
Chapitre 1 : LGJ4
Mebbillion. Planète dont les habitants des deux hémisphères ne cessent de se quereller pour de vieilles histoires, encore et encore.
L'hémisphère nord compte cinq continents : Pauphia, l'île-prison de l'ouest, Paufeon, continent central divisé en deux parties avec l'embrumé Aerolox et le normalisé Sephos, Sivreon, continent de l'est contenant le sableux Qugari et l'inondé Ecura, Azoth, le continent forestier du sud, et pour finir DrekuenOmas, le continent isolé et glacé du nord.
En ce premier lundi du mois de septembre, c'est à Swuyn, petite ville du pays d'Irragin, à Sephos, que l'on y retrouve une maison campagnarde vieille d'au moins vingt ans. Du rez-de-chaussée au premier étage, montait un chat aux poils marrons lisses et au pelage luisant. De ses pattes délicates, l'animal poussa la porte qui menait à la chambre de son maître disparu et son amoureuse. Sur le lit, dormait une jeune fille de 15 ans, complètement ensevelie sous les draps.
Pomme-frite, de son nom complet, regarda la dormeuse avec un air lassé et leva la patte. Sans aucun remord, la femelle déposa ses empreintes sur la joue de la petite et la martela. Quelques coups plus tard l'humaine se mit à grincher :
- « Pomme-frite ... espèce d'oignon ... »
La chatte s'arrêta et se fâcha.
- « MIIAAAOOOOUUUUU !!!!!! »
Hurler dans les oreilles eut pour effet de complètement réveiller la jeune fille qui en sursauta. Le cœur battant, elle regarda la chatte de son grand-père d'un regard noir, chose que l'animal lui retourna avec audace.
- « Je ne vais pas m'excuser de t'avoir traiter d'oignon ... Tu as vu ta tête ? » lui tira-t-elle en plus la langue
L'animal feula, mais l'humaine n'en avait rien à faire. Les deux espèces se regardèrent avant de détourner la tête d'un mouvement sec. Personne ne voulait s'excuser.
Pomme-frite était une femelle de la race des malutty, chat à poils lisses marrons clairs dont la queue et le centre de la tête étaient orné de longs poils verts. C'était ça qui faisait penser à un oignon, d'après l'adolescente ; chose que l'animal n'acceptait guère comme un compliment.
La chatte descendit du lit et surveilla la petite-fille de son maître. La fille aux cheveux noirs quitta le lit à son tour, passa dans la salle de bain, se changea, puis regarda l'escalier qui menait au rez-de-chaussée.
Pomme-frite lui passa devant, dévala les marches et attendit gracieusement que l'humaine en fasse de même. Celle-ci soupira, et descendit les escaliers, pas à pas, aussi lentement qu'elle le pouvait. Marche après marche, elle finit par poser ses pieds sur les carreaux blancs au salon, au rez-de-chaussée. Elle respira un bon coup et appela :
- « Fosie ! Je suis prête ! »
Depuis l'embrasure située à côté des toilettes, une vieille femme apparut, un verre d'eau rempli à la main. Avec ses cheveux attachés en chignon où seules deux petites mèches encadraient librement son visage, elle portait un chemisier à carreaux roses avec des boutons fleuris blanc, ainsi qu'un pantalon croco noir.
Déjà munie de ses grandes bottes marrons, la grand-mère remonta ses lunettes pendantes au bout d'une chaîne sur son nez, avant de soupirer. Elle regarda sa petite-fille avec découragement, et ne put s'empêcher de constater ce spectacle désolant.
Le pull à carreaux marron-vert de grand-père Panthaléon un peu trop grand pour elle, un jean sûrement choisi au hasard, et des chaussettes noires. Sans compter ses cheveux à demi-coiffés qui lui tombaient plus qu'autre chose devant les yeux ...
- « Tu es vraiment obligée de porter ça ? » osa-t-elle même si elle semblait déjà connaître la réponse
- « Je suis vraiment obligée d'y aller ? » retournait sèchement la petite à qui l'idée de mettre autre chose ne semblait pas plaire
Fosie regarda alors Pomme-frite. Elle aurait pu avoir son soutien pour forcer sa petite-fille à se changer, mais quelque chose lui disait que le pull à carreaux allait lui faire défaut.
- « Elle t'a encore traité d'oignon ? » avança-t-elle au chat
L'animal miaula, s'indignant encore de devoir faire ce genre de tâche à son âge. Elle se dirigea vers le salon où l'attendait son repas, quant à Fosie, elle se résigna et avala son médicament.
Pendant que la petite-fille et la chatte partirent prendre leur petit-déjeuner, la grand-mère se dirigea vers la cuisine. En allant nettoyer son verre, ses yeux tombèrent sur un petit appareil posé sur le plan de travail. Elle le prit avec un grand sourire et se précipita vers le salon.
- « On en prend une ? » agitait-elle l'appareil photo instantané dans les airs
La petite brune et la petite marron sursautèrent et se retournèrent. Alors qu'elles prenaient du bon temps, la plus grande abandonna tout pour courir se cacher derrière l'un des fauteuils du salon, ne laissant apparaître que sa tête.
- « Tu sais très bien que je n'aime pas les photos ! » s'écria-t-elle
- « Oh allez ! On en prend seulement le jour du nouvel an, à la fête des grands-mères, le 13 août, le 8 août ... Je veux un souvenir de ce grand jour. » soutenu-t-elle
- « Grand jour, tu parles ! Tu m'obliges juste à aller au lycée. »
- « Ça te fera du bien de retourner à l'école. »
- « Je préfère les cours à domicile avec toi. »
- « ... Allez viens, on va juste en prendre une dans le jardin avec les plantes. »
Fosie insista et s'empressa d'attraper son petit pissenlit peureux avant qu'il ne s'envole et la poussa vers la baie vitrée du salon. Le passage ouvert, elles descendirent les trois marches de bois et se posèrent près du cabanon où résidaient déjà quelques verdures. Pomme-frite les suivit et attendit aux pieds de la plus âgée. La grand-mère la porta et se mit en place.
- « Dites tulipe ! » réjouissait-elle avant d'appuyer sur le bouton
En cet instant fatidique, elle avait beau laisser sa bonne humeur paraître comme d'habitude, Fosie ne pouvait s'empêcher d'être inquiète. Voilà à présent quatre ans qu'elle donnait des cours scolaires à sa petite-fille depuis sa demeure. Et bien qu'elle ait eu un peu de mal avec les maths, les tutos en ligne que Paul lui avait montrés l'avait bien dépannés.
Mais elle devait reconnaître que ses méthodes étaient un peu vieillottes. Elle s'inquiétait de l'avenir de sa petite fleur préférée mais était persuadée que cette nouvelle école serait bonne pour elle. Après tout, Mr.Criss-Angel et Hilfe avaient eux-même fait le déplacement jusqu'à chez elle pour en discuter et l'accepter parmi leurs nouveaux élèves. Oui, tout ira bien, elle en était persuadée.
La photo sortie du petit appareil, Fosie la regardait déjà avec nostalgie.
Traînant des pieds dans la maison, sa petite boudeuse retourna à la table où elle se mit à jouer avec la mandarine et le petit pain qui traînaient à côté de son bol. Elle finit par regarder l'horloge murale et s'exclama :
- « Oh ! Tu as vu ? C'est sûr, on va être en retard. » s'inquiéta-t-elle avec un ton faussement paniqué
- « Ne t'en fais pas, le rendez-vous a été déplacé d'une heure. Sans compter que j'ai avancé toutes les horloges de la maison. Oups ! Voilà maintenant que l'on a deux heures d'avance ... Allez mauvaise graine, termine de manger, va mettre tes chaussures et on y va. » rigola la moins jeune qui ne comptait pas se laisser faire par la mauvaise humeur
Sa petite-fille ronchonna à nouveau quand elle regarda ses chaussures. Dans ses baskets, jouaient déjà des shamizes. Petits insectes de la taille d'un petit pois, poilus et jaunes, ils adoraient la chaleur des chaussures ainsi que les vieux endroits. Leur présence fit esquisser un sourire à la plus jeune : encore une excuse pour prendre son temps. Après tout, ces bestioles émettaient de petites décharges électriques quand elles paniquaient.
Mais ça, s'était sans compté sur Pomme-frite qui eut la mauvaise idée de les chasser en poussant des miaulements menaçant. Les petits insectes s'illuminèrent davantage et partirent tous se cacher sous la porte des toilettes.
La brune perdit sons sourire pendant que la chatte la regardait de haut. Elle semblait s'en vanter. Avec son air d'oignon, la brune n'avait qu'une envie : mettre ce chat dehors. Mais elle aimait trop son grand-père pour faire cela ; chose dont Pomme-frite était consciente et semblait en tirait partie.
L'adolescente abandonna et termina de se préparer. A quinze ans, elle regarda une dernière fois le salon rempli des vieilles affaires de ses grands-parents avant d'attraper sa valise et un petit sachet transparent contenant sa mandarine et son petit pain. Elle franchit la porte, passa le portail d'entrée et se dirigea directement vers la voiture verte garée non loin de là. Elle ouvrit le coffre et y déposa tous ses bagages, sauf son sachet et un sac allongé, presque vide.
- « Tu as pris tout ce qu'il te fallait ? » demanda la vieille qui s'apprêtait à fermer la porte
- « Oui. » répondit simplement la jeune en claquant le coffre
La brune s'apprêtait à ouvrir la porte des sièges arrière pour y laisser grimper Pomme-frite, quand elle s'aperçut que la chatte restait sur le pas de la porte. Elle l'appela alors :
- « Pomme-frite ! Tu attends quoi ! »
Pomme-frite miaula et regarda la petite sans bouger. La brune croisa les bras, sans comprendre ce qu'elle attendait.
Fosie attrapa l'animal de la maison, et s'avança avec elle :
- « Je suis désolée ma petite fleur, mais Pomme-frite ne viendra pas avec nous. »
- « Quoi !? »
L'adolescente regardait la grand-mère avec incompréhension. Comment ça le chat ne venait pas . Ce félin faisait les courses avec sa grand-mère, rapportait le courrier du facteur quand il passait, faisait même des siestes dans son lit, mais ne venait pas le jour où elle allait à l'école ?! Elle savait que l'animal ne pouvait pas être accepter dans ce nouvel établissement, mais de là à ne pas faire le voyage en voiture avec eux ... C'était absurde !
Les deux femelles qui avaient l'habitude de se jeter des blagues à la figure se regardèrent, mais quand l'humaine vit le regard triste du félin, elle comprit que cette fois elle allait devoir faire cavalière seule/ Son expression passa de la colère à la tristesse et finit par prendre la chatte dans ses bras.
Pomme-frite s'éleva sur ses deux pattes arrière et vint coller son nez sur la jour de la jeune fille.
Cela semblait dire au revoir.
L'adolescente l'embrassa à son tour.
- « Bon ... bah à bientôt. Tu vas me manquer Oignon. » dit-elle avec un sourire amère
Sans prévenir garde, Pomme-frite lécha le visage de sa porteuse. Surprise, elle la lâcha avant de s'essuyer le visage.
- « Oh ! Pomme-frite ! Tu me salies ! » rouspéta-t-elle
Elle regarda le chat se pavaner les fesses en l'air jusqu'à la porte d'entrée avant de s'asseoir au même point où Fosie l'avait attrapé. La brune était sûre qu'elle l'avait fait exprès, bien qu'elle lui ait déjà dit à maintes reprises de ne pas faire ça. Mais elle ne rouspéta pas davantage, c'était peut-être de sa faute aussi ...
Elle salua une dernière fois sa compagne de demeure et partir s'installer sur le siège passager avant.
C'est une foie à sa hauteur que Fosie ajouta :
- « Ne pleure pas, tu la reverras bientôt. »
- « Je ne pleure pas. C'est juste que les oignons, ça pique les yeux ... » tourna-t-elle la tête
- « Mmm mmm .. Au fait, j'ai rajouté un maillot de bain, mon lecteur CD et un peu d'argent de poche dans ton sac. »
- « Pourquoi faire ? » demanda la passagère, incompréhensive
- « Tu en auras besoin lors des soirées avec tes amis. Franchement tu exagères, on aurait dit que tu n'avais fait ta valise que pour deux jours. Comme si tu allais revenir ici aussi vite. Maintenant que j'y pense, j'aurais peut-être dû t'acheter ce truc. Comment ils disent déjà ... un lecteur mp3 ? Ouais, avec l'option bloutou. » s'égayait-elle
Mais son interlocutrice ne l'écoutait plus. Elle n'avait aucun intérêt pour les maillots vu qu'elle ne savait pas nager, et avait l'étrange impression que ce départ réjouissait un peu trop la personne assise à ses côtés. Allait-elle en profiter pour faire des bêtises ? Comme acheter une voiture décapotable en son absence ? Ou pire ! La moto qu'elle avait repéré dans le magazine Sensation Fou il y a deux jours.
Elle déglutit à cette idée, mais revint immédiatement à la réalité. Bien qu'il faudrait qu'elle la surveille, elle ne pouvait bougonner pour l'heure qu'une petite phrase à peine audible :
- « Je n'aurais pas d'ami de toute façon. »
- « Oh, allons, ne sois pas si défaitiste. Cette école sera remplie de jeunes comme toi. »
- « Tu veux dire désespérés ? »
- « ... Tu sais très bien ce que je veux dire. »
Elles se regardèrent toutes les deux, droit dans les yeux et les sourcils froncés. Depuis le pas de la porte, Pomme-frite émit un miaulement d'avertissement, et Fosie finit par regarder sa montre. La chatte avait raison, si elles ne partaient pas maintenant, elles allaient vraiment finir par être en retard.
Fosie confia la maison à celle en qui elle avait le plus confiance, actionna les clefs, et la voiture prit la route tandis que le félin rentra par sa trappe.
Depuis la fenêtre du véhicule, la maison et sa petite clôture de bois blanc s'éloignaient progressivement. Après quelques quelques kilomètres, se fut au tour de la pancarte « Merci d'être passer à Swuyn. » d'être dépassée.
La route était silencieuse malgré la radio qui terminait de fredonner « Venez que je vous fume » avant d'enchaîner avec « Pitié ramenez-moi ! ». Bien qu'elle ne s'ennuyait pas à dévisager le paysage champêtre que lui offrait la nature, la silencieuse aux hormones agités ne pouvait s'empêcher de repenser à la phrase de sa bienfaitrice.
« Des jeunes comme toi ... ». Machinalement, elle poussa son sachet transparent et ouvrit le sac posé sur ses jambes. Elle en sortit un petit prospectus qu'elle déplia.
Lilême Gomerry, une école pour mages.
Quand sa grand-mère lui avait donné ce prospectus pour la première fois, elle avait mis plusieurs jours avant d'accepter de le zyeuter et sa conclusion fut sans appel : cette situation était ridicule. Cette stupide idée venait de ces mots : « Une école ? », absurde avait-elle pensé, « Pour les mages ? », alors là, complètement grotesque. La magie était contre-nature, un truc maudit qui ne déclenchait que des malheurs. Tous les habitants de l'hémisphère nord pensaient de cette façon, alors y mettre un pied ne lui avait même pas effleuré l'esprit.
D'ailleurs n'importe qui n'y aurait pensé ; à commencer par distribuer ce genre d'attrape-ennuie.
Bizarrement, elle s'était laissée persuadée dans une discussion interminablement longue autour de mandarines, de petits pains, et de glaces. Elle avait décidé d'y aller non pas pour apprendre à maîtriser sa magie, mais pour s'en débarrasser. C'était peut-être un coup bas envers sa responsable légale, mais au moins elles y seraient toutes les deux gagnantes.
Parcourant le reste du feuillet sans grand intérêt, ce ramassis d'aberrations irrita encore plus la brune. Particulièrement les montages de photos ratés qui leur faisaient paraître aussi riche que ... que des patates tireuses de langues couleur mensonge, tiens !
- « Quels snobs ! » pensa-t-elle immédiatement
Elle plia ces informations maladroitement, sans regrat, mais perçut tout de même la mention « certifié par la famille Bonté ». Bah tiens ... L'une des familles les plus influentes et respectées du nord, rien que ça ?
Malgré ces soi-disant trucages, la petite nota tout de même les frais que cet établissement allait leur faire dépenser. Elle avait l'air chère, et sa grand-mère n'avait pas les moyens. User de sa retraite ? Pas suffisant. Demander de l'aide au facteur ? Et puis quoi encore. Avec le soutien du reste de la famille ? ... Mais à quel soutien pensait-elle ? Ça faisait des années qu'elle ne les avait pas revu. Ni sa sœur, ni son père, et encore moins sa mère ... Pff ! Elle réfléchissait trop.
Elle fourra définitivement le morceau de papier dans son sac et ferma les yeux. Cette bêtise lui avait donné mal à la tête.
Profitant d'un repos mérité, les kilomètres défilaient quand la brune de 15 ans perçut de plus en plus de bruit. Cela s'accrut et des piétons aux bavardages incessants finirent par la réveiller. Dehors, le paysage ne changeait plus. Étaient-elles arrivées ?
- « Oh ! Tu es réveillée ? Ça tombe bien. Dis-moi, entre un aéroport et une gare, lequel est mieux ? » fit semblant de réfléchir la grand-mère
- « Lequel a le plus de passants ? » répondit la petite-fille en se frottant les yeux
- « L'aéroport. » indiqua rapidement la grise
- « Alors la gare. » trancha la noire
- « Parfait ! Donc on peut y aller. »
L'endormie ne comprenait pas. La voiture redémarra et quitta le trottoir pour rejoindre la circulation. C'est alors qu'un immense bâtiment de marbre blanc se dessina devant elles. Assemblé par divers bâtiments et grouillant de passants, ces lettres à l'entrée indiquait clairement ...
- « La gare de Huakograi !? Mais Fosie ... !!! »
Le véhicule se gara sur le parking avant que sa conductrice ne regarda sa passagère, paniquée par l'ampleur de la foule.
- « Ma puce, tu as vu où se situe ton lycée ? » essaya-t-elle de raisonner
Mais le choc ne lui donna aucune réponse. Les nerfs a vifs, la plus petite regardait ce nouvel environnement avec nervosité. Des voitures, des chariots, du bruit ... Pourquoi y avait-il autant de personnes dans un endroit pareil ?!
La plus âgée comprit rapidement que parler à sa petite fleur ne servirait à rien. Quatre ans sans voir nul autre que le facteur ou son fils Paul, ça fait des dégâts. Mais elle était soulagée de ne pas avoir assister à une scène scandaleuse, ou pire, à un évanouissement. Il lui fallait juste du temps à présent.
Fosie lâcha son volant et se reposa sur son dossier. Les yeux fixés sur les alentours, elle finit par prendre le sachet que sa petite-fille avait déposé sur le tableau de bord et l'ouvrit. Elle retira la mandarine et rapprocha le fruit de la peureuse. La brune sursauta, mais finit par l'attraper dans ses mains et en sentit son arôme. Cela semblait l'aider à se calmer.
La grise n'aimait pas voir son bouton d'or dans cet état. Elle avait l'impression qu'elle perdait les derniers pétales qui lui restaient sans qu'elle ne puisse l'aider à les faire repousser.
Elle patienta encore avant de se décider à agir. Sa fleur était têtue au point que parfois elle se devait de lui forcer la main. Elle sortit de la voiture, en fit le tour, et ouvrit l'autre portière. Toujours sur la défensive, elle tendit sa main à celle qui reculait déjà.
Un peu sceptique, la petite-fille accepta de sortir après une affectueuse embrassade et une promesse : sa grand-mère ne lui lâcherait la main qu'à leur point d'arrivée.
Avec une partenaire pleine d'entrain et sans vraiment de conviction, la brune accepta de sortir, récupéra ses affaires dans le coffre et essaya de se mettre à l'aise. Le reste du chemin jusqu'à la gare se fit à pied et rempli de commentaires désobligeant sur tout et n'importe quoi.
Fosie essaya de faire la sourde oreille tout en retenant ses rires moqueurs. Entendre sa petite-fille rouspéter la réconfortait. Ce signal lui indiquait qu'elle essayait de s'adapter à ce nouveau monde, malgré son mauvais caractère apparent.
Les deux filles arrivèrent enfin devant l'entrée de la gare. Fosie ne passa pas la grande porte mais resta sur les côtés, et scruta l'horizon. Avec la brune cramponnée à son bras comme un machoupette, elle ne pouvait compter que sur ses lunettes pour l'aider à chercher une pancarte.
- « Si on ne trouve pas cette fichue pancarte, on rentrera à la maison ? » demanda la cynique
- « Pourquoi, tu l'as vu ? »
Après un petit temps de réflexion, la ronchonneuse lui indiqua la gauche. Plus maligne et connaissant trop sa petit-fille pour se laisser piéger, Fosie regarda dans la direction opposée. Sur la droite, il y avait un regroupement de jeunes accompagnés d'adultes qui attendaient en essayant de se faire discret.
Derrière deux hommes qui géraient la file des arrivants, trônait en haut d'un poteau une pancarte bleu royal aux contours dorés portant l'inscription « LGJ4 ».
Lilême Gomerry Jour 4, le jour de rentrée pour les secondes.
Elles suivirent alors le mouvement et se placèrent au hasard dans l'une des files au hasard.
- « Personne suivante ! » cria une voix
Quand leur tour arriva, elles se retrouvèrent devant un garçon de deux ou trois ans de plus que la bougonneuse. Brun au gilet jaune avec un haut vert et un jogging gris clair, il avait l'air fort sympathique.
- « Bonjour mesdames. Quel nom pour l'enregistrement ? »
- « Bonjour jeune homme. Jeoju s'il vous plaît. »
- « Alors, J ... Je ... oui ! Jeoju. Et en accompagnateurs ... Fosie Acacia ? »
- « C'est ça ! C'est nous. »
Le garçon contrôla les pièces d'identité puis lut les informations liées au nom.
- « Alors ... Vous avez demandé une cabine isolée, vous serez donc dans la voiture n°5, celle juste après le bar. Aurez-vous besoin d'aide pour vos bagages ? »
- « Pas le moins du monde. Je suis encore jeune et en pleine forme vous savez ? »
- « Ha ha, d'accord. Et le petit, pourquoi il fait une tête pareille ? Tu es fâché parce que tu ne retrouveras pas tes copains de l'année dernière ? » s'abaissa-t-il
Le "petit", bien qu'il s'agisse en réalité d'une fille, fut outrée. Prenant la mouche en moins d'une seconde, elle se précipita de pester :
- « De quoi je me mêle ... ! »
Mais la grande lui couvrit la bouche, avec un rire nerveux.
- « Oui elle ... elle est stressée. Vous savez ce que c'est ... » essayait-elle de rattraper le coup même si les mots n'avaient pas atterrir dans l'oreille d'un sourd
- « Euh ouais ... Je vous invite à patienter sur les côtés avec les autres. Le train devrait arriver dans quinze minutes. Personne suivante ! »
Fosie se poussa et se mêla à la foule. Dans un petit coin isolé non loin du groupe, elle tapota la valise pour indiquer à la brune de s'asseoir dessus, avant de froncer des sourcils. Sans un mot, la plus jeune comprit directement de quoi il en retournait.
- « Désolée, pour la méchante phrase. Mais ... il y a trop de monde ici. » grimaçait-elle en croisant les bras
- « Je sais ma petite pâquerette, mais les marguerites poussent toujours en groupe dans l'herbe. »
- « Mouais ... et les trains, c'est comme les marrons ? On les prend à l'extérieur de la gare maintenant ? »
Sur ce point, elle avait raison. Était-ce normal pour le petit groupe d'attendre dehors ? Pourquoi ne passaient-ils pas les portes de la gare pour se rendre au hall d'entrée ? Était-ce à cause des détecteurs de magie qui mettraient les jeunes en danger ?
- « Tu ne veux pas t'asseoir ? » fut tirée Fosie de sa profonde réflexion
Mais elle refusa. Fosie se sentait parfaitement bien pour une femme de son âge. Des jambes d'asphalte, des fesses en béton et des bras d'acier. Que demander de plus ? Surtout que depuis sa hauteur, elle cherchait quelqu'un dans la foule ...
- « Mesdames et messieurs, nous allons y aller. Le train ne va pas tarder à arriver. » s'était imposé un homme châtain au pull vert et à la moustache bouclée « Merci de bien vouloir me suivre. Takagi, tu fermeras la marche. »
Tout le groupe se leva en un mouvement et obéit tels des soldats entraînés au représentant de l'école. L'homme se dirigea d'un pas assuré vers une direction qui contournait toute la gare. Personne ne protesta, mais tous étaient étonnés de cette décision. Ils passèrent un vieux grillage avant d'en faire de même avec une porte perdue au milieu des cartons. Remontant les escaliers, ils arrivèrent enfin dans l'une salle d'attente de la gare, ouverte sur les quais.
Traversant le hall, le groupe s'approcha des portes de service que présentait le dernier quai et ouvrit la dernière porte. Ils descendirent les escaliers aux marches surprenamment larges dans un corridor arqué et lumineux, puis arrivèrent à une plate-forme. Dans le silence, des murs verticaux portant des lumières allongées se dévoilèrent. Seuls les petits lumignons incrustés au bord du quai semblaient émettre de petits bruits mécaniques.
- « Pourquoi on est ici ? » demanda soudainement quelqu'un
- « Vous connaissez les Buzimski ? » répondit l'homme à la moustache bouclée
- « Bien sûr ! Qui ne connaît pas la seule famille ferroviaire qui a sût s'implanter dans tous les pays du continent Nord ? » critiqua une ado
- « Et bien nous allons emprunter leur train privé pour nous rendre à l'école. »
- « Quoi !? »
Comme s'il s'était chronométré, un train entra en gare à ce moment précis. Long d'environ 200 mètres, son toit blanc était aussi luisant que le bleu des wagons. En plus de ses lignes dorées, un énorme écusson ornait chaque voiture.
- « OH ! »
- « MON !! »
- « DIEU !!! »
- « Mesdames et messieurs, le train privé des Buzimski. » claironna le jeune brun qui accompagnait le représentant de l'école
- « HHHIII !!!!!!!!! »
Avec effervescence, s'ensuivit une avalanche de flash provenant de tout appareil pouvant prendre une photo.
- « Doucement ! Doucement ! Et n'oubliez pas la clause que vous avez accepté de signer si vous ne voulez pas avoir d'ennuis : pas de publication sur les réseaux sociaux ! »
C'était devenu un tel engouement qu'ils furent tous déçus en voyant un simple homme et une simple femme descendre du TGV. Même si l'un était blond et l'autre brune, ce n'étaient pas les Buzimski que montraient les médias.
Faisant preuve d'une certaine notoriété, les nouveaux adultes invitèrent les élèves et leurs accompagnateurs à monter dans le train. Pendant que les autres continuaient à prendre des photos, Fosie chercha le cinquième wagon et constata avec joie qu'elles étaient les premières à monter dans celui-ci.
Avec un extérieur bleu royal, l'intérieur était d'une ambiance orange luxueuse et chaleureuse. Tapis orange relaxant au sol, lampadaires excentriques au plafond, Fosie n'en revenait pas. Mettre un tel moyen de transport au profil des élèves pour aller à l'école ... Elle avait l'impression de rêver.
Passant la deuxième porte automatisée, elle ouvrit la porte de la première cabine avec délicatesse et admira la suite. Deux bancs se faisaient face et encadraient une grande fenêtre d'où l'on voyait le quai adjacent ainsi que le reste de la rame. L'orange des banquettes était plus pâle que celui du sol, mais extrêmement doux au toucher. Les portes bagages au-dessus contenaient de magnifiques sculptures de bois et en dessous, des miroirs étaient apposés en largeur de façon à ce que l'on ne voit pas les cabines environnantes.
- « Effectivement, ils font les choses en grand ... » contempla la grand-mère
Elle n'hésita pas un instant à s'y poser contrairement à sa petite-fille qui restait debout, encore sur ses gardes malgré son admiration pour la pièce.
- « Tu es sûre qu'on a le droit de s'asseoir ? »
C'était évident. Inscrire un enfant à cette école équivalait à payer des places pour prendre ce train. D'autant plus qu'il n'était à leur disposition que deux fois dans l'année, c'était donc une occasion à ne pas rater.
- « Mais, et si on stresse tellement que l'on transpire des fesses. Tu crois qu'il nous feront payer la tache ? »
Fosie n'en revenait pas. Où est-ce-qu'elle était allée chercher cette idée ? C'était cliché, mais elle réalisa rapidement que c'était peut-être de sa faute : dans tous les feuilletons qu'elles avaient visionné à la télévision, les plus riches étaient très prétentieux, si ce n'était pas sournois.
Mais les Buzimski n'étaient pas comme ça.
Pendant qu'elle essayait de démentir ces propos parfois non conventionnels, l'oreille de la brune capta soudainement une phrase du couloir.
- « Oh c'est pas vrai ! Qui a pris la première cabine ? On va devoir prendre la dernière qui est plus loin. Et tous ces microbes ... J'espère qu'ils ont bien désinfecté le train comme je le leur avais demandé ! »
Cette voix ...
La plus jeune coupa court à la conversation et s'empressa d'ouvrir la porte, sans lâcher la main bienveillante. Dans le couloir, il n'y avait personne. Seul un garçon aux cheveux verts montait à présent dans la voiture par la fenêtre.
- « ... Salut mec ! »
Lever la main pour la salutation eut l'effet de le faire s'étaler au sol. Devant ce cirque pathétique, la jeune se contenta de soupirer et de lever les yeux au plafond.
- « Bouha ha ha ! C'est ce qui s'appelle se prendre un vent Marvin ! La prochaine fois, tu passeras par les escaliers comme tout le monde.» se moquait une voix féminine avant que la porte de la cabine ne se referme
Ce fut dans le silence que la brune se retrouva à nouveau devant la banquette. Sans avoir la chance d'en placer une, elle se retrouva brusquement assise dessus à cause de la main tirée par sa partenaire. Avec une mine renfrognère, elle regardait sa grand-mère qui essayait de la mettre de bonne humeur avant que le garçon tombé au sol ne passe devant leur porte.
- « C'est quoi cette couleur ? C'est ce que les jeunes font maintenant ? » observait la plus âgée sans quitter des yeux ces cheveux qui sortaient de l'ordinaire
- « Tu n'as pas intérêt à t'y mettre. » devinait son interlocutrice qui la connaissait suffisamment pour savoir à quoi elle pensait « Cette couleur est affreuse. On dirait un marron mal tourné. »
- « C'est du vert kaki. »
- « ... Oui, c'est ce que je disais. En plus, ça te fera vieillir de 20 ans. Le gris te va mieux. »
Ce compliment eut l'effet d'animer la cabine autant que les autres qui l'entouraient. Sous les embrassades de sa grand-mère, la petite regardait à nouveau la porte de la cabine en repensant à quelque chose. Le garçon de tout à l'heure ... l'avait appelé « mec » ?
- « Mesdames et messieurs, le train va partir dans quelques minutes. Prochain arrêt, la gare de Sonic à Chelou. » annonça une voix dans le haut-parleur
Les passagers calmèrent leur ardeur et le train se mit en marche. Il quitta le tunnel dans un silence surprenant puis passa dans une voie moins éclairée. Au bout de quelques mètres, une autre annonce se fit :
- « Chers passagers, d'ici cinq minutes nous passerons dans un portail magique. Pas d'inquiétude à avoir, l'équipe scolaire et des autorités compétentes sont présentes pour s'assurer du bon déroulement de la procédure. Cependant, pour votre sécurité je vous recommanderais de ne pas ouvrir les fenêtres, ni de toucher à ce qui apparaîtra dehors d'ici quelques minutes. Merci de votre coopération. »
Plus que de la suspicion, un mélange de panique et de stresse agita les wagons. Même si certains se demandaient à quoi allait ressembler ce spectacle, la plupart des passagers n'étaient tout simplement pas à l'aise avec cette solution, et Fosie en faisait partie ; même si elle tenait tout de même à voir ce qui allait se passer. Se rapprochant des fenêtres, elle se mit à écarter les rideaux.
- « Grand-mère ! Referme ces rideaux ! Sont-ils fous ?! Utiliser la magie ! Et puis quoi encore ! Pourq ... » s'emporta une nouvelle fois la brune
- « Comment veux-tu que l'on fasse autant de kilomètres en moins de 5h ? » la coupa-t-elle
C'est alors qu'elle comprit.
- « Tu ... ! Alors tu le savais ? Et tu ne m'as rien dit ?! »
Fosie hocha de la tête.
- « Quand Hilfe et Mr. Criss-Angel sont venus à la maison ils m'ont fait faire plusieurs petits tests pour nous assurer que l'on avait rien à craindre. Tu l'aurais su si tu étais descendue ... »
Hilfe et qui ?!
Ah oui. Elle se rappelait de deux représentants de l'école qui étaient venus chez eux à plusieurs reprises. Elle ne les avait jamais vu puisqu'elle se cachait à chaque fois dans l'une des chambres de l'étage, mais elle se rappelait que leurs voix étaient assez bienveillantes. Elle s'était même surprise à écouter des bouts de leurs conversations.
La petite laissa faire la grande, mais l'éloigna tout de même des fenêtres. Elle ne leur faisait pas totalement confiance, mais ce n'était pas comme si elle avait le choix.
Un décompte se fit entendre dans tout le train et pour les passagers qui avaient fermé les yeux de peur, ils furent surpris de ne pas entendre plus de bruit. En les rouvrant, ils virent quelque chose d'indescriptible. D'indescriptible, et de rose.
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