Chapitre 21
Le lendemain matin, Rohane se leva avec une excitation difficile à contenir. La nuit avait été courte, son esprit rempli d'enthousiasme pour la prochaine étape de sa mission. Elle avait déjà pris son petit déjeuner lorsqu'elle se rendît compte de son retard. Elle n'avait plus été en cours très régulièrement ces derniers temps et ça se ressentait. La jeune femme se précipita dehors en lâchant un rapide "salut" à Cloud et Milo et, d'une démarche mi pressée mi nonchalente, se rendît à l'unviersité.
La journée promettait d'être longue pensait-elle. Mais la hâte d'appeler la maison de retraite où se trouvait Archie l'encourageait à essayer de passer le temps aussi vite que possible. Elle prit place au fond de la salle, essayant de ne pas se faire remarquer, le cours venant de commencer, mais sa tentative fût vaine et le professeur la fusilla du regard.
"Plus que quelques mois" se rassura-elle mentalement, les regards braqués sur elle. Gênée d'avoir attiré l'attention, elle sortit ses affaires le visage rouge en se cachant du mieux qu'elle pouvait derrière ses mèches rousses. C'est vrai que Rohane détestait être le centre de l'attention. Petite déjà, elle préférait passer ses récréations à dessiner avec des craies dans la cour que de jouer à chat avec ses camarades. Elle a toujours eu cette appréhension des autres et de l'inconnu et bien évidemment cela s'est accentué au collège. Tout le monde sait que les collégiens sont impitoyables entre eux, surtout avec les personnes légèrement différentes comme Rohane.
Elle a toujours été bonne élève ce qui attisait la jalousie. Elle préférait dessiner dans les coins de ses livres que de discuter avec les autres pour passer l'ennui, ce que les autres trouvaient "bizarre" : quelle ado de 14 ans ne préférerait pas discuter de tout et de rien avec ses copines plutôt que de rester dans son coin à dessiner ?
Enfin bref, Rohane détestait attirer les regards, elle aimait son intimité et son calme et avec tout ce qui se passait dans sa vie actuellement, elle se sentait légèrement sortie de sa zone de confort.
Elle sortit un crayon et une feuille et se mît à griffonner dessus maussade, essayant de suivre tant bien que mal le cours.
La matinée passa lentement, le temps de midi lui sembla durer une éternité et tenir l'après-midi fût un supplice mais elle survécut, et c'est à nouveau survoltée comme à son réveil qu'elle se précipita hors de l'université pour trouver un coin au calme afin d'appeler la maison de retraite sans éveiller les soupçons de Milo.
Elle trouva l'endroit parfait au fond d'un petit parc très peu fréquenté dans ces heures-ci et composa le numéro, le cœur battant. A la première sonnerie, elle se répéta son texte mentalement. A la deuxième, elle se dit que finalement ce n'était peut être pas une bonne idée et qu'elle devrait attendre la réouverture. A la troisième, elle hésitait à raccrocher.
Elle n'eût pas le temps d'entendre la quatrième car la voix de la réceptionniste retentît :
"Résidence du Soleil, que puis-je faire pour vous ?"
Rohane sursauta et, prise de panique, sembla oublier tout le texte qu'elle avait mentalement révisé toute la journée.
"Euh b-bonjour madame. Je vous appelle pour un euh renseignement s'il vous plaît." Bégaya-elle, désorientée.
La femme à l'autre bout du fil sembla sourire et c'est avec une grande douceur dans sa voix qu'elle répondit.
"Oui bien sûr, je vous écoute, comment puis-je vous aider ?
- Oh euh... J'aurai aimé avoir des renseignements sur la date de réouverture au public. Avez-vous déjà une idée de quand je pourrais venir sur place ou non ?" Articula la rousse, toujours un peu stressée.
"Je ne suis vraiment pas sûre, Nous espérons pouvoir rouvrir fin de la semaine prochaine mais tout est encore assez incertain pour ne rien vous cacher." Répondit la réceptionniste, embêtée de ne pas avoir de réponse plus précise.
"Je comprends, il n'y a aucun problème. Y a t-il une autre possibilité que vous avez appelez pour savoir quand vous réouvrirez ? Je n'aimerai pas vous harceler d'appels..." Lui dit Rohane.
"Oui bien sûr" répondit la secrétaire en se retenant de rire. "Vous pouvez consulter notre site si vous le souhaitez, nous mettons régulièrement en ligne toutes les informations importantes." Finit-elle.
Rohane la remercia longuement avant de raccrocher. Elle savait pertinemment qu'elle allait passer ses prochains jours à rafraîchir la page du site de la résidence... mais elle savait également qu'elle devrait être prudente afin que Milo n'y voit que du feu. Elle souhaitait tout de même conserver l'effet de surprise le plus longtemps possible.
En rentrant, Rohane avait le sourire collé aux lèvres, elle se rapprochait de son but et était, pour une fois, assez fière d'elle-même. Elle eût à peine le temps d'ôter ses chaussures en entrant chez elle que Cloud s'allongea à ses pieds, heureux de revoir sa maîtresse. Il se roula sur le dos et la jeune femme se pencha pour lui faire quelques caresses. En relevant la tête, elle vît Milo, penché par-dessus la balustrade de ses escaliers qui la regardait.
Sa mère étant dans la pièce à côté, la rousse se contenta de lui offrir un sourire et un signe de main avant de se relever et d'aller saluer Hélène. C'est seulement après avoir échangé brièvement avec elle qu'elle se redirigea vers les escaliers où Milo l'attendait toujours afin de monter dans sa chambre.
Son sac jeté dans un coin de la pièce, elle se glissa dans son lit et s'assit en tailleur.
"Ma maman a fait des cookies, t'en veux ?" Demanda-elle à Milo la bouche déjà remplie de gâteaux, en lui tendant une boîte.
L'entité s'empara de la boîte, y plongea sa main et croqua dans le biscuit. Il écarquilla les yeux.
"C'est presque aussi bon que les gaufres ! Ta maman fait ça souvent ?" Lui demanda-il.
"Non." Répondit Rohane. "Elle a l'air encore très inquiète pour moi et est beaucoup plus présente à la maison depuis l'accident. Il lui arrive de travailler à la maison lorsqu'elle ne doit pas effectuer de visites. Elle est agente immobilière, je ne sais plus si je te l'avais déjà dit. Mais bref elle essaie d'être beaucoup plus présente pour moi, j'ai l'impression qu'elle s'en veut beaucoup de ne pas avoir remarqué avant et de ne pas avoir pu prendre ma défense avant que quelque chose de grave ne m'arrive. C'est pour ça qu'elle s'implique encore plus qu'avant et essaie de me faire plaisir. Je me fais du souci pour elle, je t'avoue." Finit Rohane, songeuse.
"Tu devrais lui en parler, Peut-être qu'elle s'inquièterait moins en voyant que tu te portes bien et que tu es là. Je veux dire, verbalement. J'ai l'impression que vous ne vous parlez pas vraiment. A mon avis, si vous partagiez plus de choses, tout irait mieux." Répliqua l'entité.
La jeune femme laissa tomber le haut de son corps et finit allongée, au milieu d'une multitude de coussins.
"Mmh tu as sûrement raison, j'essaierai de lui parler un peu plus pendant le repas pour la rassurer un minimum, merci." Lui répondit-elle en lui décochant un sourire.
Un peu plus tard, à l'heure du dîner, Rohane descendit de sa chambre et s'installa au bout de la table de la salle à manger. Sa mère, encore dans la cuisine, lui tournait le dos, le plat de gratin dans les mains.
La jeune femme attendit que sa mère la rejoigne, serve le repas et s'asseye avant de débuter la conversation.
"Maman, pourquoi est-ce que tu t'inquiètes toujours autant ? Je suis en sécurité maintenant." demanda-elle de but en blanc.
Sa mère laissa tomber sa fourchette de surprise et regarda sa fille le regard pensif.
"Parce que je ne me suis pas assez inquiétée quand il le fallait. Parce qu'à présent tout ce qui compte c'est te protéger et veiller à ce que tu te portes bien. Parce que je n'ai vu aucun signe en me noyant dans le travail. Parce que je culpabilise. Parce que je n'aurai pas dû te négliger. Tout simplement parce que je me rends compte de la valeur que tu as à mes yeux, même s'il a fallu un drame pour que je me réveille enfin." décocha-elle, sans quitter Rohane des yeux.
Ce fût le tour de la jeune femme d'être surprise. Elle n'avait pas forcément mesuré à quel point cette histoire avait touché sa mère, à quel point elle s'en voulait de ce qui s'était passé. Tout cette histoire était devenue si tabou qu'elle n'avait même pas essayé de comprendre le fin fond du problème.
Sans un mot, Rohane se leva et fît le tour de la table pour rejoindre sa mère, elle prit les mains de cette dernière, s'abaissa et la regarda avec un air doux et désolé.
"Je comprends ce que tu peux ressentir maman mais en aucun cas tu ne dois t'en vouloir par rapport à ce qui s'est passé. Ce n'est pas ta faute, ce n'est d'ailleurs la faute de personne tu sais ? Personne ne pouvait prévoir que ça allait arriver et la seule chose sur laquelle on devrait se concentrer maintenant c'est qu'on aille bien toutes les deux. Te voir inquiète à ce point, ça rend la chose oppressante, comme si le danger planait encore tu vois ? On devrait plus se concentrer sur le présent et faire des choses ensembles en se concentrant sur le positif ! Pourquoi ne pas se prendre un soir par semaine pour faire une activité ou regarder un film ?"
Hélène sourit à sa fille.
"Tu as raison, je ne devrais pas rendre la chose encore plus anormale qu'elle ne l'est déjà, ça plombe l'atmosphère c'est bien vrai... Je ferai attention mais promets moi une chose. Promets-moi de me parler la prochaine fois, même si j'espère qu'il n'y aura pas de prochaine."
C'est en lui souriant en retour que Rohane lui fît la promesse de lui parler à la moindre inconvénience. Elle était ravie de retrouver sa mère. Milo avait eu raison de la pousser à lui parler, elle lui en était reconnaissante.
"Que penses-tu de commencer ces soirées ensemble dès ce soir ? Un film ça te tente ?" Demanda Hélène, le visage déjà beaucoup moins marqué par toutes ses émotions négatives.
La jeune rousse acquiesça vigoureusement de la tête. Elle retourna à sa place et les deux femmes débutèrent leur repas. Le gratin était froid mais elles n'y accordaient pas grande importance. Elles s'étaient retrouvées et c'était le principal pour elles.
Blottie sous la couverture à côté de sa mère qui cherchait un film à mettre un peu plus tard dans la soirée, Rohane aperçut Milo descendre, curieux de ne pas voir son amie remonter. Il n'assistait jamais aux repas entre mère et fille, souhaitant leur laisser une part d'intimité. Il s'étonna de voir la jeune femme aux côtés de sa mère et lui adressa un sourire timide auquel Rohane répondit tout en lui montrant son pouce en l'air. L'entité remonta s'installer dans la chambre de son amie, lui prit un stylo et quelques feuilles de papier et se mît à écrire.
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