Milo fixait le plafond, pensif. Il se demandait s' il ne serait pas préférable de parler un peu plus de lui à Rohane. Cependant une part de lui ne cessait de se dire qu'il était sûrement trop tôt pour cela.

Essayant de chasser tout cela de son esprit, il se releva soudainement et se décida à explorer la maison. A vrai dire il n'avait pas vraiment pensé à le faire plus tôt étant donné qu'il avait passé tout son week-end avec Rohane.

Il sortit donc de la chambre avec curiosité et s'engouffra dans la pièce collée à la chambre de son amie : La salle de bain. La pièce était spacieuse et d'un beau vert sauge. Milo trouvait la pièce apaisante, il savait qu'il passerait du temps dans cet endroit. Il poursuivit sa visite en entrant dans la pièce d'en face et en ressortit quasi immédiatement en voyant que c'était la chambre de la mère de Rohane.

L'entité descendit les escaliers de marbre et se retrouva dans le salon et la cuisine. "Ici je connais bien" se dit-il en repensant aux petits déjeuners que Rohane avait pu lui préparer. Après avoir fait le tour, il remonta dans la chambre qu'il se décida à explorer plus en détail.

La tanière de Rohane regorgeait de plantes, jeux de cartes, dessins et dégageait une douce odeur d'encens.

Son bureau était enseveli sous une tonne de peinture, fusains, crayons et carnets que Milo s'empressa de contempler. Il sourit. Rohane avait du talent et elle arriverait à de grandes choses dans le domaine artistique, il en était certain.

Son exploration finie, il rejoint Cloud qui était roulé en boule au pied du lit. Il se mît en face du chaton tout en adoptant la même position que ce dernier. Milo ferma les yeux et les rouvrit quelques heures plus tard tout en sursautant suite au bruit de clés qui résonna dans ses tympans.

Rohane se tenait dans l'encadrement de la porte, clés à la main avec un léger sourire en coin.

"Alors comme ça t'es pas qu'une entité ? T'es un peu chat aussi ?" Dit-elle en pouffant.

Milo se redressa, gêné. Il passa sa main dans sa nuque avant de lui répondre.

"Mais Rohane... Te moques pas de moi comme ça, je vais être obligé de disparaître sinon." Répondit Milo, affichant une mine triste.

La jeune femme le regarda choquée, avant de s'exclamer :

"Tu dois retourner de là où tu viens si je me moque ? C'est horrible, je suis désolée je ne ferais plus ça."

"Rohane, là c'est moi qui me moque de toi, ne paniques pas comme ça." Répliqua l'entité, mi amusée mi désolée.

La rousse le fusilla du regard.

"T'es pas drôle Milo." Dit-elle en le regardant froidement.

Cela fît rire le jeune homme. Rohane, elle, était rouge d'embarras.

Cette dernière, épuisée de sa journée, s'avança vers Milo et s'écroula dans le lit à ses côtés.

"Dure journée ?" La questionna l'entité.

"T'as même pas idée, si j'avais pu dormir tout l'après-midi je l'aurai fait." Lui répondit Rohane en soufflant.

Milo prit le plaid et le tendît à Rohane.

"Tiens reposes toi si t'es aussi fatiguée !

- Haha non ne t'en fais pas ! Je me suis juste énormément ennuyée. Puis j'avais un peu hâte de rentrer à la maison je t'avoue..." Souffla la jeune femme.

"Je paris que tu avais hâte de rentrer pour me voir."Glissa l'entité en rigolant.

"T'es perspicace, c'est pas faux." Souria Rohane dans un murmure.

Milo lui lança un regard fier tout en se pavanant, heureux d'avoir reçu un compliment. Ce qui fît beaucoup rire la demoiselle à ses côtés.

Ils continuaient à discuter et à rigoler chaleureusement pendant un bon moment. Cela faisait certes énormément de bien à Rohane, mais cela en faisait tout autant à Milo.

Ce dernier avait pourtant l'air ailleurs, ce que la rousse ne manqua pas de remarquer. Elle prit un air un peu plus sérieux avant de lui demander :

"Milo t'as l'air perdu dans ton monde là, tu voudrais pas me raconter d'où tu viens qu'on y soit perdus ensemble ?"

Le jeune homme retrouva le temps d'un instant son sourire espiègle. Puis répondit d'un ton plus sérieux.

"J'aime beaucoup ta façon d'assembler les mots Rohane. Cependant, là n'est pas le sujet. A vrai dire je n'aime pas vraiment parler de ça. Mais bon c'est toi donc je peux faire une exception. Si tu veux tout savoir depuis le début, je suis mort en 1944. Si tu relis la date à l'Histoire je pense que tu vois où je veux en venir. J'ai été au mauvais endroit au mauvais moment et quand tu es juif, une telle erreur est impardonnable à cette époque là. C'est comme ça qu'à peine majeur je me suis retrouvé à des kilomètres de ma famille, dans un camp en Pologne. J'ai envie de te dire bien que ce soit horrible, que j'aurai préféré arriver dans de mauvaises conditions physiques afin que l'on me tue sur le champ. Cela n'a pas été mon cas, on m'a quasi immédiatement mis au travail. Et tu sais quoi ? Le plus horrible c'était même pas d'être traité comme un esclave, comme un moins que rien ou encore de travailler jour et nuit à n'en plus pouvoir. Non. Le pire c'était d'espérer. Je continuais à avoir espoir Chaque jour qui passait un petit peu moins mais j'ai toujours eu cette lueur en moi qui pensait qu'un jour je sortirai de cet enfer. Que je reverrai ma famille, mon petit frère... Mais il n'en était rien. La seule chose que j'ai connue a été une mort lente et douloureuse. L'accumulation d'épuisement, de travail et de maladies, surtout quand tu côtoies des cadavres quotidiennement n'a fait que finaliser le processus. Au final c'est triste. Si j'étais resté fort un an, juste un an de plus je serai rentré en vie. Après peut-être que c'est pas plus mal comme ça. Je ne sais pas si ma famille a survécu ou pas, je pense que rentrer et me rendre compte qu'ils ne sont plus là, voire probablement décédés aurait été bien pire que ma mort." Milo baissa les yeux pour éviter le regard choqué et embué de larmes de Rohane. Cette dernière bien que chamboulée, se ressaisit, prit la main gelée de Milo avant de répondre avec toute la bienveillance du monde.

" Je vois bien que raconter cette histoire t'as coûté beaucoup et je te remercie de l'avoir partagée avec moi. Tu sais, ton monde n'a certainement pas été des plus agréables mais ici il fait bon vivre désormais. Partageons mon monde Milo. Sans effacer le tien bien entendu. On portera les bons moments de ton monde dans nos cœurs, qu'ils continuent à vivre encore et encore dans celui-ci. Tu vas peut-être trouver ça débile comme proposition, mais jamais je ne laisserai ton histoire disparaître. Je te le promets."

Milo releva la tête et une larme coula sur sa joue, puis une deuxième. S'en suivit d'un torrent de larmes au moment où il décida de prendre Rohane dans ses bras qui lui rendit son étreinte instantanément. C'est alors que cette dernière eut une idée, mais elle devait être subtile dans ses propos.

"Eh Milo, t'avais l'air très proche de ton frère, tu voudrais bien me parler de lui s'il te plait ?" Demanda-t-elle.

L'entité acquiesça en essuyant ses larmes.

"Je savais même pas que je pouvais pleurer, c'est bizarre comme sensation. Mon frère s'appelait Archie. On passait beaucoup de temps ensemble malgré notre grand écart d'âge. Il adorait les glaces à la framboise, les petits chiens et les cerfs-volants. Il m'appelait toujours pour que je monte dans les arbres les décoincer d'ailleurs. Il n'avait que 7 ans quand j'ai disparu. J'espère de tout cœur qu'il n'a pas pensé que je l'avais abandonné. Les gens nous disaient toujours que nous n'avions pas l'air frères. Ils avaient raison, malgré notre lien de parenté on ne se ressemblait pas du tout. Lui il était plutôt très blond, les yeux gris... Tu vois le genre. Alors que moi bah comme tu peux le voir, cheveux bruns et yeux verts. Si tu savais à quel point Archie me manque Rohane." Milo soupira.

"Tu dois énormément lui manquer aussi. Où qu'il soit vous veillerez toujours l'un sur l'autre, vous avez un lien très fort. Je suis certaine qu'actuellement il est en train de penser à toi." Lui dit Rohane.

"Vous habitiez en France ?" Enchaîna-elle.

Milo lui sourit avant de répondre :

"Oui, on vient de Bassens. Tu dois connaître, il me semble que nous ne sommes pas si loin."

Rohane ouvrit de grands yeux, surprise.

"Oui ! C'est vraiment juste à côté !"

Le jeune homme lui sourit.

"Comme quoi nous étions presque prédestinés à nous rencontrer." Ajouta-t-il en lâchant un bref sourire auquel Rohane répondit.

"C'est vrai. Eh Milo je te fais des gaufres pour te remonter le moral ?" Demanda-t-elle.

Ce à quoi l'entité s'empressa d'hocher vigoureusement de la tête pour montrer son approbation.

Rohane prenant son rôle très à cœur se précipita dans les escaliers et se jeta dans la cuisine sous le regard surpris de sa mère. Elles échangèrent quelques banalités pendant que Rohane cuisinait. Une fois ses gaufres prêtes, elle embrassa sa mère sur la joue et remonta, une assiette pleine de gaufres garnies de pâte à tartiner et de chantilly dans les mains.

Milo écarquilla les yeux en la voyant arriver. A peine l'assiette posée qu'il se précipita dessus. Ils passèrent une soirée plutôt agréable. Rohane était heureuse d'en avoir appris davantage sur son ami.