douze - dvanaest
« On se connaît pas, j'aime pas ton passé » - N.O.S , jusqu'au dernier gramme.
La soirée s'est déroulée samedi dernier et pourtant j'ai l'impression que c'était hier tellement la fatigue m'envahie. Je suis rentrée chez moi vers cinq heure du matin et n'ait pas dormi jusqu'à huit heure trente puisque je devais prendre mes médicaments et je savais que si je m'endormais en rentrant, je ne pourrais jamais me réveiller pour prendre mon traitement. Vers neuf heure je suis partie me coucher et je me suis réveillée seulement le soir. Depuis, mon rythme de sommeil est complètement déréglé ce qui fait que je dors très peu la nuit. Et je crois que cela n'a échappé à personne puisqu'en arrivant devant la grille, Lina qui se trouvait la pour l'ouverture me fait la remarque.
— T'as une petite mine toi.
— Ouais je dors très peu depuis samedi. Il faut juste que je reprenne le rythme.
— Faudrait qu'on se refasse ça un jour c'était trop bien.
— Laisse moi d'abord me remettre de celle-ci, je réponds de manière à esquiver sa proposition.
— Tu termines à quelle heure ce soir ?
— Vingt heure, je commence les heures de soutien aujourd'hui.
— Si tu veux je peux te déposer à la gare, je finis aussi à vingt heure. Je m'occupe des heures de colles.
— Pourquoi pas, je finis par répondre ne trouvant pas de phrases d'esquive.
Finalement, nous ne parlons pas plus, je baisse légèrement ma tête et reprends ma course afin de regagner la classe dans laquelle Louis m'attend. Et lorsque j'entre un sentiment de culpabilité m'emporte en voyant les cernes de Louis, il a dû passer tout son weekend à corriger les copies des élèves pendant que moi je faisais la bringue et que je me reposais ensuite. On s'est mis d'accord sur le fait que pour l'instant je ne corrige pas de copies tant qu'il ne m'a pas appris son système de notation. Mais même si à chaque fois il insiste en disant que ça ne le dérange pas de tout corriger, je ne m'en sens pas moins coupable lorsque je remarque les cernes qu'il a. Louis est le genre de prof à rendre les copies le plus vite possible pour ne pas laisser les élèves dans le stress et l'attente alors il corrige au plus vite.
— Salut, je dis.
Il relève la tête de son bouquin et me sourit. Louis est vraiment quelqu'un de gentil, c'est un homme bon qui à sans arrêt le sourire aux lèvres, s'en est presque flippant.
— Bonjour Ivana. Ca va ?
— Je suis épuisée. Et toi ? Je demande en posant mes affaires sur la table qui m'est destinée.
— Je m'en doutais, il rit en pointant mes cernes du doigt. Je suis pareil que toi. T'as fais la fête cette nuit ?
— Non j'ai fais la fête samedi mais je récupère bien moins qu'avant mon cancer. Et toi ?
— J'ai corrigé les copies, il me montre la pile de feuille. 140 copies pour quatre classes, j'ai passé mon weekend entier jour et nuit.
— Je suis désolée, je ne peux m'empêcher de dire.
— Pourquoi ?
— Je t'ai pas aidé, j'ai passé un weekend tranquille alors que toi t'as bossé comme un malade. Je me sens coupable, limite redevable.
— Retire ça tout de suite de ta tête, si je t'en ai pas donné c'est que ça ne me dérangeait pas de le faire, au contraire ça m'occupe.
Je finis par hocher la tête, peu convaincue, cet homme est clairement beaucoup trop gentil.
— Et alors ? Qu'est-ce que ça a donné ? Plutôt bon ou mauvais ?
— Bah écoute, il commence avant d'être coupé par quelqu'un qui toque à la porte. Nous tournons tous les deux la tête et découvrons Yanis Andrieu. Oui Yanis ?
— Bonjour, il entre. Je vous dérange pas ?
— Non non entre. Qu'est-ce qui t'amènes ? Je lui demande.
Il s'approche et ouvre son carnet aux pages dédiées aux mots. Il me le tend ensuite.
— Mon père aimerait vous voir ce midi.
J'attrape son carnet et lis rapidement le mot que son père a rédigé. l'écriture est plutôt jolie, brouillonne mais jolie.
— Pas de soucis on va le recevoir.
— Euh non enfaite il aimerait s'entretenir avec Madame Horvat seul à seul pendant les deux heures de pause que vous avez.
Je relève la tête et blêmit à l'idée de me retrouver en tête à tête avec son père. La dernière fois, certes j'étais aussi seule avec lui mais Louis était à l'autre bout de la classe et il pouvait donc intervenir à tout moment si il voyait que je n'arrivais pas à gérer. Il me surveillait mais là, c'est un contexte totalement différent. Je serais seule avec lui, pas de Louis pour m'aider et pas non plus de Yanis pour tenter de calmer son père puisqu'il sera en cours. Et puis d'abord, qu'a-t-il à me dire qui pourrait prendre deux heures ? À la réunion, il était totalement fermé à l'idée que son fils puisse rater sa scolarité parce que quelque chose clochait dans son comportement et non parce qu'il ne travaille pas. Enfin si, il ne travaille pas mais je suis certaine que derrière son inactivité se cache une raison. Et lorsque j'ai essayé de l'aborder avec lui la dernière fois, il n'a pas daigner m'écouter alors je me demande bien ce qui peut voir deux heures de discussion, surtout avec un homme comme Monsieur Andrieu.
— Très bien, répond Louis. Tu peux y aller Yanis. Il sort de la classe après que je lui ai rendu son carnet et je reste planter comme une conne à regarder la porte. J'ai l'impression que tu as plu à Monsieur Andrieu.
— Ou alors il veut juste me parler parce qu'il sait qu'il y a un rapport de force et qu'il a le dessus puisque je suis intimidée ?
— Première leçon Ivana : ne jamais se laisser faire face à un parent, quel qu'il soit. Plus il a bien choisi son jour, c'est comme si il avait senti que son fils a raté son contrôle d'anglais.
— Tant que ça ? Je demande en m'asseyant sur une table.
— Ouais, Louis prend un tas de copie que j'identifie comme être celui de la classe et recherche la copie de Yanis.
— Pourtant il avait plutôt bien écrit, il a répondu à toutes les questions si je me souviens bien.
— Ouais, il a répondu aux deux premières correctement. Sauf que la suite des réponses était à base de « I don't know, I didn't study ».
— Comment ça ? Je le regarde intriguée. J'attrape la copie qu'il me tend et la parcours du regard.
— Tout ce qu'il a fait durant cette heure de contrôle, c'est de gâcher de l'encre inutilement. Même à la compréhension de texte, qui ne nécessite aucune connaissance, il a répondu en couple « I don't know, I didn't study ».
Bouche bée, je regarde nerveusement la copie de Yanis. L'envie de réduire sa copie en cendre me prend mais je me ressaisie et la pose sur la table à côté de moi. Un sentiment de rage me prend. Une rage liée à de l'incompréhension. Je ne comprends pas pourquoi il fait ça. Tout le monde peux avoir des difficultés c'est un fait mais de là à ne rien répondre je ne peux pas l'accepter.
— Et ses potes le suivent, les copies étaient moins marrantes que celle de Yanis mais le contenu toujours aussi vide. Ils ont au moins fait l'effort d'essayer.
Je jette à oeil à la copie pour regarder la note. Trois. Il a eu trois. Je peste intérieurement, un trois est irrattrapable si on regarde son niveau d'anglais actuel.
— On peut pas leur organiser un devoir de rattrapage ?
— Non, il soupire. Cela ne serait pas équitable pour les élèves qui ont eu des mauvaises notes.
— Louis s'il te plait. Je le supplie. Il ne pourra jamais rattraper un trois. Un devoir. Un seul. Plus dur que celui là. Temps limité d'une heure et il comptera double coefficient que celui là.
— Ca me prendrait encore plus de temps, on doit avancer dans le programme de bac des terminales.
— Je le ferais, je les surveillerai et je corrigerais !
Louis me fixe et semble réfléchir.
— Tu les aimes bien les petits hein ? Je hoche la tête. Bon... Très bien à condition qu'ils acceptent d'en refaire un. Je te laisse gérer ça.
Je souris victorieuse, et le remercie. soudain, une idée me vain en tête. Je m'excuse auprès de Louis et sort de la classe. Je dévale les escaliers et sort de l'établissement pour aller à la grille. Là, Lina n'a pas bougé d'un pouce.
— Lina, je l'appelle. J'ai un service à te demander.
— Dis moi.
— Je vais t'envoyer en colle Yanis, Sabri et Joris. Tu pourras me les amener dans ma classe de soutiens s'il te plait ?
— Euh ouais. C'est pour faire quoi ?
— Ils ont raté leur contrôle, je vais leur en refaire un.
— Sérieux ? Je ne savais pas que maintenant quand ils ratent un contrôle ils peuvent en refaire un pour se rattraper, c'est cool ça.
— Ouais mais je dois les convaincre avant. T'as pas une astuce ?
— Menace les d'appeler Tarik et ils te mangeront dans la main.
— C'est noté, merci, je souris et remonte directement en classe.
Lorsque je remonte, je prends mes affaires et vais me placer directement au fond de la classe pour commencer à réfléchir à ce que je vais bien pouvoir leur donner. Je choisis d'abord un texte qui est en rapport avec la thématique que l'on aborde : la ségrégation. Je choisis donc une critique du film « Selma » qu'on a vu en cours et leur demande simplement de me faire à leur tour une critique de la critique. Je prépare ensuite quelques exercices de langue purs et durs assez complexe. J'espère vraiment que je ne fais pas tout ça pour rien. Je serais capable de torturer ces gosses pour qu'ils fassent ce putain de contrôle et qu'ils réussissent. Inconsciemment, cette question revient encore et toujours : pourquoi ? Pourquoi s'obstinent-ils à gâcher leur avenir ? Ils peuvent le faire, j'en suis convaincue et je vais tout faire pour les aider.
Dans la matinée, nous avons la classe de Yanis et alors que je pensais que je devais avoir à provoquer les trois garçons, il n'en a rien été. Ils ont eu un comportement tellement exécrable que l'heure de colle est parti toute seule.
Il est midi et demi et j'attends Monsieur Andrieu dans la salle. Je reprends seulement à quatorze heures quarante cinq. Louis m'a gentiment laissé la salle de classe pour que je reçoive le père de Yanis. Le stress monte à tel point que j'en ai envie de vomir. J'appréhende tellement ce rendez vous que je m'en rend malade. Mes doigts se tordent dans tous les sens, je torture ma joue de l'intérieur et je fais les cents pas dans la pièce. Dans ma tête tout est déjà clair : j'ai préparé tous mes arguments et tous les scénarios possibles m'ont déjà traversé l'esprit à tel point que je sais déjà quoi répondre s'il me sort tel ou tel argument. Je suis fin prête à gagner ce combat. Si ni Yanis lui même, ni son père ne veulent pas prendre l'avenir du premier en main, je m'en chargerai. Je ne le laisserai pas tomber. On toque enfin à la porte et je me dépêche d'aller ouvrir les mains moites et le coeur tambourinant. Mais lorsque j'ouvre la porte et me rend compte de l'identité de la personne derrière, toute forme de stress quelconque quitte mon corps.
— Nabil ?
— Surprise ! Il dit en entrant.
— Tu parles d'une surprise, je ris nerveusement en me tournant vers lui. Qu'est-ce qui t'amènes ?
— On a un rendez-vous ensemble je crois. Il enfonce ses mains dans les poches de son jogging en me souriant.
— Non, j'ai rendez vous avec ton père, Monsieur Andrieu.
— Alors oui tu as rendez vous avec un Andrieu, je n'ai juste pas précisé lequel dans mon mot. Tu veux peut-être que je sortes ma carte d'identité pour te prouver que je suis un Andrieu ?
— Parce que t'as les papiers ? Je peste méchamment mécontente de m'être fait avoir.
— J'compte les avoir en t'épousant.
— Mauvaise pioche, je ne suis pas française.
— Sah ? T'es quoi ?
— Croate.
— Aaaah j'ai compris. Enfaite tu rentres dans mon jeu parce que c'est toi qui a besoin des papiers.
Je roule des yeux et m'assieds sur ma chaise. Je passe mes mains sur mon visage, excédée. Comme à chaque fois que je le vois, je le détaille. Aujourd'hui il porte un jogging noir, les bas de son jogging sont remontés jusqu'à la base de son mollet , des Nikes et un t-shirt blanc qui contrairement à tout ce qu'il a pu porté, confirme mon opinion de son torse : il est bien sculpté. Il porte une casquette à l'envers qui cache ses cheveux, dégageant entièrement son visage.
— Très bien, je soupire en me redressant. Prends place, je lui montre la chaise en face de moi.
— Non, toi et moi on va graille quelque part.
— Pardon ? Je ris. Je reste ici, j'ai cours dans moins de deux heures.
— Raison de plus pour partir tout de suite.
— C'est toujours non, je réponds, bien décidée à ne pas céder.
Il ne peut pas utiliser mon travail pour avoir un repas avec moi.
— Tant pis, tu viens de laisser passer une chance de me parler de Yanis. A plus alors.
Putain le con il utilise Yanis. Il utilise son propre petit frère pour obtenir ce qu'il veut de moi et bordel c'est que ça va marcher. Je ne peux pas laisser passer une telle occasion. Peut être que Nabil pourra résonner son frère ou mieux encore, parler à son père. Alors j'ai comme un déclic et range précipitamment mes affaires dans mon sac.
— Nabil attends ! Je cri alors que je termine de fourrer la copie de Yanis dans mon sac.
Je sors de la salle et galère à fermer la porte à clef alors que Nabil tourne déjà au bout du couloir. Lorsque je termine, je cours pour le rattraper.
— Putain t'aurais pu m'attendre, je dis légèrement essoufflée en arrivant à son niveau.
— Je savais que tot ou tard t'allais me courir après.
— šuti ou je pars.
— Wesh ça veut dire quoi ça ?
— « Ferme la ».
— J'suis sérieux dis la traduction.
— Mais t'es débile putain, je ris. šuti veut dire « ferme la », tu captes maintenant ? Dis-je en tapotant mon index sur son front.
— Ah oui c'est bon, bah fallait le dire en français directement alors.
Je roule des yeux, il ne dit rien de plus et se contente de secouer la tête. Ensemble, nous quittons l'établissement pendant que je regarde autour comme si ce que je faisais était strictement interdit, et à vrai dire j'ai de fort doute là dessus. Je veux dire, je ne suis pas sûre que sortir déjeuner avec le frère d'un de mes élèves soit éthiquement correct, surtout si l'élève en question à des problèmes scolaires. On pourrait imaginer plein de choses, comme par exemple que je vais le privilégier alors que pas du tout. Pour l'instant tout ce que j'ai envie de faire c'est de prendre sa tête et de la claquer contre le mur pour essayer de lui remettre les idées en place. Nous arrivons à l'Audi de Nabil dans laquelle nous montons. Il démarre et commence à rouler vers je ne sais quelle direction.
— Que ce soit clair, je commence, je ne veux plus que tu fasses ça.
— Faire quoi ?
— Utiliser mon travail pour obtenir un rendez vous avec moi. Un simple message aurait suffit.
— Tu aurais accepté si je t'avais envoyé un message ? Il demande en me jetant un rapide coup d'oeil avant de se concentrer de nouveau sur la route.
— J'en sais rien on ne peut pas savoir. Mais là ce que je vais c'est tout sauf professionnel.
— Relax Ivana. C'est juste un déjeuner comme un autre dans lequel on va parler de Yanis en toute amitié.
— Tu vas vraiment me faire croire qu'on va déjeuner sans que tu n'ai aucune arrière pensée ? Samedi tu m'as clairement dit explicitement que tu me voulais dans ton lit alors tu ne vas pas me dire que ce midi c'est amicalement qu'on se voit.
— Ne te méprends pas, je te veux dans mon pieu, il tourne son regard noisette vers moi en s'arrêtant à un feu rouge. Mais ce midi, on va parler de choses sérieuses. Apprendre à se connaître.
— J'ai pas vraiment envie de te connaître.
— C'est ton choix. Mais en attendant, pendant les deux heures qui vont suivre, tu seras coincée avec moi alors autant te laisser aller et passer le temps.
Il redémarre au feu vert et le trajet se poursuit en silence. Personne ne parle, seule la radio se fait entendre. Moi, je tripote nerveusement les lanières de mon sac en regardant la route défilée. Finalement, il finit pas couper le son de la radio en s'engageant dans un drive MacDonald's.
— Tu veux quoi ?
— Un McWrap chèvre, s'il te plait.
— C'est tout ? Tu vas manger que ça ? Tu veux pas au moins un menu ?
— Je ne mange pas beaucoup.
Ses yeux me scrutent et sans discrétion, il regarde mon corps, le détaille du regard.
— Saha, un menu.
— Nabil tu vas le payer pour rien, je vais pas le finir, je le préviens.
— J'le finirais. Puis faut que tu manges, j'ai pas envie que tu te casses sous mes coups de rein.
— Il me faut plus que quelques coups de rein pour me casser.
— T'auras pas le même discours le jour où je serais entre tes cuisses, il répond avec le ton joueur qu'il aborde souvent.
Je pouffe et secoue la tête en le laissant commander. Lui commande un Wrap veggie, un filet o'fish, les deux en menu. J'hallucine en imaginant la quantité de nourriture qu'il va devoir engloutir. Je ne suis même pas encore devant que j'ai déjà envie de gerber. Il s'avance et paie. Lorsque c'est fait il avance une nouvelle fois jusqu'à la troisième borne pour récupérer notre commande pendant que j'attrape l'addition. Je sors mon porte monnaie
— Tu fais quoi là ?
— Je te rembourse.
— T'es une malade toi dégage ! Il reprend rapidement l'addiction pendant que je proteste. Je t'invite je paie.
— Ça me gêne.
— Khlass, arrête de dire de la merde. C'est un McDo pas un sac Gucci.
Il récupère la commande et la pose sur mes genoux. Je regarde qu'il y ait bien tout ce que nous avons commandé. Nabil démarre et part se garer plus loin sur le parking dans un endroit calme, éloigné ou on peut difficilement le voir. Lorsqu'il coupe le moteur, il détache sa ceinture et se tourne vers moi. Je fais de même et lui sert la quantité astronomique de nourriture qu'il a commandé. Je me sors ensuite juste mon petit wrap et le retire de l'emballage.
— Donc pour Yanis. Je commence en tapant un croc dans mon wrap.
— Vas-y je t'écoute, dit-il la bouche pleine.
— Clairement il doit arrêter ses conneries.
— Comment ça ? Il incline la tête et fronce les sourcils.
— Je vais te montrer regarde. Je me penche et attrape la copie de son frère dans mon sac. Je lui tends. Il a eu un 3. Au début il répondait puis il a complètement arrêté et notait qu'il n'avait pas étudié en boucle.
— Je vais le hagar. Souffle-t-il.
— Je ne pense pas que ce soit la solution. Il faut surtout qu'il se motive et qu'il travaille ou au moins comprendre pourquoi il agit comme ça. Quand il rentre de l'école, il doit absolument se mettre devant ses cahiers.
— Ca va, c'est pas parce qu'il a raté un contrôle qu'il va rater sa vie.
— Non bien sur que non mais le problème c'est qu'il n'a pas raté qu'un contrôle. Il rate tous les contrôles de chaque matière. Essaie de le raisonner. Je pioche quelques frites.
— Ouais bien sur je serai là pour lui. Et puis au pire de cas si il n'y arrive pas je serai toujours là pour l'aider.
— C'est-à-dire ?
— Tarik et moi on pourra toujours lui assurer un avenir avec l'argent du rap qu'on gagne.
— Je t'arrête tout de suite. Je lève ma main et le coupe. Le rap n'est qu'éphémère ok ? Demain tout peut s'arrêter et si ça s'arrête qu'est-ce-que tu vas faire ? Tu ne pourras pas l'aider financièrement toute sa vie Nabil car tu auras sûrement fondé une famille. Et puis c'est mieux qu'il travaille pour s'assurer un avenir lui-même.
— Ouais mais c'est vraiment dans le pire des cas.
— Mais même. D'ailleurs ce soir quand il rentre tu vas veiller à ce qu'il travaille et qu'il révise le contrôle que je prévois de leur faire faire. Tu m'enverras un message pour me dire que c'est ok.
— Je fais pas dans le social moi Ivana. Dit-il sur un ton rieur.
— C'est ton petit frère, sois là pour lui c'est tout.
— Tes désirs sont tes ordres.
Je roule des yeux et soupire. Il me reste une grosse quantité de nourriture à ingurgiter mais j'en suis incapable, j'ai déjà le ventre plein alors que Nabil a presque fini ses deux menus. Il me reste un quart de mon wrap et ma barquette de frite entière. En un déjeuner j'ai mangé plus que ce que je ne manque en deux jours. J'ai cette sensation que je vais exploser.
— T'achèveras mes frites j'ai plus faim, je dis en enfonçant le reste du wrap dans l'emballage d'origine.
— Mais t'as rien mangé, c'est chaud.
— C'est rien j'ai l'habitude.
— C'est quoi ton plat préféré ?
— Quoi ? Je me retourne vers lui avec une mine d'incompréhension. Mais pourquoi me demande-t-il ça ?
— Bah t'as presque rien mangé, il doit bien y avoir un plat que tu dévores. Alors c'est quoi ton plat préféré ?
Je balance ma tête en arrière et la pose sur l'appui-tête du siège. Je plisse les yeux et réfléchis quelques secondes quand enfin mon plat préféré me vient en tête.
— Des Punjene paprike, c'est un plat croate. C'est des poivrons farcis au boeuf avec du piment et du paprika. Et toi ? Je tourne la tête vers lui.
— Sans hésiter des felfels. C'est un plat arabe avec des poivrons, de l'ail, des tomates, de l'huile et du piment.
— Ca a l'air trop bon.
— Ca l'est. Il lève les épaules comme si c'était une évidence. Mais du coup t'es croate ?
— Oui c'est ça.
— Je suis allée une fois en Croatie, c'était à Zrce Beach.
— Ce n'était pas pour visiter je suppose ? Dis-je en riant.
— On a juste visité les petits culs. Il rit lui aussi.
Ça ne m'étonne même pas. Mais pas de lui. Enfin si, ça ne m'étonne pas de lui, c'est évident que lorsqu'il le peut, il essaie de ramener une fille dans son lit, la preuve avec moi d'ailleurs, mais c'est surtout que Zrce Beach est réputée pour ça. Zrce Beach est une immense plage qui se trouve sur l'île de Pag, elle est très réputée auprès des jeunes fêtards surtout pour les festivals. On y retrouve de l'alcool, de la musique et le plus important, des filles.
— Toi t'es algérien ?
— Algérien-corse Belle.
— C'est un beau mélange.
— C'est un putain de beau mélange tu veux dire, il répond avec une certaine fierté que l'on leur reconnait ce qui me fait sourire et lever les yeux aux ciels. Mais comment ça se fait que tu ne sois pas française ? T'es pas née en France ?
— Si je suis née en France mais mes deux parents sont croates donc à ma naissance je n'ai pas pu avoir la nationalité française. Pour profiter du droit du sol au moins un des deux parents doit être français. Mais je retournais toujours en Croatie dès que je le pouvais quand j'étais petite, mes grands parents y sont.
— Ah ouais je vois, chaud.
— Et toi tes parents ?
Il se tend légèrement. Je devine que je viens de toucher à une corde sensible mais il répond tout de même.
— On a toujours vécu avec notre père et ma belle Sarah, la mère de Yanis. Ma mère est partie quand Tarik et moi étions petits.
— Et le rap ça fait combien de temps que vous êtes dedans ? Je change vite de sujet pour ne pas qu'il pense à sa mère.
Je suppose que ça a dû être particulièrement dur pour eux. On a toujours un lien fort avec le parent du sexe opposé que nous. J'ai toujours été plus attaché à mon père qu'à ma mère et quand je regarde mon père, je vois bien qu'il est beaucoup plus proche de sa mère que de son père alors j'imagine que ce n'est pas facile pour lui. Je ne m'imagine pas vivre sans mon père, ce serait une déchirure et un manque qu'on ne pourra jamais combler.
— On a rappé un moment chacun de notre côté puis on s'est dit qu'on pourrait faire un truc à deux, ça s'est fait et notre tout premier projet est sorti en 2015.
— Je t'avoue franchement que je ne vous écoute pas forcément mais j'ai déjà entendu deux ou trois sons et c'est plutôt bien. J'aime bien.
— C'est vrai ? Demande-t-il étonné.
— Oui je t'assure, c'est pas vraiment ce que j'écoute mais ça passe.
— Merci ça fait plaisir. Dit-il en apportant sa main au niveau de son cœur. Et toi ton taffe au lycée ça te plaît ?
— Franchement ouais, je n'étais pas forcément emballée au départ mais ces gamins sont attachants et je commence à bien aimer ce métier.
— C'est cool. Prof je sais pas si j'y arriverais la vérité. C'est chaud t'as plein de gamins en face de toi qui te respectent à peine et qui n'en ont rien à foutre de ce que tu leur dis.
— T'étais comme ça toi au lycée ?
— En vrai non, j'étais un bon élève tu sais ? Il me regarde et sourit.
— Ah oui ? Raconte moi. Je souris à mon tour.
Le temps d'une seconde, l'image d'un Nabil plutôt intello boutonneux avec des lunettes traverse mon esprit et je me retiens de pouffer. Je sais que mon image est totalement cliché mais c'est la première chose qui m'est venue.
— J'appréciais pas certains cours mais je travaillais quand même et j'avais des bonnes notes. J'ai eu mon bac STMG avec mention bien après j'ai fait 3 ans dans une école de commerce mais j'ai dû arrêter pour faute de moyen.
— Oui je vois, mais t'as réussi à rebondir c'est bien.
— C'est clair, maintenant on est bien avec mon frère on a plus à se soucier de rien. Tu m'as pas dit, t'as des frères et sœurs ?
— J'ai une grande sœur qui s'appelle Angela et avec qui je vis.
— Tu vis pas toute seule ?
— Non mais c'est prévu que je prenne un appartement bientôt parce que j'arrive au bout de mes limites avec ma soeur.
— Au pire tu pourras venir squatter chez Lina vu comment elle t'a déjà bien adopté.
— Cette fille est une pile électrique.
— Ça je te le fais pas dire, elle est incroyable cette meuf. J'suis content que mon gars ait trouvé une meuf aussi bien qu'elle.
Il a raison, Lina est une fille extrêmement gentille qui je suis sûre doit penser toujours au bien des autres avant de penser au sien. Et je me sens mal à ce propos. Car je suis sûre qu'elle me considère déjà comme une amie alors que ce n'est pas forcement réciproque. Je veux dire que je l'aime bien mais je ne me sens pas prête à la considérer comme une amie, c'est beaucoup trop tôt.
— Il va être l'heure de me ramener Nabil, je le préviens.
— Tu veux pas sécher l'aprèm ?
— T'as déjà vu un prof sécher ?
— Je vais jeter ça avant j'arrive.
Il ouvre la portière et sort pour jeter nos déchets à la poubelle. Quand il revient il s'installe comme il faut sur son siège, enclenche le contact de la voiture et démarre pour nous ramener au lycée. Rapidement nous nous retrouvons devant le lycée. Je me détache et me tourne vers lui.
— Merci pour aujourd'hui. Il hoche la tête. Je descends de la voiture et me baisse pour être à son niveau. Rentre bien, fais attention sur la route.
— Tu t'inquiètes ?
— Non j'ai encore besoin de toi en vie jusqu'à ce soir, n'oublie pas.
Il ricane et démarre. Je regarde sa voiture disparaitre au coin de la rue puis je rentre dans le lycée. Je monte rapidement en classe pour terminer le reste de la journée. Le soir, à dix-huit heure, je me trouve comme prévu dans la classe à attendre Sabri, Yanis et Joris qui ne devraient pas tarder à arriver afin réviser le contrôle qui les attend la semaine prochaine. Je compte bien leur donner tous les outils pour qu'ils réussissent sans pour autant leur donner les réponses. La porte de la classe est ouverte et laisse une vue sur le couloir calme de l'école. J'entends au loin les garçons qui arrivent en rigolant et faisant du bruit comme à leur habitude. Le trio de choc arrive enfin devant la porte.
— Rentrez, asseyez-vous.
Les trois garçons prennent place sur les tables en face de moi. Ils s'asseyent tous de manière nonchalante, ce qui est sûr c'est qu'ils n'en ont rien à faire d'être ici avec moi mais je m'en contre fiche.
— M'dame j'comprends pas pourquoi on est là. Me dit Joris en jetant son sac à dos sur sa table.
— Tous les trois vous avez raté votre test. Joris tu as eu 5 sur 20, Sabri 2 et Yanis tu as un 3 sur 20.
— Je vous ai battus bande de bâtards, rigole Joris.
—Tu trouves ça drôle ? Je réponds sanglante en le fusillant du regard. Aussitôt, il se ratatine sur sa chaise et ne dis rien. Si je vous ai fait venir c'est pour que vous ayez la possibilité de réviser le contrôle que vous allez repasser la semaine prochaine.
— Quoi ? Non mais c'est une blague j'ai pas que ça à faire moi. Bondit Sabri.
— Tu n'as rien de mieux à faire Sabri alors tu vas t'asseoir.
— Non m'dame c'est pas juste là, j'ai assez révisé pour le premier.
— Tu te fous de ma gueule ? Tu t'es tapé un deux et tu me dis que t'as révisé ? Tu t'assois ou j'appelle Tarik et croyez moi quand je vous dis qu'il sera bien moins doux que moi.
À l'entente du prénom de son grand frère, Yanis se redresse sur sa chaise et efface le sourire qu'il avait. Sabri lui se rassied aussitôt.
— Ouais mais c'est pas de notre faute aussi si on l'a raté, il était super dur, peste Sabri tandis que Yanis ne dit rien.
— Non Sabri stop, tu arrêtes. C'était des choses qu'on a travaillé ensemble pendant une semaine, on les a vu et revue et revu alors ne me dites pas que c'était difficile, vous n'aviez qu'a lire une bonne fois la fiche théorique et c'était bon. Ensuite il y avait la compréhension de texte qui ne nécessitait aucune compétence, je reprends en fixant bien Yanis et en insistant bien sur « aucune compétence ». Il suffisait de lire et même ça vous n'êtes pas capable de le faire.
— Mais ça sert à rien de toute manière. Lâche Yanis qui semble se réveiller enfin.
— Tu es sûr de ça Yanis ? Vous pensez vraiment que ça ne sert à rien ?
Les trois garçons me regardent dans les yeux en soupirant et hochant la tête. Ces garçons sont démotivés et ils pensent que c'est foutu pour eux mais c'est entièrement faux. Il suffit de leur redonner la motivation et un peu de bonne volonté pour commencer.
— Je vais vous dire quelque chose et vous allez m'écoutez attentivement d'accord ? Les trois amis acquiescent. Vous n'en avez peut-être rien à foutre de l'anglais, de l'économie ou des maths mais vous n'avez pas le choix. Vous devez y passer c'est comme ça. Vous n'avez qu'une seule envie et c'est de quitter ce lycée pourri et je vous comprends parce que j'étais pareille que vous, mais comme vous je n'avais pas le choix. Je me suis accrochée et j'y suis arrivée. Je me tais un instant. Si vous voulez arriver à quelque chose dans la vie vous devez vous accrochez et vous battre. Si vous voulez avoir un bel avenir, un métier qui vous plaît et gagner votre vie c'est maintenant que ça se joue, pas dans six mois pas dans un an, c'est maintenant. Alors oui le lycée c'est chiant, les profs sont chiants, les contrôles aussi mais vous devez y passer. Je sais pas peut-être que vous voulez devenir rappeur ou je sais pas mais pour l'instant vous n'avez pas le choix parce qu'il faut toujours garder un plan de secours au cas où. Pour l'instant pensez au bel avenir que vous pouvez avoir, à la vie que vous pouvez construire avec du concret. Qu'est ce qu'ils attendent de vous vos parents hein ? Ils veulent que vous réussissiez, ils veulent être fiers de vous, alors faites tout pour ne pas les décevoir et pensez aussi à votre fierté personnelle. Je marque une pause puis reprends. La vie c'est pas trainer en bas d'une cité à faire les malins en jogging toute la journée ou à siffler les flics quand ils passent, c'est pas ça la vie. La vie c'est pas un film. Dans la vie il faut se battre et ne pensez pas que vous êtes seuls parce que ce n'est pas le cas, vous avez une famille qui vous soutient, dis-je en posant mon regarde sur Yanis en pensant à son frère qui compte sur lui. Et moi aussi je suis là pour vous, je vais tout faire pour vous aider mais vous avez aussi une part de responsabilité. Il suffit d'un peu de bonne volonté et vous y arriverez si vous ne lâchez pas.
À la fin de mon monologue, le silence règne. Aucun des garçons ne parle. Ils me regardent tous les trois stupéfaits.
— Je vous donne l'opportunité de repasser votre contrôle et de le réussir alors maintenant sortez votre trousse qu'on commence à travailler.
Toujours en silence les garçons sortent leur trousse de leur sac. Je glisse les dictionnaires de langue que je suis allée chercher tout à l'heure devant eux.
— Vos téléphones, je tends une boite pour qu'ils les posent dedans. Allez ! Je réponds sans qu'ils n'aient le temps de protester.
Ils posent leurs téléphones dans la boite et me regardent.
— On va répertorier le lexique de la critique. Commencez à chercher dans les dictionnaires aller.
C'est avec une certaine satisfaction que je rentre chez moi. Les garçons ont bien travaillé, plus que je ne l'imaginais et je les sens fin prêt pour le contrôle. J'espère juste qu'ils réviseront car travailler deux heures ne fait pas tout retenir. Si je dois faire un bilan de la journée, je dirais qu'elle s'est plutôt bien passée, même très bien passée. Je me surprends à vraiment avoir apprécier ce déjeuner en compagnie du rappeur. J'ai beaucoup aimé parlé tranquillement avec lui, comme des adultes, sans jeu ni rien. Je n'irai pas jusqu'à dire que si je le pouvais je repasserai ce moment, loin de là, je dis juste que j'ai passé un moment moins insupportable que prévu.
Avant d'aller me coucher je reçois un message d'un numéro inconnu.
De numéro inconnu :
« C'est bon l'enfant est couché et il m'a récité sa leçon. »
Je souris comprenant que Nabil a dû lui parler. Je suis contente que Yanis essaie de se reprendre en main.
A Nabil :
« Génial. Merci encore. »
De Nabil :
« Au plaisir. Bonne nuit et rêve pas trop de moi. »
A Nabil :
« Ce ne serait plus un rêve mais un cauchemar. »
Je n'attends pas de réponse et file me glisser sous ma couette pour dormir.
🧸
Coucou les filles, nous revoilà avec un nouveau chapitre ! 🥳
Dites nous, on veut TOUT savoir.
Qu'avez vous pensé de Nabil et Iva ?
Leur relation évolue petit à petit ça vous fait plaisir ? 🥰
On tenait à vous remercier les filles car vous êtes de plus en plus nombreuse à lire « Nos démons » et ça nous fait vraiment chaud au cœur ❤️
Merci aussi pour vos votes, vos commentaires et les petits messages que vous nous laissez sur instagram. Vous êtes super mignonnes et super gentilles alors merci pour tout ! 🥺
À bientôt !
S & C
insta: @nivanapnl
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro