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65. La fosse des cauchemars


D'un geste décisif, Richard Broker tamponna son courrier de la mention « le N.O.M. le veut », ce qui lui procurait toujours une grande satisfaction.

Chaque fois qu'il visitait sa forteresse intérieure, il apparaissait assis à un bureau de général, et la première chose qu'il trouvait à faire était de signer une lettre qu'on avait déjà écrite pour lui, un ultimatum à la Chine qu'elle devrait désormais courber l'échine face au Nouvel Ordre Mondial, ou se préparer à une guerre qui s'annonçait défavorable pour le dernier empire communiste de la Terre.

Il habitait ici un château planté au sommet d'un surplomb rocheux, au creux de vallons paisibles. Malgré ses apparences, la forteresse était aussi vaste que tout autre monde intérieur, car ses couloirs descendaient à l'infini, et nombreuses étaient les portes de chêne qui devaient rester scellées. Broker avait quelque peu entraîné son esprit pour la guerre. Cela avait fait ressortir son obsession pour le communisme et la Guerre Froide, sous la forme d'affiches de propagande innombrables colonisant les corridors de pierre.

Broker lui-même portait un uniforme de général, alors qu'il n'avait jamais fait le moindre service militaire. Il siffla son enseigne, qui vint prendre le courrier, se leva de son bureau et indiqua :

« Nous allons subir une tentative d'intrusion. Faites doubler la garde. Je veux que l'on me rapporte le moindre incident. »

L'homme, un personnage sans âme et sans visage, esquissa un salut et disparut.

Le général Broker monta ensuite sur la muraille crénelée pour examiner le dispositif de garde, compter le nombre de soldats. Bras croisés dans le dos, mâchonnant un cigare, il ressemblait à un Churchill en campagne.

« Nous ignorons quelle forme prendra cette intrusion, marmonna-t-il, aussi devrons-nous être aussi vigilants que nous l'avons été pour la peste rouge. »

Car la peur du communisme était la véritable raison de sa conversion. Si nous ne le faisons pas les premiers, songeait-il, le communisme l'emportera sur nous. Et pour les partisans d'un ordre mondial autoritaire et hégémonique, toute philosophie contradictoire est un autre ordre mondial concurrent en devenir, et doit être anéantie. Broker avait grandi dans un milieu profondément anti-communiste. Enfant, il était tout à fait incapable de comprendre les théories marxistes, mais il lui suffisait de savoir où tracer la ligne entre le bien et le mal. D'aucuns diraient qu'il n'y comprenait toujours rien, et que le communisme ne lui était demeuré que comme un fétiche, une vieille boussole cassée qu'il ressortait pour s'orienter dans le monde. Si cela fonctionnait à l'époque, pourquoi pas maintenant ? Ainsi, pour savoir quel camp choisir, il cherchait les communistes, ainsi que tous leurs associés qui, on se l'imagine, étaient fort nombreux.

Les cachots de la forteresse étaient ainsi emplis de personnages de son enfance, de connaissances estampillées « communistes » et frappées du sceau d'anathème, d'un oncle européen un peu fantasque à un chanteur célèbre de son adolescence.

Le général Broker s'arrêta et plissa des sourcils. Aucune fumée, aucune lumière n'apparaissait à l'horizon, et ses soldats se fatiguaient de monter la garde. Soucieux, il jeta son cigare par-dessus la muraille et poursuivit son tour.

À cet endroit, le chemin de ronde descendait en pente abrupte à l'intérieur de la muraille, s'enfonçant dans une obscurité à peine nuancée par quelques flambeaux vacillants. De lourdes portes, aux ferronneries épaisses, s'alignaient le long de ce couloir. Elles menaient aux souterrains de la forteresse, dans des lieux où Broker ne se sentait pas le bienvenu. Depuis qu'il les avait scellées, il était tombé dans l'ignorance de ses vieux cauchemars, et s'en croyait heureux.

« Vous n'auriez pas dû faire cela. Un jour, ils perceront la porte, et ce jour là, vous ne serez pas prêt. »

Astyane se trouvait derrière lui, au milieu du couloir. Il était presque certain de l'avoir vue surgir de la lumière d'un des flambeaux, comme une éruption solaire. Avec ses ailes en filigrane, sa forme astrale était plus impressionnante que son apparence réelle. Elle avait raison, mais Broker détestait se faire sermonner ; ce n'était pas arrivé depuis une trentaine d'années au moins.

« Ce n'est pas parce que vous ne les voyez pas qu'ils ne sont pas là. Ils prospèrent dans l'ombre .Vous les avez comblés. Ils attendent l'heure de leur retour.

— Comment avez-vous pu rentrer ici ? Cette forteresse est imprenable.

— Vous la voyez comme telle, parce que c'est votre désir. Mais vous ne devriez pas croire tout ce que vous disent les rêves. »

Le couloir se ferma à ses deux extrémités et se résorba en partie, devenant une salle carrée.

« Maintenant, dites-moi qui est la taupe des Convertis dans le BIS. Si vous ne me permettez pas de remonter jusqu'à Treskoff, peut-être qu'elle le peut. »

Devant son silence, elle reprit :

« Nous pouvons descendre encore plus bas. Vous pouvez lutter encore plus longtemps. Mais je finirai par gagner. Vous n'êtes qu'un enfant à qui on a donné un peu de pouvoir, et je suis née mage. Je suis la dernière mage des anges. J'ai une mission.

— Moi aussi, j'ai une mission, rétorqua le général Broker en se souvenant du monstre communiste. Plus bas, vous avez dit ? J'imagine que nous n'avons pas le choix ! »

Comme c'était la seule issue, Broker avisa la porte de chêne la plus proche, ôta les chaînes qui la scellaient et l'ouvrit d'un grand coup de pied. Il fit face à une obscurité aussi épaisse qu'un mur peint en noir. Quoi qu'il eût enfermé ici, cela avait dévoré les murs et les escaliers ; il n'avait plus qu'à plonger, la tête la première, dans la fosse aux cauchemars.

C'était une idée épouvantable. Sur l'instant, elle lui parut désespérée, mais censée. Astyane tenterait de le suivre ici ; il la laisserait aux prises avec ses vieux démons, remonterait seul jusqu'au réel et la passerait par la fenêtre avec son collègue à moustache.

Tous ses cheveux repoussèrent, l'implantation de sa barbe régressa comme un jardin sans eau et il retrouva le physique de ses quinze ans, car ses meilleurs regrets et ses souvenirs les plus embarrassants avaient pris racine à cette époque.

Aux lumières, aux odeurs, aux couleurs, il reconnut aussitôt un bal de fin d'année, sans parvenir à le dater. Engoncé dans un costume chaud et inconfortable, il se trouvait dans une grande salle de bal, au milieu d'une foule compacte d'invités, devant jouer des coudes pour se déplacer. Au plafond, d'énormes lustres ventrus jetaient dans la salle des éclats de turquoise, mauve, parme et rubis. Les visages, les bras nus, les costumes et les robes de bal passaient sous ces filtres pastels de mauvais goût, comme une peinture massacrée par un artiste raté.

« Richard ? Richard ? »

C'était Evelyn. En la voyant, son cœur fut happé par ses émois d'adolescents, conservés intacts par son souvenir. Il lui avait parlé cinq fois. Le détail de chacune de ces conversations banales était stocké ici, sous la forme de cinq Evelyn identiques. La sixième était un ajout. Car la sixième était le cauchemar.

Elle s'approcha de lui en jouant des coudes contre la marée humaine. Engourdi par son charme, muet d'admiration pour son sourire, pour la forme de son nez, pour les deux grains de beauté sur son visage, il voulut tendre la main vers elle, mais son geste se perdit dans les limbes mystérieuses qui séparent l'intention de l'action.

« Tu voulais me demander quelque chose ? »

Cela lui parut limpide. Il aurait aimé qu'ils sortent ensemble. Beaucoup de ce qui lui semblait important à l'époque lui paraissait désormais stupide, comme son projet de groupe de rock. Mais sa romance avec Evelyn était restée à l'état de chimère, donc imperméable à toute raison, inaliénable et indestructible.

« Bien sûr, Richard, allons-y. »

Elle ne pouvait pas être d'accord, puisqu'il n'avait jamais demandé.

Evelyn se retourna et s'enfonça dans la foule, le laissant seul avec ses conversations passées, qui se déroulaient en boucle, dialogue éternel fait de quelques bribes.

« Richard ? C'est toi ? »

Un homme tapota sur son épaule. Il était grand, maigre et à moitié nu ; des fils pendaient de ses bras et de ses épaules, tendus à d'innombrables potences de perfusion qui roulaient derrière lui comme les chaînes d'un condamné.

« C'est mon fils, dit-il à quelques anonymes qui l'accompagnaient, costumés pour l'enterrement, et qui portaient déjà des bouquets de chrysanthèmes. C'est mon fils. Je suis fier de lui, c'est quelqu'un d'important. Hein, Richard, tu sais, ce n'est pas grave que tu ne viennes pas me visiter à l'hôpital. Je sais que tu as mieux à faire. »

Tout en parlant, son visage se dégrada. Sa peau devenue presque translucide, tendue sur son crâne, menaçait de se briser. Broker s'enfuit au travers d'un rideau de danseurs.

« Mais tu reviendras, n'est-ce pas ? Rien qu'une fois ? Tu reviendras me voir ? »

Ces cauchemars le rendaient vulnérable pour mieux se nourrir de lui, pour le garder parmi eux. Avait-il engendré lui-même ces démons, ou étaient-ils venus s'installer ici tels des parasites ? Peu importe qui se cachait derrière le masque d'Evelyn ou de son père. Il devait à tout prix sortir d'ici.

La foule se densifia et s'anima d'un mouvement contraire au sien ; il donna des coups de coude, de genou, des coups de poing en plein visage ; mais ces marionnettes humaines réagissaient à peine, au mieux d'un grognement.

« Il faut rembourser, monsieur Broker. »

Cet usurier était-il une pure invention ? Il agitait au-dessus des têtes des documents inquiétants, des papiers qui claquaient dans les airs comme les dents de molosses affamés.

« J'ai ici la preuve que votre héritage était indu, car vous n'êtes pas le fils légitime. Vos prêts seront remboursés. Vos entreprises seront saisies. Nous vous laissons votre femme, vos enfants et votre chien. Parviendrez-vous à leur rembourser tout ce que vous leur devez ? »

Je ne dois rien à personne, se répéta Broker. Je ne dois rien à personne.

Où qu'il aille, les mêmes figures rôdaient autour de lui, à la même distance, car la foule n'existait pas pour elles.

« Tu viendras ? »

« Bien sûr. »

« Remboursez ! C'est écrit ici. »

« Monsieur Broker, est-il vrai que c'est la banqueroute ? »

Il écarta les bras dans un cri de rage. En contraste parfait avec sa peur et sa colère, Evelyn apparut de nouveau, rassurante, confiante, de pure lumière. Elle se pencha vers lui comme pour déposer un baiser sur ses lèvres, mais au lieu de cela, elle se pencha à son côté. Il sentit son parfum, son haleine, sa respiration dans son cou tandis qu'elle glissait à son oreille :

« Tu avais tout. Mais tu n'as jamais eu ce que tu voulais. »

Il essaya de se détacher de son étreinte.

« Tu n'as jamais rien donné à personne. »

Elle s'écarta de lui en souriant, comme si c'étaient là les seuls mots d'amour dont il pouvait rêver.

« Tu n'aimes pas ta femme. Tu ne te souviens même pas de son prénom. Tu n'as aimé que moi. Mais tu ne m'as même pas donné cet amour. »

Une terreur indicible descendit sur lui comme la huitième plaie d'Égypte. Broker savait maintenant que quelque chose, ici même, voulait le détruire, et que cette chose allait y parvenir.

« Échec et mat. »

Les danseurs se percutaient à toute vitesse, dans un état d'agitation telle qu'il ne pouvait relier ces mots à une bouche, ni même à une voix ; des échos s'infiltraient dans l'air ambiant, de toutes parts, qu'il ne pouvait fuir.

« Laissez-moi seul ! »

Alors, comme par miracle, la foule s'écarta, s'écrasa contre de lointains murs comme une vague ronflante. Les lustres disparurent et seule leur lumière, lavée de ses couleurs, demeura en place, en faisceaux répartis à intervalles réguliers, comme les projecteurs d'une scène.

Un homme attendait sous l'un de ces faisceaux, debout au centre d'un cercle de lumière à peine aussi large que lui. Il avait un visage pâle, imberbe, sans nez et sans lèvres ; ses yeux étaient si noirs qu'il douta aussi de leur existence. Broker comprit que sous tout autre angle, cet homme inquiétant lui serait apparu sous une forme hideuse. Tout l'arrière de son corps, de la tête aux pieds, était une surface noirâtre parcourue de rides, dont les reflets faisaient vaciller la lueur solitaire sur laquelle il avait pris racine.

Le sol uniforme glissa sous les pieds de Richard et le rapprocha un peu plus.

À l'emplacement du nez se trouvait un œil, planté verticalement, un œil sans pupille au blanc laiteux, uniforme, légèrement brillant. L'homme n'avait pas de sourcils. Ses cheveux noirs descendaient du sommet de son crâne en cascades de lianes fanées. Il était presque nu, ou portait un vêtement translucide, de couleur grisâtre. Il ressemblait à ce reflet hideux et grotesque que l'on aperçoit de soi-même au fond d'une tasse de thé.

« Et toi, qui es-tu ?

— Je suis ton envers. Ton anti-homme. »

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