I

Pour commencer son entraînement physique, Kal et Evrard se rendaient à la rivière de glace. Elle se faisait appeler ainsi, à cause de sa température qui restait glaciale été comme hiver. La marche demeurait silencieuse. Le duo avait quitté le chemin de terre pour un petit sentier, esquissé par les quelques passages de certains voyageurs désireux de percer à jour le secret des montagnes. Comparé à l'entrée des montagnes, où des lampions, pierres de couleurs, guirlandes de fleurs décoraient les falaises et chemins, ici, tout était neutre. La nature à l'état brut. La rivière s'agitait à côté deux, et on voyait parfois quelques poissons sauter hors de l'eau pour se nourrir de quelques moustiques imprudents. L'herbe sur laquelle ils posaient leurs pieds était verdoyante, et de petits arbres bordaient de temps à autre le chemin. Si à leur gauche il y avait un torrent d'eau glacé, à leur droite, une immense paroi de pierre s'érigeait.

Après presque une heure de marche, le duo arrivait dans un endroit assez particulier. Le sentier s'agrandissait grandement, tout comme la rivière. Il devait y avoir environ une dizaine de mètres entre les deux berges. Sur la berge d'en face se trouvait une grande forêt de pins.

- C'est ici que tu t'entraîneras. Aujourd'hui, même si c'est ton premier jour, tu auras le droit à une session bien épuisante. Il y a peu de chance que tu puisses te relever de suite. Si tu veux mon avis, on devra attendre une heure ou deux avant de pouvoir repartir.

Sans montrer le moindre signe de désaccord ou de surprise, Kal répondit simplement :

- Très bien. Je commence par quoi ?

- Pour commencer, tu vas aller dans la forêt et tu vas me ramener un des rochers que tu trouveras un peu plus loin. Tu prendras le plus gros. Si jamais, tu ne peux pas le porter, tu prends la taille inférieure, et ainsi de suite. Puis tu me le ramèneras.

- Seulement ça ?

- Oui, seulement. Je n'allais quand même pas te mettre le niveau le plus compliqué aujourd'hui quand même, lui répondit Evrard dun ton joueur.

- Tu ne te ficherais pas de moi, par hasard ?

- Moi ? Non, jamais ! Maintenant va me chercher ce que je demande.

Le Chasseur dOmbres se dirigea alors vers la rivière et entrepris de mettre un pied dans l'eau, quand l'autre homme le coupa :

- J'ai oublié ! Tu n'as pas le droit à ton haut.

Kal grinça des dents, mais ne dit rien, et enleva son haut. Il remarqua le regard insistant du Possèdeur sur son bras, mais ne fit comme si de rien était. Déjà, du bord de la rivière, il pouvait ressentir le froid qui baignait dans l'eau, alors quand sera-t-il une fois dedans ?

Pour seule réponse, il plongea un pied puis l'autre sans état d'âme. Kal continua à avancer, sans se soucier du froid qui lui brûlait presque la peau. L'eau était si gelée, que parfois de petits cristaux de glace heurtaient son torse. Le Chasseur peinait à avancer à cause du courant, et du froid qui lui engourdissait les membres. Plus il avançait, plus l'eau grimpait. En arrivant après plusieurs longues minutes, à la moitié de son parcours, le liquide tapait un peu au-dessus du nombril. Des frissons recouvraient son corps entier, et ses mains tremblaient. Ses lèvres étaient devenues bleues, tout comme les extrémités de son corps. Seule sa détermination était encore intacte. Il voulait réussir, alors il réussirait. Pour se déplacer plus efficacement, il s'aidait de ses bras, mais cela devenait de plus en plus compliqué. L'eau venait geler ses os, et lui retirait toutes ses sensations. La capacité de ses poumons à pomper lair, diminuait fortement. Si les parties de son corps ne lempêchaient pas de se mouvoir comme il le voulait, il aurait gardé la même force physique et aurait traversait leau en un rien de temps. Mais malgré cela, il ne se découragea pas, et persévéra, ignorant la fatigue, le froid, et la glace qui lui cognait le corps. Il devait arriver sur l'autre berge. Il ne pouvait pas échouer dès le premier jour. Un vent se levait, arrivant de sa droite et lui frigorifia encore davantage le bras.

Quelques minutes plus tard, ses doigts étaient bleus, tout comme ses mains, ses orteils, et ses lèvres. Cependant, il se tenait droit sur la berge. Kal avait finalement réussi, mais en prenant de grands risques. Cétait à peine sil pouvait bouger. Pour se réchauffer, il entreprit de marcher, mais ses jambes furent si glacées, que lors de ses premiers pas il faillit tomber. Il essaya de plier ses doigts tant bien que mal, souffler dans ses mains, et c'est avec difficulté qu'il y parvint.

Avec le temps, plusieurs mètres parcourus, plus loin, la démarche du Chasseur devenait plus naturelle. Il se réchauffait petit à petit et récupérait ses capacités une à une.

Kal marchait droit devant lui, comme le lui avait indiqué Evrard. Soudain, il aperçut au loin cinq pierres les unes à côté des autres. Le jeune homme accéléra donc la cadence pour continuer et finir sa mission au plus vite. Cependant, un bruit sourd gronda subitement. Alerté, Kal se figea. Sa main attrapa instinctivement un des poignards qu'il avait dissimulé dans son pantalon. Le jeune homme tourna trois, peut-être quatre fois sur lui-même, mais n'aperçut rien. Seul le vent caressait les feuilles qui frétillaient à son contact. Peut-être avait-il rêvé ? Non. Un nouveau craquement retentit. Droite. Les pierres se situaient en face de Kal, et le bruit provenait d'un lieu un peu plus à droite de ces dernières. À nouveau un grand bruit se fit entendre, mais cette fois-ci, plus proche. Le Chasseur empoigna un deuxième couteau, et se concentra au maximum pour décupler ses sens. Se pourrait-il qu'il soit en danger ? Il n'eut pas le temps de beaucoup y réfléchir. Un gigantesque ours se précipita sur lui.

Kal se jeta sur le côté, avant de sauter dans un arbre pour observer la créature de plus près. Encore transit de froid, ce fut presque s'il ne loupa pas sa prise. La créature était immense. Elle possédait des canines aussi longues que le pouce de Kal, et sa tête devait bien faire le double de ses pattes. Ces dernières pouvaient recouvrir, sans le moindre doute la face de Kal avec un peu de marge. Kal réfléchissait très vite, et sur beaucoup de sujets en même temps. Une question principale s'imposait.

- Comment vais-je me débarrasser de cette créature, murmura le jeune homme.

Il avait pour seule arme quelques poignards et son corps, qui malheureusement, restait frigorifié par la traversée. Le jeune Chasseur cherchait la meilleure solution, mais l'ours ne lui laissa aucun répit, et commença à cogner l'arbre de manière à ce qu'il se fissure. Plus le choix, Kal devait reposer pied à terre.

Le brun n'attendit donc pas que l'arbre tombe, et sauta de son plein gré. Les deux adversaires ne se lâchaient pas du regard. Les yeux de l'animal se coloraient d'un vert puissant, tandis que son pelage, lui, était brun. Kal agitait ses armes en les faisant tourner en l'air. Il trouvait que cela permettait au manche de ne pas devenir glissant à force dêtre serré au même endroit. Le monstrueux animal se dressa sur ses pattes arrière, et rugit pour tenter d'intimider Kal. Mais ce fut peine perdue, le Chasseur d'Ombre n'avait pas peur de grand-chose, et encore moins de ce qu'il ramenait à un vulgaire animal en colère. Néanmoins, il avait des principes, et refusait d'employer une méthode sanguinaire. Il devait forcément y avoir un autre moyen plus éthique. L'ours fonça à grande enjambée sur sa proie, mais le jeune homme esquiva sans difficulté l'offensive. Il ne pouvait pas le tuer, ce n'était pas dans les règles qu'il s'était fixé personnellement. Seulement, que pouvait-être la solution ?

Kal continua donc d'esquiver encore et encore les attaques de l'ours titanesque qui lui faisait face, mais ça ne pouvait durer cela éternellement. Une goute de sueur tomba au sol. C'est alors qu'il remarqua un détail sur le corps de l'animal. Un ours normal possédait cinq doigts, et celui-ci en avait six. Une malformation serait possible, mais l'instinct de Kal lui soufflait que ce n'était pas le cas. Le doute fut vite dissipé. Les yeux de lours changèrent littéralement d'aspect, préférant un teint plus sombre, le noir. Ni une ni deux, Kal se jeta sur la créature, et lui planta un couteau dans la tête sans qu'elle ne s'y attende. Le monstre hurla, et envoya valser Kal. Mais ce dernier ne lâcha pas l'affaire, et lui sectionna chacune de ses pattes, de façon à ce que la créature ne puisse se déplacer. Ensuite, il lui trancha la gorge, et leva son couteau dans les airs de façon à prendre de l'élan pour lui transpercer le cur sans douleur. Un puissant jet de sang en résulta.

C'est alors qu'Evrard apparut, et lui cria d'arrêter. Surpris, Kal recula, et le regarda froidement.

- Qui est-ce ?

- Mon familier. C'est une créature puissante qui m'a sauvée plus d'une fois. Je lui ai demandé de t'attaquer pour voir comment tu réagirais, et je dois dire que je ne m'attendais pas à ça.

- Précise.

- Je pensais intervenir bien plus tôt. Pourquoi ne l'avoir attaqué que lorsque tu as compris que ce n'était pas un simple ours ?

- C'est simple. Jamais je ne tuerais un animal de sang froids et sans raison.

- Lélia C'est elle qui t'as inculqué ce principe. Je me trompe ?

- Non. Cest exact.

- Bien, maintenant, récupère une des pierres, et rejoint l'autre rive. Je m'occupe de soigner ma bête.

Kal acquiesça sans poser de question.

Il prit sans hésiter la plus grosse. Elle était très lourde, et lui faisait mal au dos. Mais, s'il la levait, alors il pouvait la transporter. C'était l'état d'esprit dans lequel il se trouvait. Les premiers pas furent compliqués, car le jeune homme devait trouver son équilibre. Au fur et à mesure qu'il avançait, la pierre ne se faisait presque plus sentir, ou du moins, jusquà la rivière. Quand il arriva au bord de cette dernière, le Chasseur ne se posa aucune question. Ni une ni deux, il plongea ses pieds dans l'eau, et le même froid s'abattit sur lui. Son corps, n'avait récupéré toutes ses capacités depuis sa précédente traversée, et c'est donc la force psychologique de Kal qui permit le passage du côté opposé.

Bonsoir !

Comment allez vous ?

Voici un nouveau chapitre, en espérant qu'il vous ait plu.

A demain !