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57. Un choix


Trois siècles ne sont rien à l'échelle d'un monde ; les planètes sont de très anciennes géantes, qui se moquent de savoir qui de Napoléon, de Ptolémée ou de Gengis Khan règne sur leurs cailloux. Les civilisations adviennent et disparaissent en un battement de paupières. Mais en retournant à la ville de Mecia, sur le monde de Palm, Christophe le trouva changé en profondeur.

Des processus titanesques de géo-ingénierie avaient trouvé place ici. Sous la ville, la planète avait changé, et elle changeait encore, assainie sans cesse de ses sulfures et de ses arsenics.

La ville était vaste, étendue, ouverte sur une plaine ocre en perpétuelle mutation, crevée de cratères gigantesques, comme des plaies ouvertes dont les samekhs et les humains aspiraient le venin, au moyen d'usines et de cultures temporaires. Du reste, une végétation tenace avait conquis la plaine, dont les tiges et les rameaux empruntaient au même nuancier doré que la terre. Palm ressemblait à une aube.

Surprenant, se dit Christophe.

La pyramide du Dragon, autrefois l'attache physique de son séjour immatériel, trônait toujours au centre de Mecia. Mais elle n'était plus qu'un monument de pierre, certes invaincu par les assauts du temps, certes traité avec égards par le peuple conquérant qui prospérait à l'ombre de ses degrés, mais un empilement de rochers sans âme, sans énergie. Rien qu'à l'apercevoir ainsi, Christophe sut qu'il ne gagnerait rien à monter au sommet ; les pensées des historiens et des touristes venus ici contempler la ville avaient depuis longtemps remplacé celles du Dragon et de sa protégée, comme une longue saison des pluies, qui lave tout sur son passage.

Palm n'avait plus rien à lui apprendre. Le monde avait tourné la page de ses précédents sacrifices ; son aube rouge se trouvait derrière lui, et longtemps après sa mort, Aléane avait disparu une seconde fois, effacée des mémoires, son fantôme libéré pour une autre mission.

Dans cette rue piétonne, étroite, qui serpentait à l'ombre du vestige comme un lézard alangui, un homme cogna Christophe, se tourna brièvement vers lui, balbutia un mot d'excuses, et disparut dans la foule. Il ne l'avait pas vu. Christophe était un esprit discret ; son corps astral avait l'apparence et les propriétés de la matière, mais personne ici ne pouvait le remarquer.

Personne sauf Ygdra, qui attendait son retour.

D'une torsion d'espace, Christophe sauta jusqu'au sommet de la pyramide. Là, au milieu d'une septoile gravée dans la pierre reconstituée, le samekh était assis en tailleur, les yeux mi-clos. Sa peau de cuir noir avait pris de nombreux plis, qui devaient être l'équivalent des rides humaines, tandis que ses visages étaient demeurés identiques, comme des moulages de plâtre figés.

« Que faites-vous là ? dit le voyageur des rêves d'un ton abrupt, avec l'impression d'être déjà jugé et pris à partie, alors que le samekh laissait tranquillement s'écouler le temps.

— Ils ne sont jamais revenus, dit Ygdra. Ni Zara, ni le Méditant. »

Son timbre de voix était identique à trois siècles plus tôt, et le ton posé du samekh attestait qu'il avait pleinement accepté ce fait.

« Le dévoreur d'étoiles a été vaincu, poursuivit-il, comme s'il déroulait pour Christophe ces trois siècles manqués. Puis les derniers mages samekh ont vu leurs pouvoirs décliner.

— C'est vrai, votre esprit ne me semble plus aussi agile qu'avant.

— Je ne suis plus capable de la moindre torsion. J'ai dû grimper ici à la seule force de mes pattes. Ce fut un bon exercice. Mais vous, monsieur Christophe, que faites-vous là ? Palm ne représente rien pour vous. Ce n'est pas un monde que vous avez connu ; nous ne nous sommes rencontrés qu'une seule fois, et vous n'étiez guère intéressé par ma présence.

— Vous êtes l'un des derniers à l'avoir connue.

— Oh, je vois. Vous pensez que nous pouvons partager le fardeau de sa perte.

— Comment savez-vous qu'elle a disparu ?

— C'est ce qu'elle fait toujours. Mais je crains de vous décevoir, Christophe. Nous sommes deux êtres différents. J'ai connu Zara-Aléane comme une amie chère, et quand elle a quitté ce monde, j'ai éprouvé un grand chagrin. Mais j'ai compris qu'elle ne m'appartenait pas, qu'elle ne nous appartenait pas, et j'ai accepté ce fait. Vous, vous êtes construit autour de son absence. Vous ne pourrez jamais l'abandonner. Je ne sais s'il faut vous envier ou vous plaindre pour cela.

— Vous avez raison. »

Le samekh se gratta le cou. Il bougeait avec lenteur, comme une branche d'arbre agitée par le vent ; sans doute avait-il mis des heures, des jours entiers à gravir les marches de cette vieille pyramide.

« Je me souviens d'une histoire, dit-il. C'est l'histoire d'un mortel nommé Orphée, qui se maria avec une dryade nommée Eurydice. Celle-ci, le jour de son mariage, fut mordue par un serpent et emportée au royaume des ombres. Lors, Orphée descendit dans les enfers et parlementa avec leur terrible tyran pour pouvoir délivrer sa bien-aimée. Mais ils ne pouvaient remonter ensemble qu'à une seule condition : que jamais Orphée parle ni ne se retourne avant d'avoir rejoint le séjour des vivants. Or, alors qu'il ne leur restait plus que quelques pas, Orphée prit peur, craignit que sa bien-aimée ne lui échappe ; il se retourna et la perdit.

— Quelle histoire abracadabrante.

— Le nom « Eurydice » signifie, dans ma langue, une personne dotée d'un sens de la justice sans limites, qui s'étend aussi loin que la sagesse de Kaldar.

— Vous pensez à moi et à Aléane ?

— N'êtes-vous pas descendu volontairement dans les enfers, dans le but de la retrouver ?

— Mais Aléane ne se trouvait pas là-bas. Là-bas, je n'ai retrouvé que mon souvenir. Un rêve.

— Un rêve est plus que suffisant, Christophe-Nolim. On ne peut pas lutter contre un rêve. »

Il y eut un silence. Christophe eut le sentiment que, malgré ce qui aurait pu les unir, ce qui les opposait tous deux formait un gouffre infranchissable. Ygdra avait atteint une forme de paix ; ce qui ne serait jamais son cas.

« C'est moi qui vous envie, avoua-t-il.

— Savez-vous que nous, les samekh, nous nous reproduisons par partition ? De temps à autre, un globule s'attache sur notre corps, que nous découpons et que nous cultivons dans une pépinière ; il en sort un nouvel individu. On pourrait dire, en quelque sorte, que notre biologie est individualiste.

— La plupart des mammifères ont des comportements individualistes.

— Mais la psychologie particulière des humains a dû jouer pour beaucoup dans leur expansion dans l'Omnimonde.

— Non, les humains étaient un sujet d'expérience sans doute plus amusant aux yeux des Dragons, et ce sont eux qui les ont bouturés sur toutes les planètes habitables. Vous essayez de me faire une leçon de morale, Ygdra, ou une théorie de l'amour ? Je ne crois pas que l'amour soit une valeur sociale. Je ne l'ai jamais cru. Au contraire, je n'ai jamais vu de force aussi individualiste, aussi exclusive, aussi injuste. C'est quelque chose d'effrayant.

— C'est parce que vous le vivez ainsi. »

Le soleil de Palm parut accélérer sa descente en direction de l'horizon. Ce petit orbe rouge chétif lui rappela Hélios et son exégèse implacable.

« Il avait raison, pensa Christophe à haute voix.

— Qui donc ?

— Hélios, le dévoreur d'étoiles. Il a prédit que je serais son successeur. Il avait raison.

— Souhaitez-vous donc vous aussi ingérer des soleils jusqu'à vous en éclater la panse ?

— Non, je vais mettre fin au Temps. »

Loin de clouer Ygdra sur place, cette annonce le laissa circonspect. Il faut dire qu'il n'avait jamais considéré Christophe que comme un original de passage.

« Aléane est une anomalie temporelle. Si je veux en comprendre l'origine, je dois remonter jusqu'à la Source du Temps. Et si je veux libérer Aléane de sa malédiction, je dois faire ce qu'Hélios a échoué à faire : arrêter le Temps lui-même.

— Et pourquoi réussiriez-vous ?

— C'est sa méthode, et non son projet en lui-même, qui était vouée à l'échec.

— Vous mettriez donc fin à cet univers, juste pour elle ? »

Allons donc, se disait Ygdra. Ce sont des paroles en l'air, ce sont là les mots d'un homme impulsif. Mais en quelques secondes, son point de vue glissa. Il comprit que Christophe avait, au contraire, traversé les siècles avant d'arriver à cette conclusion définitive.

« Je ne sais pas. J'ai été capable d'horribles crimes, m'a-t-on dit. Je crois qu'elle m'a sauvé. Mais je crois qu'elle m'a perdu de nouveau. »

Christophe laissa le samekh méditer cette réponse avec inquiétude et s'enfuit dans la Noosphère.

En effet, il ne savait pas. Et bientôt, le sort de l'univers reposerait sur ce choix, un choix dont même Kaldor n'aurait pu décider l'issue.


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Et c'est fini !
Suite au prochain bouquin, qui sera suivi d'un autre bouquin, qui sera suivi d'un autre bouquin.  Je devrais arriver à m'arrêter à ce moment-là (sauf si un autre bouquin apparaît tout à coup).

Salutations kaldaristes,

CN

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