Chapitre 3
Thad
En voiture, suivant la route sans destination précise, je n'avais eu qu'une volonté, m'éloigner d'Ilya pour réfléchir à mon avenir en toute indépendance. Couper court à ce qu'étaient devenues nos vies depuis qu'il était Alpha, était la seule solution envisageable que j'avais eu sur le moment. Il y a quelques années, quand j'avais un conflit avec un petit ami, je me précipitais chez l'un de mes meilleurs amis. Cependant, ici et maintenant, c'était impossible. Chez qui pourrais-je aller ? Depuis que je vivais avec mon compagnon, tous mes amis étaient aussi les siens et aucun n'était un simple humain comme moi.
Yvan était un Felinae au regard trop triste pour son âge. Il ne nous jugerait jamais parce que c'était le premier que nous avions sauvé de la folie d'un Atklat perdu. Il ne pourrait pas comprendre mes réactions et encore moins mon départ, pour lui les âmes sœurs ne se séparaient pas, n'avaient pas de problème. Et puis il était en France depuis mi-décembre, pour démarrer une nouvelle vie.
Henri ? Impossible pour moi de me tourner vers le puissant Maître de Sang, il était si protecteur envers la tribu qu'il avait faite sienne. L'ancien mousquetaire prendrait forcément le parti d'Ilya, il était comme un fils pour lui ainsi que tous les descendants de son ami d'après ce que j'avais compris.
Changeant qu'on avait aidé, Sondra admirait trop Ilya ou moi pour être partiale envers nos qualités et nos défauts.
J'avais beau faire défiler la liste des gens dans ma mémoire, à chaque fois il y avait un lien avec mon compagnon. Aucun ne serait assez neutre pour m'aider. Même le timide Tiago, le barista du coffee shop où je prenais mon café le matin, était un homme qui connaissait le Monde de Gaïa. J'avais découvert, il y a peu, qu'il était l'une des Colombes régulières du club Pleasures of Nights. Triste constat.
Les kilomètres de bitume défilaient et je ne savais pas encore où me poser. Finalement pour finir cette nuit, une chambre d'hôtel m'hébergerait sans problème. Mais à qui vais-je pouvoir me confier ? Telle était la question qui raisonnait en moi. Un barman anonyme, un inconnu... Ça ne m'inspirait pas vraiment. Je devrais me débrouiller seul.
Mon téléphone sonna une première fois sur le siège passager. Hors de question de décrocher en conduisant. On insistait. Une deuxième tentative suivie d'une troisième. Je me décidai à ralentir afin de pouvoir m'arrêter sur le bord de la route. Je regardai le prénom. « Ilya » qui clignotait. Je caressai d'un doigt la photo de lui décontracté me souriant... C'était avant, bien avant. Cela fait bien trop longtemps que je n'ai vu un tel sourire sur le visage de compagnon. Un bip, le nombre de messages en attente s'afficha. Encore un nouvel appel, mais je n'ai aucune envie de lui répondre. Je sais qu'il s'inquiétait pour moi, mais non, j'avais besoin de faire le vide. Impossible d'entendre une nouvelle fois ses excuses. J'avais peur que sa voix me trouble et me fasse revenir sur ma décision. J'éteignis l'appareil et l'abandonnait le rejetant au loin sur le siège passager.
Je levai les yeux pour regarder ce qui m'entourait. Un panneau publicitaire annonçait la proximité d'une auberge au charme désuet. Je tenterais bien ma chance. Je tournai donc en suivant les instructions de la publicité.
Un indiquait Rose's House Inn à l'entrée d'un chemin bordé de grands arbres. J'aimais bien ce nom et encore plus l'énorme maison qui se trouvait au bout de l'allée. De style Queen Ann, elle était sublime et devait l'être encore plus à la belle saison quand le parc magnifique qui l'entourait était à son apogée au printemps ou l'été. Là, elle semblait presque endormie sous un manteau imposant de neige. Seules les quelques lumières présentes témoignaient d'une activité malgré l'heure tardive.
La première chose que je remarquai en montant vers le porche couvert, ce fut que cette ancienne demeure était entretenue avec amour comme celui que dégageait le couple à l'accueil. Ils s'activaient avec toute la complicité d'un lien établi depuis longtemps, sans se parler, se souriant de temps en temps comme je pouvais le faire avec Ilya quand il était là... C'était avant, bien avant. Je les observai un peu plus longtemps, la jeune femme et son mari profitaient du calme relatif du soir pour retirer les dernières décorations de Noël et les glisser avec soin dans des cartons. D'autres étaient empilés dans un coin avec « Saint-Valentin » écrit en grandes lettres stylisées dessus. J'imaginais bien ce qui pouvait s'y trouver : des roses, des angelots, des cœurs et des tonnes de ruban de satin rouge. Je ne pouvais pas faire demi-tour, il était trop tard et je n'avais pas envie de finir dans un motel miteux et anonyme sur le bord d'une highway et Même dans ce genre d'endroit, je n'éviterais pas les décorations festives.
Je me décidai à les interrompre.
— Bonsoir ! Vous reste-t-il une chambre de libre pour cette nuit ?
Ils sursautèrent à l'unisson.
— Oh ! Désolé, nous ne vous avions pas entendu !
La femme se précipita vers le bureau d'accueil en m'affirmant que j'avais de la veine, qu'il en restait une pour tout le week-end. J'étais soulagé, ça me laissait largement le temps de me retourner et de faire le point. Quelques démarches administratives plus tard, un paiement et des présentations dans les règles de l'art, Anna me souhaitait une bonne nuit tandis que son époux Martin me guidait dans l'escalier. Je grimpai derrière lui en me posant mille questions... Je me préparais tant bien que mal à passer ma première nuit sans les bras d'Ilya autour de moi. Allais-je trouver le sommeil ou continuer à m'inquiéter pour lui ? Allais-je réussir à dormir ou réfléchir encore et encore à lui ?
— J'espère que vous vous plairez dans cette chambre, dit Martin avec son charmant accent français.
— Je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas le cas.
J'avais peut-être parlé un peu trop rapidement. Lorsqu'il poussa la porte... Je fus sous le choc. Une fée de la décoration en mode cupidon était passée par là. Cette pièce avait tout de la suite romantique pour un week-end en amoureux. Lit à baldaquin immense, des tonnes d'oreillers moelleux, bouquet de fleurs, corbeille de douceurs, bougeoirs... Tout aurait été parfait si Ilya avait été là et non occupé avec son Omega et ses affaires d'Alpha. Une visite express. La salle de bain était une invitation à la luxure amoureuse avec sa douche gigantesque et sa baignoire taille XXL.
Je remerciai mon hôte en posant mon sac sur la commode.
Le « Bonne nuit, Monsieur » lancé me fit réaliser que je serais seul dans ce grand lit vide.
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