CHAPITRE 12 ✓
Dès que la porte s'ouvre, un brouhaha joyeux envahit mes oreilles. Des éclats de voix jaillissent de tous les côtés, m'enveloppant dans une atmosphère agréable. L'ambiance, chaleureuse, contraste avec le reste des lieux des Phénix.
La caverne porte bien son nom : toute faite de pierre, elle comporte un plafond arrondi et des murs irréguliers. Des arches encadrent de grandes fenêtres donnant sur les montagnes. Devant moi se trouvent plusieurs tables de bois autour desquelles se tiennent des adolescents. Il n'y a aucun signe d'adultes, ni de plus jeunes.
- Au fait ! Je peux t'appeler Skyounette ? demande soudain Adam.
- Fais le ne serait-ce qu'une seule fois et tu es mort, le menacé-je.
On m'a déjà donné des surnoms, comme Ali, mais aucun d'entre eux n'est aussi minable et horrible. Adam sourit, fier de sa trouvaille et m'entraîne vers une table où des jeunes hommes chahutent.
- Allez, viens je vais te présenter à quelques amis !
J'essaie de protester mais il me tire par le bras en ignorant mes plaintes. Je le suis donc entre les groupes d'adolescents et découvre que la caverne continue plus loin que ce que je ne pensais et que toutes sortes d'activités s'y déroulent. Nous arrivons à la table désignée, autour de laquelle se trouve une vingtaine de personnes, agglutinées les unes contre les autres.
Adam me présente à elles et je me retrouve prise dans leur cercle chahutant. Il y règne une odeur que je ne saurais pas décrire. Elle me pique le nez et me monte à la tête, une sensation que je trouve très désagréable.
- Allez ! Une nouvelle tournée ! lance Adam, tout sourire.
Le blond a l'air d'être très apprécié. Ses amis lui tapent dans le dos et nous intègrent immédiatement à la conversation. Cela doit être fréquent qu'il fasse de nouvelles connaissances. En même temps, il est tellement sociable !
Quelqu'un fait passer des verres remplis d'un liquide doré recouvert de mousse blanche. Je ne connais aucune boisson semblable à celle-ci. À la Ligue, on buvait tout le temps de l'eau. Il n'était pas question d'abîmer notre santé avec de l'alcool ou autre fraîcheur néfaste. Pour les grandes occasions, on pressait simplement des fruits dans un verre.
Je me rappelle bien que celui que je préfère est le jus d'orange. Il donne une énergie revigorante. Matt me disait tout le temps que je n'en avais pas besoin pour être pleine vitalité. À cette pensée, mon cœur se serre. Mon petit-ami me manque déjà.
- Qu'est-ce que c'est ? je demande à mon compagnon, secouant la tête pour chasser le nœud qui se crée dans ma poitrine.
Il éclate de rire. Puis, voyant mon air inquisiteur, il se calme et écarquille les yeux.
- Attends, tu connais pas ? Tu me fais une blague ?
- Euh... Non. Je ne connais pas. C'est grave ? demandé-je, quelque peu perdue.
- Mais ! Skyounette ! C'est de la bière ! Excellente en plus ! s'exclame Adam, l'air choqué.
Sans prendre en compte sa réponse, je le regarde dans les yeux et prononce d'un ton menaçant :
- Ne m'appelle pas Skyounette. La prochaine fois tu le regretteras.
Il éclate de rire.
- J'aimerais bien voir ça !
Mais il ne prononce plus l'affreux surnom, pour ma plus grande joie. À la place, il prend un verre présent sur la table devant lui et le vide en quelques gorgées. Il s'essuie la bouche et pousse un soupir de satisfaction.
- À toi. Goûte moi ça ! ordonne-t-il en me tendant un verre.
Je le regarde, hésitante avant de le saisir. Ça ne peut que être bon, non ? Avant que je puisse changer d'avis, je porte le récipient à mes lèvres et avale une grande gorgée du liquide, que je recrache aussitôt. La gorge en feu, je tousse un bon coup. J'ai les yeux qui me piquent et je lance à Adam un regard accusateur.
- Mais c'est horrible !
- Ça ? Horrible ! Olala ! Tu aurais vu ta tête ! Petite chochotte va ! se moque mon nouvel ami.
Il éclate de rire et boit un deuxième verre. Il m'imite entrain de recracher le liquide et je ne peux m'empêcher de sourire, amusée.
- C'est super fort ! Qu'est-ce qui t'as pris de me donner ça ? je me plains.
- Alors là c'est la meilleure ! C'est doux, la bière ! Il n'y a que peu d'alcool !
Je lève les yeux au ciel et réplique :
- Quand tu en bois tout le temps, d'accord, tu as l'habitude, mais moi j'en ai jamais avalé ne serait-ce qu'une goutte !
- Tu n'as jamais bu d'alcool ! Tu as raté ta vie ! C'est pas possible ! déclare dramatiquement Adam.
- Je suis toujours vivante, tu vois ! Ce n'est pas indispensable !
- Mouais. Quand même ! C'est très bon la bière ! Bon... Tu viens ? Je vais me chercher quelque chose à manger ! propose-t-il.
À cette pensée, mon ventre se met à gargouiller et nous rions de bon cœur. Je le suis à travers les tables, intriguée.
- Il y a à manger ?
- Deux trois trucs. Ça dépend de l'humeur des cuisiniers, répond le blond.
Je suis étonnée mais finalement, cela me paraît logique. Cela doit encore être un "cadeau" que les Phénix ont fait aux jeunes pour obtenir encore plus d'obéissance. Et pourquoi pas même des informations que certains détiendraient...
Adam m'entraîne vers une grande table sur laquelle il y a quelques assiettes remplies de viande et de riz. J'en prends une aussi, sans pouvoir arrêter de sourire. Ça fait du bien de pouvoir me laisser aller un peu. Je mange ma part en quelques bouchées. Je suis affamée.
Nous nous asseyons ensuite sur de gros poufs. Adam, démontrant encore une fois sa curiosité, engage tout de suite la conversation :
- Tu as un copain ?
Je réagis au quart de tour :
- Ça ne te regarde pas !
Je regrette immédiatement mes paroles. J'ai été sèche alors qu'il n'y a aucune raison pour cela, à part bien sur mon manque de Matt. Mais cela n'a absolument rien à voir avec Adam qui semble blessé par mes paroles.
- Excuses-moi. C'est un sujet un peu sensible pour moi, soufflé-je. Mais, non je n'en ai pas.
- Pas de problème, je sais ce que c'est les sujets sensibles... Mais on n'est pas ici pour parler de ça, continue-t-il en haussant les épaules, comme pour se détacher d'un problème lointain.
- Et toi, tu as une copine ? renchéré-je.
- Pas vraiment... Enfin, pas mal de filles sont sous mon charme, se vante-t-il avec un petit sourire, mais aucune ne cherche vraiment une relation sérieuse. J'ai besoin de stabilité moi, tu comprends ?
Je hoche la tête. Évidemment que je comprends. Je me rends compte qu'Adam n'est pas qu'un cancre agréable à vivre, mais fait aussi face à des difficultés qui ont l'air de lui rendre la vie dure. Je brûle d'envie de savoir lesquelles mais ce serait indiscret de demander.
- Ça va ? s'enquit-il soudain.
- Oui, oui ! Pourquoi ? dis-je en retournant mes esprits.
- Tu avais l'air troublée.
- Désolée. Le manque de sommeil, peut-être.
Je soupire intérieurement : je n'aime pas mentir ainsi, surtout pas à un garçon qui a l'air aussi sympathique qu'Adam mais je n'ai pas le choix. Je m'excuserai pour toutes ces cachotteries plus tard. Si je suis encore en vie.
Je ferme quelques instants les yeux et quand je les ouvre, je vois un garçon aux cheveux noirs en pleine discussion avec Adam. Matt. Je frissonne. Il me manque, et ce n'est pas notre minuscule dialogue tout à l'heure qui suffira à combler ce vide. Cependant, je me demande bien ce qui l'amène ici.
- Hé le mendiant ! Ça faisait longtemps ! cinglé-je, reprenant mon rôle insupportable.
- Salut, Sky ! C'est Alex, pas le mendiant. Je voulais te demander quelque chose...
Je ricane doucement :
- Vas-y, le mendiant.
Adam est sur la défensive. Ce que lui a dit Matt tout à heure n'a pas dû lui plaire. L'intéressé secoue la tête.
- Est-ce que tu voudrais m'accompagner à la salle d'entraînement ? J'ai besoin de m'améliorer, et je sais que tu as le niveau... demande-t-il, hésitant.
Je ne peux qu'admirer son excellent jeu d'acteur.
- Attends, Sky, tu vas pas y aller ! Tu le connais même pas ! Si ? continue-t-il en voyant mon expression.
- Effectivement, je le connais un peu...
Je réfléchis à la meilleure excuse pour accompagner Matt. Je me tourne vers lui, sachant qu'il a quelque chose en tête.
- Et pourquoi est-ce que je t'accompagnerai ?
- C'est à cause, ou grâce - à toi de le décider - à toi que je suis ici. Cependant, il est clair que je n'ai pas le niveau. Alors, pour une question d'honneur, accepte de m'entraîner, parce que si je suis nul par rapport aux autres, c'est aussi ta faute, reproche Matt.
- Attends, c'est une blague ? C'est comme ça que tu me remercies, le mendiant ? ironisé-je, bien que ma réponse soit déjà claire dans ma tête.
- Oui. Pour ton honneur de guerrière.
- Attends tu vas y aller ? demande Adam, défait.
- Adam, je suis désolée, commencé-je en me tournant vers le blond. Mais, ce qu'il dit est vrai. Alors, oui, je vais aller avec lui...
- Comment ça c'est de ta faute ?
Je me décide à lui dire la vérité, quitte à ce qu'il rabaisse Matt. Sinon il ne me laissera pas partir.
- En fait, le jour de l'admission, je lui ai passé une arme pour qu'il puisse en faire quelque chose. C'est ce qui lui a permis d'entrer. Alors, maintenant, je dois l'aider à progresser... Ça ne serait pas honorable de ma part si je ne le faisais pas. Tu comprends ?
- Oui...
- Tu ne m'en veux pas trop ?
Du coin de l'œil, j'aperçois Matt lever discrètement les yeux au ciel.
- Non. Mais promets-moi de revenir un de ces jours, sourit-il.
- Promis. Je suis vraiment navrée, mais heureuse d'avoir fait ta connaissance ! avoué-je avant de me lever.
Je m'en veux énormément de le laisser là, comme ça, mais Matt a raison. Il faut dès maintenant qu'il s'entraîne pour que sa progression n'ait pas l'air suspecte. Je fais un petit signe de la main au blond et suis le dénommé Terre, qui a pris de l'avance.
Quand j'arrive à sa hauteur, il garde un air neutre, même si je suis sûre qu'il a du mal à retenir un sourire narquois. Il chuchote :
- Fais attention à tes arrières, ok ? Sinon j'irai lui botter les fesses !
Je souris. Il n'y a aucune chance que je le trompe. Je suis fidèle, et je l'aime tellement ! Mais ses airs protecteurs ne me déplaisent pas. Je lui fais un clin d'œil en mimant un petit bisous.
- Andouille, va, soufflé-je, ce qui le fait sourire à son tour.
Mais je m'éloigne du sujet. Je lui demande un peu plus fort :
- Alors le mendiant, tu t'es bien intégré ? Pas trop dur d'avoir un toit sur ta tête ?
En tant que peste, je suis sûre que j'aurais fait carrière. Je dois avoir ça dans le sang, bien que ça me déplaise. Matt grimace et réplique :
- Tant qu'il n'y a pas de Sky autour de moi, ça va. Mais dès que je la vois je ne peux m'empêcher d'être exaspéré.
- Mais c'est qu'il a de la répartie le mendiant ! Si tu ne peux pas me voir, pourquoi me demander de l'aide ?
- Parce qu'il n'y avait que toi qui accepterais de m'entraîner, me répond-il. Tu es peut-être une peste, mais tu as un minimum d'honneur.
- Hum... Tu as raison. Mais ne me traite plus de peste ou l'entraînement va mal se passer pour toi.
Ça me fait tout drôle de prononcer ces paroles contre Matt. Je dois constamment lutter contre l'envie d'éclater de rire et de me réfugier dans ses bras. Ce temps là est pour l'instant révolu...
- On verra bien. Ça dépend de ton comportement, m'assure-t-il en avançant plus vite.
- Oh ça va, t'es pas mon père ! Pff...
Matt ne réagit pas, ne sachant que dire en ces circonstances. J'ai lancé cette phrase sans réfléchir mais j'ai eu tort. Penser à mes parents me fait du mal, même si dans ce cas-là, je ne parlais même pas des vrais. Cela fait remonter des souvenirs enfouis depuis trop de temps dans mon esprit.
Je lutte de toutes mes forces mais suis emportée dans mon souvenir. Celui du jour qui a changé ma vie.
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