Chapitre Treize
Un nouveau chapitre... et une nouvelle couverture. Vous aimez ?
« Les Mackenzie font partie de la famille ».
Les mots de grand-mère se répètent dans mon esprit alors que les hectares de leur propriété défilent à la même vitesse. Lord Mackenzie est le cousin au deuxième degré de la Reine Mère. J'ai encore du boulot à rattraper pour retenir notre arbre généalogique, mais est-ce seulement possible ? Dans une famille dite « normale », on s'arrêterait aux membres les plus proches : les parents, grands-parents, oncles, tantes, cousins et cousines. Mais avec la famille royale, c'est autre chose. Il faut se rappeler tous les membres de la famille jusqu'au troisième degré, minimum. C'est un signe de respect, de coutume, de convention. Tout est question de convention au sein de cette institution, et je ne peux me permettre de déroger à la règle.
C'est entre autres pour ça qu'il y avait autant d'invités à mon bal d'anniversaire. Lord Mackenzie et sa famille y étaient d'ailleurs conviés et grand-mère m'a sûrement présentée à eux, mais je n'ai absolument aucun souvenir de cette rencontre. Trop de gens, trop de noms, trop d'informations. Mon esprit s'est focalisé sur un événement majeur qui s'est produit lors de cette fameuse soirée et que je ne peux me résoudre à mettre de côté. Même si je le voulais, il me serait difficile quand la personne au cœur de ce moment est juste devant moi, assis sur le siège passager à l'avant.
Quoi que j'aie pu dire, et même penser, je ne peux nier que je ressens quelque chose. Je ne me sens pas assez forte pour y mettre des mots. Pas tout de suite, pas tant que je n'aurais pas réglé certains problèmes. Cela devra attendre la fin de la première partie de cette tournée, peu avant les fêtes de fin d'année. Peut-être même toute la tournée, pour plus de sécurité pour ma santé mentale.
Note à moi-même : ne plus ouvrir de lettres sans en connaître l'expéditeur. Pareil pour les appels téléphoniques. Cela m'évitera les représailles de Philippe et les commentaires parfois un peu trop... disons moyenâgeux de grand-mère. Jusqu'ici, tout allait bien. Mais depuis notre discussion avec Toby, je suis un peu réticente à son égard. J'ai peur d'être jugée, de me retrouver en désaccord avec elle. C'est la première fois que cela nous arrive. En neuf mois, c'est plutôt pas mal.
Neuf mois. Ces neuf petits mois ont l'effet d'une claque, et je ne saurais pas dire pourquoi. Peut-être parce que j'ai l'impression que cela fait bien plus longtemps que je suis dans ce pays, dans cette famille ? Tout me paraît flou avant ces neuf derniers mois. Tout s'estompe, comme si je n'avais jamais existé jusqu'au moment où je suis entrée dans cette maison qui était la mienne avant, entourée d'un bon nombre de gardes. J'ai dû apprendre tout un tas de choses. Et je réapprends, chaque jour, à m'adapter à cette nouvelle vie. C'était mon choix. Mais, parfois, je ne peux m'empêcher de me demander si c'était le bon.
J'aurais très bien pu décider de ne rien accepter de tout ça, mais j'aurais été seule et pas plus avancée qu'avant. Cette famille et son mode de vie m'ont donné un but dans la vie que je n'avais pas auparavant. Il y a presque un an, je dérivais un peu malgré moi, sans savoir où allait, sans savoir ce que je voulais. J'attendais une illumination, je n'avais juste pas imaginé que ce serait aussi radical.
Parfois... Non, souvent, je me dis qu'une partie de moi savait. Une partie de mon âme, de mon cœur ou de ma tête. Elle savait, elle avait conscience, elle se doutait qu'une autre vie m'attendait.
— Deux minutes, mademoiselle, m'apprend la voix lointaine de Toby.
Je me ressaisis. Il ne serait pas convenable de paraître froide avec mes hôtes. Il pourrait se dire que la notoriété et le pouvoir se sont emparés de la jeune fille et qu'une princesse imbue de sa personne a pris sa place !
« Grand Dieu, j'espère ne jamais être comme ça. » pensé-je avec une grimace de dégoût. « J'espère ne jamais être aussi présomptueux que Philippe » ajoute cette voix dans ma tête.
« Ça suffit ! » s'exclame une autre, avant de reprendre : « Balance Philippe dans un trou noir et concentre-toi sur le moment présent » m'intime-t-elle de faire d'une voix stricte.
— Rappelez-moi les informations importantes sur Lord Mackzenzie, Anya.
— Bien sûr, mademoiselle, dit-elle en refermant son carnet. Lord Mackenzie est le cousin au deuxième degré de Sa Majesté, la Reine Mère, par son père. Il est le huitième marquis de Finley et il fait partie des nobles les plus riches du pays. Il est très influent.
Très influent. Traduction ? Je dois le charmer. Bien que la succession soit héréditaire, je sais que certaines personnes préfèrent Philippe. Je l'ai lu, dans un de mes moments de doute où je me suis encore perdue sur les sites des plus grands journaux du pays. Certains ne tarissent pas d'éloges à mon égard, d'autres sont beaucoup plus sceptiques, voire virulents. Et particulièrement sans cœur.
— Il a deux enfants, une fille et un garçon. Jacques et Évelyne. Lady Mackenzie s'appelle Agatha, elle a une passion pour les papillons.
Grand-mère m'a dit qu'Agatha était particulièrement réceptive aux émotions. J'ignore comment cette information peut m'être utile, mais si elle a jugé bon de m'en parler, c'est qu'elle devait croire que ça pourrait me servir. Voulait-elle me dire que je devais faire attention à ce que je disais ? À garder la tête froide ? À ne pas me laisser submerger ?
Si Agatha est réceptive aux émotions et que son mari est quelqu'un d'influent, cela ne signifie rien de bon pour moi si je me montre... faible. Le monarque n'a plus autant de pouvoirs qu'avant, mes cours avec mademoiselle Stuart et mes discussions avec maman et grand-mère me l'ont bien fait comprendre. La presse, les nobles et le peuple sont trois des piliers qui soutiennent la monarchie.
J'étais déjà bien consciente que chacun des événements médiatisés auxquels je vais participer sont importants. Je n'avais pas conscience qu'une fois éloignée des micros et des caméras, je devais aussi convaincre mes hôtes.
Une pression énorme vient de s'abattre sur moi alors que la voiture ralentit et que je discerne par la vitre avant l'immense château en pierres rouges de Lord et Lady Mackenzie.
« Oh mon dieu » s'exclame une voix intérieure totalement terrifiée, « et si en sortant je me mettais à vomir sur les chaussures de Lady Mackenzie ? Et si je m'écroulais ici, sur le siège arrière ? »
Alors que mon cœur s'emballe et que mes yeux s'agitent dans tous les sens, ces derniers croisent le regard de Toby à travers le miroir du pare-soleil et s'y ancrent en un instant. Son calme à toute épreuve arrive, sans que je ne comprenne comment, à se transférer dans mon propre corps.
Je ferme ensuite les yeux et prends une profonde respiration alors que la voiture s'arrête pour de bon. Une voix rassurante dans ma tête me murmure des paroles réconfortantes tandis que mes deux gars du corps et Anya sortent de la voiture presque d'un même geste.
Tout ce que j'ai à faire, c'est d'être moi-même. Si cela ne suffisait pas, maman, papa ou encore grand-mère n'aurait certainement pas approuvé ma décision d'intégrer officiellement la ligne de succession. Si je n'étais pas à la hauteur, il est évident que quelqu'un me l'aurait dit.
Je détache ma ceinture alors que ma portière s'ouvre. La clarté du soleil m'éblouit quelque peu, en ayant été protégée tout le trajet grâce aux vitres teintées. Il me faut plusieurs clignements d'yeux pour m'adapter à la luminosité avant de sortir. Je ne voulais pas risquer d'être désorientée devant mes hôtes.
Ces derniers sont alignés les uns après les autres, au nombre de quatre. À quelques mètres d'eux se tiennent, dans une même ligne rigoureuse, plusieurs membres de leurs personnels à qui j'adresse un sourire. J'effectue ensuite les quelques pas de Lord Mackenzie dont la barbe rousse parfaitement taillée, la carrure d'un rugbyman et les yeux bleus me paraissent familières. Il ne fait nul doute que cette sensation me provient du bal. Lord Mackenzie, si imposant lorsque j'arrive à sa hauteur m'adresse un sourire et m'attrape la main lorsque je la lui tends avant de baisser la tête en signe de respect. Le bougre doit faire une tête et demie de plus que moi et pourrait me briser la nuque en l'espace d'un instant sans que mes gardes du corps puissent faire un geste pour l'en arrêter.
— Votre Altesse Royale, c'est un honneur de vous accueillir dans notre demeure.
— Merci de m'accueillir chez vous, Lord Mackenzie. J'espère que grand-mère ne vous a pas trop forcé la main, ajouté-je sur le ton de la plaisanterie.
— Bien sûr que non ! s'offusque-t-il avec surprise. C'est un véritable honneur de vous avoir chez nous.
Ma petite pointe d'humour n'a pas fonctionné. J'ignore si Lord Mackenzie a un balai dans le... enfin, s'il est plutôt coincé ou bien si la mention de grand-mère qui lui a fait peur. Il est évident que c'est une hypothèse plausible. Grand-mère a une telle présence et connaissance du monde qu'elle inspire le respect en entrant simplement dans une pièce. De plus, Lord Mackenzie doit avoir une vingtaine voire une trentaine d'années en moins qu'elle. J'ai bien compris que le respect des aînés était une notion très importante au sein de la royauté.
C'est grand-mère qui me l'a fait comprendre, bien évidemment.
— Vous vous souvenez peut-être de ma femme, Lady Mackenzie ? poursuit-il une fois le choc passé.
Je me tourne vers cette dernière et, remarquant sa robe, je dois me retenir de lâcher un « oh » d'amusement. Des papillons de toutes les couleurs virevoltent dans tous les sens sur le tissu qui la couvre des épaules jusqu'à mi-genou. Si j'oublie sa passion, il me suffira de la regarder pour m'en rappeler.
— Oui, je me souviens de Lady Mackenzie, je mens avec un sourire. Agatha, n'est-ce pas ?
— Oui, Votre Altesse Royale, répond-elle en effectuant une révérence. Et voici nos deux enfants que vous avez pu brièvement rencontrer au bal, Jacques et Évelyne.
L'adolescent de dix-sept ans et la cadette de treize ans me saluent à la manière de leurs parents. Durant cette brève seconde, je me surprends à me rappeler de leur âge. D'où est-ce que je tiens ces informations ? Anya me les aurait données dans la voiture ? Je n'en ai pourtant pas le souvenir.
Les présentations durent quelques minutes avant que Lord Mackenzie nous invite à entrer dans son impressionnante demeure aux 24 chambres et presque autant de salles de bain. Arrivés dans le hall, toujours suivie par mes deux gardes du corps, Lord Mackenzie et ses deux enfants se retirent.
— Je vais vous montrer votre chambre, mademoiselle. Si vous n'êtes pas trop fatiguée par le voyage, j'ai pensé que nous pourrions prendre le goûter dans le jardin afin de profiter des derniers jours de l'été.
— C'est une excellente idée, Lady Mackenzie, approuvé-je avec une joie non-dissimulée, cela me fera du bien après les deux heures que je viens de passer dans ce train.
Un large sourire naît sur le visage déjà radieux de Lady Mackenzie avant que cette dernière m'invite, d'un geste de la main, à rejoindre l'état supérieur de la maison.
La crise d'angoisse qui a failli me submerger il y a à peine cinq minutes ne semble plus qu'être un lointain souvenir. J'ai tout laissé dans cette voiture et je me suis laissée envahir par le bonheur de cette famille qui a l'air si heureux de me recevoir. C'est ça qui me plaît le plus dans cette « aventure » : les rencontres et le partage. J'ai envie de m'imprégner de tout cela. Après avoir eu une centaine d'heures de cours d'Histoire avec mademoiselle Stuart sur le passé de ce pays, j'ai besoin d'apprendre à connaître son présent. Et quelle meilleure façon que d'aller à la rencontre de ses habitants ?
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