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21. L'attente et la moustache


Barfol espéra que leur passagère se réveillerait, mais elle ne broncha pas.

La solaine avait une forme humaine parfaite. Elle portait une tenue beige immaculée, alors que la suie des divers feux électriques qui avaient émaillé leur voyage se collait jusque dans la moustache de Barfol. Ses cheveux étaient orangés, comme une dilution de rouge et d'or, tandis que des taches de rousseur formaient des arcs de cercle sur son visage.

Crysée n'était pas dérangeante. Ils ne s'étaient rendus compte de sa présence que deux jours après leur départ de T'schnitza ; elle leur avait expliqué que la retraite paisible choisie par les autres solains n'était pas pour elle, qu'elle souhaitait partir à l'aventure avec eux.

Barfol avait saisi cette occasion de gagner un membre d'équipage supplémentaire, soit une augmentation mirifique de cinquante pour cent de sa masse salariale. Il avait donc expliqué dans les grandes lignes son projet actuel, le plus fameux sans doute, le plus risqué aussi depuis le vol de la statue du dieu Sogoth entreposée dans l'ancienne chambre mortuaire du pharaon maudit Menneth II.

« Si vous le permettez, capitaine, je pense pouvoir vous aider. »

Depuis, Crysée passait ses journées à dormir. Elle se relevait de temps en temps pour quelques étirements, dans la limite permise par l'amplitude de la cabine, ou pour boire un verre d'eau recyclée au goût de pétrole.

« À ton avis, lança Barfol à sa seconde, pourquoi est-ce que ça prend autant de temps ?

— C'est le voyage astral, dit Segonde, terme au-delà duquel s'arrêtait sa compréhension de la magie d'Arcs des solains, de leur capacité à manipuler l'esprit et la matière. Même dans la partie physique de l'univers, le Temps s'écoule de manière relative, et non-uniforme, donc ce doit être la même chose dans les rêves.

— Donc, en ce moment, elle traverse des rêves où le Temps a cours. »

Crysée disposait de connaissances rares dans l'Omnimonde ; les seules limites à son pouvoir étaient sans doute celles qu'elle s'imposait elle-même, par souci de passer inaperçue. Et les solains, après plus de soixante ans passés à lutter contre Aton, savaient se cacher parmi les humains, en témoigne cette apparence parfaite.

Barfol tapota du doigt sur le dos de sa main. La science des Arcs postule que le réel est équivalent à notre perception du réel. Crysée était indiscernable d'une humaine. Selon toute définition épistémologique, elle était donc, à cet instant, humaine. Il n'y avait donc aucun solain en dehors de Stella T'schnitza, et le secret de leur existence était préservé.

La magie d'Arcs, songea Barfol, représente un pouvoir beaucoup trop grand pour cet univers. Que serait-il advenu si les solains avaient décidé de fonder un Empire multiplanétaire ? C'était exactement le scénario qui avait déchiré le Conseil des immortels de l'Omnimonde, à la veille de la guerre. Fort heureusement, les solains étaient peu nombreux et pacifiques – exception faite d'Aton lui-même – et si Barfol avait un reproche à adresser à Crysée, c'était plutôt son refus catégorique d'user de sa magie pour faire accélérer la Crevette Neurasthénique, qui se traînait comme un marathonien essoufflé en bout de course. C'est pourquoi le capitaine fronça sévèrement des sourcils dans sa direction afin qu'elle sache, où que l'eût menée son voyage astral, à quel point il lui en voulait pour ces heures passées à s'ennuyer dans cette cabine minuscule.

Le capitaine Barfol quitta des yeux la solaine endormie et regagna la table basse, au centre de l'habitacle, sur laquelle, entre deux croûtes de fromage, des miettes de pain et une punaise écrasée, il avait épinglé ses plans.

L'objectif ultime s'exprimait, s'énonçait et se concevait clairement : trouver le Stathme de Jupiter.

Quant aux moyens à employer, Barfol ne se refusait rien, sauf de raser sa moustache ; car même si le manque de budget lui imposait de parcourir l'univers sur une planche de tôle, jamais, même pour tout l'or du monde, il n'y porterait atteinte. Barfol, en effet, ignorait que Segonde ne l'avait épousé que malgré sa moustache, et non grâce à elle, malgré trente ans de vie et d'aventures communes.

Puisque nous sommes coincés ici avec le capitaine, tandis que Crysée ne manifeste aucun signe d'un réveil prochain, que la Crevette Neurasthénique se traîne poussivement en direction de nouveaux dangers, et que Segonde fouille dans ses entrailles à la recherche de courts-circuits, il ne nous reste plus qu'à nous étendre sur la moustache du capitaine Barfol. D'aucuns disent que l'art de la moustache est né avec le capitaine et, sans doute, mort avec lui, car personne, avant Barfol, n'avait eu cette idée saugrenue de raser les poils de son menton et de laisser pousser ceux de la lèvre supérieure, ce qui inspira plus tard la forme du nez des locomotives à vapeur. Cette moustache était un peu le jardin personnel de Barfol, qui l'entretenait avec application. De Barfol, l'histoire ne retînt rien, hormis un très bel ouvrage d'Adrian von Zögarn, sobrement intitulé Histoire des voyages prodigieux du capitaine Barfol, dont l'adaptation visuelle constitua plus tard un monument de la culture cinématographique dalnienne. Mais s'il n'avait fallu en retenir qu'une seule chose, souligna von Zögarn dans l'introduction de l'ouvrage, c'est sans doute la moustache. Cette moustache, il ne s'en sépara jamais ; sans doute, malgré les apparences, l'humanité ne s'en sépara jamais non plus, car la moustache est un concept transcendantal, une fulgurance qui continuera de réapparaître telle le loup blanc ou le rayon vert. On raconte que même après sa mort, la moustache resta si fermement ancrée sur son visage que le squelette de Barfol, enterré aujourd'hui quelque part à T'schnitza, sous une pierre tombale remodelée par les orages et le vent en menhir solitaire, la porte encore fièrement.

« Eh, Barfol, l'interpella Segonde. Remets ton col en place. On arrive. »

Sa seconde revint prendre la place de copilote en essuyant ses mains pleines d'huile sur son pantalon. Il était inutile de ranger derrière elle ou de refermer les panneaux ouverts, puisque les câbles ne manqueraient pas de frire cinq minutes plus tard. Segonde plissa des yeux, ne pouvant apercevoir le vaisseau qui se trouvait pourtant à quelques secondes-lumière à peine. Les distances dans l'espace sont vastes à en faire pâlir Michel Strogoff ; tout vaisseau n'est jamais qu'une petite cabine épaisse de quelques centimètres plongée dans une immensité mortelle, comme une cage à requins oubliée qui dériverait jusqu'au fond des mers.

« Hum, hum, dit Barfol en rajustant sa veste en cuir de drom et ses gants en peau de mouton.

— Est-ce que tu as l'anneau ? s'inquiéta Segonde comme si elle lui demandait de penser à son goûter.

— C'est dans la poche, dit Barfol, qui pensait déjà à autre chose.

— On n'a plus de radios. Il faut synchroniser les montres. J'ai neuf heures et trente-cinq tics. Si dans une heure, tu n'es pas revenu, on passe au plan B.

— Hum, c'est-à-dire ?

— J'avoine Ignatius avec les deux fusées à poudre qu'il nous reste, je te récupère et j'arrache la Crevette à ce système.

— Essayons de ne pas en arriver à ces extrémités » tempéra Barfol, avec la conviction malheureuse d'un futur président qui, face caméra, promet qu'il n'augmentera jamais les impôts.

Le capitaine vérifia ensuite que sa monnaie d'échange se trouvait bien dans sa poche. Tout va bien se passer, se dit-il.

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