Chapitre 56

– Poufsouffle gagne le match ! tonna Lysandra Yaxley avec un plaisir non dissimulé.

La foule en liesse n'entendit pas le cri de Norbert qui s'approchait douloureusement du sol après avoir percuté plusieurs poutres.

Le Feu Follet, en panique, mit quelques fractions de seconde avant d'agir. Son corps n'était pas tangible, mais il savait au fond de lui qu'il pouvait faire quelque chose. Il inspira un grand coup et récupéra toutes les peurs présentes autour de lui pour les recracher en dessous de son nouvel ami. Un coussin presque invisible, mais palpable amortit la chute de Norbert.

Le Poufsouffle fut envahi des craintes qui n'étaient pas les siennes : « Je dois gagner, si je perds, il me frappera ». « Les araignées sont tellement terrifiantes ». « Et si elle apprend que je l'ai trompé, elle me laissera tomber, cette fois, je n'aurai pas dû ! ».

Toutes ces pensées envahirent l'esprit du garçon. Par bribes, il visualisa certains de ces camarades, Elfrida Bloomsburry, Eustace Osbert, Narcisse Kneen... Puis tout se mélangea de nouveau, des sons, des images, des sensations, des odeurs, et tellement de souffrance.

« Je ne veux pas être malade, si je suis malade, je vais mourir ! ». « Je n'aime pas le noir, je déteste le noir». « Il est mort à cause de moi, je suis responsable de sa noyade ». « Je ne veux pas retourner en cours d'astronomie, elle me terrorise ». « Je lui ai volé son journal, s'il l'apprend... ». « Je l'aime... mais je n'ai pas le droit, c'est un homme, un mage noir, mais je ne peux pas faire autrement que l'aimer, même si c'est contre nature. ». « Je hais les sangs de bourbe, il dilue le sang des sorciers, nous allons disparaitre par leur faute ! ». « J'ai tellement peur qu'elle meurt, elle est déjà centenaire, et si je ne la revoyais plus jamais ? ». « Et s'il ne me remarquait jamais ? Si je restai invisible à ses yeux ? ». « Je ne dois pas louper mes ASPIC, sinon je serai un bon à rien et mon père aura eu raison de m'abandonner ! ». « Ma sœur est une cracmol, si quelqu'un l'apprend, ça sera la honte de ma famille ! ». « Je n'ai plus de vision, j'ai perdu mon don ? ». « Je ne suis pas aussi gentille que les autres, et si le Choixpeau s'était trompée de maison ? s'il avait fait une erreur ?

Impossible pour Norbert d'associer les peurs et les visages qui tournoyaient dans son esprit. Il voyait Muriel Weasley, Leta, Mina Lima, Albus Dumbledore, Clio Aesalon, Nari Yokai, Cassandra Vablatsky, Rick Avery, Lysandra Yaxley, Violetta Beauvais, Mable Lufkin, Vinda Rosier, Horace Slughorn.

La douleur devenait insupportable pour Norbert. Une souffrance psychique qui écartelait son esprit. Qui était-il ? Qu'elles étaient ses peurs ? Qu'est-ce qui lui appartenait ? Il se sentait disparaitre dans cette masse grouillante et terrifiante. Il s'enfonçait, encore et encore. Les peurs continuaient à affluer.

« Si on apprend que je suis un imposteur, je serai viré ». « J'aitellement peur de décevoir à nouveau ». « Je suis moche, fade, quelconque. » « Je ne vaux rien, je ne vaudrai jamais rien». « Je suis faible, insignifiante ». « Et si je suis enceinte ?! ». « Elle ne m'aime pas, elle ne m'aimera jamais ». « Je ne serai jamais aussi bien que mon frère ». « Et si je ne retrouve jamais mon collier ? ». « Je ne veux pas être oublié, je ne veux pas disparaitre à nouveau ».

Norbert toucha enfin le sol, sans dommage physique si ce n'est quelques bleus. Les peurs se dispersèrent et l'esprit du garçon fut libéré.

– Merci, souffla-t-il en tendant maladroitement la main en direction du Feu Follet.

Il l'avait sauvé, mais Norbert ne voulait pas qu'il sache l'enfer qu'il venait de lui faire vivre. Certes, mourir n'était pas une meilleure option, mais la souffrance ressentie avait fait des dégâts dans la conscience du jeune sorcier.

Les yeux ouverts en direction de son ami, Norbert constata que le Feu Follet le rejoignit en flottant délicatement vers lui. Bien sûr, il garda ses distances.

– Merci, réitéra Norbert, la bouche pâteuse. Tu m'as sauvé.

– Je t'ai sauvé, répéta le Feu Follet, surpris par cette affirmation.

– Oui, tu m'as protégé. Tu as fait le bien.

– J'ai fait le bien...

– Ton cœur est d'espoir, tes actes sont purs, je n'en ai jamais douté. J'ai confiance en toi.

Le jeune Dragonneau essayait ainsi de faire comprendre à son ami qu'il pouvait devenir une bonne personne. La petite fumée bleue semblait perplexe. Ses grands yeux noirs brillaient d'une lueur encourageante. Si Norbert en avait la force, il lui aurait fait un câlin.

– Je ne suis pas seulement un monstre...

– Tu n'es pas du tout un monstre ! le contredit l'élève.

– Mais je réveille les peurs.

– Oui, c'est une affliction. Mais peut-être que cette malédiction peut devenir une bénédiction ?

– Comment ?

– Je ne sais pas encore, mais je suis persuadée que je vais trouver.

Tant bien que mal, Norbert se redressa. Sa tête tournait, mais il n'avait plus aucune pensée parasite. Tout ce qui était dans sa tête lui appartenait, et cela lui faisait un bien fou.

Des pas retentirent dans les gradins. Le match étant fini, les élèves quittaient le stade. Le Chant des Poufsouffles résonnait de plus belle.

Notre maison est pleine d'Espoir

Rien ne pourra nous décevoir

Avec nos baguettes et nos grimoires

Sur le terrain ou à Poudlard

Nous créons notre histoire !

Ohé, ohé, ohé,

Poufsouffle A gagné !

– Merci pour ton aide, remercia le Feu Follet. Mais en attendant une solution, je dois continuer à me cacher.

– Je comprends. Comment pourrai-je te retrouver ?

– Je vis là où je suis né. Appelle-moi dans le passage secret et je viendrai te retrouver.

– Pourrai-je venir avec mon amie ?

– La jeune fille aux cheveux noirs qui t'accompagne partout ? questionna le Feu Follet en se remémorant la plus grande peur de Leta.

– Oui.

– D'accord. Si tu as confiance en elle, j'ai confiance en elle.

– C'est mon amie, elle deviendra la tienne.

Cette affirmation fit plaisir à la créature. Une lueur rosée la traversa avant de disparaitre complètement.

Norbert s'allongea de nouveau sur le sol poussiéreux. Il avait besoin de reprendre de force avant de retourner à Poudlard. Et surtout... Il devait réfléchir à la dernière peur qu'il avait sentie...