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54. La malédiction


Déconstruire, ce n'est pas détruire. Détruire demande peu de temps, peu d'intelligence et peu d'énergie. Et la destruction que vous apporterez vous emportera avec elle.

Déconstruire demande de la patience, de l'intelligence et un effort considérable, car il faut comprendre le plan des bâtisseurs, retracer toutes les lignes de force de l'architecture, choisir l'ordre dans lequel démonter les murs.

Caelus, Histoire de l'Omnimonde


Les cris aux abords de son palais reprenaient sans cesse, mais ils n'étaient qu'une distraction passagère, comme les tempêtes d'automne dont les vents frappaient et secouaient la baie vitrée de sa salle d'audience. De nombreux incendies brûlaient dans Kariev, dont les lueurs portaient jusqu'ici, traversaient la pièce plongée dans l'obscurité, et répandaient des flaques orangées sur les dalles de marbre.

La reine Arcana referma ses yeux et rabattit sa cape d'hermine.

Aucun de ses ministres n'était venu l'informer ; sans doute avaient-ils déjà tous fui la capitale, effrayés par ce soulèvement populaire. Incapable de toute peur, l'esprit embrumé par ses rêves, la reine vampire émit un soupir qui ressemblait à un grognement félin.

Elle avait fait un rêve étrange. Elle avait vu Hélios, le soleil surnuméraire des rêves, s'éloigner d'eux et se figer dans le temps, aspiré par un gouffre sans fin qui le laisserait dériver encore des siècles avant de se décider à le faire disparaître.

Elle pensait que, si le dieu-soleil devait être stoppé, il serait détruit dans une formidable explosion, qui libérerait l'Omnimonde de son étau, forcerait ses servants à cesser le combat, et réinstaurerait dans les cœurs la primauté de Kaldor. Car qui pouvait vaincre, qui avait vaincu Hélios, sinon le plan prodigieux de son adversaire ?

Or Hélios n'avait pas été vaincu. Il avait été ôté du cours habituel du temps. Son influence s'exerçait encore sur les cœurs, de manière diffuse ; le chaos et la division régnaient encore dans l'Omnimonde. Mais le temps passant, Hélios s'éloignerait d'eux, jusqu'à ce qu'il ne fût plus qu'un souvenir, qu'une légende.

Cela surprenait beaucoup Arcana. Elle savait que la guerre avait pris fin ; pour autant, aucun univers nouveau n'était advenu. Aucun cataclysme n'avait rebattu les cartes au profit de Kaldor. Son culte, son souvenir disparaîtraient eux aussi !

« Non, je ne le permettrai pas » murmura-t-elle à haute voix.

Car sans Kaldor, qui assurait la légitimité de son règne ?

Ne parvenant pas à retrouver le sommeil, Arcana bondit de son trône dans un froissement d'étoffes. Les flammes brûlaient autour de son palais ; des gardes loyaux couraient en désordre dans ses jardins. Elle entendit le claquement d'armes à feu, plusieurs vampires tombèrent dans les flaques de boue laissées par la fonte brutale des neiges.

Qu'Ivan me revienne ! Pensa-t-elle, ce qui tenait plus de l'ordre que de la prière. Il n'aurait jamais dû partir aussi longtemps. Tous nos sacrifices ont servi à lui donner une armée ; mais nous l'avons perdu de vue, et le peuple a oublié le sens de son renoncement. Les serfs réclament moins d'impôts, moins de taxes, plus de pain, la fin des travaux forcés ! Mais savent-ils encore que les impôts, que les taxes, que leur dur labeur a permis de mettre fin au joug d'Hélios ?

Non, ils ne le sauront jamais, car l'extinction d'Hélios se poursuit encore, et se poursuivra jusqu'à la fin des temps. Cette aube rouge est éternelle.

« Bouffon, bouffon, bouffon, appela-t-elle d'une voix lasse en marchant sur les ruisseaux de lave qui traversaient les vitres.

— Je suis ici, Altesse. »

L'homme tordu longeait le mur, à couvert des dernières ombres de la pièce.

« Bouffon, qu'arrive-t-il ? Pourquoi tant d'agitation au dehors ? Le peuple sait-il que l'Armada a été victorieuse ?

— Vos ministres le savent, Altesse. La nouvelle leur est parvenue il y a déjà dix jours. Les quinze derniers vaisseaux de notre flotte sont en chemin vers Lazarus.

— Ils sont partis, n'est-ce pas ?

— Partis, Altesse, confirma le bouffon, dont l'œil brillait comme une lampe-tempête.

— Que se passe-t-il ? Les serfs se révoltent-ils ?

— En effet, Altesse. Les humains ont formé un syndicat. Ils sont menés, dit-on, par une jeune servante venue de l'Armada, qui porte le message des dieux.

— Cela arrive souvent, évacua Arcana avec un geste excédé. Elle leur a promis le renversement des maîtres et des esclaves. La domination humaine sur Lazarus. Quelle insolence !

— Mais ce n'est pas cela, Altesse. Son discours est fort différent des émeutiers habituels. Elle promet que les humains seront les égaux des vampires, que tous seront libres, que la tyrannie de Kariev prendra fin et que le prochain gouvernement sera élu par le peuple.

— Dans quel monde vit-elle ? » s'exclama Arcana.

Le coin de la mâchoire tordue de son bouffon s'élargit en un sourire ironique.

« Dans un monde qui n'existe pas encore, Altesse, mais qu'elle souhaite voir advenir.

— Qu'en penses-tu ?

— Je n'ai pas besoin de penser, Altesse. Ce que je vois prête à rire.

— Mais de qui ris-tu ? D'elle ou de moi ?

— Il y a autre chose, Altesse. Pour la première fois, les serfs humains se sont alliés au petit peuple vampire. Des artisans, des commerçants, des pêcheurs, des trappeurs, des éleveurs, des petits paysans sans esclave se sont associés au syndicat ; ce sont eux qui, les premiers, ont incendié un poste de garde à l'Ouest de Kariev. Ils étaient cinq cent aux portes de la ville, leur troupe a grossi sur le chemin de votre palais ; ils sont désormais trois mille.

— Ils seront pendus, dit Arcana. Les vaisseaux de ma flotte sont en chemin, dis-tu ? C'est donc qu'Ivan me revient. Je lui ordonnera de faire feu sur la troupe des émeutiers depuis l'espace.

— L'Armada ne vous appartient plus, ô Altesse, et le Grand Ivan a décidé de ne pas vous revenir.

— Tu mens.

— Je n'ai jamais menti, dit le bouffon, dont le visage se déformait en un sourire irrépressible. Les derniers officiers de votre armée stellaire sont informés de la révolte ; ils ont voté à l'unanimité la fin de votre règne, et s'apprêtent à arbitrer le changement d'ère. »

Furieuse, Arcana se tourna vers la baie vitrée. Les cris dans ses jardins s'étaient tus, mais les incendies ne faiblissaient pas.

« Ils seront pendus eux aussi, lâcha-t-elle en écrasant son poing contre la vitre ouvragée. Le peuple se souviendra de mon pouvoir, et ma dynastie régnera encore mille ans. Ivan ne me revient pas ! J'en trouverai un autre. »

Elle arracha l'anneau de fiançailles de son doigt et le jeta au travers de la pièce.

« Pourquoi est-il parti ? Bouffon, ne suis-je pas la plus belle, et n'y a-t-il pas sur Lazarus de vampire plus désirable que moi ?

— Assurément, vous êtes la plus belle, susurra le bouffon.

— Alors, pourquoi est-il parti ? Ne m'aime-t-il pas ?

— Ivan ne vous aime pas » dit le bouffon.

Elle allait le maudire, quand la porte se mit à grincer. Dans le palais privé d'électricité, un murmure d'agitation rampait le long des murs, comme des bataillons de rats s'enfuyant sous les planchers. On entendait des déplacements de meubles, des décrochages de tableaux. Ces tintements s'arrêtèrent quand la porte claqua de nouveau.

« Qui encore ? s'exclama Arcana. Oh, ce n'est que toi » dit-elle en apercevant un visage familier.

La servante d'Ivan lui parut avoir grandi et gagné en épaisseur ; à la lueur des flammes qui rampaient sur Kariev, ses yeux n'avaient plus rien de ceux d'une enfant. Elle portait des vêtements d'homme, une veste blanche griffée de traces de suie, ses cheveux étaient attachés en chignon, de manière vulgaire.

« Que fais-tu ici ? Pourquoi n'es-tu pas dans la flotte ? Quel est cet accoutrement ?

— Altesse, je ne fais plus partie de l'Armada, énonça-t-elle comme une raison évidente.

— Pourquoi n'es-tu pas avec Ivan ?

— Je n'appartiens pas à Ivan.

— À qui appartiens-tu, alors ?

— C'est une excellente question, qui demande une excellente réponse. Mais son nom vous serait inconnu. »

La servante fit deux pas dans sa direction. À la gauche de son ceinturon se trouvait le rangement d'un pistolet à impulsion sonique remsien. Arcana ignorant son principe, elle comprit seulement qu'il s'agissait d'une arme. À sa droite était passée une lame fine comme une aiguille, qu'elle ôta de son fourreau d'un geste délicat.

« Savez-vous ce dont il s'agit ? dit la servante. On appelle cela une « larme d'assassin ». C'est une arme qui ne peut servir qu'une seule fois. Elle est assez tranchante pour découper le verre ou le métal sans effort, mais une fois utilisée, elle s'émousse et devient une simple tige de céramique. »

La servante pointa ensuite la lame vers elle, comme le doigt du juge annonçant le verdict.

« Je suis venue mettre fin à votre règne.

— Qui es-tu pour proférer de pareilles insanités ?

— Je suis Aléane.

— Aléane ? Impossible. Tu es une esclave, tu n'as pas de nom.

— Mon nom est plus fort que vos lois iniques. Mon nom est plus fort que tous les dieux. Mon nom est plus fort que le Temps lui-même. »

Elle avança vers elle ; à sa grande stupeur, et pour la première fois de son règne, Arcana se mit à reculer, comme manipulée par une force supérieure. Elle s'assit de nouveau sur son fauteuil de reine, comme si ce dernier avait la propriété de la protéger de tout, et rejoignit son bouffon dans un ricanement sinistre.

« Toi ! La tueuse de tyrans ! Eh bien, fais ton office. Je t'attends.

— Je ne souhaite pas vous tuer. Je n'ai jamais voulu tuer personne. Je ne suis pas venue détruire votre règne, mais le déconstruire. Vous tuer rend cette tâche plus difficile encore. Abdiquez maintenant, Altesse, je vous prie. Descendez les marches de votre trône, rejoignez Kariev comme simple citoyenne.

— Pourquoi as-tu ri, bouffon ? Interrogea Arcana. Ris-tu d'elle, ou de moi ?

— Je ris de vous deux, Altesse. Vous cherchez toutes les deux à empêcher quelque chose qui s'est déjà écrit. Vous êtes actrices de votre propre perte. »

Arcana écarta son manteau d'hermine et dégaina un poignard en argent. Un sourire se déposa sur son visage, qui resterait en place jusqu'à sa mort.

« Tu as raison, bouffon. Mon royaume doit s'éteindre et mon règne prendre fin. Je dois mourir de sa main ! Elle doit ajouter une vie de plus à la liste infinie de ses crimes, de ses exécutions. Nous, les tyrans, n'avons aucun pouvoir sur elle, sinon de la forcer à tuer, pour que sa malédiction se poursuive ! »

Malgré une corpulence similaire à la sienne, Arcana était plus rapide et jouait d'un avantage certain : Aléane ne pouvait faire usage de son arme qu'une seule fois.

La reine vampire trancha l'air de biais, la forçant à reculer de quelques pas, la poussant dans des esquives toujours plus périlleuses. Peut-être Aléane comprit-elle qu'elle ne pouvait pas sortir vivante de cette pièce. Le bouffon riait à gorge déployée, emplissant la salle d'un grondement sourd.

Enfin, lassée de lutter contre l'air, Arcana lança son bras en avant ; la lame entra entre deux côtes et perça une artère pulmonaire. Aléane se figea, les yeux exorbités ; elle semblait la montrer du doigt, d'une main tremblante suspendue dans le vide.

Non, cette main tenait quelque chose.

L'aiguille de céramique noire, sans reflet, était entrée dans sa gorge. Arcana n'avait rien senti ; elle respirait toujours normalement et le sang parvenait toujours à son cerveau. En tenant le bras fixe, Aléane empêchait la larme d'assassin d'exercer son tranchant implacable.

« Eh bien, qu'attends-tu ? » s'exclama la reine vampire.

Aléane cessa de respirer. Elle tomba en avant ; la chute de son bras entraîna l'aiguille sur dix centimètres, avant qu'elle ne s'émousse et se brise sur un os. Arcana mourut sur le coup. Le bouffon, seul spectateur de la scène, se tut brusquement. La tragédie venait de prendre fin.

Il n'était plus lieu de rire ; le bouffon se mit à pleurer. Après une demi-heure de lamentations, et tandis que les émeutiers entraient dans le palais de la reine, il jeta un dernier regard aux deux victimes du destin et leur tourna le dos.

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