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27. Le dernier empereur


Trois cent mètres en contrebas du balcon impérial se trouvait une place pavée d'une fausse pierre rosâtre, d'apparence cristalline. Un petit groupe de Gharíen en tenue blanche attendait patiemment, le nez levé vers le sommet de la tour, comme les corbeaux perchés sur un arbre. Ils avaient pour rôle d'identifier le corps tombé du balcon, de l'enlever et de nettoyer la place.

Plus loin, Rygor, Dsa, et Sunday étaient assis sur un banc. Ou plutôt, Sunday avait pris position sur une pièce de mobilier public qu'elle interprétait comme un banc, et les deux Gharíen avaient suivi son choix judicieux. Car l'Épreuve s'éternisait, à croire que l'Empereur et le Dauphin aient choisi un duel de récitation de poèmes, plutôt qu'un affrontement au poing.

« C'est trop long, lâcha Dsa, qui émettait sans cesse des sifflements incontrôlables.

— Avant que l'Épreuve ne commence, indiqua Rygor, l'Empereur et le Dauphin se doivent de parler de la situation de l'Empire. Or celle-ci est aujourd'hui très complexe. Il est donc probable que leur discussion se poursuive encore. »

Sunday envisageait des hypothèses plus farfelues.

« Et si quelqu'un était entré pour les tuer tous les deux ?

— Vous divaguez, Sunday-sen.

— Et si l'Empereur avait disparu ? »

Rygor marqua un temps d'arrêt.

« La question est déjà plus pertinente... mais c'est peu probable. Notre Empire, Sunday-sen, est comme un assemblage de ficelles jointes par des nœuds. Chaque disparition brise un de ces nœuds. Mais l'Empereur se situe tout au bout, toutes les ficelles convergent vers lui, si bien qu'il ne peut disparaître qu'en dernier.

— Alors, c'est peut-être Gandar.

— Dans ce cas, nous aurions oublié son nom. »

Sunday hocha la tête.

« Dsa-sen, que se passera-t-il si Gandar est battu ?

— Je devrai disparaître, dit la Gharíenne, comme toute trace du Dauphin.

— Sans vouloir porter de jugement hâtif, c'est une coutume... discutable.

— En devenant la concubine de Gandar, j'ai accepté ce risque. J'ai lié ma vie à la sienne ; son triomphe est aussi mon triomphe et son châtiment, mon châtiment.

— Je soupçonne que le châtiment est néanmoins plus vite partagé que le triomphe.

— Sunday-sen, intervint Rygor, ne croyez pas que nous avons besoin d'un œil extérieur pour discuter de nos lois et de nos coutumes.

— Je ne fais que passer le temps.

— Paix, Rygor. J'apprécie cette humaine. Elle est capable de dire des choses censées.

— Vous aussi, Dsa-sen, quand vous ne succombez pas à l'appel du précepte tout prêt. »

Une silhouette anonyme grandissait dans leurs dos ; mais comme ils attendaient eux aussi que tombe le dernier fruit mûr de l'Empire, l'ombre de Gandar s'étendit sur eux avant qu'ils prennent conscience de sa présence.

« Que fais-tu ici ? s'exclama Dsa. Est-ce que l'Empereur est mort ?

— L'Empereur n'est pas mort. »

Il accorda à Rygor un seul regard – cela suffit sans doute au diplomate pour tout comprendre – puis tourna ses larges épaules vers Sunday.

« Votre mission est une réussite, Sunday-sen. Toute notre flotte de guerre est désormais mobilisée. D'ici une journée, nos Sept Armées auront quitté l'ombre d'Alcyon et seront en route vers le système Raven. »

Sunday se leva d'un bond.

« C'est heureux, dit-elle. Dès que j'aurai regagné mon vaisseau, j'en ferai le rapport à la Division 1.

— À placer ma confiance dans vos Stratèges, dans votre dieu Omn, alors que j'ignore encore leur plan, je dois paraître fou. Mais il arrive un moment, Sunday-sen, où nos choix s'amenuisent tant que nous devons plonger dans l'absurde, ou réaliser des miracles.

— Ne perdons pas de temps à philosopher, Gandar-sen. Chaque instant nous est précieux. Je dois rejoindre l'Antartica de toute urgence.

— Je sais. »

Mais il ne semblait pas pressé pour autant. Quelque chose avait capté son regard. Comme les Gharíen vêtus de blanc qui, désœuvrés, attendaient la chute tels les oisillons levant la tête du nid, il fixait le balcon lointain. Là-bas, l'Empereur sans visage et sans nom avait repris sa place. Ses mains se crispaient sur les accoudoirs de son Siège, comme s'il se préparait à quelque ascension, mais c'était le contraire : il devait demeurer fixe, tandis que les Nefs s'enfuyaient entre les étoiles, que les puissantes armées de l'Empire traversaient le pont d'Arcs. Tandis que les Gharíen disparaissaient l'un après l'autre, ne laissant, dans les souvenirs de leurs pairs, que des gerçures. L'Empire s'effacerait et l'Empereur, depuis le sommet de la Sphère, serait le dernier à rejoindre les ombres.


***


Depuis le Siège, l'Empereur avait d'abord vu partir les Nefs dans l'espace. Mais plus s'éloignaient ces vaisseaux-mondes, plus s'effaçait leur lumière, comme s'ils la perdaient en chemin. Les équipages gharíen se raréfiaient. Les systèmes automatiques de propulsion se moquaient de l'absence de mécaniciens, mais les bulles écologiques mal entretenues se transformaient en jungles envahissantes.

Dans une Nef esseulée, l'Empereur vit errer un dernier Gharíen. La forêt vierge, puissante et tenace, obstruait les couloirs et les écoutilles. Les projecteurs s'éteignaient les uns après les autres, happés par le même démon qui avait obscurci les étoiles. Cramponné à un fusil à plasma, le Gharíen rampait sous les racines des arbres gigantesques, inquiet du moindre bruit, certain que des prédateurs pouvaient le happer à tout moment. Sa course dans le labyrinthe végétal, véritable jardin d'Eden de cauchemar, ne dura que quelques jours. Mais à l'Empereur, qui le regardait de loin, ces jours parurent des années. Un matin, il constata que la Nef dérivait vide d'âmes ; la forêt elle-même s'asséchait et se mourait.

Après les Nefs, d'autres espoirs vains s'envolèrent de Leto. Les Sept Armées de l'Empire traversèrent le pont d'Arcs en ordre de bataille ; une force comme n'en avait jamais vu l'Omnimonde. Cette flotte avait été construite pour accélérer l'expansion de l'Empire, mais son usage serait tout autre. En voyant ces vaisseaux flambant neufs, armés pour la guerre, chargés de vivres et d'énergie, pilotés par des équipages dévoués à Gandar, l'Empereur songea que l'Empire des Gharíen n'était peut-être qu'un commode mensonge. Depuis deux siècles, depuis qu'ils avaient échappé à l'emprise de leurs parents alephs, les amphibiens humanoïdes de Leto ne cherchaient peut-être qu'à se réunir avec leurs frères almains, à leur prouver leur valeur.

Oui, l'Empereur esseulé vit s'éteindre chaque lumière sur la surface de Leto. À l'ombre d'Alcyon endormi, il ne brilla bientôt plus que la Sphère. Et tandis qu'un calme sinistre s'abattait sur le système stellaire, son esprit, au contraire, fut parcouru de terribles tourments. L'Empereur se languissait de son monde ; un brouillard infranchissable avait coulé sur sa surface, qui dérobait à sa vue les cités florissantes de Leto. Il sentait que derrière ces souffles méphitiques, leurs tours inhabitées se déconstruisaient pierre par pierre. Cette tempête secrète portait dans son cœur, car l'Empereur était le dernier phare, le dernier à porter intact le souvenir de l'Empire, comme il avait porté l'Empire lui-même.

Cette tempête passa.

Les lumières de la Sphère vinrent à s'éteindre elles aussi. Sans elles, les frontières de la cité spatiale devenaient pure théorie. De son balcon, l'Empereur vit le Siège flotter dans un espace infiniment sombre, où perçaient à peine quelques étoiles.

Le fauteuil maudit des alephs ne lui transmettait plus aucune vision, plus aucune pensée. Le brouillard avait tout avalé lui aussi. Dans son secret, sans le moindre bruit et sans la moindre résistance, il anéantissait le dernier empire de l'Omnimonde.

L'Empereur attendit encore. Il se promettait de résister à l'ombre lorsque celle-ci viendrait collecter son âme. Méditant de longues heures sur ce siège inutile, dont l'assise de métal cisaillait les muscles de son dos et de ses épaules, il affûtait une épée de titane d'un mètre de long. Elle avait été forgée sur Leto deux siècles plus tôt, à partir de la carcasse d'un aleph déchu. Ayant vécu la guerre fondatrice de l'Empire, elle attendait avec impatience son combat final.

Il me reste à accomplir mon Épreuve, songea-t-il.

La porte de la salle du Siège était grande ouverte, et le couloir emprunté tantôt par Gandar se terminait à mi-chemin, englouti par la fumée sombre. L'Empereur attendait que l'armée des démons surgisse de ce brouillard qui pénétrait les dimensions. Mais une seule personne franchit cette barrière pour se présenter à lui.

C'était une almaine d'une race désormais inconnue de l'Omnimonde. Elle avait une peau rouge brique squameuse, accordée à sa tunique beige ; des cheveux orange vif où perçaient deux cornes. Elle marcha vers lui les bras ouverts, et ses mains à six doigts, deux pouces symétriques, semblaient caresser de loin les derniers murs du Siège, comme une vieille relique que l'on exhume. Une goutte d'or perlait dans ses yeux.

« Ô Empereur, je viens vers toi porteuse d'une grande nouvelle... »

Elle regarda son épée et eut un sourire involontaire. Un scintillement bleuté glissa au-dessus de son épaule droite, car des forces invisibles la suivaient, dont l'Empereur pouvait sentir l'impatience.

« ... cet univers va prendre fin.

— Pas tant que je me tiendrai debout.

— Ton Empire n'était qu'un atome dans cet univers, et tu n'étais qu'un atome dans cet Empire. Toi qui as déjà renoncé à ton nom, quelle lutte espères-tu encore mener ? Je t'ai annoncé la fin des Temps. Réjouis-toi, ton combat s'achève avant d'avoir commencé. Le fleuve des âmes s'est alourdi de tes sujets ; rejoins-les donc, puisque tu es leur chef, et mène-les vers l'Anh primordial, le creuset d'où nous bâtirons un nouveau monde.

— Qui es-tu ? »

Elle referma ses bras. Un éclat de cristal se découpa dans l'air à côté d'elle, de la taille de son avant-bras. Sa forme hésitante, comme celle d'un solide oscillant en quatre dimensions, masquait une puissance bien supérieure à l'épée misérable de l'Empereur.

« Je suis l'Annonciatrice, messagère des volontés divines en ce monde. Ne te méprends pas, Empereur, les étoiles se sont éteintes mais il subsiste encore une lumière : moi. Les races primitives de l'Omnimonde retournent à la poussière, et leurs âmes sont collectées par le fleuve ; je suis l'Élue mandatée par les Mille-Noms pour vérifier qu'il n'en demeure plus une seule.

— Tu es donc venue me tuer.

— Cauchemar, le Seigneur de la Folie, a étendu son voile sur ce monde, mais ta folie était plus grande que la sienne, et tu demeures encore ! Par la volonté des Mille-Noms, je dois t'anéantir pour que cet univers renaisse.

— Je suis le fer de lance d'un Empire éternel, et je méprise tes dieux.

— Sache-le, les Mille-Noms méprisaient ton puissant Empire. Car ce sont eux qui ont créé l'Empire, qui l'ont implanté dans la conscience collective de cet univers, et l'empire des Gharíen n'est jamais arrivé à la cheville de ceux qui l'ont précédé, tels le Draconis. »

L'Annonciatrice fit un geste du bras. Un bref éclair bleuté brilla entre eux deux. L'Empereur ramena son épée pour parer le coup à deux mains. Le cristal suspendu avait traversé la salle du Siège et pesait désormais sur sa lame. Ses bras de nage ployèrent sous l'effort. L'épée d'éther s'enfonçait lentement dans le titane, creusant une encoche bleuissante.

« Ta résolution est vaine, jugea l'Annonciatrice. Je te l'ai dit : je suis le bras des dieux. J'ai affronté et vaincu des légions entières avant toi. Crois-tu que Leto est le premier monde vers lequel me porte ma mission ? Chaque fois, je rencontre une sorcière, un roi ou un chevalier errant au sommet des montagnes, et chaque fois... »

L'éclat de cristal, qu'elle manipulait à l'aide de cordes invisibles, fit un bond en arrière, s'évanouit, réapparut sur son flanc droit. L'Empereur dévia le coup, mais la force du choc l'étourdit. Il recula vers le Siège. L'épée adverse virevoltait dans la salle, découpant des blocs de plafond qui venaient s'effondrer autour de lui comme des pièges.

L'Annonciatrice s'avança vers lui. Elle ne touchait pas le sol ; ses pieds nus flottaient à quelques centimètres de hauteur. Elle parut le désigner du doigt ; l'Empereur fut projeté dans le siège de métal, dont les câbles s'animèrent, s'arrachèrent de leur support et vinrent lier ses bras et jambes. Il lutta vainement contre leur nombre. Dans sa main, la lame de métal fondit comme du mercure.

L'éclat bleu incandescent revint vers l'Annonciatrice. Elle leva la main ; l'épée suivit son geste et monta au-dessus de l'Empereur, pointe vers le bas.

« Je veux que tu comprennes que ceci est notre destinée à tous les deux, notre rôle. Je dois te faire disparaître.

— Le destin est une façade pour les tyrans, et ces tyrans d'aujourd'hui sont tes dieux. »

L'Annonciatrice approcha la main de sa poitrine ; du bout de la griffe, elle déchira son épaisse armure de métal, puis sa main toute entière le traversa. Car elle était une forme astrale, capable à tout instant de se détacher du monde matériel. Et ce n'était pas de son corps qu'elle arrachait le cœur, mais de son esprit.

« Anh t'a donné cette âme, et elle lui revient désormais. »

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