Le commencement
8 mois plus tôt
A travers la vitrine, j'observais l'animation de la rue entre deux articles exposés. La nouvelle année débutait et je renouvelais donc nos articles de décoration.
Je travaillais depuis un an dans une boutique d'art de la décoration pour la maison. Nous vendions toutes sortes de choses plus originales les unes que les autres. Les jours se suivaient et se ressemblaient, le quotidien était assez banal. J'étais à des années lumières de l'état psychologique qui m'attendais quelques mois plus tard, et à l'aube de faire une rencontre qui allait tout déclencher.
Une jeune femme vint me tirer de mes occupations routinières. Je la sentais tourner en rond autour de moi depuis un petit moment, comme si elle cherchait quelque chose. Elle n'avait pas l'air seule et ce n'était pas non plus la seule fois que je la voyait passer le pas de la porte.
Lorsque j'eus fini d'ajuster la disposition de ma décoration en vitrine, je débarrassais les quelques emballages et déchets pour aller les jeter dans l'arrière boutique. D'un pas décidé et automatique, je passais devant la jeune femme qui feintait une indifférence à peine crédible.
Derrière moi, des ricanements à peine discrets se firent entendre. Ce petit jeu commençait tout doucement à m'amuser. Au fond de moi, je ne croyais tout de même pas un instant qu'une telle chose allait m'arriver. Ainsi, je vaquais à mes occupations, l'air de rien, observant discrètement ce comportement étrange.
La curiosité s'évapora quelques peu lorsque la jeune femme, accompagnée vraisemblablement d'une amie, quitta la boutique en tournant la tête une dernière fois dans ma direction. J'allai à la rencontre de mon patron, posté derrière le comptoir, qui venait d'encaisser leurs achats.
« Je sais pas pourquoi, lançai-je à mon patron, mais je crois qu'il y en a une à qui j'ai tapé dans l'œil.
Il ricana sans vraiment prendre au sérieux ma remarque, quand bien même celle-ci n'était que plaisanterie.
— Quoi qu'il en soit, répondit-il toujours en plaisantant, tu as dû la chambouler car elle a oublié quelque chose sur le comptoir. »
L'objet était pourtant assez grand pour ne pas passer inaperçu. Mais la caisse était agrémenté d'une petite tablette, en contrebas du comptoir. L'objet y avait tout bonnement été oublié. Je pris soin de le mettre de côté, dans l'arrière boutique, anticipant un retour de la jeune femme pour récupérer son achat.
Un retour qui ne se fit pas trop attendre. Quelques instants plus tard, alors que je ravitaillais les étales sur le mur derrière la caisse, j'entendis la porte s'ouvrir et la petite clochette s'agiter. Je ne prêtais pas attention dans l'immédiat, la clientèle se contentant généralement de visiter la modeste boutique avant de passer à la caisse.
« S'il vous plaît ? »
À l'entente de cette phrase , je reconnu l'amie de la jeune femme. Je souris bêtement en me retournant.
« Re-bonjour ! Lancé-je tout sourire.
Elle était seule et ne pu s'empêcher de m'analyser de haut en bas. La gênance était palpable mais ne semblait pas avoir pour origine l'oublie de son achat.
— Je suppose que vous venez récupérer quelque chose ? Demandai-je en la regardant, un sourire en coin.
Mon patron n'était pas très loin mais se tenait à bonne distance pour observer les choses. Malgré la gêne, la jeune femme semblait cependant jouir d'un tempérament particulièrement rentre dedans.
— Ça dépend de ce que vous avez à me donner », répondit cette dernière avec un tact légendaire.
Mon haussement de sourcils d'homme surpris ne sembla cependant pas la dérober. Je rigolais nerveusement tant je ne m'attendais pas à ce genre de réponse. Il était clair que cet oubli n'était pas anodin et je compris alors que ma petite intuition, qui m'amusait quelques instants plus tôt, n'était peut-être pas une simple ironie.
Je tournai les talons et me rendis dans l'arrière boutique pour récupérer l'objet. Celui-ci, un bocal en verre avec des gravures stylisées, attendait bien sagement sur une étagère. Avant de le prendre en main, la question sans tact de la jeune femme défila dans mes oreilles. Qu'aurai-je à donner de plus que l'objet qu'elles ont volontairement oublié ?
A mon retour derrière le comptoir, je tendis l'objet à Madame Rentre-Dedans, qui me sourit. Elle constata rapidement que le bocal contenait un petit papier replié. Elle me regarda, toute sourire, probablement contente que sa question ai bien été comprise.
« Elle est un peu timide, lança-t-elle en regardant évasivement vers l'extérieur. Mais elle te trouve grave mignon.
Je souris nerveusement en insistant du regard sur le petit mot au fond du bocal. Elle récupéra l'objet en me saluant de la tête.
— Et une bonne journée ! » Ajoutai-je malicieusement.
Elle sortit de la boutique et, à travers la vitrine, je l'observais donner l'objet de convoitise à son amie. Vu leur réaction commune, j'en ai déduis que leur plan avait marché. Et moi, sourire béant, je me tournais vers mon patron qui tendit ses pouces en l'air.
Nouveau message
« Coucou, c'est moi la fille timide haha »
A cet instant, je ne le réalisait pas encore, mais quelque chose avait changé. Quelque chose allait tout changer.
***
« J'oubliais comment vous vous êtes rencontrés, m'avoue Seth en prenant une cigarette dans son paquet.
— C'est étrange comme procédé, n'est ce pas ? Rétorqué-je en feintant un sourire. C'était bien la première fois que ça m'arrivait.
— Et tu t'es pas posé de question ? Demande-t-il.
— Franchement non, avoué-je. Tu veux que je me pose quoi comme question à ce moment-là ? »
***
Cette rencontre impromptue était tout à fait innocente et, je l'admettais aisément, cela m'amusait. Curieux de nature, je me laissais aller vers ce nouveau chemin qui s'ouvrait à moi.
Je pris soin d'attendre la fin de ma journée de travail pour répondre au message de la jeune femme. Lumière éteinte, alarme armée, je verrouillais la porte et dégainais aussitôt mon téléphone.
C'est ainsi que cette histoire pour le moins inattendue à débuté. Sur le moment, cela me paraissait dingue car ce genre de rencontre ne m'était jamais arrivé.
Nous avons commencé à parler, ce soir-là, ainsi que les jours suivants. Je trouvais énigmatique cette manière de m'aborder, mais je m'étais laissé tenter par le débouché d'une telle rencontre. Malgré tout, je ne pensais qu'à une relation dans un premier temps amicale. D'expérience, je ne me croyais plus vraiment capable de m'attacher à quelqu'un rapidement.
Mon passif était assez contrasté pour m'avoir dressé quelques barrières m'empêchant de redevenir, un jour, aussi accessible et accro qu'avant. Et pourtant.
L'inverse exact se produisit. En l'espace d'une semaine, nos discussions sans interruptions devenaient de plus en plus intéressantes et pertinentes. Des paroles douces commençaient à apparaître et je commençais à être addict de nos longs dialogues. Clélia, de son petit nom, était plutôt timide et réservée même si elle n'avait plus grand mal à me parler.
Les discussions intemporelles firent rapidement place au premier coup de téléphone. Dans un premier temps plutôt fermée à cette idée, elle finit par se laisser convaincre et notre première conversation téléphonique s'envola très tard dans la nuit.
Cette fille semblait simple. Au premier abord, à sa manière de parler, elle semblait aussi assez mâture. Nos discussions s'étendaient sur de vastes sujets tout aussi sérieux les uns que les autres, faisant durer nos conversations téléphoniques jusqu'à pas d'heure. Et il ne s'agissait, à cet instant, que de virtuel.
Naturellement, une première rencontre fut rapidement entreprise. Ce premier rendez-vous était organisé deux semaines après cette drôle de rencontre.
***
« Laisse-moi deviner, m'interrompt Seth pendant mon histoire. Vous vous êtes rencontrés aux abords de la plage du Miramar?
— Cet endroit est tellement magnifique, rétorqué-je avec louanges.
— Tu passes ta vie là-bas depuis des années, répond-il en rigolant.
— Et maintenant cet endroit n'a plus du tout la même saveur compte tenu du souvenir », ajouté-je désabusé.
***
Au beau milieu du printemps, le temps est déjà au beau fixe sur la côte Atlantique. Devant l'hôtel du Palais, j'attendais la jeune femme, épris d'un certain stress. Cela faisait longtemps qu'un tel trac ne m'était pas arrivé pour une personne.
Salopette et débardeur noir, la jeune femme a peine plus haute qu'un mètre soixante pointa le bout de son nez. Coiffée de son chignon très approximatif, souriante, elle approcha pour me faire la seule et unique bise de notre existence.
Les premiers instants furent quelques peu intimidants. Les gestes maladroits, les paroles hésitantes, il fut rapidement convenu d'aller nous promener le long de la plage et, pourquoi pas, y faire une halte.
Je ne saurais dire ce qu'il se passait en moi pendant ces instants. J'observais méticuleusement Clélia, dans sa gestuelle et ses manières de parler. Son visage s'animant au rythme de ses paroles, ses lèvres en mouvement qui donnaient irrésistiblement envie de les embrasser.
Alors qu'elle était assise sur un muret, faisant face à l'immensité de l'océan, je pris l'initiative de m'approcher alors qu'elle parlait sans s'arrêter. L'embrasser eu pour effet de lui clouer le bec. Cela appliquait d'ailleurs une sorte de mise en garde que je lui avais faite quelques temps avant notre rendez-vous, qui parlait de la faire taire en cas de paroles interminables.
Il était évident que l'issue de cette rencontre serait favorable à la relation amoureuse qui naissait depuis le début de nos conversations. Une chose si soudaine, si rapide, mais si dangereuse.
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