Chapitre 31

Norbert tressaillit. Il était bien incapable de garder un tel secret, surtout avec une question aussi directe.

– Oui, professeur.

Le regard d'Albus Dumbledore changea. Il comprit sans mal que le Poufsouffle n'avait pas les mains aussi blanches qu'il ne le pensait. Le petit Dragonneau ne cesserait donc jamais de l'étonner !

– Et que sais-tu ?

– Pas grand-chose...

– Mais encore ?

– Je connais juste les Détraqueurs, mais je ne sais pas si on peut parler de démons. Dans le livre, il était écrit...

– Quel livre ?

Norbert baissa les yeux. Cette fois il était cuit, il ne pouvait plus faire demi-tour. Dans un sens, cela le rassurait.

– Celui de la bibliothèque. Leta et moi cherchions des informations sur la créature qui s'en est prise à Evangeline.

– Et qu'est-ce que vous avez trouvé ?

Le ton du professeur de métamorphoses était plus pressant.

– Rien de concret, on a parcouru « Les monstruosités les Plus Macabres ». On a cherché des informations sur les épouvantards et les Détraqueurs, c'est les seules créatures qu'on connaissait qui inspirent la peur. Puis Leta a voulu regarder...

Dumbledore avait son attention fixée sur le garçon. Ce dernier déglutit douloureusement et lâcha le morceau.

– Le livre « Démons du XVe siècle ».

Le professeur ne sembla pas réagir au titre. Norbert espéra du plus profond de lui-même qu'il s'était trompé, que rien n'était sorti de cet ouvrage, que c'était son imagination foisonnante qui lui avait fait défaut, et que rien d'étrange ne s'était passé.

– Qu'est-ce qui se trouvait dans ce livre ? interrogea Albus.

– Je ne sais pas, nous n'avons pas réussi à l'ouvrir. Leta a essayé, elle s'est même piqué le doigt. Il y avait un clou au milieu du pentacle.

Le regard de Dumbledore s'enflamma. Il était à deux doigts de saisir le garçon pour le secouer et l'encourager à parler plus vite. Mais il se retint, tant bien que mal.

– Que s'est-il passé ?!

– Une goutte de sang a taché la couverture, et il y a eu de la lumière et une bourrasque de vent. Puis, tout s'est arrêté, et quand on a regardé le livre, les pages étaient vierges.

– Par la barbe de Merlin, pourquoi vous n'êtes pas venus me trouver ?!

– Je... je pensais qu'on avait seulement ouvert le livre, et comme on était incapables de le déchiffrer, on ne risquait rien...

Le regard du professeur se fit dur. Norbert se liquéfia sur place. Il se sentait mal, terriblement mal, et tellement coupable...

– Une créature s'est échappée du livre, c'est ça ? souffla le Poufsouffle d'une voix plaintive.

– Sans aucun doute...

Norbert se mortifia sur place. C'est ce qu'il pensait depuis le début, mais il n'avait jamais voulu en parler. Cela aurait rendu cette histoire trop réelle. S'il n'en disait rien, peut-être qu'il pouvait oublier son erreur... leur erreur. Il avait eu tort. Il en souffrait de toutes les fibres de son être.

– L'avantage, c'est que nous avons maintenant un point de départ pour nos recherches, tenta de positiver Dumbledore.

– C'est ma faute...

– Norbert ! Je n'accepterai pas que tu te morfondes. Nous allons réfléchir à un plan d'attaque. D'abord, retrouver le livre. Je suppose que Leta l'a caché quelque part.

– Nous n'en parlons pas au directeur et aux Aurors ? s'étonna Norbert.

– Pas pour le moment. Je crains qu'ils agissent en oubliant que le démon a un hôte.

– Ils pourraient s'en prendre à Leta ! comprit le jeune sorcier.

– Oui, c'est une possibilité.

– Mais c'est une élève !

Les yeux bleus du professeur se plongèrent dans ceux de Norbert avec une extrême douceur. Il hésita à lui dire la vérité, mais il savait que c'était la meilleure chose à faire.

– Norbert. Leta n'est pas très aimée, que ce soit pour son caractère ou pour son nom. Sa famille est vue comme le dragon noir des Sorciers. Tout le monde sait, ou plutôt, tout le monde pense qu'ils trempent dans de la magie noire. Cette forme de magie est condamnée par le ministère. Les Aurors n'ont aucune preuve, et par conséquent, ils ne peuvent pas les envoyer à Azkaban. Mais que se passerait-il, s'ils se rendaient compte que Leta, leur plus jeune enfant, toujours en vie, est responsable de la libération d'un démon ?

– Je suis tout autant responsable, gronda Norbert.

– C'est vrai. Mais tu es un Dragonneau et tu es chez Poufsouffle. Leta est une Lestrange dans la maison des Serpentard...

– Pourquoi continuer cette classification si le nom même de votre maison peut faire pencher la balance en votre défaveur ? s'énerva le garçon, tremblant.

Dumbledore ne répondit pas. Il n'avait tout simplement pas d'explication à donner.

– Qu'allons-nous faire ?

– Nous allons faire équipe. Surveiller discrètement Leta, chercher le livre et je vais mettre Ruper Grain D'orge dans la confidence. Il nous aidera.

– Et pourquoi pas Madame Têtenjoy ? Après tout, c'est elle qui donne cours de Défense contre les forces du mal.

– J'apprécie énormément Galatea et je ne doute pas de ses capacités, mais je ne souhaite pas la compromettre dans cette histoire. Il faut que tu comprennes, Norbert, qu'en agissant dans l'ombre des Aurors, nous sommes considérés comme des traitres, des hors-la-loi. J'espère que c'est la seule et unique fois que tu agiras de la sorte.

Beaucoup de pensées se percutaient violemment dans l'esprit du Poufsouffle. « Compromettre », « hors-la-loi », « traitre », tous ces mots lui donnaient la nausée. Comment pouvait-il encore se trouver dans une telle histoire.

– Est-ce que tu comprends, Norbert ?

– Je...

– C'est pour le bien de Leta.

– Pour le bien de Leta, répéta-t-il.

Est-ce que Dumbledore avait vraiment autant à cœur l'avenir de son amie ? Norbert avait l'impression qu'il y avait quelque chose d'autre derrière tout ça... L'explication du professeur était trouble... mais il ne prendrait jamais aucun risque. Si les Aurors étaient un danger pour Leta, il ne leur dirait rien. Jamais.

– Oui. Je comprends, finit par dire Norbert, un goût acide dans la bouche.