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23

Adélaïde

Nous nous sommes séparés peu après quatorze heures en deux groupes : les hommes d'un côté, les femmes de l'autre. À lancer une idée dans la précipitation, j'en ai oublié quelques points importants comme mon accoutrement. Si je n'ai eu d'autres choix que d'utiliser mes vêtements de lycéenne ordinaire ces deux dernières semaines, je ne peux tout de même pas me permettre de me dîner en jeans et en t-shirt de rock avec toute la famille réunie. Ils seront probablement tous sur leur trente-et-un et je suis étonnée que ma mère ne m'ait pas fait elle-même la réflexion. S'attendait-elle vraiment à ce que je débarque dans mes vêtements habituels ?

— Il doit sûrement rester quelques vêtements que je portais lorsque j'avais ton âge. Pas tous, mais au moins mes robes préférées. Cela fait une éternité que je ne suis pas allée dans mon ancienne chambre. Personne ne l'occupe d'ailleurs, ce sont des appartements que nous devons rénover, mais nous n'avons jamais vraiment trouvé le temps d'y réfléchir.

Nous montons plusieurs marches pour atteindre le quatrième étage, celui juste en dessous du grenier d'après les explications que me donne Lilianna, entre deux commentaires nostalgiques de notre mère.

— Je crois qu'on doit faire la même taille. Enfin, je faisais la même taille que toi. Quoiqu'à bien y penser, je devais avoir quelques kilos en plus que toi.

À la voir ainsi, les mots s'envolant de sa bouche à une vitesse hallucinante et le pas pressé, il me paraît évident que le stress commence à l'envahir. D'un côté, je me sens moins seule, de l'autre, son anxiété ne fait qu'accentuer la mienne.

Nous atteignons ce qui me paraît être une chambre. Seul le lit m'en a donné une indication, car les autres meubles sont couverts de draps blancs.

— Et ça fait combien de temps que ces pièces sont inoccupées ? questionné-je notre mère, peu convaincue.

— Une vingtaine d'années, me répond-elle.

— Donc, il y a des vêtements d'une vingtaine d'années, quelque part dans cette pièce. Et tu crois qu'ils seront toujours en bon état ?

— Bien sûr, la gouvernante s'assure de les rafraîchir plusieurs fois par an.

— Évidemment, où avais-je la tête ? lui accordé-je d'une voix légèrement ironique.

Elle attrape l'un des voiles protégeant un meuble qui se révèle être la penderie. Elle l'ouvre sans attendre et fait glisser les tringles sur la barre en métal. Je m'approche timidement de quelques pas, jetant un œil aux vêtements que je vois passer avant d'être éjectés d'un geste de sa main.

— Tu as une couleur de préférence ? m'interroge-t-elle. Le mieux, ce serait quelque chose d'assez classique, mais pas trop bouffant. La plupart des robes que j'ai gardées proviennent de bal ou d'événements importants. Je ne voudrais pas que tu te sentes trop dépareillée par rapport aux autres membres de la famille. Si tu portes tes vêtements, tu seras bien trop décontractée et si j'utilise l'une de ces robes, tu seras bien trop sur ton trente-et-un.

— Je n'avais pas pensé à tous ces détails lorsque j'ai proposé cette folle idée, m'excusé-je à moitié.

— Nous non plus, me rassure-t-elle, nous étions tellement emballés que l'organisation et les détails nous sont sortis de la tête. J'espère que Madame Millet ne nous a pas fait une crise cardiaque lorsque mon secrétaire particulier lui a annoncé ce changement de programme, s'imagine-t-elle la seule en lâchant un rire.

— Oh, pourquoi pas celle-là, maman ? intervient Lilianna.

Ma jeune sœur nous bouscule légèrement avant d'attraper le pan d'une robe bleu clair.

— Tu as l'œil Lili, lui gratifie-t-elle.

Notre mère s'empare du cintre avant d'extirper la robe de la penderie. Elle la regarde ensuite sous toutes les coutures, ce qui me permet également de l'observer. Elle est assez « simple », c'est vrai. Pas trop tape-à-l'œil. Ce n'est pas vraiment mon look habituel, look qui, je le sais, devra changer au fil des semaines, des mois, mais ça pourrait convenir pour ce dîner. Je trouve même les fines broderies sur le col plutôt jolies.

— Je vais immédiatement l'apporter pour la nettoyer afin que tu puisses l'essayer le plus vite possible.

— Et si elle ne me va pas ? m'inquiété-je.

— Dans ce cas, on jettera un œil à tes vêtements pour trouver quelque chose qui pourrait convenir. Le tout, c'est d'éviter tous les t-shirts à l'effigie de vieux groupes de rock, ce ne sera pas du tout au goût de votre grand-mère, vous pouvez me croire. Et quelle est ta pointure ?

— Euh... Du trente-huit ou du trente-neuf, ça dépend des magasins.

— Lili, se tourne-t-elle vers elle avec un large sourire. Tu as ma permission pour aller dans ma chambre et trouver des chaussures qui conviennent à ta sœur. Vous devriez y aller tout de suite, je vous rejoindrai lorsque je me serai occupée de cette robe.

Je n'ai pas le temps de réagir que la main de Lili attrape la mienne et nous nous retrouvons la seconde d'après dans le couloir du quatrième étage.

— J'imagine que quand elle parle de chaussures, ça sous-entend des talons...

— Tu voulais porter quoi ?

— Sûrement rien de très approprié à une robe de cette classe, je réponds avec une moue triste.

— Tu vas voir, tu vas adorer la collection de chaussures de maman.

— Je ne mets jamais de talons.

— Oh, mais ils sont tous petits, tente-t-elle de me rassurer.

Nous nous retrouvons dans une autre chambre après quelques minutes, beaucoup plus grande et lumineuse que la précédente. La chambre des parents... C'est un sentiment étrange de me retrouver là pour la première fois. J'aurai bien pris le temps pour détailler l'endroit, mais Lilianna est tenace et m'emmène déjà dans une plus « petite » pièce en passant par une porte que je n'avais pas remarquée. Je découvre, sous mes yeux ébahis, le dressing de la reine, trois fois plus grand que mon ancienne chambre de lycéenne française. Des dizaines, peut-être même des centaines, de robes sont disposées par couleur sur des barres métalliques. Un véritable arc-en-ciel de textile, mais aussi de chaussures, de sacs et chapeaux en tous genres. Certains me paraissent extravagants, mais encore une fois je n'ai pas le temps de m'en faire l'admiration ou l'observation que ma toute nouvelle sœur me pousse vers des chaussures. Elles sont très classiques, presque simplistes, et je suis rassurée de voir que Lilianna ne m'avait pas menti sur la hauteur des dits-talons. Ils ne doivent pas faire plus de trois ou quatre centimètres, sans oublier que ce ne sont pas des aiguilles, donc j'ai moins de chance de rétamer sur le sol. Je touche discrètement la planche en bois, préférant éviter que mes mots ne puissent me porter préjudice.

— Assieds-toi, m'ordonne-t-elle gentiment.

Je prends place sans attendre sur la banquette centrale avant qu'elle ne me présente une paire de chaussures qui a très exactement la même teinte que la robe.

— Tu as vraiment l'œil, je lui fais également remarquer.

— C'est une partie importante.

— Les vêtements ?

— Oui. Il y a pas mal de règles.

— Oui, je crois que j'avais compris. Je sais que je vais devoir éviter de porter mes t-shirts en public. Ou mes baskets...

Je les enlève justement, à peu triste à l'idée de devoir m'en séparer pour quelques heures. C'est comme si, en enfilant les chaussures que me propose ma sœur, j'entrais un peu plus dans cette vie.

— Maintenant, il faut te lever, m'indique-t-elle avec un sourire amusé.

— C'est moi ou tu es déjà en train de rire ?

— Bien sûr que non, me contredit-elle d'un air angélique.

— Tu n'es pas très bonne comme menteuse...

Je prends mon courage à deux mains et me redresse. Je me sens un peu déboussolée les premières secondes avant de retrouver mon équilibre.

— Trop grandes ? Trop petites ? m'interroge-t-elle.

— Trop différentes de ce que je porte d'habitude.

— Tu devrais marcher.

— Tu meurs d'envie de me voir tomber la tête la première ! je plaisante.

— Bien sûr que non ! s'exclame-t-elle d'une petite voix choquée. Je crois que tu devrais attendre le dîner, ça fera une sacrée entrée.

— Je crois que la nouvelle sera suffisamment surprenante comme ça.

— Comment avait réagi oncle Ernest en te voyant ? me questionne-t-elle.

— Avec beaucoup d'émotion. Il a fini par se retrouver face à moi, à genoux, pleurant à chaudes larmes.

— Mais pourquoi est-ce le seul a avoir été mis au courant ? Et à t'avoir vu avant moi ?

La bouche un peu ouverte, les sourcils levés, je mets du temps avant de trouver les mots adéquats. Je décide même de ne pas lui répondre, partant plutôt à la pêche aux informations, au risque de dire quelque chose que je n'aurais pas dû.

— Qu'est-ce qu'on t'a dit sur mon enlèvement ?

Ma petite sœur, qui paraît d'ailleurs un peu plus petite depuis que j'ai enfilé ces talons, me regarde d'un air étrange. Elle a saisi que je lui cachais quelque chose et s'installe sur la banquette que j'ai quittée, prête à entendre les informations.

— Tu avais environ sept mois et l'ancien chef de la sécurité est l'un des responsables.

J'ai un peu du mal avec la manière dont elle me parle. J'ai l'impression d'avoir une discussion avec une jeune femme et non une jeune fille de douze ans. Faire partie d'une telle famille, avoir une éducation plus poussée, ça doit également jouer sur le vocabulaire et la façon de tourner ses phrases. Ce serait surprenant de l'entendre dire « merde », par exemple. Est-ce que les enfants royaux grandissent plus vite ? Ont-ils une maturité plus avancée que les autres enfants de leur âge ? Cette façon de parler me donne cette sensation en tout cas et c'est certainement pour ça que je décide de lui donner ce qu'elle veut.

— Est-ce que tu sais qu'oncle Ernest avait été pris en otage quelques mois auparavant ?

— Oui, je le savais.

— Les personnes qui m'ont enlevée... et qui m'ont fait croire qu'ils étaient mes parents ont tous deux perdu une personne dans l'intervention qui a sauvé notre oncle.

— Alors, c'était une vengeance ? assimile-t-elle l'information avec écœurement.

— Oui... Et c'est pour ça que j'ai rencontré Ernest en premier. Ça faisait seize ans qu'il se sentait responsable de tout ça. Je ne savais pas si j'allais rester ici, mais je crois que je lui devais bien ça.

— Je suis contente que tu restes.

— Moi aussi, je suis contente.

— Est-ce que tu as beaucoup hésité ?

— Ce serait mentir que de dire non. J'ai pesé les pour et les contre pendant des jours... Et c'était un peu inutile. Au fond de moi, je savais que j'allais rester.

— Ah bon ? Pourquoi ?

— C'est ici qu'est ma place et qu'elle l'a toujours été. Si on ne m'avait pas kidnappée et menti toutes ces années, c'est ici que j'aurais dû être. Alors, c'est ici que je reste.

— Ici ? Tu parles de palais ou du parquet dans lequel tu es en train de prendre racine ?

— Non, mais ! Respecte un peu ta sœur aînée.

— Sinon ?

— Sinon, je vais découvrir si tu es chatouilleuse ou non !

Lilianna se lève et se recule de quelques pas.

— Il faudrait déjà que tu arrives à m'attraper, me taquine-t-elle.

— Pari tenu.

Je lui lance un regard bien déterminé avant de faire un pas, puis un second. Finalement, ce n'est pas si compliqué pour une première expérience. Évidemment, cela aurait pris une tout autre tournure si les talons avaient été plus hauts et plus pointus.

— En fait, c'est facile.

— Tu diras par ça quand tu devras te mettre à courir, rétorque-t-elle d'un rire.

Je lui adresse une moue boudeuse avant de m'approcher plus rapidement d'elle. Lilianna n'a pas le temps de rejoindre la porte que je l'ai déjà attrapée par la taille. Je trouve ses points sensibles avec une rapidité qui la désarçonne.

— Arrête, dit-elle entre deux souffles, hilare.

— Seulement si tu me promets d'être gentille.

— Mais je suis toujours gentille ! proteste-t-elle.

Je n'ai pas le temps de répliquer que nous sommes interrompues par l'arrivée de la Reine. Surprise de nous voir dans une telle position, elle arque un sourcil. Au vu des deux dernières semaines, elle ne devait certainement pas s'attendre à me voir ainsi, à rire à gorge déployée.

— Et vous ne m'attendez même pas pour vous amuser ? se plaint-elle faussement.

— Nous avions fini notre repérage de chaussures...

— Et Lilianna se moquait de moi, ajouté-je aussitôt. Je ne pouvais tout de même pas la laisser faire.

— Tu te moquais déjà de ta sœur ? Tu ne perds vraiment pas de temps, Lili.

— C'est vous qui m'avez appris qu'on ne devait jamais remettre au lendemain ce que l'on pouvait faire le jour même, se défend la principale concernée. Je ne fais qu'appliquer les conseils de mes adorables parents.

— Bien, ton adorable mère te conseille donc d'aller dans ta chambre pour te préparer.

— Déjà ? Mais le repas n'est que dans trois heures ! Je voulais rester ici, avec vous et...

— Lili, nous te rejoindrons. Madame Cliver t'attend dans ta chambre. Je voulais attendre la semaine prochaine, mais tes nouvelles robes sont arrivées, alors autant en porter une pour ce soir.

— Ce n'est pas bien de me prendre par les sentiments !

Lilianna se dirige vers la porte avant de rebrousser chemin et de m'enlacer pendant quelques secondes. Je n'ai pas le temps de profiter de cette étreinte ou de refermer mes bras autour d'elle que, déjà, elle s'écarte, la tête baissée. Elle disparaît ensuite, me laissant un goût amer dans la bouche.

— Je dois t'avouer que je suis impressionnée par votre relation. Lilianna est quelqu'un de très chaleureuse, habituellement, mais je pensais qu'il vous faudrait plus de temps pour créer un lien. C'est un peu déroutant, merveilleusement déroutant. J'imagine qu'on s'attend toujours au pire, pour ne pas être déçue.

— Il y a toujours Philippe...

Je tente de plaisanter, mais c'est peine perdue. Le ton de ma voix démontre surtout que je suis inquiète à son propos. Encore plus maintenant que je l'ai rencontré, officiellement. Je retourne m'installer sur la banquette avant d'ôter mes nouvelles chaussures.

— Le temps finira par arranger les choses, il le fait toujours, m'indique-t-elle, pleine d'espoir.

— Oui, enfin, j'espère qu'il ne nous faudra pas seize ans pour améliorer notre relation.

Ma seconde tentative de plaisanterie échoue une nouvelle fois, lamentablement. Je n'y ai pas mis assez d'entrain et encore moins un sourire.

— Es-tu inquiète à propos du dîner de ce soir ?

— Comment ne pas l'être ? J'aurais peut-être dû réfléchir à deux fois avant de proposer cette idée, dis-je avec un rire. Mais ça se passera bien, n'est-ce pas ? Je veux dire, il n'y a pas de raisons pour que ça tourne mal.

— Tout se passera bien, me confirme-t-elle très sûre de ses propos. D'ailleurs, je pensais qu'Albert pourrait peut-être te donner un coup de pouce.

— Je vais avoir droit à ma première leçon sur le protocole ? je déduis avec appréhension.

— Oh non, pas aujourd'hui. Et certainement pas avec lui. Albert a beau se montrer très utile au quotidien, il n'est pas très pédagogue. Tu auras un professeur bien plus agréable que lui, ne t'en fais pas. Non, je pensais plutôt à notre arbre généalogique. Je sais que tu redoutes de retrouver en plein milieu de cette famille sans avoir retenu un seul prénom, hormis celui d'Ernest. Albert pourrait se cacher avec toi et te souffler les prénoms, une première fois, à chaque fois qu'un membre de la famille entrerait dans la salle à manger.

— C'est une bonne idée !

J'approuve d'un signe de tête, pas très joyeuse à l'idée de passer du temps avec un énergumène qui ne m'a pas fait bonne impression, mais soulagée d'avoir un peu d'aide dans un moment qui, je le sais, me mettra dans un état de stress très intense.

— J'ai peur qu'ils ne m'aiment pas.

J'ajoute ça sans avoir trop réfléchi, c'est sorti tout seul. J'ai besoin d'extérioriser mes impressions et mes angoisses. Je crois que c'est pour m'aider à apprivoiser les lieux et les personnes. Comprendre pour ne pas me sentir trop dépassée.

— Ils t'aiment tous déjà, ils t'ont toujours aimée. C'est ça, une famille.

Je ne le contredis pas, bien qu'une petite voix dans ma tête me susurre le prénom de mon jeune frère. Je la fais taire en me redressant, après avoir enfilé mes vieilles chaussures. Si je dois me déplacer, autant le faire le plus confortablement possible... et le plus longtemps aussi.

— Combien de temps nous reste-t-il ?

— Un peu moins de trois heures, me répond-elle après avoir jeté un coup d'œil à sa montre. Nous pouvons rejoindre Lili, si tu le souhaites. J'ai demandé à ce que l'on y fasse porter ta robe.

— Mais elle n'est pas seule. Elle est avec madame... Cliver, c'est ça ?

— Je te ferai rentrer par l'autre porte, une fois que je l'aurais fait sortie par la porte principale.

J'acquiesce et me redresse, ma nouvelle paire de chaussures en main. Nous rejoignons, dans un silence presque total, la chambre de Lilianna. Ma mère me fait rentrer dans la pièce d'à côté avant de m'ouvrir, quelques minutes plus tard, l'autre entrée de la pièce.

— Il faudra leur dire, je fais savoir. J'ai plus trop l'impression que ça serve à quelque chose que je doive me cacher ou prétendre être une autre personne, maintenant que j'ai décidé de rester.

— Je peux leur en faire l'annonce demain ou en début de semaine, me propose la cheffe de famille.

— Le plus tôt possible sera le mieux.

Je m'affale presque sur l'un des canapés de la chambre alors que Lilianna sort de ce qui me paraît être la salle de bain, vêtue d'une très belle robe bleu foncé.

— Oh ! s'exclame-t-elle. Vous avez fait fuir madame Cliver. Elle risque de commencer à se poser des questions.

— Et elle n'aurait pas à attendre très longtemps les réponses Lili. J'informerai le personnel de la nouvelle très rapidement.

— Et pour le pays ? la questionne Lili.

— Le Premier Ministre s'en chargera lundi après-midi, après avoir rencontré Adélaïde le matin même.

— D'ailleurs, comment est-il ?

J'ai sauté sur l'occasion, je préfère me préparer mentalement. Je n'ai pas envie d'avoir affaire à un nouvel Albert qui risquerait de me prendre de haut avec ses manières et sa connaissance. Il est évident que le Premier Ministre est quelqu'un avec beaucoup d'expérience et un cursus impressionnant derrière lui : après tout, il a atteint le plus haut poste. Je ne peux rivaliser avec lui sur ce terrain. Je ne peux rivaliser tout court, ce n'est pas vraiment le rôle d'une princesse.

— C'est quelqu'un de charmant, je crois que tu vas l'apprécier. Il demandait régulièrement de tes nouvelles à monsieur Sutton, pour ne pas dire tous les jours.

— Quel âge a-t-il ?

— Quarante-deux... Non, quarante-trois ans, rectifie-t-elle.

— Il est jeune ! Je ne sais pas pourquoi, je m'attendais à un vieillard.

Je fais rire ma mère et ma sœur avec mes suppositions.

— C'est vrai que la moyenne d'âge de tous les premiers, et premières, ministres réunis doit sûrement être supérieure à la cinquantaine. Il faut des exceptions à tout. Je crois que le peuple en a un peu marre des vieux grincheux qui ont une vision défraîchie de la société actuelle.

— Oh, maman, heureusement que personne ne t'a entendue !

Nous passons l'heure qui suit à parler du Premier Ministre, de la politique et d'autre chose. J'apprends que monsieur Terry Graham, le Premier Ministre, a trois enfants. Pratiquement du même âge que la fratrie qui est désormais la mienne. Peut-être est-ce la raison de l'attention qu'il me porte. Il a un fils du même âge que moi. Imaginer que quelqu'un ait pu le kidnapper et lui inventer une tout autre vie... ça pousse à la compassion. Ou alors, c'est dans sa nature. Si c'est le cas, il s'est trompé de métier. J'ai une image très pessimiste des politiciens, ça n'aide pas.

Nous sommes interrompus par l'arrivée de ma robe, lavée et fraîche pour l'occasion. L'heure restante nous permet de... ou, plutôt, leur permet de me chouchouter et de choisir avec grand soin un maquillage adéquat. Elles laissent tomber les cheveux, à ma demande. J'aimerais garder quelque chose de moi pour ce dîner... Même s'il s'agit d'une coiffure ordinaire et d'une qualité capillaire à faire pleurer n'importe quel coiffeur.

Nous retrouvons le Roi Robert ainsi qu'Albert dans la salle à manger, trente minutes avant le début des « festivités ». Je n'ai pas trop le temps de discuter avec ces hommes, hormis entendre un compliment de la part de mon père, que, déjà, Albert nous avertit de l'arrivée des premiers invités. Si le repas est servi à dix-huit heures tapantes, je ne pouvais pas m'attendre à ce que tous arrivent à cette heure précise. Nous nous faufilons, Albert et moi, dans le petit tunnel dissimulé derrière la peinture. Mon père la referme juste après, mais je remarque que l'autre ouverture laisse désormais entrer un peu de lumière. Le secrétaire particulier de la reine et à mes côtés, silencieux et attentif. Ses yeux sont braqués sur les petites fentes du tableau. Je fais de même et je ne dois pas attendre bien longtemps avant de découvrir les premiers arrivants. Enfin, la.

— Voici la Reine Lucie, me murmure calmement Albert. La mère de la Reine.

— Helen, s'adresse-t-elle à sa fille. Crois-tu qu'il soit très sage de faire venir ta vieille mère sans aucune information ? Que se passe-t-il enfin ? J'ai cru que quelque chose était arrivé aux enfants, ajoute-t-elle, soulagée.

— Nous allons bien grand-mère, assure Lilianna en l'embrassant sur la joue.

— La pauvre, je dis en soupirant, peut-être aurions-nous dû éviter de lui faire peur.

Je jette un bref regard à Albert, peu enclin à poursuivre une quelconque conversation avec moi. Ses traits sont fermés et son sourire, inexistant. Je décide de ne plus lui adresser la parole, sauf en cas d'extrême nécessité, telle une question pertinente sur l'un des membres de la famille. Ma famille.

Les minutes passent et les arrivées se font de moins en moins espacées, si bien que mon cerveau n'a pas le temps de retenir tous les prénoms et encore moins de les assimiler aux bonnes têtes. Nathaniel, Alice, Isabella, Emmett, Colin, Victoria, Léonie. Charles et Élise. Ce sont les seuls prénoms que j'ai retenus... Et j'ai du mal à me rappeler qui est qui. J'ai très bien cerné Victoria, car elle est arrivée juste après la Reine Lucie, comme l'avait prévu le roi. Charles et Élise ont également été faciles à retenir, car ce sont mes deux autres grands-parents. Quant à Emmett, je pensais l'avoir bien en tête, mais je peux me tromper et le confondre avec le mari de ma tante Sybil, dont j'ai aussi oublié le prénom. J'en aurais presque mal au crâne, mais j'abandonne assez vite ma leçon. Je sais que ça viendra avec le temps.

Oncle Ernest est le dernier à arriver, en compagnie de sa femme, Lady Eloïse, et leurs deux filles : Madeleine et Ava. Ma mère et lui échangent quelques mots, à l'oreille. La seconde d'après, Ernest lance un regard au tableau, derrière lequel je suis cachée, un sourire amusé aux lèvres. Il susurre ensuite quelque chose à son épouse qui dépose son regard au même endroit. Elle sait, j'en suis persuadée. Ma mère ne paraît pas contrariée, bien du contraire.

Les minutes passent et, bientôt, tous s'installent à table, la Reine à son bout. Deux chaises restent vacantes : celle de Sybil qui nous avait prévenus de son retard... et celle entre Lilianna et oncle Ernest, la mienne.

— Attendons-nous quelqu'un d'autre hormis Sybil ? s'étonne Victoria. Ou avez-vous oublié de retirer la chaise du petit Tim ?

— Non Vicky, lui répond mon père, nous n'avons rien oublié du tout.

— À qui est cette place alors ? poursuit-elle.

Je la vois froncer des sourcils tandis que ma mère, la Reine, se lève. D'un geste de la main, elle prie les membres de sa famille et de sa belle-famille de ne pas se lever. C'est du moins ce que j'imagine, car Charles, le père de mon père, s'apprêtait déjà à quitter sa chaise.

— Robert et moi tenions à tous vous remercier d'avoir pu faire le déplacement dans un aussi court laps de temps, prend-elle la parole. Nous savons que vous vous posez tous des questions et que certains ont été grandement inquiétés par cette invitation. Nous en sommes profondément désolés, mais, avant que l'annonce officielle soit faite, nous nous devions de prendre toutes les précautions nécessaires.

— Les précautions nécessaires pour quoi, Helen ?

Une voix masculine est intervenue, mais je n'ai pas été assez rapide ou attentive pour cerner l'individu en question. J'étais trop concentrée par les faits et gestes de ma mère pour analyser les visages de la vingtaine d'invités.

— Pour elle, répond-elle simplement.

Je n'ai pas le temps de réagir que, déjà, Albert à exercer une pression sur l'un des côtés du tableau. Je n'ai pas pu prendre une profonde respiration avant d'être à la vue de tout le monde. Je fais un pas à l'extérieur et puis un second. Timidement. Doucement. Précautionneusement. J'observe quelques visages. C'est surtout de l'incompréhension qui transparaît. Seules trois personnes transmettent une autre émotion. Oncle Ernest, bien évidemment, toujours avec un sourire en coin et très ému. Ensuite sa femme, Eloïse, qui affiche un large sourire en tenant la main de son mari. Et enfin, la Reine Lucie qui, par ses yeux écarquillés et ses lèvres tremblantes, me fait croire qu'elle a saisi toute la situation. Elle se redresse, un peu maladroitement tant les émotions sont fortes. C'est du moins ce que j'imagine.

— Adélaïde, lâche-t-elle sans y croire.

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