dvadeset i četiri - vingt-quatre
« Les larmes caressent les joues tombent dans le vide » - N.O.S, Sheita.
• Partie 2 •
Mercredi 12 avril 2017
Plus je me rapproche, plus mes talons claquent sur le bitume au fur et à mesure de mes pas. Le soleil commence doucement à se coucher en donnant au ciel une teinte rosée qui le rend encore plus beau. Le bruit de mes talons contre le bitume résonnent en harmonie avec les battements de mon coeur, j'ai l'impression de ressentir le grondement de mes pas dans ma poitrine. L'air est frais mais tout de même bon et agréable, les derniers rayons du soleil s'échouent sur mes joues et m'aveuglent légèrement alors que je continue d'avancer en direction de l'appartement de Lucie. Le vent frais tape contre mon visage, brûlant mes joues qui commencent à chauffer. Plus je m'approche et plus la boule de stress qui ne m'a pas lâchée de toute la journée s'agrandit. La boule de stress et les battements de mon coeur combinés commencent à me créer une douleur dont je me souviens toujours à la poitrine. J'essaie de réguler ma respiration pour calmer la petite crise d'angoisse qui m'envahit. Voilà bientôt deux ans que je n'en ai pas fait et elles ne m'avaient pas manqué. Je déteste cette sensation de compression de poitrine, de suffocation et de douleur étouffante au coeur. On dit qu'on peut mourir d'un coeur brisé, c'est le syndrome de takotsubo mais j'ai l'impression de mourir lentement pendant ces crises alors que c'est impossible.
Cette crise est entièrement déclenchées par l'appréhension de ces retrouvailles inattendues et bien trop prématurées, j'admets avec du recul. Et si rien n'avait changé ? Est-ce que cela me ferait encore plus de mal ou serais-je indifférente ? Je me rappelle encore de la douleur que j'ai ressentie à chaque remarque qu'ils me faisaient, à chaque abandon, je ne crois pas pouvoir contrôler une telle douleur aujourd'hui, pas dans mon état. Trop de choses se bousculent dans ma tête. Je respire un bon coup. Je me fais sans doute de fausses idées, Lucie avait l'air d'avoir envie de me revoir, c'est peut-être un signe, signe qu'elle et les autres ont réellement changés et qu'ils ont l'envie de me revoir et peut-être même qu'ils ne m'en veulent plus.
Pendant longtemps je n'ai fait que me remettre en question, je me disais sans cesse que c'était sans doute moi le problème, sans jamais imaginer une seule seconde qu'ils auraient pu être en tort. Je les ai rejetés alors qu'au fond ils avaient peut-être vraiment envie d'être là pour moi. Ensuite je suis passée par la phase où je me disais que non, ce n'était pas moi la fautive mais eux. J'ai eu un cancer et ils se sont extrêmement mal comportés avec moi, ne faisant que me blesser, ayant des remarques déplacées. Mais il faut avancer non ? Ne serait-ce pas mature de ma part de leur en vouloir encore après deux ans ? Ne serait-ce pas rester bloquer dans le passé ? C'est ce qu'on n'arrête pas de me répéter alors pour une fois, je vais suivre leurs conseils et essayer de tirer un trait sur toutes ces années et voir ce que ce soir, ils ont à m'apporter. Après de longues minutes de marche et de réflexion j'arrive devant son immeuble et sonne à l'interphone.
— Oui ?
— Lucie ? Je prononce un peu hésitante et m'éclaircis la voix avant de poursuivre. C'est Iva.
— Ah la revenante est là. Je l'entends crier, sûrement aux personnes déjà présentes dans la pièce. Monte c'est au troisième, appart 12. Elle raccroche sans me laisser le temps de répondre.
Le bruit bien reconnaissable de la porte qui s'ouvre retentit me donnant le feu vert pour tirer dessus. J'entre et commence directement à gravir les escaliers juste en face de moi. Je me retrouve plus vite que je ne l'avais imaginé au troisième étage. La porte de l'appartement numéro douze est ouverte et une tête familière dépasse de la porte. C'est Lucie. Je la vois parler à quelqu'un à l'intérieur de son appartement. Elle prévient sans doute les autres de mon arrivée. Je respire un grand coup et avance un peu à reculons jusqu'à elle.
— Salut Ivana. Elle me salue en me claquant la bise.
— Bonsoir Lucie.
— Pas trop ennuyeux le trajet ? T'as trouvé facilement ?
— Non ça va, un ami m'a déposé.
— Qui ça ? Ton petit-ami que j'ai vu au bar ? Il aurait pu monter tu sais ?
— Ce n'est pas mon petit-ami, j'essaie de lui rappeler. Et il ne pouvait pas, il avait d'autres choses de prévues.
— Sûrement une petite séance au studio. Je la regarde en fronçant les sourcils. Je l'ai cherché sur internet. Sa tête me disait quelque chose. Tu te fais pas chier dis donc, elle rit.
— On va continuer à parler sur le pas de la porte ou tu me fais enfin rentrer ? J'essaie de passer cette remarque sur le ton de l'humour pour qu'elle change de sujet.
— Oh pardon, rentre je t'en prie. Elle se décale avec un sourire. On attendait plus que toi.
Je fais ce qu'elle me dit et entre. Elle me demande de lui tendre ma veste, chose que je fais. J'entre ensuite dans la pièce principale où tous les autres invités s'y trouvent. Tout le monde parle mais une fois que ma silhouette fine est apparue, tout le monde se tait, instaurant un silence de mort. Quasiment tous les visages me sont familiers. Je reconnais certains visages comme celui de Redouane qui m'adresse un grand sourire. Il y aussi Amanda et Clément que je reconnais malgré ses lunettes. Il n' a pas spécialement changé depuis le lycée, il porte simplement des lunettes qu'il n'avait pas avant. D'autres visages apparaissent devant moi. Il y a deux femmes dont leur identité m'est complètement inconnue et un homme qui semble être le plus âgé. Enfin mon regard se pose sur Matthieu qui se lève de la place sur laquelle il était assis. Ils n'ont pas changé et pendant un court instant je me revois en soirée, quand on s'entendait tous bien. Mais aujourd'hui tout est différent sur biens des points.
— Salut Iva. Il m'adresse avec un petit signe de la main.
Je lui réponds par un petit sourire timide. Le revoir me fait plus d'effet que prévu. Et ce n'est pas un bon effet. J'ai l'impression de revenir trois ans en arrière, quand j'étais avec lui et que j'étais facilement manipulable et influençable. Je sais que je le suis toujours mais au moins j'en ai conscience. Quand on en a conscience, il est plus difficile de parvenir à manipuler quelqu'un puisqu'elle fait automatiquement plus attention. Je ne prends pas la peine de faire la bise à tout le monde. On est trop nombreux pour que je le fasse. Et bizarrement, en ne le faisant pas, j'instaure déjà une barrière entre eux et moi, comme pour leur dire que je ne suis plus la même. J'essaie d'identifier les différentes émotions qui me traversent mais je n'y arrive pas. Tout se mélange.
— Il s'en est passé des choses depuis le temps tu sais. Lucie surgit dans mon dos.
Son entrée a eu l'effet d'un électrochoc, tout le monde a repris ses activités détachant leur regard de moi pour mon plus grand bien.
— Je m'en doute. J'essaie de répondre sans une pointe d'amertume dans la voix.
— Viens je vais te présenter.
Je suis ses pas et m'approche des deux jeunes femmes. Parmi ces deux femmes, il y a une brune plutôt mince qui porte une jupe centrée et un pull légèrement trop grand pour elle. À côté d'elle il y a une autre femme avec des cheveux bouclés rouge flamme, habillée d'une longue jupe verte et d'un simple top blanc. Elle adopte un style bohème que l'on voit rarement et qui va à peu de personne. C'est original mais heureusement pour elle c'est un style qui a l'air de correspondre à sa personnalité. Elle inspire la joie.
— Je te présente Gaya. Lucie pointe la femme avec le style bohème.
— Enchantée. Elle me dit d'une voix plutôt rauque en me tendant la main.
— Je m'appelle Ivana, je me présente.
— Je sais, Redouane m'a déjà parlé de toi. Elle me répond avec un clin d'œil.
— Redouane ? Je demande perplexe voulant savoir le lien qui les lie.
— Gaya est la femme de Redouane, précise Lucie. Ils ont un petit bébé. Elle annonce avec un grand sourire. Elle est adorable, elle a un an.
Je cache ma surprise avec difficulté en apprenant que Redouane a un enfant et surtout qu'il ne l'a pas eu avec Amanda. Je n'aurai jamais pensé qu'il puisse se séparer d'elle, ils filaient encore le parfait amour quand j'étais à l'hôpital. Les temps ont changé je suppose. Cette nouvelle me fait doucement rire. Amanda était persuadé de savoir comment garder un homme, notamment par le sexe et savoir qu'elle n'est plus avec lui prouve le contraire. Je souris chaleureusement à Gaya et me tourne vers l'autre femme pour que Lucie me la présente .
— Et ici tu as Malia. C'est une collègue, tu l'as vue l'autre fois quand tu es venue boire un verre là où je travaille.
— Je ne m'en souviens pas. Désolée. Je dis à Malia qui m'adresse un sourire chaleureux.
— Pas de soucis. Tu n'étais pas dans ma zone de service donc c'est normal. Ravie de faire ta...
— Mais si Ivana souviens-toi ! Lucie enchaine en la coupant. Tu étais même venue avec ton copain.
— Ce n'est pas mon copain je te l'ai déjà dis. Je répète pour la deuxième fois de la soirée.
Lucie ne rajoute rien. Elle a sûrement vu que j'étais un peu agacée par son insistance. Le dernier visage inconnu s'approche de nous et entoure son bras autour de la taille de Lucie.
— Bonsoir. Il me dit. C'est toi l'ancienne amie de Lucie ?
— Ouais.
— Kyad enchanté.
— Ivana. Je me présente.
— Et ça va mieux ? Je lui lance un regard interrogateur. Lucie m'a prévenu pour ton cancer.
— C'est évident qu'elle va mieux puisque je te la présente en chair et en os ce soir. Lucie me devance alors que j'allais répondre. Sinon je te l'aurai présenté au cimetière.
Kyad me fait les gros yeux tandis que je hausse les épaules, habituée aux remarques déplacées et maladroite de Lucie. J'ai appris à me détacher de tout ce qui sort de sa bouche et à ne plus être blessée. Elle m'invite à prendre place. Je m'assieds aux côtés de Clément qui m'adresse un regard en coin furtif. Les lunettes posées sur son nez lui donne un air de pseudo-informaticien assez drôle en sachant qu'il voulait travailler dans l'informatique au lycée. Il boit cul sec la fin de son verre et se tourne enfin vers moi.
— Ça va ? Il me demande.
— Et toi ? Je lui retourne la question. Je commence à être lassée de cette question. Je dois t'appeler comment ? « Monsieur l'informaticien » ? Je demande en désignant ses lunettes.
— Non. Il répond avec un rictus. Je ne bosse pas dans les ordis.
— Tu fais quoi alors ? Je demande en attrapant le verre que Gaya me tend. Merci.
— Je suis brancardier, Clément me répond. Je travaille à l'hôpital de Juvicy. Je transporte les petits cancéreux qui vont en soins palliatifs pour mourir, tout ça quoi, il ricane.
Je regarde Matthieu qui me fixe au moment où Clément sort cette phrase. Ses mots mettent un temps à arriver jusque dans mon esprit, je me retourne au ralenti vers Clément.
— Qu'est-ce qu'il y a de drôle là-dedans au juste ? Je demande calmement.
— Oh Ivana tu vas pas commencer à casser l'ambiance. C'est pas parce que t'as eu un cancer que tu dois être l'avocat de tous les malades.
La tension irradie de mon corps, tout le monde peut le remarquer. C'est sûrement pour ça que le copain de Lucie m'interrompt alors que je m'apprêtais à répondre à Clément.
— T'as tout ce qu'il te faut Ivana ?
À nouveau, je mets un petit temps avant de lui répondre. Ma bouche est entre-ouverte et ne laisse sortir aucun son pendant de longues secondes. Mes mains sont moites et une bouffée de chaleur m'envahit due à la colère qui monte petit à petit.
— Oui oui c'est bon. Je me tais à nouveau. Merci. Kyriad c'est ça ?
— Non c'est Kyad. Il me dit avec un sourire.
— Désolée. Je souris à moitié et me lève de ma place. Tu peux me dire où sont les toilettes s'il te plaît ?
— Elles sont juste là au fond à droite. Il me regarde me lever et me pointe du doigt un petit couloir menant aux toilettes. Ne fais pas attention aux murs, je ne les ai pas repeints encore.
— Ça fait longtemps que vous vivez ensemble ? Je recule un peu de Clément et Matthieu et m'éloigne avec Kyad.
— De quoi ? Avec Lucie ? Il écarte les yeux et laisse place à un visage étonné. Ah non mais en fait on ne vit pas ensemble. Je passe juste de temps en temps ici quand elle a besoin de moi et c'est tout.
Je penche un peu la tête et le fixe un moment. Si je comprends bien ce qu'il essaie de me dire, Lucie et lui n'entretiennent qu'une relation basée sur le sexe, et de préférence quand Lucie en a besoin.
— D'accord je vois. Je finis par répondre et souris.
Je m'apprête à partir en direction des toilettes quand il m'interpelle à nouveau.
— Et toi t'as quelqu'un ? Lucie m'a dit qu'elle t'avait vue avec un homme l'autre fois.
Je le regarde et rigole nerveusement.
— Non pas du tout. Et ce n'était qu'un ami contrairement à ce que pense Lucie. Je dis et pars une bonne fois pour toute aux toilettes.
J'ouvre la porte des toilettes et m'y engouffre. Je baisse la planche des cuvettes et m'assieds dessus. Ça va bien se passer. Je respire un grand coup et me répète autant de fois que possible cette phrase. Une chose est sûre Clément n'a pas changé. Qu'est-ce qu'il croit ? Que c'est une partie de plaisir quand ils viennent nous chercher chez nous ? Les soins palliatifs sont destinés aux mourants, c'est un service qui leur permet de partir sans souffrance. Alors quand ils viennent, les patients savent qu'ils sont condamnés et qu'il n'y aura pas de retour. C'est le dernier allé. La dernière fois qu'ils voient leur maison, leurs voisins, ils savent qu'ils ne vont pas revenir et c'est ce qui finit de les achever. Qui a-t-il de pire que d'aller impuissant vers la mort ? Qui a-t-il de drôle dans les derniers moments d'un homme ? Mes mains tremblent de rage et mes premières larmes de la soirée coulent sur mes joues. Je me déteste. Je me déteste pour les laisser m'atteindre mais quand il s'agit de ce sujet là, je suis plus que vulnérable et prends les choses beaucoup trop à coeur. Je respire un grand coup et passe mes paumes de mains sur mes joues en regardant le plafond. Je suis venue ici pour leur montrer ce que je suis devenue. Je ne suis plus une faible. Je repense aux mots de Nabil et le nœud, bien présent dans mon ventre jusque là, se défait légèrement. J'essaie de me rappeler la colère qui l'a parcouru quand il a su que j'allais les revoir et de transformer ça en force. Je veux avoir la même rage que lui. Je me ressaisis et sors des toilettes après m'être assurée de ne plus avoir les yeux rouges. Je me dirige vers le salon.
— Ivana ?
Je me retourne vers la personne qui m'appelle et fais face à Malia et Gaya qui sont entre la porte de la cuisine et celle du salon.
— Viens près de nous chérie, on a besoin d'un avis. Gaya m'invite de sa voix extrêmement rauque. Je dirais même qu'elle a une voix de fumeuse.
— Oui ? Je dis en m'approchant d'elles.
— Regarde. Gaya me tend son téléphone. J'aimerais beaucoup mettre un papier peint avec la fée clochette pour la chambre de la petite mais Redouane n'aime pas trop, il dit que ça fait trop girly et Malia le rejoint aussi. Elle m'explique. Qu'est-ce que tu en penses toi ? À présent deux pairs d'yeux me fixent, attendant impatiemment mon avis.
— Fait attention à ce que tu réponds sinon tu risques de ne plus rentrer dans le café ou en soirée. Malia me menace gentiment en rigolant.
— Pour être honnête je ne suis pas sûre de vouloir revenir dans les deux donc bon, je rigole. J'aime beaucoup la fée clochette. Je réponds après avoir repris mon sérieux et après avoir analysé le papier peint. Mais c'est vrai qu'au bout d'un moment elle risque peut-être d'en avoir marre surtout si elle préfère un autre dessin animé, elle risque de te demander un autre papier peint avec sa princesse préférée. En plus les enfants grandissent vite et ont tendance à être vite blasés alors autant mettre quelque chose de plus sobre. Personnellement je mettrais une couleur neutre, sans dessin parce qu'on s'en lasse moins vite et je décorerais la chambre avec des accessoires d'enfants. C'est plus facile comme ça selon moi. Je dis finalement.
— Oui c'est vrai. Gaya paraît peu sceptique face à une Malia beaucoup plus excitée. Tu as peut-être raison.
— Aller mamie va te recoucher. Dit Malia en la poussant amicalement. Tu as l'âge de ma grand-mère avec tes idées archaïques.
— Oh tout de suite les grands mots ! Gaya répond faussement offusquée.
— Tu as quel âge ? Je demande. Je sais qu'elle est plus vieille que nous, ça se voit à son visage plus mature mais je ne l'imagine pas au dessus de la trentaine.
— J'en ai 28.
— Rajoute dix ans de plus. Malia me chuchote.
— Ne l'écoute pas, j'en ai 28. Elle rit en faisant un doigt d'honneur à Malia.
— Et votre fille a un an c'est ça ? Je demande.
— Pas encore, elle n'a que neuf mois seulement.
— Elle s'appelle comment ? Je souris.
— Elle s'appelle Jana. Elle sourit en retour le regard brillant d'amour pour sa fille.
— C'est joli et original. Je réponds sincèrement. Toi aussi tu as des enfants ? Je me tourne vers Malia.
— Ouh là dieu du ciel non ! Elle me répond. Ce n'est pas pour tout de suite.
Je ris face à ses manières très extravagantes. J'aime vraiment ces deux filles, elles sont vraiment amicales et n'ont à priori rien à voir avec le style de Lucie. Je sais qu'une seule soirée est une durée trop courte pour juger pleinement leur personnalité et je serais presque peinée de ne plus les revoir après cette soirée. Rien ne s'est encore passé de grave mais je sais que quelque soit l'issue de cette soirée, je ne serais pas amenée à les revoir. Elles m'invitent à me servir un verre à nouveau. Nous passons un bon bout de temps de la soirée à discuter dans la cuisine. Nous échangeons beaucoup et heureusement qu'elles sont là car aucune de mes anciennes amies n'est venue me parler à part Lucie qui n'a cessé de faire des aller-retours pour voir ce que l'on faisait. Pour l'instant je ne me préoccupe pas de l'ignorance de Amanda, je profite simplement de la présence de Malia et de Gaya.
— Je vais fumer vous êtes de la partie ? Demande Malia.
— Je te suis. Gaya acquiesce en prenant son sac à main.
— Ivana ? Malia me proprose gentiment.
— Non merci je vous laisse les filles. Je ne fume pas. Je dis au moment où Lucie rentre dans la pièce.
— Tu ne fumes plus tu veux dire. Lucie me contre. Oui parce qu'Iva a pendant longtemps été accro à la cigarette. Elle se retourne pour parler à Gaya et Malia. Hein oui Iva ? Elle se retourne vers moi.
— Oui mais je ne fume plus maintenant, et depuis longtemps. Je précise en adressant un sourire aux trois filles.
— Je suis vraiment contente que tu m'aies écouté et que tu aies arrêté.
— Suivis tes conseils ? Je m'étouffe avec mon verre. Tu te fous de moi ? C'est toi et Amanda qui m'avaient fait commencer. Tu as du me le dire une seule fois d'arrêter alors ne t'attribues pas les mérites pour quelque chose que tu n'as pas fait.
— Pourquoi il faut toujours que tu nous reproches des trucs ? Tu ne peux pas passer une soirée sans nous rappeler cette horrible époque ? Tout ne tourne pas autour de toi, tout le monde est passé à autre chose alors fait pareil pour une fois.
— Je vais retourner au salon, je lance pour fuir la conversation.
Dans le salon, l'ambiance est assez calme. J'aperçois Kyad ainsi que Redouane et Clément ensemble. Amanda est seule dans un coin sur son téléphone. Je profite du seul instant où Matthieu est seul pour aller près de lui. Même après deux ans je ressens quelque chose en le voyant. Ce n'est pas de l'amour, c'est de l'affection et une pointe de colère. Il sourit légèrement lorsque je m'approche de lui et s'écarte pour me faire une place.
— Alors tu deviens quoi ? Me demande-t-il.
— Bah écoute je bosse dans une école maintenant à....
— T'as rencontré quelqu'un là-bas ? Il me coupe.
Surprise par sa question et décidant que je n'ai pas à y répondre, je l'ignore et tente de reprendre là où j'en étais.
— Donc je te disais que je bossais dans une école aux côtés d'un professeur super et...
— Vraiment ? Tu ne vas pas me dire que tu n'as tapé dans l'œil de personne là-bas. Il insiste.
Je le regarde un instant, ne sachant pas s'il se fout de moi ou s'il est totalement sérieux.
— Je n'ai rencontré personne. Je vais au boulot, je rentre chez moi, c'est tout. La routine quoi. Je claque. Pourquoi tu me demande ça ?
— Bah quoi j'ai pas le droit ? Demande-t-il étonné.
— Non t'as pas le droit non. Je réponds énervée. On n'est plus ensemble j'ai donc aucun compte à te rendre.
— Iva c'est bon ne le prend pas comme ça.
— Je le prends comme je veux Matthieu. Arrête avec tes questions. Si je n'ai pas voulu te répondre la première fois c'est mon droit alors n'insiste pas.
— Ça va, je voulais pas que tu le prennes mal. Il temporise. Tu me disais que tu travaillais dans une école c'est ça ?
— C'est ça.
— Et tu aimes ?
— J'aime beaucoup oui. Je dis en reprenant un sourire sur les lèvres en pensant à mes élèves. Et toi t'as fait quoi après le bac ?
— Je suis en première année de master marketing et communication.
— Tu t'es donc dirigé vers le marketing. Je dis pensivement.
Au lycée, Matthieu ne savait pas vraiment ce qu'il comptait faire après le bac. Jamais je n'aurais pensé qu'il allait entamer des études en marketing et communication. Je n'aurais encore moins pensé qu'il aille jusque l'année de master. Au lycée, il voulait rentrer très rapidement dans la vie professionnelle c'est pourquoi il avait toujours affirmé ne pas dépasser la licence en terme de diplôme.
— Ouais et j'aime beaucoup. Il dit d'un ton trop enjoué. En plus c'est cool parce que Clémence fait des fiches de révision super faciles donc ça nous motive tous les deux à étudier. Il perd d'un coup son engouement.
Il semble revenir sur terre quand il voit que je le fixe sans rien dire. Je n'ai aucune idée de qui peut bien être Clémence mais à sa tête et sa réaction, je devine qu'elle doit être sa copine. Malgré tout je pense être contente pour lui.
— Pardon Iva je...
— Ne t'excuse pas. Je dis. T'as refait ta vie et c'est tout à fait normal. Un jour je referais la mienne.
Il me sourit et alors qu'il allait dire quelque chose, Clément nous interrompt.
— Putain mon vieux regarde. Il lui tend son téléphone. J'ai matché avec une meuf sur Tinder.
Clément s'intercale entre nous sans faire attention à ma présence.
— Samantha, 24 ans, étudiante en droit. Matthieu lit les informations apparentes sur le profil Tinder de cette fille. Vous vous êtes parlés déjà ?
— Je viens de lui envoyer un message. Je te présente mon futur plan cul mon pote.
Ils rient tous les deux et continuent de regarder son profil. Ma présence n'a plus beaucoup d'importance alors je me lève et m'approche de la fenêtre ouverte pour prendre un peu d'air. J'inspecte la pièce et regarde tous les visages présents ce soir. Beaucoup de choses ont changé depuis la dernière fois que l'on s'est tous vu ensemble. Pourtant malgré le nombre d'années passées, j'ai l'impression que leurs vices sont toujours présents. Ils se sont peut-être atténués mais au fond ils sont bien là. Je sens une main toucher mon coude, puis Redouane se place face à moi.
— Ça va Iva ?
— Ça va et toi Redouane ? Je demande doucement.
— Plutôt bien. Il répond en fuyant mon regard.
Ses yeux passent en revue tout mon visage pour terminer derrière moi. Il pose son regard partout sauf dans le mien. Pourtant, il reste toujours face à moi, à se basculer d'un pied à l'autre. Un silence gênant s'installe, ni lui ni moi ne savons quoi dire. Je sens qu'il est sur le point de m'avouer quelque chose mais il n'ose pas. La relation que j'entretiens avec lui est celle qui s'est le moins dégradée et qui a le moins explosé en mille morceaux. Dans mes souvenirs il n'a jamais eu de remarques blessantes envers moi. L'offense qu'il m'a fait se rapproche plus à de l'inaction, il n'a rien dit pendant toutes ces années. Il n'a été « que » complice des méchanceté.
— Toute mes félicitations pour ta fille. Je dis après un petit temps pour briser ce silence.
— Merci Iva c'est très gentil. Il répond surpris mais ça ne l'empêche pas de m'adresser un sourire sincère en mettant sa main sur son torse.
— T'es un nouvel homme maintenant. Ça fait quoi d'être parent ? Je rigole.
— J'avoue que quand Gaya m'a dit qu'elle était enceinte je n'y croyais pas, il se remémore en riant. Mais au final je suis le plus heureux des hommes et je ne regrette en rien. Jana est la plus belle chose qui me soit arrivée.
— Ça faisait longtemps que vous vous connaissiez ?
— Ça faisait à peine six mois. J'ai flippé comme un putain de mec, il rit. Mais dès qu'elle est née je ne sais pas... Je ne saurais même pas décrire la sensation. Ta vie prend un sens différent en fait. Il se tait deux petites secondes. Elle est chamboulée pour toujours tu vois ? Avant tu vis pour toi mais quand t'as un enfant, c'est comme une partie de toi qui s'est matérialisée. Tu ne penses plus à toi en priorité mais à elle. Il se tait à nouveau et son regard se pose sur moi. Tu sais que quand elle est née, je me suis juré que la première personne qui lui ferait du mal mourra de mes propres mains.
Je ne dis rien à mon tour trop absorbée parce qu'il vient de me dire. Au fond de moi, je suis heureuse qu'il ressente un tel bonheur. Et ce dernier l'a changé à coup sûr.
— L'humain est mauvais. Je dis après un moment.
— Ouais. Tu sais... Je te comprends Iva.
Je le regarde intriguée, mes sourcils se froncent.
— J'ai compris maintenant. Il continue en regardant ses pieds.
Est-ce qu'il comprend vraiment ? Mon coeur semble accélérer ses battements dans ma poitrine. Est-ce qu'il est vraiment en train de faire ce que j'attends depuis si longtemps ? Le poids autour de mon coeur s'allège légèrement, ma lèvre inférieur tremble. Je respire un grand coup pour calmer le torrent de larmes qui menace de faire surface. Alors il fait son mea culpa ? Il est donc en mesure de me comprendre ? De comprendre tout ce que j'ai ressenti lors de cette période ? De comprendre que leurs actes m'ont littéralement brisé plus que de raison ? Il semble être en mesure de comprendre ce que j'ai ressenti, de saisir le poids que j'ai porté pendant longtemps, que je porte toujours et qui semble deux fois plus lourd depuis que j'ai mis les pieds dans l'appartement.
— Tu as parfaitement le droit de nous en vouloir, on a merdé, tous. Notre comportement était inhumain. Il lâche pendant que mes mains se mettent à trembler. J'agrippe mon vers plus fort pour calmer les réactions incontrôlées de mon corps. Seulement les autres ne s'en rendent même pas compte. Son regard balaie le salon. Honnêtement je ne pensais pas te revoir un jour, après un moment de silence il reprend, enfin pas dans le sens où tu serais morte hein, il précise avec maladresse. Il souffle et se passe une main sur le visage. Quel con, je l'entends marmonner. Je voulais dire que je ne pensais pas que tu veuilles nous revoir un jour après tout ça. Je ne sais pas ce que tu cherches en venant ici, et j'espère que ce n'est pas des excuses, parce que tu n'en trouveras qu'auprès de moi.
Je le regarde sans rien dire, j'aimerai lui dire que tous ses mots me font un bien que même moi n'aurais un jour oser imaginer. J'en serais presque émue aux larmes.
— Je m'excuse. Il prononce enfin ces trois mots que j'attends tant et qui donne le feu vert à mes larmes. Je tenais à te le dire, vraiment.
Quelques larmes silencieuses perlent sur mes joues. Je les efface très vite et lui souris.
— Tu m'autorises à faire quelque chose ?
— Euh oui, il répond hésitant.
Je me penche vers lui et l'enlace de mes bras.
— Merci, je chuchote dans son oreille dans un petit sanglot étouffé.
Il caresse maladroitement mon dos pendant que je me détache de lui. Je passe aux toilettes pour me passer un peu d'eau sur le visage. Je passe une serviette propre sur mon visage pour l'essuyer. Finalement, ça ne se passe pas aussi mal que ce que j'avais imaginé. Évidemment, ce n'est pas la soirée parfaite, elle est gâchée par des petites remarques un peu déplacées mais je préfère passer outre. Je retourne dans la pièce principale quelques minutes après et m'installe près d'Amanda qui n'a pas daigné m'adresser encore un seul mot. J'observe Clément et Kyad boire des shots cul sec. Les autres, eux, sont ici et là, répartis un peu partout dans la pièce. Tout le monde parle entre eux, ils ont même osé parler avec moi, seule Amanda ne manifeste pas l'envie de le faire ni avec les autres ni avec moi. Comprenant qu'elle préférerait probablement mourir d'ennuie que de me parler, je décide d'aller dans l'entrée pour attraper mon téléphone. Deux messages de Nabil s'affichent sur l'écran.
De Nabil :
J'ai réfléchi pour les cours de conduite on commencera dès que possible. J'accepte tous les modes de paiement mais bien entendu, ceux en nature sont privilégiés.
De Nabil :
Tout se passe bien ?
Je souris face à ses messages mais ne lui réponds pas. Au moment où je décide de revenir dans l'appartement, Clément qui est très alcoolisé s'approche de moi et m'attrape par le bras.
— Sinon ça va Eva ?
— Moi c'est Ivana. Je réponds sèchement en me reculant alors que son haleine puant l'alcool m'étouffe.
— Oh Eva, Iva c'est la même chose. Je trouve que Evana est quand même plus beau que Ivana. Il rit. Plus de cancer en vue ?
— Non je suis guérie maintenant...
— C'est bien. Je vais prendre à boire.
Il part aussi vite qu'il est arrivé. Une nouvelle fois, je fais l'impasse sur ses propos et mets ça sur le compte de l'alcool. Je m'avance et Amanda se plante devant moi suivie de Lucie.
— Iva, tu te souviens de ma tante Odile qui est infirmière ? Elle a été mutée récemment au service de cancérologie. Selon elle, certaines personnes ne sont pas très jolie à voir.
— Pourquoi tu me dis ça ?
— Oh pardon, c'est vrai, tu dois déjà le savoir puisque tu y as passé beaucoup de temps. Elle me sourit. Et ma tata m'a dit que des associations faisait dons de perruques. Elle termine.
— Su-per. Je réplique platement en détachant les deux syllabes.
Je reste un instant stoïque face à elles deux. Je ne vois pas vraiment ou Amanda veut en venir alors j'attends.
— On voulait savoir comment ça tenait ça. Amanda tire sur une de mes mèches de cheveux.
— Aïe. Putain mais qu'est ce que tu fais ? Je dis en me reculant et en poussant violemment sa main.
— Oh ça va, fais pas ta chochotte ! Je ne savais pas que c'étaient tes vrais cheveux. Elle répond innocemment.
— On ne pensait pas que tes cheveux avait repoussé aussi vite. Lucie me regarde avec de grands yeux. Il faut plusieurs années de base non ?
— Ils ont repoussé en combien de temps ? Enchaine Amanda.
— Bah je ne sais pas, peut-être que si vous étiez restés près de moi vous auriez su en combien de temps mes cheveux avaient repoussé. Je claque énervée.
— J'espère pour toi que la repousse a été rapide. Lucie ricane.
— Lucie tu vas trop loin, intervient Redouane.
— Quoi ? Tu veux fais ton samaritain toi maintenant ? Tu le pensais autant que nous. On pensait tous que ça ne t'allait pas du tout le crâne chauve.
Gaya semble vouloir intervenir pour faire taire Lucie mais Redouane la dissuade d'un coup de tête.
— Répète ça Lucie ? Je demande écœurée. Ce n'est pas comme si j'avais eu le choix.
— Oh ça va on te connaît ! On est tes amis on peut bien te le dire. Avoue franchement que tu n'étais vraiment pas belle.
— Non justement tu ne me connais pas ! Tu ne sais pas qui je suis Lucie. Tu te rends compte de la manière dont tu te comportes ? Tu crois que c'est ça être ami avec quelqu'un. J'hausse rapidement le ton.
— Mais qu'est-ce-qu'il te prend ? T'étais pas comme ça avant, pas si susceptible.
— Parce que tu crois sincèrement que je suis encore la fille d'avant ? La fille qui acceptait toutes vos remarques écoeurantes et votre méchanceté ? J'ai changé à partir du moment où vous avez décidé d'aller à l'anniversaire de quelque qu'on connaissait depuis deux mois plutôt que de venir à ma première séance de chimiothérapie. Je dis plus qu'énervée. Comment vous arrivez encore à vous regarder dans une glace ? Je claque.
— Mais de quoi tu parles ?
— De quoi je parle Amanda ? Je demande offusquée. Souviens-toi de toutes les remarques que vous me foutiez dans la tronche parce que je portais un putain de bandeau autour du crâne. Je hurle presque. Je parle de ces fois-là, je parle aussi de toutes les fois où j'avais des remarques sur mon poids.
— Il se passe quoi ici ? Demande Matthieu suivit de tout le monde.
— Et toi hein ? Je m'approche de lui alors que toute ma haine ressort. Tu arrives encore à te regarder dans une glace après ce que tu m'as fait ? Après ce que tu m'as dit ? Après m'avoir dit que je n'étais pas assez « féminine » et que tu ne pouvais pas « assumer de sortir avec une meuf malade, maigre et sans cheveux » ? Je demande.
— Qu'est-ce-que tu baragouines encore ? Tu ne peux pas simplement oublier ? C'était il y a des années. Il me répond avec un regard noir.
— Oublier ? Je peux pas oublier, c'est trop grave ce qu'il s'est passé. Je les regarde tous. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Toutes les années du monde ne pourront effacer toute la souffrance que vous m'avez causé. A cause de vous je suis devenue une personne mauvaise et vous m'avez brisé par la suite.
— Tu commences vraiment à nous les briser Ivana. C'est au tour de Clément de prendre part à la discussion. T'es en train de nous faire des reproches comme si toi tu n'avais pas fait des erreurs. T'es pas toute blanche non plus alors arrête ton cinéma. T'étais bien contente d'être avec nous au lycée et d'harceler cette pauvre Audrey. Il crache. La vérité c'est que t'étais aussi mauvaise que nous mais tu ne veux pas l'avouer. T'as pas réussi à assumer le regard de tes parents quand ils ont compris que tu n'étais pas leur petite fille parfaite alors tu remets la faute sur tous les autres. Tu crois que nous accuser te dédouane de tout ce que tu as fait ? Assume que tu as une putain de part de responsabilité dans ton comportement, t'étais assez grande pour savoir ce qui est bien est mal.
— Je vous en veux et je pense que je vous en voudrais jusqu'à ma mort. Je suis d'accord avec toi Clément j'ai fait des erreurs certes, mais au moins j'ai la décence de ne pas m'en vanter, j'avoue aussi que ce n'était pas toujours bien mais vous, vous n'avez même pas les couilles de le faire. Et je ne parle pas que du comportement au lycée. Je parle aussi de votre comportement envers moi. Le seul qui en a été capable de reconnaître ses torts ici c'est Redouane. Je regarde ce dernier.
— Pourquoi il faut toujours que tout tourne autour de toi ? T'as bien mérité ce qu'il t'est arrivé. On récolte que ce que l'on sème après tout. Ton cancer a été à la hauteur de ce que tu méritais. Tu clames haut et fort qu'on t'a brisé et que c'est à cause de nous que tu n'arrives pas à vivre mais putain si vraiment tu voulais sortir de cet état tu le ferais. La vérité c'est que tu te plais dans ta peine. T'aimes bien qu'on te plaigne.
Les paroles de Clément ont l'effet d'une bombe sur moi.
— Tu oses vraiment me sortir en pleine face que je méritais d'avoir un cancer, que je méritais de frôler la mort ? Je le regarde avec les larmes aux yeux. Et avec un discours comme ça tu travailles dans le milieu hospitalier ? Comment ça a pu arriver ? Je n'arrive pas à croire que tu bosses dans un milieu aussi humain que celui-ci avec le coeur de pierre que tu as.
— C'était une mauvaise idée de te faire venir ici. Lucie me regarde. Je veux que tu sortes de chez moi.
— Au moins on est d'accord sur un point.
Je marche rapidement vers l'entrée et attrape à la hâte ma veste et mon sac. Je claque la porte et descends vite les escaliers. Les larmes brouillent ma vue. Alex avait raison, ils avaient tous raison. Je n'aurai jamais dû venir. Intérieurement je m'insulte pour avoir pu penser l'espace d'un centième de seconde qu'ils aient pu changer.
— Ivana ! Je me retourne alors que je sortais du bâtiment. Gaya s'approche à la hâte. Ça va ? Je hausse les épaules en signe de réponse. Ce qu'ils ont dit était dégueulasse. Redouane est en train de les engueuler.
— Il ne fallait pas, je réponds doucement. J'ai l'habitude.
— Tu ne devrais pas. Tu veux qu'on te raccompagne ? On attend Redouane et on te ramène chez toi.
— Ça va aller ne t'inquiètes pas. J'ai besoin de marcher.
— J'accepte à une condition. Je l'incite à continuer. Tu me donnes ton numéro de téléphone. Premièrement parce que je te trouve super sympa et deuxièmement parce que ça ferait énormément plaisir à Redouane de rester en contact avec toi. Tu sais il éprouve vraiment énormément de remords. Tu l'as vraiment marqué, en bien et je pense que même si vous n'étiez pas proche tu comptes pour lui. Je ne te dis pas ça pour que tu changes d'avis sur lui hein. C'était un connard avec toi. C'est ce que je lui ai dis dès qu'il m'a parlé de toi. Mais dès qu'il s'est mis à me fréquenter il a radicalement changé et je peux te l'assurer parce que l'homme avec qui je partage ma vie n'est pas du tout le même homme que dans nos premiers mois de relation. Enfin bref je parle trop et ce n'est pas à moi de te dire ça. Elle s'arrête un instant. Tu acceptes ?
— Oui.
— Génial ! J'avais peur d'avoir fait un monologue pour rien.
— A vrai dire j'avais déjà accepté avant le monologue, je ris doucement. Mais il n'aura qu'une chance.
— Evidemment. Il ne faut pas qu'il croit que tout lui ait dû le petit.
Je lui souris une dernière fois et m'éclipse rapidement après lui avoir donné mon numéro de téléphone. Je traverse rapidement le ville jusqu'à arriver à un pont qui m'est familier. Il surplombe la voie du RER. J'escalade doucement la rambarde et m'y assois un instant pour calmer les battements de mon coeur.
Mes pieds se balancent dans le vide, mes yeux scrutent les rails en bas. Je suis assise sur la rambarde de ce pont, à me demander ce qui m'empêche de sauter. La peur peut-être ? Quoique non. La soirée a été un désastre, j'en ai pris plein la gueule gratuitement. Cette soirée devait être la mienne, c'était à moi de m'acharner sur mes « amis » qui m'ont lâchement abandonnée en pleine dépression mais au lieu de ça, je me suis prise des reproches sans que je puisse dire quoique ce soit. Mais peut être qu'au fond ils ont raison ? Peut être que je me suis mise dans cette situation seule, que je l'ai mérité et surtout, que je ne veux pas en sortir. Rien ne m'empêche de sauter sauf peut-être ma famille. Mais on se remet de la perte d'un de nos proches, c'est dur, on souffre mais on finit par s'y faire. J'aime croire en l'idée que le temps panse les blessures. Alors tôt ou tard, ils ne souffriront plus de ma perte. De toute manière, ce n'est pas comme si ils ne m'avaient pas déjà perdue. Je ne suis plus rien ici et ça, ils l'ont bien compris. Je ne bouge pas, je reste là sur ce pont sous les brises de vent qui passent. Ma décision est prise. Ce soir sera mon heure. Je provoquerai le destin. Des larmes commencent à couler le long de mes joues, refroidissant ma peau à cause du vent qui les a rendues glaciales. Encore une fois, j'ai mal. Ce poids dans mon cœur ne disparait pas, cette voix dans ma tête ne se tait pas, elle continue de me murmurer de sauter et même si c'est ce que je compte faire, l'entendre m'ordonner cette action m'est insupportable. J'ai cet étau qui me sert le cœur depuis tant d'années et qui se resserre encore plus quand je pousse quelques cris pour extérioriser ma haine. Il est là, constamment et refuse de me lâcher. C'est comme ci j'étais sur le point de faire une crise de panique, c'est ce sentiment qui t'entraine à faire des crises d'angoisses, il est là et c'est aussi celui ci qui démarre les crises car souvent cette sensation empire notre mal-être. Cette sensation est là, elle ne me quitte pas, elle s'accroche à moi.
— Ivana ? Je tourne la tête et jure en reconnaissant directement la personne. Wesh tu fous quoi là ? Il demande en s'accoudant au pont.
— Je fais la fête ça se voit pas ? Je dis ironiquement.
— Et plus sérieusement ?
— Je décompresse. Je souffle.
— T'sais les activités physiques ça défoule ? Tu devrais essayer, j'peux même être ton coach si tu veux.
— J'aime pas vraiment le sport. J'hausse les épaules.
— Je suis sûr que celui que j'ai à te proposer te rendra accro. Il reprend avec sa voix
rocailleuse.
— Pars s'il te plait. Je demande après un moment de silence.
— Tu peux toujours courir. Refuse-t-il. Je partirais seulement après t'avoir ramenée chez toi saine et sauve.
— Oh comme c'est gentil la Bête sauve la Belle. Peut-on passer ce passage chiant ? Tu n'as qu'à juste à faire comme-ci j'étais rentrée.
— C'est mort. J'te laisserai pas te suicider.
— Pourquoi ? Je demande.
— Tu te suicides quand tu veux mais pas le jour où j'te croise
— Je rêve. Je ris à gorge déployée. Tout ça pour ton petit ego, t'as l'impression de m'avoir sauvé mais pas du tout. Que je me suicide aujourd'hui ou demain c'est exactement la même chose.
Je crache mes paroles hargneusement. Je ne veux pas qu'on me sauve, pas ce soir. Le poids de la souffrance est beaucoup trop lourd, je n'arrive plus à le porter. Ce soir je veux juste qu'on me laisse terminer ce que le cancer a commencé.
— Exactement. Mais en attendant je me coucherais serein ce soir. Aller descends que j'te raccompagne chez toi. Dit-il.
— Tout ça pour soulager une conscience qui n'existe même pas.
On se tait tous les deux. Il ne parle plus pourtant il est encore là. Le bruit du vent et des voitures au loin nous englobe dans une bulle. Bulle dans laquelle je peux presque entendre mon cœur battre.
— C'est bizarre. Dit-il. J'ai l'impression de te rencontrer pour la première fois.
— Qu'est ce que t'as fumé encore. Je soupire. On s'est rencontrés il y a un mois.
— C'est la première fois que je te rencontre vraiment. Il se tait puis reprend. Je rencontre la meuf brisée.
— Il y a aucune gloire à ça. Je dis.
— J'ai pourtant bien l'impression que t'es plus intéressante en étant vraiment toi. Lâche-t-il.
Je me retourne et le regarde. Il a peur. Il a peur que je fasse une connerie, il sait que je suis capable de sauter et ça le terrifie de savoir qu'il ne pourra peut-être pas me sauver. Je ris face à cette pensée, au sort qui m'attend peut-être. Plus je ris plus le visage de Nabil se trouve face à moi. J'ai sans doute l'air d'une belle idiote sur ce pont.
— Laisse-moi t'aider. Il redit après un temps. S'il-te-plait. Je regarde la main qu'il me tend.
Mes larmes redoublent comme lorsque j'étais malade, comme lorsque j'étais au bord du précipice. Au final, je ne l'ai peut-être jamais quitté ce foutu précipice. Mon corps est pris de soubresauts inarrêtables, je pleure, je lâche tout, là sur ce pont. Nabil semble toujours inquiet, il ne dit plus rien, il me laisse simplement pleurer mais il semble néanmoins embarrassé par mes pleurs soudains. Je sais que ce qui se passe ce soir restera à jamais entre nous deux. J'ai besoin de pleurer, j'ai besoin de vider mon corps de toutes les larmes dont je suis capable. Nabil me tend toujours sa main. Je vois à peine sa silhouette tant ma vue est brouillée par mes larmes. Je renifle vulgairement et poussée par une force que je ne peux expliquer, je me lève de la rambarde du pont et attrape sa main. Directement, le sentir me rassure, sa main est chaude, son corps bouillonne. La fraicheur de la nuit contraste avec la chaleur de son corps. Nos doigts s'enlacent et Nabil pousse une espèce de soupire. Il est soulagé, j'imagine, de voir que je n'ai pas cédé à la tentation de crever. Il me ramène contre lui et je continue de pleurer dans ses bras. Il murmure des choses que je ne comprends pas, il dit des choses que je ne peux discerner mais cela importe peu. Il décale mon corps du sien, il me regarde intensément de longues secondes. Je peux à nouveau le voir puisque mes larmes ont progressivement diminué. Il me sourit d'un sourire que je qualifierai de lasse puis, nos doigts enlacés, il m'emmène dans sa voiture garée à deux pas de nous. Nabil m'ouvre la portière et m'aide à m'installer. Je m'attache, il claque la portière, fait le tour de la voiture et enfin il finit par prendre place derrière le volant. Je souris en pensant à ce qu'il m'a dit un peu plus tôt dans la soirée : « Je vais t'apprendre à conduire » il avait dit. Nabil démarre la voiture. Il roule à toute allure sur l'autoroute. À nouveau je ne peux m'empêcher d'avoir des pensées sombres. J'imagine une scène où un camion percute la voiture et que je meure sur le coup. La fin rêvée. Moi, en compagnie d'un beau brun qui meure après une soirée désastreuse. Quelle magnifique fin. Sans que je ne fasse attention nous arrivons devant mon immeuble. Il coupe le moteur et sort de la voiture tandis que moi je reste à ma place. Comme tout à l'heure, il ouvre ma portière et me tend à nouveau sa main. Je me détache, je souffle un bon coup et attrape la main qu'il me tend. Il ne me tend pas simplement sa main, ce geste représente beaucoup plus que ça. Nous montons à mon appartement en silence. Nabil se positionne derrière moi et attend que j'ouvre la porte. J'arrête mon geste, je plaque mon front contre ma porte et laisse perler une dernière larme le long de ma joue. Nabil passe une main dans mon dos et attend que cette dernière larme finisse sa course. J'ouvre enfin la porte et nous rentrons. Je le laisse aller s'installer. Je file dans la salle de bain me rafraichir le visage. Je me positionne ensuite face à la glace et me regarde. Je ne ressemble plus à la jeune femme que j'étais lorsque je me suis rendue à la fête. Mes larmes ont bousillé mon visage. Je reprends une bonne fois pour toute mes esprits et rejoins Nabil dans le salon. Angela n'est pas là. Peu importe.
— J'ai froid. Je dis. Un café ?
Je pars dans la cuisine après qu'il ait hoché la tête. Un mot de ma sœur se trouve sur l'armoire où sont rangées les tasses et les verres.
Je ne rentre pas ce soir
J'espère que ça été
Bisous Angie.
Je forme une boulette avec le mot et le jette dans la poubelle. Enfin, je m'active à faire son café dos à lui. Depuis que nous sommes rentrés, une phrase m'a perturbée. Je ne cesse de repenser
à son sous entendu. Était-il sérieux ?
« T'sais les activités physiques ça défoule ? Tu devrais essayer, j'peux même être ton coach si tu veux »
« J'aime pas vraiment le sport » J'avais dit.
« Je suis sure que celui que j'ai à te proposer te rendra accro »
Mes pensées fusent et mon désir avec. Nabil m'a toujours lancé ce genre de phrases. Pourtant je n'y prêtais pas forcément attention jusqu'à aujourd'hui. Seulement, cela fait près d'un an que je n'ai rien fait et je suis certaine d'avoir oublier comment m'y prendre, jusqu'à douter même de sa précédente phrase qui semblait, sur le coup, être un appel évident au sexe. J'attrape la tasse et prends du sucre ainsi qu'une petite cuillère et lui apporte le tout, que je pose sur la petite table basse. Je m'assieds à côté de lui et le regarde boire son café en silence. Je n'arrête pas d'y penser, je suis tentée d'accepter mais je ne le connais pas depuis longtemps, et surtout c'est le frère de Yanis, un de mes élèves. Et même hormis cela, ai-je le droit ? C'est de Nabil dont il est question. Moi qui ai toujours repoussé ses avances, voilà que je suis prête à les accepter. Si cela venait à se savoir, je serais à coup sur virée. Pourtant, ses paroles résonnent dans ma tête et une seule et unique chose me vient à l'esprit : je n'ai strictement rien à perdre. Ma vie est un fiasco total, et bizarrement, baiser avec Nabil pourrait être le premier fiasco à me soulager. Comme il l'a si bien dit, il y a beaucoup d'autres choses que le suicide pour se libérer, dont le sexe l'est actuellement, seule cette possibilité me vient en tête. Elle me hante, me harcèle, pèse dans mon esprit. La douleur psychologique me donne mal à la tête et j'aimerai la faire disparaitre. Je sens que je vais craquer.
— Vas-y j'vais y aller. T'es en sécurité maintenant. La voix de Nabil me fait presque sursauter.
Il pose sa tasse sur la table. Je hoche la tête vaguement en tentant de contrôler les frissons qui s'emparent de mon corps. Sa voix réveille des sentiments que je n'ai pas ressenti depuis une éternité et là, je sais que j'ai pris ma décision. Il faut juste que j'ai assez de courage pour le lui demander. Je l'accompagne jusqu'à la porte et alors qu'il s'apprête à l'ouvrir, je le retiens.
— Attends. Je baisse la tête. Il tourne sa tête vers moi.
— Quoi ?
— Fais le. Fais moi ressentir autre chose.
Je sais qu'en prononçant ces paroles je viens surement de signer un pacte avec le diable mais je m'en fiche. Nabil m'a empêché d'accomplir ce pour quoi j'ai tant attendu avec une excuse à la con, alors il peut bien m'accorder une petite soirée. Il se tourne de toute sa hauteur et me surplombe largement.
— T'es sûre ? Demande-t-il J'veux pas d'attachement, pas de sentiments.
— On est sur la même longueur d'onde alors. Je dis à mon tour.
Il semble ne plus hésiter puisqu'il laisse tomber sa veste dans l'entrée en fondant sur mes lèvres. Je me laisse embrasser violemment. Notre baiser n'a rien de doux, il est brutal, plein de colère, plein de désespoir. Nous sommes deux âmes perdues qui se rencontrent. Nos corps ne sont pas emplis d'un désir passionnel comme beaucoup d'autres personnes lambda. Les nôtres sont pleins de désir, ils ont besoin de se libérer de toute la souffrance en nous, de s'acharner, de se venger. Nos lèvres bougent avec violence, à tel point que j'en ai presque mal. Je détache mes lèvres des siennes, et automatiquement, Nabil trouve mon cou qu'il vient embrasser. Je recule et nous guide jusqu'à ma chambre. Lorsque nous pénétrons dans la pièce, Nabil me plaque doucement au mur et replonge sur mes lèvres. Ce baiser qui est traditionnellement un signe d'amour n'en ai rien. Mon cœur a mal, le sien aussi, je peux le ressentir à travers sa façon de m'embrasser et je suis certaine de pouvoir le remarquer plus tard, lors de notre union. Nous coupons notre baiser, et ses lèvres retrouvent mon cou comme dans un réflexe. Il descend jusqu'à mon épaule et un millier de frissons m'envahissent lorsqu'il embrasse la délimitation entre mon cou et mon épaule. Il semble le remarquer puisqu'il embrasse plusieurs fois cet endroit avant de complètement embrasser mon épaule. Il écarte le haut de mon t-shirt et commence à embraser le début de ma poitrine. Je décide de l'arrêter même si tous ses baisers me procuraient un plaisir presque oublié en lui enlevant son haut. Je ne veux pas qu'il m'embrasse la poitrine et encore moins la voir. Je décide alors d'embrasser son cou et de passer mes doigts le long de ses abdominaux bien dessinés. Je les trace à l'air de mon index sur sa peau brulante et remonte lentement jusqu'à ses pectoraux. Cet homme est un dieu vivant. Ses lèvres reviennent à la charge sur les miennes et j'accepte volontiers le baiser. Il mordille ma lèvre pour demander l'accès et m'embrasse avec force. Ses mains glissent sous mes cuisses et en une seule pression, il me soulève sans difficulté. Ses mains se veulent baladeuses, elles sont sur mes fesses qu'il caresse et rien qu'avec une caresse, mon bassin est en feu. Je m'agrippe à sa nuque et je peux presque sentir son cœur battre. Je suis tout aussi excitée que lui. Nabil se dirige vers ma chambre et me dépose sur le lit. Ensuite, ses mains remontent lentement, elles passent de mes fesses à mes hanches et glissent légèrement sous mon t-shirt, en bas de mon bassin. Ses paumes sont chaudes, ses pouces caressent ma chute de rein et alors qu'il s'apprête à retirer mon t-shirt, je me détache et pose fermement ses mains sur les siennes.
— Non. Je dis.
— Non ? Il relève la tête vers moi et me regarde d'un air surpris.
— Je garde mon t-shirt. C'est ça ou rien.
Il me fixe, je vois dans son regard qu'il s'interroge mais je ne peux pas lui répondre, je ne peux pas le faire. Je suis beaucoup trop impliquée pour arrêter tout d'un coup. Cette cicatrice restera cacher, tout comme mon mal être. Il acquiesce et décide donc de se concentrer sur autre chose. Ses doigts déboutonne de manière experte le bouton de mon jean, il le descend lentement tout en embrassant mes cuisses au passage. Lorsque ses lèvres frôlent la dentelle de ma culotte, je ne peux retenir un soupire. Une fois le jean retiré, Nabil agrippe les extrémités de ma culotte et semble prêt à la retirer, pourtant ce n'est pas ce qu'il fait. Il joue avec et passe son pouce à travers la dentelle, sans jamais atteindre la zone que je voudrai. Il joue avec moi et je peux le voir dans sa manière de me regarder. Décidément, dans n'importe quel moment Nabil ne peut s'empêcher de se montrer taquin. Il guette la moindre de mes réactions et s'amuse de me voir si impatiente et si désireuse. Son égo se gonfle surement de me voir dans cet état. Enfin, après des secondes qui paraissent pourtant des minutes, il retire la seule barrière qui le séparait de mon intimité.
— Les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Il murmure contre la peau blanche de mon ventre.
Ses lèvres embrassent ma peau, ma respiration devient saccadée, mon excitation à son maximum. Mes yeux se ferment seuls d'appréhension. Enfin, il pose son pouce sur la source de mon plaisir, me procurant une explosion dans le creux de mes entrailles. Je suis plus que réceptive face à ses caresses, sans doute à cause de mes mois d'inaction de ce côté là. Son pouce entame des petits mouvements tout en exerçant une pression. Je mords ma lèvre pour retenir mes soupires. Ses mouvements se veulent précis. Lentement, il fait pénétrer deux de ses doigts en moi, et cette fois-ci je ne peux contenir le gémissement qui m'échappe. Ses va-et -vient sont lents mais pourtant je me perds. Pour la première fois depuis longtemps, je suis bien. Cette sensation me libère de tout poids. La cage qui m'emprisonne et m'oppresse constamment ne semble plus là, et pour rien au monde je ne voudrais que ça s'arrête. Cependant, rapidement, mon corps est pris de spasmes, je tremble proche de l'orgasme, les mouvements de Nabil sont beaucoup trop intenses. Il arrête tout mouvement et se relève.
— Pas tout de suite. Dit-il.
Je reprends doucement mon souffle le temps qu'il se déshabille et enfile un préservatif. Il se place entre mes cuisses et me pénètre lentement. Il pose son front contre le mien en se retenant avec son coude plaqué sur le lit à côté de ma tête. Beaucoup de sensations me prennent. D'abord la douleur comme à chaque fois. Une légère douleur que je mets pourtant sur le compte de mon abstinence. Mais cette douleur me fait du bien, j'ai l'impression qu'elle prend un peu de ma douleur psychologique. ensuite, vient le plaisir. Le plaisir de le sentir en moi. Et bientôt, je ne ressens que du plaisir. Je suffoque contre ses lèvres et ne résiste pas à la tentation de l'embrasser. Je l'embrasse désespérément pendant qu'il entame ses coups de rein. Ils sont d'abord doux, comme si il voulait que je m'adapte à lui. Puis rapidement ses mouvements deviennent sauvages, et cette douleur resurgit légèrement. Mais je ne dis rien, persuadée que c'est le fruit de ma somatisation perpétuelle. Elle n'est pas intense mais elle est présente, mélangée au plaisir. J'embrasse Nabil plus frénétiquement sous le bruit de nos peaux qui claquent. Mon bassin vient à la rencontre du sien, désireuse d'en avoir plus, ses coups se font plus puissants, moins lents mais beaucoup plus intenses. Je sens à travers cette union notre souffrance. Nous mélangeons nos malheurs, nous les oublions et bientôt nos corps ne sont qu'un moyen égoïste de se venger. Ses coups de reins sont plus secs, plus brutaux et je fais de même lorsque je vais à la rencontre de son corps. Je n'arrive plus à retenir mes gémissements. Nabil passe sa main entre nos corps et stimule ma boule de nerfs. Mes mains qui agrippaient ses épaules passent dans sa nuque que je serre.
— Putain.
Je sens que mon corps est au bout, je ne vais pas tarder à venir et je sais qu'il le sent puisqu'il augmente la cadence augmentant ma douleur avec mais j'en fais abstraction car elle me paraît minime comparé au plaisir qui s'empare de moi. Dans le nuit, le bruit que font nos peaux en se rencontrant et nos gémissements remplissent le silence. Bientôt, mon corps entier tremble, je suis proche, tellement proche que je lâche un long gémissement, transportée par mon orgasme. Nabil continue de s'animer en moi et moins d'une minute plus tard, il atteint l'apogée. Il pose sa tête dans mon cou en reprenant sa respiration. Ensuite, il se retire et s'écroule à mes côtés. Nous ne parlons, nous profitons juste de cette sensation euphorique. Il fait calme, les phares des voitures de l'extérieur illuminent de temps en temps la pièce. Après quelques minutes nous retrouvons une respiration normale et Nabil se lève. Je profite du fait qu'il soit dans la salle de bain pour jeter son préservatif afin de me changer. J'enfile rapidement un short et un long t-shirt tout en étant de dos au cas où il reviendrait. Je ne veux pas qu'il voit ma cicatrice. Je sens qu'il était réticent à l'idée de me baiser avec mon haut mais le désir entre nous étant trop fort pour que cette condition nous arrête. Cet acte était purement charnel, pas de sentiment, rien que de la baise pure et dure pour se perdre l'un dans l'autre et nous permettre d'oublier nos problèmes respectifs. La légère douleur que j'ai ressenti lors de l'acte n'était rien par rapport à la douleur physiologique. Elle m'a même soulagée. Je l'ai vite oubliée pour me perdre dans les bras de l'homme au cœur de tous mes désirs. Nabil revient dans sa tenue d'Adam et le temps que j'aille à la fenêtre l'ouvrir et me poser dessus, il a remis son caleçon et sorti son matériel pour se rouler un joint. Je le regarde faire, assis de mon coté sur le bord du lit, le regard concentré à rouler à la perfection son petit cylindre. Il termine et le coince entre ses lèvres qui m'embrassaient et me procuraient des sensations délicieuses plus tôt dans la nuit. Il attrape son jean et fouille dans ses poches.
— Merde. Il jure. Il laisse tomber ses affaires et porte son regard brulant sur moi. T'as pas du feu ?
Il me demande avec sa voix rauque, plus rauque que d'habitude, surtout due à notre activité précédente. Sa voix me procure des milliers de frissons qui remontent du bas de mon dos jusqu'à ma nuque J'attrape le briquet qui a toujours été posé sur l'espèce de petit murer en dessous du bord de ma fenêtre et lui allume la flamme. Je tends le bras jusqu'à son joint et lui allume. Il tire une longue taffe et souffle ensuite la fumée.
— Cimer.
Je hoche la tête et porte mon regard sur la ville. Le vent frappe mon visage me refroidissant. Je frissonne légèrement. Ce vent me fait du bien.
— T'en veux ? Demande-t-il.
Je tourne la tête et observe l'objet de sa proposition. Le joint. Je m'étais promis d'arrêter mais je ne peux résister. Je veux prolonger cette sensation de plénitude avant que ma douleur intérieure revienne, et pour ça, rien de mieux qu'un bon joint. Surtout celui juste après une baise. Il y a des choses dans la vie qui nous procure plus de bonheur à un certain moment de la journée. Le joint en fait partie. Il nous procure beaucoup plus de plaisir après des moments intenses comme celui que l'on vient de vivre. C'est comme le bain, un bain est toujours plus satisfaisant après une longue et dure journée de travail. Ici c'est pareil. Je cède donc à mon envie et attrape le joint. Je tire longuement dessus et laisse les effets de la drogue douce agir. Elle me détend. Je lui redonne le joint après.
— Ca faisait longtemps que tu n'avais pas baisé ?
— Ouais, ça s'est senti ? Je demande.
— Un peu t'étais plus tendue, plus sensible qu'une meuf normale.
Je ne réponds rien et regarde l'horizon. La légère douleur que je ressens en bas du ventre depuis l'acte semble se déplacer dans mes abdominaux. Je ne m'inquiète pas plus que ça puisqu'un des effets secondaires d'un de mes médicaments anti-rejet est les douleurs abdominales.
— Pourquoi t'as gardé ton t-shirt ? Me redemande-t-il après un moment de calme.
— Parce que c'est comme ça. Je dis.
— Quoi ? T'as des seins difformes ? T'sais j'en ai vu d'autres des paires de seins.
— C'est pas ça. Je me tais puis reprends. Ne pose pas de questions Nabil.
— Hm.. Il répond en tirant une dernière latte de son joint avant de l'écraser contre son paquet de cigarette.
— Est ce que tu vas me dire pourquoi tu en avais autant besoin que moi ?
— Hein ?
— La première soirée ensemble qu'on a fait tu m'as dis : « Tu arrives un peu trop tard pour ça, ça fait longtemps que je les ai perdu mes ailes. » J'en conclu donc qu'il t'est arrivé quelque chose. Et ce soir... tu avais la même rage que moi. Comme si tu ne faisais pas l'amour pour le plaisir charnel mais pour te libérer pendant un court laps de temps de quelque chose. Il ne dit rien et regarde le plafond. J'ai tort ? Je demande.
— Non. Il répond après un moment de silence. Comment t'as su ?
— Tu n'es pas le seul à avoir le sens du détail. Alors ? Qu'est ce que c'est ?
— C'est un peu mon « Cher C » à moi. Quelque chose que tu veux oublier du plus profond de ton être mais qui est impossible.
— Si tu as un secret que tu ne peux dire à personne, tu devrais me comprendre. Alors pourquoi est ce que tu insistes tant pour connaître le mien ?
— Parce que tu es la victime de ton histoire, moi j'en suis le bourreau. Je ne suis pas une bonne personne Belle. Je suis bien pire que Gaston.
— C'est faux, je le contredis. Tu es une bonne personne. Tu ne te rends juste pas compte du bonheur que tu procures autour de toi.
— Tu crois que c'est ça qui fait de moi quelqu'un de bien ? Tu ne sais pas ce que j'ai fait.
— Non c'est vrai. Mais je suis sûre que tu n'y es pour rien. Et même si tu étais totalement responsable de ton secret, regretter et essayer d'expier tes fautes te mets déjà sur la bonne voie.
Le silence empli la pièce pendant de longues minutes. Aucun de nous deux ne veut parler. Je ne sais même pas ce que je pourrais dire. On a franchi une limite, la barrière que je mettais entre nous et que j'affirmais ne jamais franchir. Il se révèle soudainement et s'habille en vitesse.
— Je vais y aller. Il s'arrête dans sa course et se tourne vers moi comme s'il hésitait à faire quelque chose. Pourtant il ne prononce aucun mot.
— Salut. Je réponds faiblement.
Je ne le regarde pas partir, mes yeux fixent la noirceur de la nuit. Je pince mes lèvres entre elles pour ne pas pleurer avant qu'il ait quitté mon appartement et c'est seulement lorsque j'entends la porte d'entrée claquer que je m'autorise à le faire. Je ferme la fenêtre et m'assieds sur le bord du lit. Je laisse mes larmes couler, je laisse ma peine sortir à nouveau. Je ne pleure pas parce qu'il est parti, non, je pleure parce que la descente aux enfers est trop rapide. C'est un des effets de la drogue, je le sais, elle peut me mettre dans un mauvais état d'esprit en moins de deux secondes. Cette sensation que j'ai ressentie, de plénitude, d'apaisement lors de notre acte charnel, j'aurai voulu la ressentir éternellement. Cela fait bien trop longtemps que je ne m'étais pas sentie comme ça, sereine. Et maintenant, plus d'un quart d'heure après, cette sensation est remplacée par le poids que je porte chaque jour, par ma tristesse et ma détresse. Et malheureusement, je ne sais pas comment en sortir. Parfois j'ai des élans d'espoirs, de combativité où je me dis que peut-être je pourrais m'en sortir mais j'ai beaucoup trop de peine, de rancœur, de haine en moi que je ne sais gérer. Toutes ces émotions me submergent, me noyant sur place.
🧸
Hello les filles ! 💛
Nous revoilà après un petit temps !
On ne perd pas les bonnes habitudes alors dites nous tout de suite votre ressenti après ce chapitre !
La suite ?
Des bisous !
S & C
insta : @nivanapnl
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