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5. Quelques grains de poussière

En ces temps-là, jamais le monde n'avait vu plus fière armée que celle de Babylone. Le seigneur Adad, du haut des remparts, vit se lever un rideau de brouillard par-dessus les feux de l'aube ; le sable soulevé par les phalanges de hoplites encerclait Nela dans sa tempête furieuse. Le scintillement de leurs casques de bronze et la sueur évaporée sur leurs peaux faisaient vaciller l'atmosphère telle un mirage ; Adad songea que le ciel se gonflerait bientôt de nuages.

Un martèlement plus nerveux, plus rapide, celui de troupes de cavalerie, retentit sur l'Est. Adad se mordit la langue et jura au nom des dieux primordiaux. Enfin, plus loin encore, apparurent les hautes silhouettes des éléphants de guerre, montés par de féroces pilotes, venus des confins du monde connu. Des lames aussi grandes qu'un homme étaient clouées sur leurs défenses.

Inquiet, Adad baissa le regard vers les soldats de Nela amassés de l'autre côté du rempart. C'était un geste involontaire ; les hommes virent, pour la première fois, l'incertitude dans son regard, et un vent de panique s'empara d'eux. Les premiers rangs lâchèrent leurs lances étincelantes et s'enfuirent vers le centre de la ville ; les sergents qui tentèrent de les en empêcher furent massacrés sur le champ, écrasés par la foule délirante. Des habitants confinés ouvrirent leurs fenêtres et se mirent à hurler, tantôt des moqueries, tantôt des lamentations.

La mâchoire serrée, Adad contempla le désastre sans bouger d'un cil. La formation serrée de ses troupes, prêtes à faire face à la rupture du rempart, n'était plus qu'un lointain souvenir ; ces lignes claires ne se traçaient plus que dans son imagination. En contrebas, des hommes hagards se battaient dans la poussière, sans trop savoir pourquoi ; les plus malins avaient fui dans la confusion. Certains s'invitaient déjà dans les échoppes fermées la veille, dont ils défonçaient les portes d'un coup de pied. Ils perçaient les tonneaux de leur glaive ensanglanté et se baignaient ivres dans des rivières de bière. Ils déchiraient des sacs de farine d'orge et s'en recouvraient le corps comme de poussière.

Des cris s'élevèrent dans la ville, comme un chorus d'animaux excités par l'approche d'un danger imminent ; sans se concerter, mû par l'instinct, le peuple se déversa dans les rues et prit part au chaos. Tout seigneur qu'il fût, Adad devait se souvenir, en ce jour, qu'une cité puissante comme Nela reposait sur un équilibre fragile. Abandonnée par son roi, privée de toute destinée, la cité devait descendre plus bas que l'animal.

Cependant, les fantassins de Babylone se mirent en marche, poussant devant eux les éléphants, les béliers, les machines de guerre, portant les échelles et les balistes ; les arbalétriers prirent place et les premières flèches vinrent à tomber sur les murs de la ville, clouant au sol les blessés de la mutinerie.

Dans l'indifférence générale, le peuple étant trop occupé à s'entre-tuer, Adad descendit dans la rue et fonça en direction du palais royal.

Sol, la Lune et les cieux disparaissaient dans les voiles rouges sang de l'aube. Étouffée par l'étau de Babylone, convulsée de panique, la cité dérivait déjà dans un autre espace ; les horreurs que vit Adad sur son chemin s'imprimèrent dans son esprit comme autant de marques de la colère des dieux. Indifférent à son passage, le peuple de Nela se mangeait lui-même en riant.

Se frayant un chemin à coups de glaive, Adad fut bientôt lui-même recouvert de sang et d'alcool ; lorsqu'il leva la tête vers les colonnades du palais royal, il lui sembla croiser le regard las d'Ozymandias. Mais ce n'était que son imagination. Le seigneur emprunta des accès déserts, fuis par tous les gardes, et monta aux jardins asséchés.

Apercevant des sillages de fumée qui s'élevaient des quartiers périphériques, Adad manqua de heurter l'intendant royal, qui rôdait entre les fougères comme s'il n'avait pas bougé depuis la veille.

« Que faites-vous encore là ? grogna-t-il en secouant l'homme chauve comme un dattier.

— Le roi... le roi... » bafouilla-t-il.

Rompu aux arts subtils de la politique et de la diplomatie, il n'était pas en mesure de comprendre le basculement de Nela dans le chaos. En quelques minutes à peine, les digues de la civilisation s'étaient rompues et un déluge de passions animales emportait sous leurs yeux mille ans de labeur.

Je souhaite bien du courage aux Mille-Noms, songea Adad, si c'est là la matière qu'ils essaient de façonner. L'univers connaîtra encore quantité de cataclysmes avant d'arriver à créer quelque chose qui mérite le titre d'homme.

« Le roi...

— Eh bien, le roi ? Je vais le voir.

— La ville est perdue, seigneur...

— Je sais ! » cracha Adad en le frappant au visage.

Il entendit des dents craquer et regretta aussitôt ce geste de rage amère. L'homme, le visage rouge, le nez tordu, le regardait toujours de ses yeux larmoyants. Il ouvrit encore la bouche, comme un avertissement, puis s'affala sur le côté en se dissolvant sur place.

Il n'y avait pas d'autre mot. Ses bras se tordirent vainement pour attraper des branches, pour se tenir contre les accoudoirs de pierre, mais ils se dispersaient déjà, ils éclataient en une fumée lourde, parsemée d'un scintillement violacé, qui s'effondrait sur le sol et rentrait dans les fissures du calcaire. Frappé de stupeur, Adad s'écarta vivement. Les robes de l'intendant se décomposaient comme le tissu vieux de mille ans qui enrobe les momies, tandis que son crâne, tombé en équilibre sur le bord d'un bassin, s'érodait comme une montagne de sel.

« Par tous les Noms ! » s'exclama-t-il.

À l'approche des appartements royaux, le seigneur de guerre sentit ses pas s'alourdir. Il prétendait n'avoir pas peur de la mort et, en effet, il n'avait pas peur des lames empoisonnées de Babylone, de ses flèches et des défenses acérées de ses éléphants. Car il était né et avait été formé pour la guerre. Mais le pouvoir démesuré d'Ozymandias, pouvoir de vie et de mort, d'ordre et de chaos, dépassait son entendement et fracturait ses certitudes.

« Il a commencé. »

Surpris par cette voix, Adad brandit son glaive ; des gouttelettes de sang volèrent au-devant de lui telles une bénédiction macabre. Alcmène, l'esclave royale croisée la veille, l'observait comme une bête curieuse, installée sur une corniche surplombant l'escalier. Elle se laissa tomber souplement devant lui.

« Vous l'avez observé depuis des jours ! lança-t-il. Que savez-vous ?

— Ozymandias a décidé de bâtir son empire. À cet effet, il est en train de compléter Atman, sa création, en consommant les âmes humaines à sa portée.

— C'est monstrueux. »

Alcmène souleva une lance tombée contre le mur, abandonnée par un soldat déserteur. Adad constata que si ses hardes misérables, ses cheveux coupés à la serpe étaient ceux d'une esclave, ses gestes avaient la précision d'une maîtresse d'armes.

« Qui vous envoie ? lança-t-il, soupçonneux. Êtes-vous une tueuse babylonienne ?

— Si fait. Mais j'ai désobéi à tous mes chefs pour venir ici. Ils comptaient broyer le palais à la catapulte, depuis le confort de leurs fauteuils.

— Vous êtes donc venue tuer Ozymandias vous-même.

— Je ne souhaite pas le tuer. »

Adad découvrit que sa main tremblait ; avant qu'il eût pu l'en empêcher, Alcmène avait gravi les dernières marches et ouvert la porte de la chambre du roi d'un coup de pied.

Ozymandias les attendait.

Le Stathme dans sa main brillait d'un éclat furieux, qui s'introduisait déjà dans leurs esprits pour y porter d'inquiétants murmures.

Les échos de la chute de Nela retentissaient dans sa chambre comme si le peuple s'égorgeait juste sous ses yeux, pour son bon plaisir. Ces voix hachées remontaient au-dessus des jardins comme la fumée d'un sacrifice et s'introduisaient entre les colonnes. La surface de Nela bouillait, comme le tumulte soulevé par l'échine de Léviathan. Le jeune roi s'y montrait d'autant plus indifférent qu'il se savait à l'origine de ce désastre ; que cela s'inscrivait désormais dans son projet, et faisait partie de son plan.

« Ô, seigneur de guerre, pourquoi te tiens-tu encore devant moi ? J'entends que les phalanges de Babylone se sont mises en marche ; quelqu'un leur a ouvert les portes. »

Un scintillement lumineux brouilla leur vision ; Ozymandias se tenait désormais contre Adad. Son visage n'exprimait toujours qu'un ennui passager, comme si ces événements n'avaient rien d'exceptionnel ou de grandiose.

Une sensation de froid envahit sa poitrine. Il leva son bras armé, et demeura ainsi figé comme une statue, durant la seconde où le roi des rois collecta son âme. Adad n'eut pas l'impression qu'on lui prenait quelque chose, plutôt qu'un fluide glacé s'écoulait dans ses veines. Son corps lui échappa. Comprimé comme un papier peint que l'on froisse, il fut aspiré par la sphère, et Adad ne laissa derrière lui que quelques grains de poussière flottants.

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