la sens revenir maintenant, la dépression me guette. Cette ombre plus noire que l'ébène a envahi l'obscurité et s'apprête à m'envahir maintenant moi. Okay, je la laisse faire. Qu'elle me prenne et m'entraîne au fond du gouffre, de toute façon je suis déjà au bord et j'avais l'intention de lâcher.

Ma respiration s'accélère sans que je ne m'en rende compte. Putain, je suis en train de perdre le contrôle. Arrête de réfléchir Zash, juste oublie tout et abandonne ton esprit. Bien. Je ne veux plus penser à rien. Mes pensées se bousculent et mes sentiments se mélangent ; j'ai mal à la tête. Ah, je reconnais cette émotion là ; malgré le cafouillis de mon cœur elle parvient toujours à se démarquer des autres : la tristesse. Je déteste me sentir triste, surtout quand je n'en connais pas les raisons, mais elle est toujours là ; c'est toujours la première à se faire ressentir. La vague monte, mon cœur se serre, mais aucune larme. Jamais. Elles restent toujours, toujours, toujours cachées.

Je ne souris peut-être pas tout le temps, mais je ne pleure jamais.

Presque jamais.

Et voilà la mélancolie, toujours de pair avec cette fichue tristesse. Mes yeux sont humides mais rien ne coule. Non... je veux que ça s'arrête... Je ne veux pas penser à ça... Je ne suis pas censé être comme ça ! Je suis le héro vocal qui protège les gens à la simple force de sa voix, je suis le DJ qui anime les soirées des citoyens ! Il y a deux heures j'étais encore en train de dire à mes auditeurs que la vie est belle, et maintenant je suis en train de totalement m'effondrer . . .

Pitoyable.

Quand suis-je devenu ainsi ? Bon sang, que diraient-ils s'ils me voyaient ? Leur héro vocal n'est qu'une loque dépressive . . . Je déteste ce mot, "dépression" ? JE NE SUIS PAS COMME CA ! Ah ! Mes pensées s'embrouillent, ma tête hurle, un brouhaha s'élève dans mon esprit. Non . . . Le silence, je veux retrouver le silence... Calme toi Hizashi, respire, détends toi, et relâche ce drap. Je n'aime pas être vulnérable... Je serre les dents et desserre mes poings.

Je me souviens encore de ce qu'ils ont dit lorsque j'ai quitté la cabine d'enregistrement: <<incroyable ; époustouflant ! tu ne perds pas ton énergie...>>. Bullshit ! Ne voient-ils pas à quel point je suis faible ? Tant mieux, ça signifie que je joue bien mon rôle. Dehors, il faut que je souris, c'est ce qu'ils attendent de moi. Et s'ils découvraient tout ce que je suis à l'intérieur ? Heureusement qu'aucun d'eux ne capte mes pensées. Ouais, ils ont raison, Present Mic ne dors jamais, et il sourit toujours. Par contre, à chaque fois que je rentre chez moi, il disparaît, il reste dans la cabine d'enregistrement, il est en veille en attendant que je remette le costume ; j'en sais rien ! Mais il n'est plus là. Et mon sourire non plus.

J'essaie de retrouver ce visage joyeux au milieu de cette obscurité rassurante, mais ça fait mal. J'abandonne.

Je ne suis pas celui qu'ils croient, mais tant mieux s'ils continuent d'y croire.

Present Mic est un personnage excentrique, charismatique, enthousiaste, qui ne perd jamais sa bonne humeur et qui ne parle qu'en criant. Il rit trop fort, réagit excessivement, ne se fatigue jamais et donne énormément d'importance aux choses futiles. C'est un grand enfant toujours prêt à faire le clown. Ses conseils ne sont pas toujours les plus matures ou les plus intelligent, mais il essaie quand même de remonter le moral de ceux qui lui demandent de l'aide. Et son éternel sourire est toujours scotché sur son visage, peu importe la météo, les remarques, la chanson ; comme pour donner l'exemple aux autres, pour leur monter comment faire. Present Mic, c'est ce mec vers lequel tu te tourne quand t'as besoin de te changer les idées, de relâcher la pression, de détendre l'atmosphère. Ce type qui ne déprime jamais, qui est incapable de ressentir une émotion négative plus de 20 minutes d'affilées.

Ils ne doivent jamais en douter.

Mais moi, je doute tout le temps. Est-ce que je fais ça bien ? Toutes mes phrases, tous mes sourires, ils n'ont blessé personne ? Peut-être que j'en fais trop. Et s'ils n'apprécient pas mon humour ? Je manque de sérieux, ils attendent sûrement autre chose d'un adulte de 27 ans . . . J'espère que j'ai réussi à les faire sourire... Oh mon Dieu et si j'avais complexé quelqu'un en faisant une blague sur le physique ? Merde, je n'ai aucune idée d'à quoi ressemblent mes auditeurs, si ça se trouve certains se sont sentis visés et vexés par mes remarques... Et moi je rigolais comme un con ! Bien sûr que j'en fais trop, j'en fais toujours trop ! Mes clin d'œil exagérés, mes fous rires surinterprétés, ils ont dû les trouver tellement lourds . . .

- Je suis trop naze !

Merde, je ne suis pas censé parler ! Tais-toi imbécile, arrête de paniquer et écoute. Ma tête me fait mal. Ecoute : le silence. Juste le silence. Je le laisse m'envahir, c'est toujours lui qui a le dernier mot de toute façon . . . Je ne peux rien contre ça. De toute façon, aucun mot ne pourrait exprimer ce que je ressens, ce que je pense. Seul le silence le peut.

Je n'aime pas m'énerver, parce que je ne sais jamais comment évacuer cette colère. La tristesse, au moins, a quelque chose d'apaisant. C'est comme se laisser bercer par une rivière, flotter calmement en laissant ses vêtements s'imprégner d'eau : c'est désagréable au début, mais il arrive un moment où on ne s'en rend même plus compte. Mais la colère est une vague énorme qui t'emporte et t'écrase contre la berge, puis revient encore et encore pour te retourner sous ses flots enragés ; ce n'est aucunement reposant. La tristesse est certes douloureuse mais la colère l'est encore plus. Je me plonge dans le silence pour maintenir un minimum de contrôle sur mes sentiments..

Il faut que je me concentre sur le silence. Je ne dois pas l'oublier, je ne dois pas le laisser partir. Je me redresse pour m'asseoir sur le lit. Mes yeux se sont accommodés à l'obscurité, j'arrive maintenant à discerner les meubles de ma chambre. Mais bon, elle est plutôt vide donc ça ne me fait pas grand chose. Je ferme les yeux quand même et ouvre mes oreilles. Je veux ressentir chaque bruit muet, chaque son inaudible. Je retiens même ma respiration pour qu'elle ne gâche pas la beauté de la musique silencieuse.


Rien.



Il n'y a rien.



Dieu, que ça fait du bien.



Je veux en profiter, encore, et encore, et encore . . .


Une sonnerie me fait sursauter. Un téléphone brille dans le noir, vibrant légèrement sur mon bureau. Non, je ne suis pas en état de répondre... Le silence devenait enfin agréable, j'arrivais enfin à me sentir mieux ! J'hésite entre le balancer contre un mur et l'éteindre calmement. La première option me tente ; racheter un nouveau téléphone n'est pas un problème, je ne me manque pas d'argent ; par contre ça risque de faire encore plus de bruit et de m'énerver encore plus... Je n'aime pas être comme ça. Je ne déteste pas le bruit, mais en ce moment ça m'insupporte. Tiens, la mélodie s'est arrêtée... Tant mieux. Je soupire. Ça ne va pas. Je suis censé me laisser bercer par mes émotions, et là je m'accroche juste à une colère inexplicable. Combattre ne fera qu'empirer la situation, je dois juste attendre que ça passe. Ça va passer. Ça finit toujours par s'en aller... et ça finit toujours par revenir. Mais je ne veux pas me battre, je ne peux pas me battre contre le vide.

Je ne sais pas combien de temps passe avant que je me fasse à nouveau perturber dans ma méditation mélancolique.

Bzzz bzzz

Hein ?

J'avais pas mis mon téléphone sur silencieux ? Putain mais quel crétin ! J'observe avec haine l'appareil qui s'est allumé après avoir reçu la notification. Bon sang, il a même chassé l'obscurité ! J'éteins rapidement l'appareil. L'écran redevient noir dans une douce mélodie. Mais je ne veux pas entendre de musique, je veux entendre le silence ! Juste le silence... et la solitude.

.

.

.

Je suis seul dans cet univers, il n'y a que moi ; moi et le vide intersidéral. Un espace sans étoiles, un monde sans habitants, une dimension intemporelle, une conscience abstraite. Un lieu où un instant est infini et où une vie n'est qu'une seconde. Je ferme les yeux et je flotte à nouveau dans l'apesanteur. A moins que je ne sois toujours sous l'eau ? Peut importe, dans l'un ou l'autre je ne respire pas. Tout devient flou et j'oublie la réalité. Mes souvenirs s'évanouissent dans les vagues et mes fous rires s'éparpillent dans l'espace. Tout disparaît et je suis seul à nouveau. Les sons n'existent plus. Je suis sourd, muet et aveugle, il n'y a que l'infini à perte de vue et le silence qui y résonne. Je ne sens même plus d'air dans mes poumons. Plus aucune vibration, pas même à l'intérieur de moi. Mes cordes vocales ont été coupées. Plus rien n'existe.

Pas d'alter.

Pas de super-héro.

Pas d'émission de radio.

Pas de professeur d'anglais.

Pas d'élèves excités et prometteurs.

Pas de collègues admiratifs ou moralisateurs.

Pas de remarques à l'humour douteux.

Pas de tenues extravagantes.

Pas de repas à préparer.

Pas de loyer à payer.

Pas de sourire.

Cet univers vide me fait me sentir léger. Peut-être que je me suis réellement noyé et que mon âme s'envole ? Très peu probable... Tiens, mes maux de tête ont aussi disparu. Bien. Je me sens encore mal mais ça fait du bien. Je ne veux pas me relever, je ne veux pas redevenir Present Mic, je ne veux pas me forcer à sourire. Je suis bien, dans mes ténèbres... Je peux arrêter de penser au reste et me recentrer sur moi. Je veux écouter ces sentiments qui résonnent en moi. Je veux les comprendre et les laisser me bercer. Je veux m'endormir sur leurs murmures tristes. Je veux m'effacer de cette réalité qui en attend trop de moi. Je veux me débarrasser du poids de mes responsabilités. Je veux me libérer de cette cage étouffante dans laquelle je me suis moi-même enfermé. Je veux respirer, enfin.

.

.

.

Au bout d'une éternité bien trop courte selon moi, le bruit des moteurs envahit mes murs, et le klaxon des voitures me brise le cœur. Quelle heure est-il ? Tard, trop tard. Je n'y arrive plus. Je sais que c'est terminé. J'ai perdu ma concentration. Le silence a disparu, l'obscurité aussi. Je rouvre les yeux. Même si les murs de mon appartement sont isolés, j'entends les bruits de la rue. C'est relativement faible, mais le silence absolu n'est plus là. De fins rayons de lumière traversent mes volets fermés. Je soupire. Le jour s'est définitivement levé et la vie reprends, dehors. Mais je préfère tellement la nuit . . . Je suis fatigué de cette vie ; de la Vie. Je n'en veux plus.

Je n'en peux plus.

Ouais, Hizashi Yamada est finalement un sacré dépressif.

 Les paroles d'une chanson me viennent en tête :

<<J'ai des pensées morbides. J'ai pas besoin d'un docteur : j'ai besoin d'un exorciste>>

Pour moi c'est ni l'un, ni l'autre, j'ai besoin d'être seul ; j'ai besoin du silence. Un sourire triste déforme mon visage malgré moi. Je ne peux plus ignorer le bruit maintenant. Alors je vais le repousser. Je me lève et rallume mon téléphone. J'observe l'écran de mon cellulaire : trois messages et un appel de Nemuri, plus un message de Shota. Ce dernier ne m'envoie jamais de messages d'habitude mais je ne m'en formalise pas. Je mets l'appareil sur silencieux et efface les notifications, puis ouvre l'application musique. Je cherche une enceinte dans la faible clarté de la pièce. Trouvée. J'y connecte mon portable, puis lance ma playlist Spleen. Les notes de musique envahissent la pièce et résonnent contre les murs. Je monte le son à fond ; le silence qui m'agressait tout à l'heure frappait bien plus fort mes tympans. Je soupire et me laisse tomber au sol, adossé à mon lit. Ma tête bascule en arrière lorsque les premières paroles se font entendre, ma nuque s'appuie contre le matelas. J'adore la puissance de ces chansons.

Un jour on est venu au monde, depuis on attend que le monde vienne à nous.

Tant mieux si la route est longue, on pourra faire un peu plus de détours...

L'avenir appartient à ceux qui se lèvent à l'heure où je me couche !

L'avenir appartient à ceux qui se lèvent à l'heure où je me couche.

Je stoppe mes pensées toute la durée de la chanson. J'attends le dernier couplet, celui qui me donne envie de vomir tellement il est réel. Je ferme les yeux et imagine le chanteur s'adresser à moi.

À l'heure où je me couche, quand les oiseaux chantent,
La voisine part au travail pendant que j'm'endors avec l'amertume et l'angoisse au ventre.
La vie file moi j'en peux plus de l'attendre,
Et si à force j'restais bloqué à tout jamais entre les murs de ma chambre ?
Y'a rien à comprendre quand on grandit dans un scaphandre :
On s'lève, on glande, on trompe l'ennui dans une galerie marchande.
Je veux plus être absent d'ma propre vie...
À regarder nos petites histoires passer à côté de la grande.

Je passe mes nuits à rire et mes journées à déprimer, c'était pas comme ça que je me voyais il y a 10 ans ! Comment j'ai fini ainsi ; qu'est ce qui m'a mené là ? Mon existence ne devrait pas se résumer à faire le con dans un studio et écrire des phrases en anglais sur un tableau noir. Je voulais tellement être spécial, au final je ne suis qu'un clown. Mon rêve, c'était de faire rêver les autres. C'est pour ça que je suis devenu héro, c'est pour ça que je suis devenu DJ : je voulais leur apprendre à aimer la vie, à s'aimer eux-même ; je voulais faire sourire ceux qui m'écoutent. Tous les moyens étaient bons pour ça, mais je me rends compte que je me suis juste enfermé dans une cage. C'était marrant à 20 ans, aujourd'hui je dois avoir l'air ridicule. On ne vit pas d'éclats de rire . . . Je tourne complètement en rond, je n'évolue plus.

Une autre chanson commence.

Est-ce qu'il y a une drogue pour m'apaiser ? Une drogue assez puissante 

Ou une parole assez puissante pour me rassurer lors de mes phases délirantes ?

Je me fais surprendre par deux gouttes salées qui dévalent mes joues. Depuis quand la musique me fait pleurer ? Le temps de prendre conscience de ce qu'il se passe et de me calmer, on est déjà au deuxième couplet :

 Et je cours entre de trains, m'essouffle entre deux refrains

C'est nous le futur, c'est nous les ringards de demains

Plus tu tapes fort, plus t'as des chance de te péter la main

La plupart des choses sur lesquels je me suis construit servent à rien.

Les larmes reviennent en force et je n'écoute plus. Qu'est ce que j'ai fait jusqu'ici ? Toutes les choses auxquelles je me suis attaché, tous les trucs sur lesquels je me suis extasié, qu'est ce que ça m'a apporté ? J'ai donné tant d'importance à des choses sans valeurs que je ne sais plus où j'en suis.

Les musiques s'enchaînent beaucoup trop bien, quand ai-je créé une playlist aussi parfaite ? Si Seul me donne envie de hurler, vient ensuite Autre Part de Bigflo & Oli et The Sound of Silence, de Simon & Garfunkel. Cette fois je ne me retiens plus, je crie à travers le torrent de larmes qui dévale mes joues. Me savoir dans un état aussi lamentable me fait encore plus mal, j'entre dans un cercle vicieux dont je suis incapable de sortir. J'avais pourtant juré que je ne céderai plus jamais à ça ! La nouvelle chanson qui commence ne me laisse pas le temps de respirer. Toujours le même artiste.

La Mort s'en bat les couilles de ta vie
Si t'as pas fait ton sac Elle viendra te chercher quand-même

Merde, pas cette chanson . . . C'est sûrement la pire de toutes, celle qui me donne envie de me jeter par la fenêtre. J'avise la vitre assombrie par les volets à moitié fermés. Non, pas aujourd'hui... Pas encore. Je ferme les yeux.

Le plus dur c'est pas le cauchemar c'est l'instant d'après

 C'est l'instant de clarté où j'suis persuadé qu'y a plus rien 

Qu'un grand vide quand elle vient t'embarquer

Oui, je connais ça. Ce moment où tu ouvres les yeux et que tu es persuadé que tout était réel et que tu viens de mourir. Cette inspiration paniquée qui soulève ta poitrine et fait trembler tes mains ; tu te retrouve seul dans le noir de la pièce où tu t'es endormi. Quand tu te réveilles et qu'il n'y a rien autour de toi et que tu es juste totalement perdu. Est-ce que c'est pareil quand on meurt ? Est-ce que le cauchemar continue de te hanter les heures d'après ?

Chaque fois que je regarde les étoiles j'pense t'emballes pas 

C'est qu'du gaz autant faire un vœu devant ton écran plasma 

J'ai toujours adoré les étoiles, au point de vouloir en devenir une. Je voulais être quelqu'un qui éclaire la vie des autres, je voulais être quelqu'un vers qui les gens se tournent pour retour espoir, retrouver le sourire. Je voulais être une étoile filante qui réalise les souhaits. Je voulais être un homme qui fait rêver les enfants et espérer les adultes. Je voulais montrer la voie du Bonheur ; je voulais être la voix du Bonheur. Je voulais raconter des histoires qui font mourir de rire les malades, faire des blagues qui font pleurer de rire les dépressifs, créer des sourires qui déchirent les lèvres des défigurés. Je voulais être un soleil qui éclaire la nuit des citoyens, je voulais être un héro qui chasse les ténèbres. Mais j'étais pas suffisamment fort pour les combattre, ces ténèbres, et je me suis finalement laissé dévorer par l'obscurité. Au fond, c'est quoi une étoile ? Une boule de gaz solitaire qui se brûle dans le froid spatial. Quand j'y pense, je trouve que j'ai réussi mon coup : pour eux je brille encore, mais en réalité je suis déjà mort. Ils peuvent m'envoyer leurs questions et me demander conseil, mais leurs voix ne m'atteindront jamais. Certains jours, je suis comme un répondeur automatique qui dit aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre. Une boule d'énergie dorée qui s'est consumée seule dans l'obscurité. 

La Mort c'est la finale, le sommeil c'est l'entrainement 

Peut-être que si je repousse la nuit alors elle ne viendra pas . . . On ne participe pas au tournois quand on est pas venu à l'entraînement. Je fuis, encore et toujours. Je veux à la fois disparaître et vivre éternellement ; j'aurais voulu ne jamais exister mais je ne supporterais pas tout perdre maintenant. Perdre quoi ? De toute façon, qu'est ce que j'ai ?

Trop d'ego pour croire que la terre tourne sans ma présence 

Mais j'me rappelle qu'j'me rappelle pas d'avant ma naissance

Est-ce que si je disparaissais maintenant ça changerait quoique ce soit ? Honnêtement, qui s'intéresse réellement à moi ? Je ne suis qu'un rigolo parmi tant d'autres, quelqu'un me remplacera à la radio. Des héros, ils en existent pleins, des bien meilleurs que moi en plus ! L'anglais, n'importe qui assez cultivé peut l'enseigner. A qui je manquerais ? Certainement pas Shota, il passe son temps à répéter que je suis chiant et bruyant et qu'il vivrait mieux sans moi. Nerumi a pleins de gars à ses pieds, je suis sûr qu'elle ne m'apprécie pas plus que ça. Mes parents alors ? Peut-être... peut-être pas. Ça fait un moment que je ne leur ai pas parlé. Ils ont failli devenir sourds à cause de moi, je suis persuadé qu'en réalité ils me détestent. Ils font bonne figure, s'efforcent d'être de bons parents comme je m'efforce d'être un bon héro, mais ils m'en ont sûrement toujours voulu d'avoir crié si fort à ma naissance... Ouais, ce sera un soulagement pour tout le monde si je crevais. Au fond, à quoi ça sert de continuer, de persévérer ? 

Plus la lumière est forte, plus l'ombre est obscure. Mes sourires éclatants cachent une peine inconcevable. Si mes moments de malheurs sont plus denses que mes instants de bonheur, alors ça n'en vaut pas la peine. Je suis fatigué de me battre contre un ennemi invisible, un adversaire invincible. Tout finit de la même manière, alors pourquoi attendre dans l'angoisse quand on peut choisir sa fin ? J'en ai tout simplement marre. Je veux que tout s'arrête. Si la vie est un sourire, il est sacrément forcé. Je ne dirais plus aux gens des choses que je ne pense qu'à moitié. Peut-être que la Mort est une libération ?

Y aura pas d'tunnel, pas d'lumière, pas d'rivière, pas d'anges après qu'Elle t'emmène ; et pourtant Elle viendra quand même.


J'ouvre la fenêtre.


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Le prochain chapitre sera posté dans quelques heures... ou demain après-midi 

😄


Je travaille en ce moment donc je ne suis pas vraiment en vacances. Je déteste l'hiver, je n'aime pas Noël, et j'ai absolument pas envie d'être en 2020 ; alors, s'il vous plaît, ne me souhaitez pas de "joyeuses fêtes"


J'espère que mon Hizashi Yamada était reconnaissable, j'ai la désagréable impression de ne pas avoir su respecter sa personnalité... Mais je tenais absolument à le présenter sous un mauvais jour donc bon ^^

A la base je ne devais prendre que Elle viendra quand même, mais j'arrêtais pas de penser aux autres chansons en me disant qu'elles correspondaient aussi grave bien à la situation . . . Bref, j'aime pas choisir donc j'ai mis tout ce qui me passait par la tête XD

Et non, je ne me sens absolument pas coupable d'avoir fini le chapitre comme ça 😘

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