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42. Regarde bien

Car nous savons que ce qui sépare les rêves du réel, le vivant du fantôme, c'est le Temps.

Quiconque perd son Temps, perd sa réalité.

Kaldor, Principes


Le temps reprit son cours habituel ; dans l'Interface Mentale, les chiffres se remirent à défiler.

« Es-tu bien installée ? » demanda Fréya sur un ton habitué, comme si elle pilotait un avion de ligne.

Lanthane, elle et Andromède formaient un trio inégal. Fréya était assise dans une chaise transparente, Andromède agenouillée à même le sol, comme en méditation, sa surface grise parcourue d'infimes vaguelettes. Lanthane faisait face à Fréya.

Des marées de contrôles holographiques l'assaillirent comme une nuée de serveurs pressés de prendre commande. Fréya les désigna sommairement du doigt en prononçant quelques noms. Champ d'inhomogénéité, d'anisotropie, ondes d'impact de fréquence variable, champ de destructuration moléculaire, suspenseur de masse inertielle. Lanthane avait l'impression d'avoir manqué un cours. Mais il aurait fallu une vie entière pour prendre en main ce vaisseau, tout comme il faut une vie pour apprendre à connaître une personne humaine.

« Ne t'inquiète pas, dit le système de contrôle en remarquant son trouble. Donne-moi des ordres simples, je les appliquerai.

— Je veux que tu ne tues personne et que tu fasses le moins de dégâts possibles.

— Tu ne me facilites pas la tâche, mais j'y penserai. »

Elle afficha une image du pont d'Arcs qui menait vers Stella Perago. De minuscules satellites d'observation orbitaient alentour, fournissant des images de Mjöllnir pour les vaisseaux du blocus. Leur réseau local formait une toile d'ondes radio qui s'afficha en dégradés de bleu sur le fond céleste imperturbable de l'IM. Des scintillements égarés en surgissaient parfois, qui semblaient tomber de là-haut sur leur palais transparent flottant dan l'espace.

« Ils nous envoient des messages, expliqua Fréya.

— Pouvons-nous les entendre ? Et leur répondre ?

— Je suis un vaisseau conçu pour la guerre totale, pas pour parlementer. Mais ils ont de la chance : de nos précédents voyages, j'ai appris à faire des échanges radio. »

Elle claqua des doigts et la voix sombre d'une IA pré-Turing, aussi simpliste que la sonnerie d'un combiné téléphonique, résonna sous la voûte étoilée.

« Demande de mise en contact. Le certificat sera transmis sur ce canal. Renvoyez une clé publique de 4096 bits...

— Ils me noient sous les chiffres et je n'y comprends pas un traître mot.

— Ce sont les protocoles standard de la Conférence pour les communications chiffrées. La Division 1 voudrait parler avec nous, mais sans que Rems puisse nous entendre. »

Fréya secoua la tête et sourit d'un air débonnaire, comme un parent qui se laisse malmener par ses enfants dans un jeu de société.

« J'aurais volontiers dit oui, mais il vaut mieux que tes intentions soient claires pour tout le monde, n'est-ce pas ? Parle, Lanthane. Parle aux vaisseaux qui nous attendent de l'autre côté du pont.

— Je ne sais pas quoi leur dire.

— À toi de voir. Ils nous écoutent.

Lanthane-sen ? Êtes-vous sur ce vaisseau ? »

À l'oreille, elle reconnut la voix plus grave d'un humain, ou peut-être d'un vieil okrane. Elle se demanda ce qu'il voyait ou entendait d'elle, si ses pensées troubles pouvaient parasiter la conversation.

« À qui ai-je l'honneur ?

Je suis l'amiral Vargant, directeur du blocus de Perago. J'ai été mandaté par la Division 1 pour parlementer...

— Je souhaite me rendre sur la planète d'U'jera, en bordure de l'Omnimonde. Est-ce trop demander ?

Je regrette, votre vaisseau ne peut pas traverser le pont d'Arcs. Quant à la planète que vous mentionnez, si elle se trouve de l'autre côté du pont d'Andromède, nous avons fermé cette frontière de la Conférence il y a quelques heures, par mesure de précaution.

— Vous faites donc tout pour m'empêcher de la rejoindre. Pourquoi ?

Nous avons d'excellentes raisons.

— Vous ne souhaitez pas en discuter sur un canal ouvert, n'est-ce pas ? Vous craignez que Rems nous écoute ?

Le représentant Mid'len est parfaitement au courant. Mais il s'agit de données sensibles de la Conférence. »

Fréya rejeta la tête en arrière et se mit à rire, d'un rire léger et cristallin, comme celui d'une jeune fille à son premier bal. Même Lanthane, qui venait à peine de la rencontrer, put comprendre l'étrangeté de ce rire, car il était comme un violon d'exposition posé sur l'étagère du luthier, qui n'a jamais servi et dont se saisit un jour un prodige de passage, dont il fait jaillir un son d'une divine harmonie. Car Fréya n'avait jamais ri. C'était un rire de sarcasme, de moquerie, d'ironie, mais aussi le tragique de son existence solitaire, de ce dernier voyage prédit depuis si longtemps.

« La vérité, énonça-t-elle, c'est ce qui demeurera lorsque tous nos mots auront disparu.

Qui êtes-vous ? Qu'entendez-vous par là ?

— Je suis une arme qui a traversé de grandes et terribles batailles. Assez de vos mots, amiraillon de pacotille. Cette Conférence qui vous gouverne, ou que vous gouvernez, a bien le droit de savoir. »

L'homme soupira.

« Connaissez-vous le tirage des cartes ?

— Le Voyageur, Anh, le Temps.

Ce tirage prédit la fin du Temps.

— Tout s'achève un jour, prophétisa Fréya.

Quelqu'un vous attend à U'jera...

— C'est exactement pour ça que nous y allons.

Non, vous ne comprenez pas ! Si vous atteignez cette planète, le Temps prendra fin. C'est tout ce que nous savons. C'est tout ce qu'iel nous a dit. »

C'est pour cela que je suis la dernière, se dit Lanthane. Mais malgré les bribes de vérité que leur avait délivrées Diel, l'amiral Vargant n'aurait pas compris cette allusion. Les yeux rivés sur le pont d'Arcs, elle se mit à hésiter. Tout dans ce voyage, chaque étape, jusqu'à sa destination, lui paraissait écrit à l'avance. Pour la première fois, Aléane, qui avait toujours renversé le cours de l'histoire, était ballottée sur son fleuve agité comme en un frêle esquif.

« Partons, décida Fréya.

Si vous traversez le pont d'Arcs, nous tenterons de vous immobiliser.

— Vous pouvez toujours essayer. »

Elle prit la voix de l'amiral Vargant, l'arracha du firmament où elle flottait sous forme de canopée bleuissante, la pressa comme un fruit et la laissa flotter à côté d'elle sous la forme d'un orbe solitaire, qu'elle poussa du côté de Lanthane.

« Tiens. S'il te prend l'envie de le rappeler. »

Fréya ouvrit les bras comme un chef d'orchestre ; les contrôles holographiques s'illuminèrent. Les aiguilles de leurs cadrans virtuels firent un demi-tour, indiquant que Mjöllnir puisait l'énergie de son réacteur ; le temps se ralentit de nouveau et le vaisseau bondit à une accélération de cinquante pesanteurs.

« J'aurais dû mourir sur le coup, dit Lanthane, qui suivait à demi les cadrans.

— L'accélération ? Suspenseur de masse inertielle et champ d'intégrité. Tout ton corps est devenu un bloc de diamant. Je pourrais aller à deux cent pesanteurs et tu resterais intacte, alors que sur tout autre vaisseau, tu te transformerais en bouillie. »

Le passage du pont d'Arcs ne dura qu'une fraction de seconde, mais comme le temps était dix fois ralenti, Lanthane vit l'œil rougeâtre s'agrandir et s'ouvrir ; des filaments rouges, simples aberrations optiques, cheminèrent aux marges de leur environnement, tandis qu'une vague sombre remplaçait leur ciel étoilé. Enfin, les vaisseaux du blocus apparurent.

Toutes les armes de la Division 1 étaient aux mains de Stratèges alephs et de systèmes IA et les frappes automatiques commencèrent dès l'embouchure du pont d'Arcs, alors que Mjöllnir n'était encore qu'à l'état de potentialité signalée par un brusque sursaut radio. Des vagues gravitationnelles convergèrent sur lui comme des séismes invisibles, des perturbations inertielles comme une nuée de morsures de serpent dans son métal. Des contre-champs apparurent sans même que Fréya ne parût réagir. Dans sa première demi-seconde à Sol Perago, le vaisseau s'était déjà entouré d'un empilement d'aurores boréales, de corolles irisées étincelantes, résultat de la lutte de champs contraires qui tentaient de renverser les propriétés de l'espace.

« Intéressant, dit-elle. Vous avez fait quelques progrès. »

Lanthane crut apercevoir l'éclat nitescent du Flaminia, le vaisseau remsien qui l'avait amenée ici, mais elle n'en fut pas certaine. Mjöllnir avait déjà traversé la ligne du blocus ; de toutes parts, les réacteurs des frégates s'allumaient comme des petits soleils.

« La poursuite était convenue, remarqua-t-elle. D'autres vaisseaux nous attendent plus loin. »

Elle réduisit l'image du système et son regard se porta vers Atlas, la seule géante gazeuse de Perago, et le seul astre lumineux du système depuis qu'Hélios avait réduit ses deux soleils en purée. Elle roulait encore sur son orbite comme un funambule faisant le tour de la piste de cirque, invisible aux spectateurs car les deux clowns de l'affiche se livrent à leur plus fameux numéro ; mais le temps passant, elle s'éloignait du nuage de plasma qui brillait faiblement au centre du système.

« Essayons de les surprendre, dit Fréya avec un sourire.

— Quoi que tu envisages, les Stratèges l'ont envisagé avant toi. Je connais les capacités de ces molts. Ils auront toujours une longueur d'avance.

— Dans un jeu entre acteurs purement rationnels, l'incertitude est la clé. Ils ne savaient pas ce dont tu étais capable. Ils ne me connaissent pas davantage. »

Fréya saisit le contrôle de l'accélération et l'écrasa à zéro. Les collisions de champs offensifs se multipliaient à l'arrière du vaisseau. Il semblait à Lanthane que les secousses se rapprochaient d'elle et que le monde de l'IM tremblait déjà, comme un prélude aux vents furieux qui démonteraient bientôt Mjöllnir pièce par pièce. Ce que fit Fréya n'en parut que plus surprenant. Elle étendit un puissant champ inertiel à l'avant du vaisseau, comme si les poursuivants aguerris, en tête desquels le trio du Nayaka, du Thompson et du Denrey, ne l'intéressaient plus.

« Il n'y a encore rien devant nous, remarqua Lanthane.

— Regarde bien.

— Tu te rapproches beaucoup trop d'Atlas. Il va falloir dévier. »

Fréya sourit de nouveau.

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