Chapitre 25 - 2
II
Deux jours s’étaient écoulés. Rien de particulier n’avait fait son apparition. Néanmoins, le jeune Chasseur d’Ombres restait vigilant. Il arpentait avec sa fidèle monture un des chemins les plus dangereux de Drakaë. Même s’il n’avait eu aucune embûche durant l’allée avec Evrard, il croiserait certainement au moins un monstre durant son retour, et il songeait en particulier à un Garou Nocturne. Pour aller à Naöré, il allait descendre des montagnes plutôt, ce qui le ferait changer d’environnement, passant de l’altitude montagneuse, à une forêt. C’était souvent dans ces zones-ci, que cette espèce s’attaquait au voyageur, puisqu’ils étaient souvent fatigués de leur périple et que le paysage empêchait toute possibilité de fuite. Mais à cet instant, ce ne fut pas ça qui le préoccupait vraiment. Le jeune homme sentait une vague de froid s’abattre sur lui, et il ne pouvait avoir que deux explications possibles, qui n'enchantaient guère Kal. Soit tempête de neige allait se lever, soit il devait se préparer à croiser un Yéti des hautes neiges. Cette espèce qui était bien plus grande et forte que la normale, mais moins rapide, et c’était là le seul point positif. Cela laissait une chance au Chasseur d’éviter ses grands coups de poings et de pied.
Le jeune homme avait ralenti l’allure, prenant soin de détailler son environnement, de le comprendre, de la prévoir. Il voyait des arbres, de la neige, des montagnes, des arbres à nouveau, à sa gauche une petite descente, et à sa droite, on pouvait continuer jusqu’au sommet. Ainsi, Kal comprit rapidement qu’en cas de danger, il ne pourrait pas échapper à un puissant monstre en grimpant arbres, puisqu’il déracinerait ces derniers. S’il voulait continuer son périple, il devait persévérer dans la même direction. Mais le froid qui devenait de plus en plus insistant ne lui disait rien qui vaille. Les arbres étaient grands et immaculés de neiges, soit le parfait endroit où pouvait se cacher un Yéti. Mais pourtant, Kal ne sentait pas sa présence, le monstre n’était pas proche de lui.
Kal ne se sentait pas le moins du monde en sécurité, il pressentait quelque chose. Il décida de descendre de cheval, pour grimper jusqu’à la cime d’un arbre. Le jeune homme voulait prendre de la hauteur pour mieux savoir où il se situait, pour connaître la géographie qui l’entourait, et ainsi obtenir de là où pouvait se cacher un monstre de cette envergure. En y arrivant, il accrocha fortement le tronc, secoué par une bourrasque de vent, tout en pestant contre ce temps qui ne lui plaisait guère. Il constata avec effroi que la forêt continuait de pendre de la hauteur, mais qu’après environ cinq kilomètre elle devenait de moins en moins dense pour laisser place à une montagne ensevelie seulement par la neige. Puis, parmi la neige, assez petite à cause de la distance, on pouvait distinguer une grosse bête blanche qui balançait ses bras comme si elle attaquait quelqu’un.
- Et merde ! s’écria Kal. Il est en train de s’en prendre à des voyageurs.
Ni une, ni deux, le jeune homme descendit de son perchoir, et sauta sur le dos d’Écho. Au galop, il slaloma entre les arbres, à tout moment il pouvait glisser sur la neige. Le cheval ne faisait prendre que de la vitesse. Par chance la montée était progressive, mais cela demandait un énorme effort au cheval. Kal réfléchissait à toute vitesse, pour trouver toutes les possibilités envisageables pour achever cette ennemie. Ce ne serait pas le premier auquel il devrait faire face. L’équidé ressentait les émotions de son cavalier, et faisait tout pour augmenter la cadence, mais arriva un moment où il ne put plus accélérer, et par fatigue, dut ralentir. Tout en continuant dans un galop moyen, le duo se rapprochait du lieu de combat. Les arbres défilaient, et quelques minutes plus tard, ils disparurent petit à petit.
Kal demanda une transition au trot, puis un arrêt. Il continuerait les cinq cents mètre qui lui restait à faire à pied. Il savait très bien qu’Écho resterait à sa place, il n’avait peur de rien.
Le jeune Chasseur d’Ombres leva la tête, et observa l’immense créature. Elle avait un poil très long, et un peu grisé à cause de la saleté. Ses crocs étaient gigantesques, et ses mains pouvaient attraper d’une poignée un adulte de la taille de Kal, voir plus grand. Ses grands yeux étaient entièrement noirs, et son regard reflétait la fureur qui le possédait, qui était encore accentuée par ses petites oreilles pointues ramenées vers l’arrière et ses narines pincées. Son corps était essentiellement constitué de muscles, ce qui le rendait bien plus fort. Deux voyageurs se trouvaient à ses pieds. L’un semblait faiblir de minutes en minutes, tandis que l’autre essayait de le combattre comme il pouvait avec des sorts de bas niveau, mais il était tout simplement impuissant. Sans réfléchir, Kal dégaina et courut en direction du monstre, pour lui entailler un bout de pied, non pas pour lui faire mal, mais pour attirer son attention. Son plan fonctionna avec brio, et il put crier :
- Courez-vous mettre à l’abri ! Je m’en charge !
Les deux garçons ne se firent pas prier et coururent comme ils purent jusqu’à la forêt.
Kal se retrouva donc seul face à cette immense bête. Pour l’atteindre, il devait sectionner ses jambes, pour le déséquilibrer et le faire tomber, ce qui ne serait pas chose facile, puisque le géant singe des montagnes pouvait le balancer des mètres plus loin d’un simple levé de jambe. Kal ne pouvait pas rester statique pour éviter de devenir une cible encore plus facile.
Alors, il essaya de s’approcher du monstre, quand il fut à un mètre de son pied il sauta dessus, et lui planta un poignard à plusieurs reprises, tout en s’accrochant à une mèche de poils. Il se trouva balancé de gauche à droite, d’avant en arrière. Il était suspendu par un bras aux poils du Yéti, puis s’appuyait avec ses deux jambes sur le côté du pied. En somme, s’il lâchait sa touffe de poils, il dégringolait directement sur le sol. Cette perspective ne tarda pas à arriver. Le monstre qui commençait à se plonger dans une colère monstrueuse balança son pied d’une force impensable, en projetant Kal dans les aires à plusieurs mètres sur sol. Ce dernier atterrit bien plus loin. Sa chute fut plus que brutale, presque mortelle, s’il n’y avait pas eu la neige pour lui servir de matelas. En percutant avec son dos la couche blanche et froide, du sang sortit de sa bouche. Il demeura sonné plusieurs instants. Sa respiration était difficile, avec un souffle court. Ses membres tremblaient. Le froid et sa chute l’avaient tellement abasourdie qu’il ne ressentait plus la douleur. La créature arrivait à grands pas vers lui, pour empoigner sa proie. Elle attrapa Kal à pleine main, et ce dernier se vit être écrasé dans les mains de cette créature. Son corps était poussé dans ses retranchements. Il était fortement compressé. Très fort. Trop pour qu’il puisse s’en sortir indemne. La circulation sanguine du corps n’était plus pleinement opérationnelle. Il se sentait partir.
Puis un craquement.
Kal ouvrit soudainement les yeux. Son cœur commença à ralentir brutalement, puis à avoir un pic d’accélération. Sa respiration redevint normale, et il reprit conscience peu à peu. Les battements de son cœur continuer d’augmenter la cadence. Le corps de Kal était sous tension. Son cœur battait toujours plus vite. Puis… le point de rupture. Plus rien. Silence se fit dans les oreilles de Kal. Tous se relâchaient. Son cœur prit un rythme lent. Le Yéti serra alors bien plus fort le jeune Chasseur d’Ombres, mais au même moment, ce dernier hurla à plein poumons. Une rage qu’il n’avait pas ressentie depuis longtemps montait en lui, relançant son cœur et son corps. Le jeune Chasseur d’Ombres ouvrit ses yeux, qui avaient trouvé une teinte rouge foncée. En puisant dans ses ressources, et avec une force décuplée dû à son état, il trouva la puissance nécessaire pour s’extirper de la poigne dont il demeurait prisonnier. Ses veines, à présent noire, contenait un flux, qui rendait Kal bien plus puissant, invincible pour certaines créatures.
Tandis que le monstre secouait sa main dans tous les sens, Kal s’accrochait aux poils de la bête pour lui enfoncer, de sa main gauche, un autre poignard dans la main. Cette dernière rugit et tenta de l’envoyer balader une seconde fois, mais Kal n’était pas dupe, et connaissait bien ce genre de créature, ce pourquoi dès qu’il avait fini d’enfoncer son couteau, il avait chuté de lui-même, pour pouvoir se réceptionner sur ses deux jambes. Seulement, l’impact de sa première chute l’avait bien amoché, et en retombant il se mit à tousser brutalement en recrachant un filet de sang. Pourtant, ce n’est pas ce qui l’arrêta. L’adrénaline qu’il avait à ce moment lui empêchait de ressentir une douleur trop vive, et même quand elle pointait le bout de son nez, il passait outre en devenant encore plus déterminé. Il devait abattre ce monstre. Il l’avait déjà fait une fois.
Pendant plusieurs longues minutes, presque la moitié d’une heure, le même schéma de combat se répéta. Le Chasseur entaillait le pied et la cheville du monstre, puis il esquivait les attaques de la bête. Après encore quelques fois, Kal perçut un léger déséquilibre chez son adversaire, et en profita pour lui asséner de violents coups d’épée. Un. Deux. Trois. Quatre. Le Yéti s’agitait mais la douleur qu’il avait au pied ne lui permettait plus d’être aussi précis et puissant, puisqu’il perdait l’équilibre. Du sang jaillissait. Kal en avait partout. Respirer lui faisait mal, il crachait des jets de sang. Même s’il avait été formé pour se battre avec une épée dans n’importe quelle main, de la gauche, ce coup demeurait moins puissant. Alors il ferma les yeux et se concentra sur son objectif. De ses deux mains il frappait encore et encore le Yéti, tout en esquivant ses coups maladroits. Il restait concentré sur son objectif principal. Plus il cognait, plus sa dose d’adrénaline, comme sa rage et sa puissance augmentaient. Soudain, le singe des montagnes eut si mal, qu’il hurla tout ce qu’il put. Dans un même temps, il tenta d’attraper Kal. Mais ce dernier esquiva de justesse, en lui entaillant le pouce. Du sang s’échappa de la coupure, giclant sur le visage déterminé de Kal. Ce dernier roula sur le sol pour atterrir à côté de l’autre jambe du monstre. Il entama alors le même procédé. Mais à peine avait-il asséné dix coups que le Yéti en voulant donner un coup de pied au jeune homme tomba sur le dos. Kal grimpa alors sur la bête qui peinait à se relever, et une fois sur son ventre courut lui crever les yeux. En enfonçant la lame dans chacune des pupilles de la créature, un liquide noir en sortit violemment, et le tacha de nouveau. Le hurlement que poussa le Yéti fut si fort que Kal se boucha les oreilles pour atténuer la douleur. Ensuite, comme le singe était totalement désorienté, le jeune Chasseur avait quelques minutes pour le tuer. Il prit donc la situation la plus simple et enfonça son épée à plusieurs reprises dans la jugulaire du Yéti. Du sang, en grande quantité, gicla à nouveau sur le Chasseur. Quand il ne marchait plus que sur un cadavre, il fut surpris de l’état dans lequel il était. Surpris de ne pas se sentir exténué par la bataille qui venait de mener.
En règle générale, après un aussi gros combat, il se sentait très fatigué, et finissait souvent allongé par terre pour récupérer. Mais là, c’est comme si son organisme était habitué à ce genre de fatigue.
Mes quelques premiers entraînements auraient-ils fait effet ? se demanda-t-il.
Il n’en savait rien pour l’instant, et ce n’était pas la priorité. Il devait trouver les voyageurs. Mais quand il sauta sur le sol pour descendre de la bête, une vive douleur s’empara de lui, lui permettant au passage de retrouver une apparence normale. Son bras droit lui faisait extrêmement mal, et sa respiration était tout aussi douloureuse. Il appela sa monture qui n’avait pas bougé, et grimpa dessus, pour suivre les traces de pas dans la neige. Il toussait souvent, mais continuait de pister les voyageurs, qui se trouvait être planqués derrière un arbre. Il se disputaient :
- Je t’avais dit que c’était bien trop dangereux !
- Non ! Tu m’as dit que nous étions trop faibles pour emprunter ce chemin.
- Je t’avais donc bien prévenu ! Regarde dans quel pétrin tu nous as mis !
- Quelqu’un est venu nous sauver !
Silence se fit durant quelque seconde, avant qu’un des deux garçons réplique :
- Attends… ne me dis pas que tu as demandé à ton ami de te prédire l’avenir ?
- Bien sûr que si ! Je ne suis pas si-
- Non d’une baguette de verre ! Qu’est-ce qu’il t’est passé par la tête ! Tu sais très bien qu’on ne doit pas se servir des pouvoirs Takakoëns pour ce genre d’usage ! C’est absolument contraire à la loi neuf mille quatre cent treize du livre sacré.
- Je sais… mais il est à côté de nous, regarde.
Ils tournèrent tous deux la tête. Le plus petit en taille, le plus espiègle, souriait grandement à Kal, tandis que le deuxième, grand et sérieux, semblait horriblement mal à l’aise.
- Je suis désolée, Monsieur, veuillez excuser mon ami. Il ne réfléchit pas toujours à ce qu’il fait.
Kal les observait de toute sa hauteur, et ignora complètement la remarque qui venait de lui être adressée. Il fixa du regard les deux gamins, en vérifiant qu’il ne soit pas blessé, avant de décréter :
- Vous êtes tombé sur la tête à la naissance ?
- Pardon ? s’exclama le plus réfléchi. Que voulez-vous dire ?
- Avez-vous la moindre idée de ce que ce monstre aurait pu faire ?
- Non, mais j’avais vu que-
- J’allais venir. Je sais… tu as aussi vu notre petite discussion qui allait suivre ?
- Son pouvoir ne le permet pas…
- Effectivement, il est impossible pour un Takakoë de prédire les conséquences de ses visions, et il lui est encore moins possible de voir l’avenir qui a un rapport avec les conséquences de sa précédente vision. Je connais toutes les règles des peuples vivant sur Drakaë.
Tandis que le plus grand reculait d’un pas, le petit espiègle se munit d’un petit sourire, avant de prendre la parole :
- Nous sommes de Dragsard, et étudions dans la plus grande école de Sorcier du monde. On t’a vu passer l’autre jour, et tu dégages quelque chose de très impressionnant. Je voulais donc te rencontrer pour savoir comment je pourrais devenir aussi fort que toi.
- Laisse-le ! Tu vois bien que tu l’embêtes ! lui intima son compagnon.
Kal ne répondit pas tout de suite, en se concentrant sur les cheveux caramel, du petit effronté. Son visage était froid et fermé.
- Premièrement, ce n’est pas la plus grande école, mais la deuxième. La première se situe sur le continent voisin. Deuxièmement, si tu veux devenir plus fort, tu devras commencer par rester en vie. Alors n’entames plus jamais un voyage aussi périlleux que celui-ci. Rentrez.
Puis Kal se remit en route, au pas, vers la destination de son voyage, laissant les deux petits tétanisés derrière lui.
Bonsoir !
Comment allez vous ?
Voici une nouvelle partie du chapitre, j'espère qu'elle vous a plus :)
À mercredi !
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