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49. Marcion


Tout est important.

Proverbe du BIS


« La machine à café est en panne » annonça Marcion en poussant la porte du bureau.

Une mallette de vieux dossiers de la Section aux Problématiques Extérieures semblait être tombée du ciel et avoir éclaté sur le bureau de Siren. Certaines des pochettes cartonnées portaient des traces de rouille, de café, de vin, de sang peut-être. Une large frange noire plongeait son visage dans la pénombre. Vu de loin, elle semblait classer les rapports d'enquête entre pochettes grises et pochettes vertes ; mais sa fouille minutieuse obéissait sans doute à des règles plus abstruses.

Depuis que le Bureau l'avait embauché, Marcion, douché par l'expérience des réunions interminables et des corvées administratives, s'était mis au piano, à la peinture, à l'étude de l'akkadien et au déchiffrement du linéaire A. Il arrivait au travail de plus en plus tard, trouvant toujours Siren penchée sur ce mobilier en contreplaqué qui tombait en morceaux, ou adossée au mur, entre deux panneaux couverts de photos épinglées. Alors qu'ils étaient toujours seuls dans ce cagibi aux murs de béton, elle était aussi étrangère pour lui qu'une inconnue entraperçue dans la foule ; il n'avait jamais croisé son regard lointain, et leurs échanges se limitaient à cette pellicule de banalités qui recouvre toute l'existence humaine.

« Tu m'as ramené un café ? demanda l'agente sans lever la tête.

— Je viens de te dire que c'était en panne. Qu'est-ce que tu fais ?

— Je me documente. »

Marcion se glissa avec virtuosité entre l'armoire métallique et le portemanteau, atteignant son propre bureau. Son ordinateur, bruyant pachyderme à lecteur de disquettes, hébergeait un système d'exploitation vétuste à qui les administrateurs du Bureau International de Surveillance avaient, par précaution, caché le passage à l'an 2000. En le sortant de l'état de veille, Marcion contempla le spectacle affligeant d'un bureau désordonné, d'une boîte mail pleine de pourriels et d'un rapport à faire pour le surlendemain, dont il n'avait toujours pas commencé la première ligne.

Une goutte d'eau tombée du plafond s'écrasa sur son crâne dégarni.

Devenu informateur du Bureau contre son gré, entré dans la SPEX pour sortir de la liste de ses cibles, Marcion avait nourri le fantasme d'une vie trépidante d'agent secret. On lui avait présenté Siren comme une légende des éléments opérationnels du Bureau, une femme brillante parlant douze langues et six techniques de combat rapproché. Mais Siren ne semblait pas avoir pris acte de sa présence. Il la trouvait le matin occupée à sa tâche de bibliothécaire, et la laissait le soir dans le même état ; entre-temps, des gobelets de café vide s'accumulaient sur son bureau en Tours de Babel, qui s'effondraient dans une corbeille à papiers adroitement placée.

« Et que feras-tu quand tu auras fini de te documenter ?

— On verra. D'abord, tu as un rapport à écrire.

— Le Bureau se contrefiche de mes rapports. Je suis en train de remplir les armoires que tu passes ton temps à vider. »

D'un geste éloquent, Marcion traça un cercle dans l'air, représentant l'Ouroboros de l'administration, le cycle éternel des rapports, des comptes-rendus, des commissions chargées de nommer d'autres commissions, des réunions de cadrage, des discussions stratégiques, des orientations quinquennales et de tout ce qui, dans l'histoire humaine, a permis à des hommes incompétents de se rassurer en se disant que tout a été fait.

Son doigt secoua un peu de la poussière dont leur atmosphère enfermée était appesantie. On aurait pu espérer, à l'approche de l'été, que la climatisation prenne le relais sur le chauffage vétuste. Mais son travail de l'avant-veille avait consisté à enfoncer un paquet de mort-aux-rats dans l'entrée d'air et de reboucher avec du ruban adhésif.

« Tu penses que tout ceci n'intéresse personne ? »

Il sursauta. Siren avait levé la tête et le regardait. Elle avait un visage d'ange et des yeux effrayants, sombres comme un puits sans fond, qui reluisaient comme ceux d'un prédateur nocturne. Il fit mine de consulter un message urgent, alors que son navigateur s'ouvrait en pleine page sur la rubrique politique d'un site d'actualités.

Siren fit claquer un dossier entre ses mains. Au sein du Bureau, l'agente disposait d'un statut administratif opaque, plus abscons encore que le consultant Marcion. Son seul nom officiel était un pseudonyme. Elle faisait partie des tous premiers éléments « opérationnels » du BIS, capables d'intervenir sur le terrain, dans l'un des cinquante pays avec lesquels le Bureau International de Surveillance disposait d'accords explicites. Elle avait été embauchée par le directeur Denrey lui-même en 2004, à l'époque où l'agence internationale ne comptait qu'une poignée de membres.

« Eh, Marcion, je t'ai posé une question, lança-t-elle, menaçante.

— Je pense que j'ai dit ce que j'avais à dire. Je remplis aujourd'hui des pages d'informations anecdotiques, qui n'ont aucun intérêt stratégique pour le Bureau. Je ne suis pas retourné sur Daln depuis des années. Cette planète ne ressemble plus à rien de ce que j'ai connu. C'est Armand qu'il vous fallait, pas moi.

— Je vais t'expliquer. »

Siren leva la main. L'état déplorable de leurs locaux faisait affront aux tailleurs impeccables qu'elle arborait toujours, alors que Marcion se faisait violence pour changer de chemise une fois par semaine.

« On n'a pas de place dans ce bureau, on se marche dessus, pas vrai ?

— Ouais, un peu d'air ne serait pas de refus.

— Regarde mieux. Il n'y a rien. Tout ça est vide. Je viens de passer trois jours à parcourir des vieilles fiches de surveillance des années 1990. La plupart de ces fiches ne servent à rien. Les gens qui sont sur ces fiches ne sont pas importants. Ils vendent des assurances, réparent des voitures ou tiennent une station-service au fin fond du Missouri. Tu vois un millier de fiches ? Je n'en vois qu'une seule. Je cherchais une personne. J'ai trouvé cette personne. Je n'ai rien, juste une feuille de papier avec un nom d'emprunt, même pas de photo, juste un indice vieux de vingt ans. Il y a un mois, on s'en fichait. Aujourd'hui, c'est la seule chose qui compte. Tu comprends ? Ton rapport n'intéresse personne. Moi la première. Je me fiche de savoir que la bière de Yora est la meilleure de ta planète. Mais dans dix ans, un stagiaire tombera dessus par hasard, et ce sera la seule chose qu'il voulait savoir. »

L'agente se leva et s'adossa au mur, à peu près tout l'éventail des mouvements permis par le manque de place.

« Tu ne peux pas encore comprendre. On ne comprend ça qu'au bout de dix ans de métier. Un jour, tu seras en train de bosser sur une affaire, et tu te souviendras que l'info cruciale était dans un vieux rapport que tu avais foutu à la broyeuse. Et tu feras tous les services d'archives avant de retrouver la dernière copie de ce foutu rapport. Et ce sera ta seule piste.

— Je serai encore au Bureau dans dix ans ?

— S'il y a encore un Bureau.

— Je ne comprends pas pourquoi vous avez laissé partir Armand Gillian, et pas moi.

— Pour commencer, Armand n'a jamais été sur notre liste de personnes recherchées.

— Il suffit que le moindre extraterrestre éternue pour que vous l'ayez dans le viseur.

— C'est vrai. Il suffirait qu'un extraterrestre éternue pour que le monde s'écroule. Ne retiens que ça, Marcion. Rien n'a l'air important, mais tout l'est. À l'heure où je te parle, des sous-marins de mes ex-employeurs sont en train d'installer des répéteurs sur des câbles de fibre optique intercontinentaux, pour le seul plaisir de renifler tout le trafic Internet, et de savoir sur quel site tu achètes tes chemises. Pourquoi ? Ils seraient bien en peine de te répondre. On ne sait pas encore. Jusqu'à preuve du contraire, tout est important.

— Bon, pourquoi pas. Et tu as trouvé ce que tu cherchais ?

— À peu près. »

Elle désigna du doigt son poste de travail.

« Je vais me chercher un café. Finis ton rapport. J'aurai quelque chose à te dire après. »

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