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16. Aléane


Dix fois, cent fois, mille fois, Ozymandias se retourna vers son miroir, et d'une voix toujours plus rauque, plus faible, plus maladive, il demanda :

« Atman, l'Empire a-t-il vu le jour ? »

Mille fois, Atman se fendit d'un laconique « pas encore » ; mille fois, lorsqu'il reprit place dans son fauteuil, Ozymandias fit face à une nouvelle Aléane.

C'était elle, désormais, la messagère du reste de l'univers, qui lui rapportait le déroulé de l'Histoire, qui comptait les empires nouvellement déchus, qui égrenait les noms des rois promulgués par Atman, vaincus par elle et engloutis par la légende.

Ozymandias ne lui laissait même plus le temps de se présenter, de résumer le parcours erratique qui l'avait amenée ici. Il ne souhaitait pas qu'elle avance d'un pas de plus ; bondissant de son siège, il attaquait le premier. Mais Aléane faisait durer leurs passes d'armes, leur jeu de sabres, de poings et de magie d'Arcs ; elle reprenait sans cesse le fil d'une conversation interrompue. Qu'elles soient humaines, semi-humaines, vampires, à la peau diaphane, dorée, translucide, aux yeux sombres, aux cheveux blancs, transparentes, incandescentes, jeunes, âgées ou immortelles ; ces Aléane lui parlaient comme une seule personne, chacune reprenant le flambeau de la précédente ; chacune rejoignant ensuite sa macabre collection.

Les murs de son palais de cristal se remplirent d'une armée d'Aléane, dont les mille noms différents n'étaient que mille variations de ce seul nom, décliné dans toutes les langues de l'univers.

« Vois-tu, ô roi des rois, tu souffres, comme moi, de l'absence. Il te manque quelque chose, quelque chose d'inatteignable, car cette chose se situe en-deçà de ta conscience, et seul le rêve peut encore en tracer le contour. Mais tu ne rêves plus, depuis que tu es enfermé dans ton rêve.

— Disparais !

— Ce qu'il te manque, c'est une finalité. Tu es un homme incomplet, et tu souhaites que l'Empire te complète. En te plaçant à sa tête, tu réaliseras ton grand destin.

— Je ne crois pas au destin !

— Tu ne crois pas au destin des autres, mais du tien propre, de ta mission, tu es convaincu. Ta mission se situe au-dehors de toute notion de justice. La mienne procède de mon sens de la justice, fût-il faillible. En cela, nous sommes différents.

— Silence !

— Tu est en train d'apprendre que l'Empire ne peut pas construire des hommes. Il ne fait que les consommer. Ainsi, Atman a implanté l'idée de l'Empire dans les esprits de nombreux hommes, où il a pris racine comme un parasite, dévorant le tyran, et son peuple, et parfois son monde. Je pourrais te citer de nombreux exemples.

— Tu l'as déjà fait !

— C'est vrai. Il nous reste à parler de la raison fondamentale pour laquelle l'Empire ne pourra pas voir le jour.

— Balivernes ! »

Il frappait, il frappait sans cesse, et il frappait juste ! Mais c'était comme si Aléane, vaincue à chaque coup, se dupliquait pour persister, pour poursuivre ce discours tranquille.

« La plus grande tentative d'Atman vient d'avoir lieu. Atman a donné le pouvoir à la race des Dragons. Si tu ignores ce que sont les Dragons, Ozymandias, sache qu'il s'agit de la forme de vie la plus pure de cet univers, inventée par les Mille-Noms eux-mêmes, qui a patienté des millions d'années à l'ombre des étoiles, en attendant son heure. C'est une tentative désespérée. Leur empire s'est étendu durant des millénaires ; il a englobé des milliers de planètes ; les Dragons ont prospéré. Mais je parle d'eux au passé. Car ils sont tous morts. L'Empire les a tués.

— Silence !

— Même avec le secours d'Atman, la construction de l'Empire est trop lente. Son expansion, dans l'espace comme dans la sphère de l'inconscient, est une nécessité, car un empire statique finit par disparaître. Mais sa cohésion interne se développe à un rythme plus lent. Ce décalage temporel finit par créer la dissension à l'intérieur de l'Empire ; il s'effondre et se brise en plusieurs Empires, chacun dirigé par un tyran, chacun animé par l'envie de bien faire et la certitude de posséder la vérité.

— Tu ne fais que me raconter des mensonges.

— C'est pourquoi l'empire des Dragons s'est effondré comme tous les autres ; et plus l'empire est grand, plus dure est sa chute. Il ne viendra jamais d'empire aussi grand que le leur. Atman, ton fidèle servant, est désespéré. »

Il ne savait plus si elle luttait ou si elle ne faisait que parler, tant ses coups lui paraissaient insignifiants. Mais à chaque fois, Ozymandias reculait d'un pas ; à chaque fois, sa vision se brouillait davantage ; son audition déclinait et ses muscles le trahissaient, comme s'il était engoncé dans une armure rouillée. Et cela, malgré le secours de sa magie.

« Libère-moi de cette parodie de duel ! » cracha-t-il au visage d'Aléane, qu'il écrasait d'un bras contre le mur de glace.

Malgré l'étau sur sa poitrine, elle lâcha les deux mots qu'il abhorrait le plus.

« Pas encore. »

Pas encore !

« Pas encore. »

Sa voix se mêla à celle d'Atman ; l'instant suivant, Ozymandias fit face de nouveau à ce regard vague, interrogatif, comme si elle attendait quelque chose de lui.

« Veux-tu que je te supplie ? N'est-ce pas toi qui es venue, en mon domaine, dans mon palais, pour me juger ? De quel droit me juges-tu ? Qu'est-ce que ta justice ? »

Mais elle avait déjà perdu ; elle n'était déjà plus qu'un nouveau visage immobile derrière le mur de glace. Depuis l'envers du palais, encombré de ses semblables, elle ne pouvait pas l'entendre. Ozymandias poursuivit néanmoins son monologue ; il colla son visage furieux contre la surface, l'insulta, la moqua, prétendit que tout ceci n'était qu'une épreuve passagère, dont il sortirait grandi. Une toux rauque, affreuse, remonta alors de sa poitrine ; il se laissa tomber à demi contre le mur, s'appuya de l'épaule et, avec horreur, vit apparaître un reflet hideux.

Ozymandias était devenu un vieil homme.

Les rides de son visage se figeaient en un masque sévère, car durant cette longue bataille, il n'avait jamais souri. La peine creusait son front, ses sourcils blanchis disparaissaient entre les plis, les croûtes et les taches de cette carte géologique ; des cheveux pendaient de son crâne dépeuplé comme d'inutiles breloques.

C'est impossible, se dit-il en tâtant ses traits, en ouvrant la bouche pour y compter les dernières dents. Je suis en train de rêver.

Mais il ne pouvait pas rêver, car il était déjà dans un rêve.

Quand bien même, je me servirai de la magie pour me rajeunir !

Il pouvait tromper les apparences, mais cela ferait de lui un éternel prisonnier de Nela.

Dans ce cas, je prendrai un nouveau corps, car ceci n'est qu'une atroce illusion, mon esprit est encore jeune ; je sortirai d'ici comme je suis rentré.

Ne suis-je pas, après tout, hors du Temps ?

Il arpenta le couloir de long en large, observant les Aléane enfermées d'un œil torve, comme s'il s'apprêtait à faire son marché. Il avançait voûté, s'arrêtait tous les deux pas pour tousser et reprendre son souffle. Il ne parvenait pas à se décider. Rien ne lui répugnait plus que l'idée de repartir d'ici dans un autre réceptacle, qui serait l'un de ceux engloutis par la muraille.

Il s'y résolut néanmoins.

Mais ses yeux ne voyaient guère plus qu'à quelques mètres ; en approchant de nouveau son regard de la vitre, il constata, avec stupeur, que les yeux incandescents, pleins de bravoure et de courage, de bravade et de destin, avaient laissé place à des orbites vides. Ozymandias était entouré de squelettes silencieux ; les âmes avaient depuis longtemps déserté ces corps endormis, en toute discrétion, profitant de son attention déclinante.

Ozymandias comprit alors qu'il avait été vaincu.


***


Une nouvelle quinte de toux le prit, il se laissa choir dans son trône de glace, déterminé à attendre sans lutter, désormais las de tout.

« Atman, appela-t-il d'une voix chevrotante, comme la dernière prière d'un homme à l'agonie, ô Atman... mon Empire a-t-il vu le jour ? »

Atman ne lui répondit pas.

Il entendit résonner des pas sous la voûte. De toutes les Aléane qui l'avaient affronté ici, celle-ci était sans doute la plus frêle, la plus misérable qu'il eut jamais rencontrée. Elle était comme ces plantes que l'on a fait pousser sous un pot, pour qu'elles en épousent la forme, qui n'ont jamais vu le soleil. Pâle et maladive, elle avait de grands yeux noirs, de larges cernes. Il imaginait sans peine ses poumons troués par la silicose, son dos tordu par l'effort ; une peau sèche, des muscles secs ; celle-ci était une rescapée de l'Empire, qui avait souffert de son fouet.

« Qui es-tu ? demanda Ozymandias tandis qu'elle avançait vers lui, jetant des regards mal assurés vers le spectacle des murs de glace.

— Je suis Léna.

— Bonsoir, Léna.

— Est-ce le soir ? »

Elle avait une voix claire, ingénue ; ce n'était qu'une enfant des mines, à la démarche brisée ; elle n'avait rien des guerrières impétueuses de son histoire. Pourtant elle avait le même potentiel. Peut-être était-il le seul capable de le voir, car il la connaissait mieux que quiconque ; cette pensée redonna à Ozymandias un peu de sa fierté perdue.

« Dans mon palais de glace, la lumière ne change pas, mais je sais que la fin de cette journée approche. Ce matin, j'ai déclenché le Déluge. Ce soir, je meurs. »

Il se mit à tousser plus fort. Elle le laissa cracher ses poumons en silence, respectant sa parole comme si elle n'avait elle-même plus rien à dire ; l'heure était venue pour que le roi lui réponde, avoue ses crimes et se remette à son verdict.

« J'ai maintenant compris ce que vous avez fait. Vous avez retourné le Temps contre moi. Chaque fois qu'une d'entre vous est entrée dans mon palais, elle y a apporté un peu de Temps avec elle. Je me trouvais ici dans un rêve, mais vous êtes venues m'y arracher sans cesse, vous êtes venues pousser l'horloge invisible de ce monde. Et je suis devenu... ce que je suis à présent. Le plus misérable des hommes.

— Tu craignais donc de vieillir ?

— Pourquoi établir un Empire éternel, si je ne peux en être le guide ? »

Ozymandias se frappa la main contre le front.

« Le Temps ! rugit-il. Le Temps, le destructeur des mondes ! C'est lui qui a abattu toutes mes tentatives, tu n'as fait que lui prêter main-forte ; pour me tuer, il t'a suffi de lui ouvrir la porte. Ce Temps que je croyais être mon allié... m'a trahi.

— Le Temps n'est l'allié de personne, commenta Léna.

— Et toi, es-tu venue porter le coup de grâce ? »

Elle en aurait été capable. Ozymandias n'avait plus la force de se lever ; ce rêve n'obéissait plus à son esprit ; il n'en était qu'un occupant temporaire, comme elle. Il ne pouvait plus ordonner au plafond de tomber comme une trombe, au sol de se soulever en vague, aux murs de se fracasser l'un contre l'autre comme une cymbale.

« Je ne suis pas venue te donner la mort, mais le pardon. »

Léna marcha jusqu'à lui ; elle avait désormais traversé toute la pièce, son chemin était complet.

« Je ne sais pas vraiment qui tu es. Je t'ai vu en rêve, mais je ne me souviens pas de ton nom. Je crois que tu es l'ancien roi qui a causé le Déluge, et qui a répandu Atman dans l'univers, et qui a donné les Stathmes de pouvoir aux hommes, afin qu'ils s'en servent pour dominer d'autres hommes. Je crois que tu es l'auteur d'une très grande souffrance. Et je vois cette souffrance affichée sur les murs de ton palais, et je la vois sur ton visage. Mais je sais qu'au fond de toi, tu la regrettes. Tu as rêvé de l'Empire. Tu comprends désormais que l'Empire est impossible. Tu t'es trompé de but.

— Je crains que tu aies raison, Léna. Tous ces crimes sont les miens. Mes mains sont pleines du sang de tes sœurs d'âme, de ton sang, et de celui de millions d'hommes. J'ai engendré le Déluge. J'ai engendré l'Empire. J'ai mis en mouvement la roue du chaos. J'ai condamné l'humanité à l'errance et à la souffrance. J'ai pleinement accompli la volonté des Mille-Noms, maudits soient-ils ! Je dois maintenant faire pénitence. L'enfer ne sera jamais assez pour moi ; il m'en sera construit un deuxième, un troisième, un empilement infini d'enfers, et chaque fois que je croirai m'en enfuir, ce faux espoir fera partie de mon châtiment.

— Il me semble qu'il existe un enfer, ô roi des rois, mais tu te trompes sur sa nature. Cet enfer se nomme Océanos, il est le dieu-océan Primordial, et sa seule raison d'être est d'emprisonner ceux qui ont cessé de vivre et refusé de mourir. L'enfer n'est pas une punition. C'est la lutte que mènent les âmes perdues contre la vérité qu'elles refusent de voir. Pour certains, cette lutte ne dure pas, n'advient pas. Pour d'autres, elle dure cent mille ans.Ton jour de bataille a pris fin. Cette cité de cristal était ton enfer, et tu en es libre.

— Si seulement cela était vrai.

— Peut-être qu'il me reste à te montrer ce chemin. »

Ozymandias vit alors un des murs de glace se fendre ; il s'ouvrait ici une porte dérobée ! Léna lui fit signe de se lever ; bien que son corps soit celui d'un vieillard, il se leva pour la suivre.

« Où allons-nous ? demanda-t-il.

— Je l'ignore. Je ne fais que suivre un chemin. »

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