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46. La table des rois


Les bottes de Christophe écrasèrent des fragments d'os et des éclats de verre noir. Écrasée par une vague de chaleur infernale, la poussière avait fondu en écailles irrégulières. Hélios, l'astre solaire, occupait la moitié du ciel. Il surgissait au-delà d'une crête circulaire de montagnes, qui marquait l'horizon, suspendu entre l'aube et le crépuscule, car ses plans ambigus promettaient à la fois création et destruction.

Il ne pouvait en détourner les yeux, car le soleil était dans son regard, et l'accompagnerait toujours.

Christophe tenta de s'élever au-dessus du sol, mais la maille d'Arcs de ce rêve était un assemblage compact, imperméable, qui refusait tous les artifices. Démuni, il manqua de glisser sur les écailles de verre, qui s'accumulaient comme des piles de coquillages vides. Derrière Hélios se trouvait un mage d'Arcs, et ce mage, à la science plus pure et plus fine que la leur, refusait que l'on manipule les illusions en son domaine.

Aléane désigna un point devant eux.

Une table de pierre granuleuse, pavé long d'une vingtaine de mètres, était posée parmi les résidus de fusion. Elle était entourée de fauteuils ouvragés, moulés eux aussi dans la poussière d'un monde perdu, occupés par des silhouettes humanoïdes, parfois de simples squelettes, parfois des personnages de l'histoire universelle, figés comme s'ils attendaient quelque chose. Tout au bout de la table, un homme occupait un fauteuil plus large que les autres.

« Venez, déclara-t-il d'une voix qui, comme le soleil, portait partout dans son rêve. Rejoignez-nous. »

Aléane et Christophe ne firent pas un pas ; le sol glissa avec discrétion et ce fut la table qui vint à eux.

« Vous êtes Ikar, lut Christophe.

— En effet, dit l'homme en posant les coudes sur la table.

— Vous êtes le dernier membre du Peuple Solitaire.

— Peut-être bien. »

Comme les deux exilées de Lilith, sa peau était un cuir épais, squameux, comme si elle avait longuement brûlé au soleil. Ses mains avaient deux pouces symétriques ; des cornes ornaient son crâne, qui surgissaient entre ses cheveux noirs. Malgré cela, c'était bien un mortel, Ikar, un élément de la symbiose, resté intact au plus profond de l'esprit d'Hélios.

Était-il leur allié ou leur ennemi ? Christophe ne parvenait pas à lire ses pensées. Tout ce qu'ils pouvaient faire pour le comprendre, c'était le forcer à parler.

« J'avais déjà entendu ce nom, attaqua Aléane. On raconte l'histoire d'un jeune homme nommé Ikar, et de son père Dédale. Perdus dans un labyrinthe inextricable, ils construisirent des ailes en bois, en cire et en plumes pour s'en envoler. Mais Ikar monta trop près du soleil, la cire de ses ailes fondit, et il s'écrasa. »

Cette histoire parut amuser leur hôte.

« Mon père ne se nommait pas Dédale, déclara-t-il.

— Mais la légende porte toujours une part de vérité.

— Il est vrai que j'ai toujours cherché un moyen de m'enfuir du Monde Solitaire ; mais ce fut le cas de tout mon peuple. Il est vrai également qu'en m'approchant du soleil, j'ai beaucoup perdu. Mais j'ai gagné plus encore.

— Aléane, regarde. »

Bien qu'en bout de table, Ikar leur apparaissait aussi net que s'il se tenait à un mètre d'eux ; ses illustres invités, au contraire, étaient aussi discrets que des ombres. Il fallut le concours de leur regard pour leur redonner des traits distincts.

Des premiers, Christophe put lire le nom. Les mains gantées de Kaldor étaient posées sur la table de pierre, sa silhouette droite, son masque d'acier figé, comme s'il s'était apprêté à dire quelque chose et qu'on l'avait fait taire. Le dieu Vern, inconnu d'eux, avait la forme d'un homme sans signe distinct. Il gisait sur sa chaise, le regard vitreux, le teint cireux, comme plongé dans du formol.

À la différence, Arès avait aussi les bras posés sur la pierre, mais ses poings étaient fermés, ses muscles rigides, sa mâchoire serrée. Il luttait, fixant Ikar d'un regard noir comme une menace de mort, dont le maître des lieux se moquait éperdument.

Le roi Zor lui faisait face. Débarrassé de sa gangue de pierre, c'était un homme épais, fort comme un bœuf. Mais son regard ne portait pas la même colère que celui d'Arès. Il semblait avoir abandonné. Lui aussi statufié, il penchait la tête sur le côté, en direction d'Ikar, comme pour écouter ce qu'il avait à dire avant de choisir son camp.

L'invité de marque suivant était le Dragon. Sa forme était une silhouette à peine humanoïde, taillée dans un cristal bleuté. Son crâne sans visage, un simple ovoïde géométrique, n'exprimait aucun sentiment. Il n'avait pas de mains complètes ; une poignée de doigts mal articulés posés sur ses genoux.

D'autres rois, d'autres dieux occupaient cette table, mais aucun qui ne portât de nom lisible. Christophe reconnut d'autres dragons, faits de basalte, dont les yeux brûlaient comme des flammes perpétuelles ; une rangée uniforme de douze frères indistinguables, à l'exception d'une place vide.

« Ceux-ci sont les Sermanéens, expliqua Ikar avec une fierté déplacée, comme un marchand d'art faisant visiter sa collection personnelle. Ma toute première victoire.

— Pourquoi manque-t-il l'un d'entre eux ?

— Parce qu'il s'agit de son premier soleil, intervint Aléane. Hela.

— Exact. Hela ne peut pas être ici ; elle fait partie de mes trésors. »

Le jeune homme fit un geste évasif de la main.

« Ici, nous sommes à la table des rois, où j'ai installé tous les immortels qui m'ont rejoints, et certains élus.

— Ce ne sont que des coquilles vides. Ils sont tous morts !

— Oh, non, je ne le crois pas. C'est que nous n'avons pas la même conscience du temps, et que la mort vous apparaît à tous deux comme une frontière infranchissable. Moi, je crois que le temps peut être vaincu. C'est même une nécessité. »

Ikar se pencha vers eux pour professer sa théorie d'un ton docte, détaché ; les pantins de son rêve parurent se détacher de leur dossier un instant, tendre l'oreille pour mieux écouter cette diatribe qu'il leur avait sans doute déjà servie mille fois.

« Ô, Aléane, toi qui as tué tous les tyrans, il en est un qui t'a échappé... il t'a même battue chaque fois. Le premier d'entre tous, qui s'est éveillé au même instant que cet univers... le Temps, qui a détruit tous les mondes que tu pensais sauver. Mon projet est bien simple, vous ne pourrez pas le nier. Je veux mettre fin à sa tyrannie.

— Et la remplacer par la tienne.

— Il faudra bien une clé de voûte pour mon nouvel univers. Cet univers sera fait de lumière, et ce sera ma lumière.

— Ce sera la mort de tous les êtres.

— Ce sera, pour eux, une nouvelle forme d'existence.

— Seront-ils libres ?

— La liberté est un songe. Au mieux, un fardeau qu'il me tarde d'ôter de leurs épaules. Au demeurant, je ne vous cache pas que je suis un tyran, que je compte faire un usage personnel et exclusif de mon pouvoir, et que tous ceux qui s'opposent à mes volontés seront oblitérés. Je veux que vous compreniez que ce que je fais est juste. Selon la loi du Temps, tout ce qui vit doit mourir, tout ce qui brille doit s'éteindre. Vous pensez que j'ai détruit des étoiles et des planètes, mais je n'ai fait que déplacer la date de leur extinction. En vérité, toutes ces choses sont temporaires, elles n'ont donc aucune valeur. Nous sommes tous les trois immortels, nous le savons. Tous ceux qui nous entourent se croyaient éternels eux aussi, mais ils ont été rattrapés par la loi du temps. »

Ikar secoua sa tête cornue d'un air contrit.

« Je ne veux pas vous détruire. Je ne veux pas que vous rejoignez cette table où dînent les rois vaincus. Je veux que vous soyez mes hérauts, pour porter mon message dans l'Omnimonde, pour que les peuples me rejoignent volontairement. Car je ne souhaite pas causer davantage de souffrance.

— Tu as dit apporter la division, la guerre et le chaos.

— C'est vrai. Mais d'autres voies sont sans doute possibles. Nous sommes comme des enfants, qui ne faisons que reproduire les errements de leurs parents ; notre parent à tous n'a cessé de nous faire souffrir. L'univers nous méprise. Il s'empare de tout ce qui nous est cher, et pour quoi faire ? Pour graisser sa roue. L'univers nous hait. L'univers hait tout ce qui est vivant, et il n'a de cesse de nous détruire. Il nous infecte du chaos ; le désordre augmente sans cesse, et un jour, toutes les étoiles et toutes les galaxies ne seront que des poussières errant dans un vide infini ; tous nos rêves se seront éteints, et l'univers aura gagné contre nous. »

Ikar jeta un bref regard en direction de Kaldor, mais le masque du dieu demeura immobile.

« Je sais que vous ne me croyez pas. J'ai conscience que ma lutte peut vous paraître insensée. Mais quelqu'un devait finir par tenir tête au Temps. N'est-ce pas ce que vous avez fait, tous les deux ? Toi, Christophe, tu aurais dû mourir, mais tu t'es enfui dans les rêves pour persister. Toi, Aléane, tu es toujours revenue. Je ne pouvais pas imaginer meilleurs alliés que vous. »

Une secousse parcourut la surface du monde, qui agita la table et les invités ; les verres vides, où le vin avait séché ; les assiettes où rôdaient les os des viandes décomposées.

« Je suis en train de balayer l'Armada Secunda, expliqua Ikar. Ne prêtez pas attention aux agissements de mon corps. Je n'en ai pas le contrôle, il dispose de son propre instinct.

— Assez, Ikar. Ton projet est une folie, il est temps d'y mettre fin.

— Non, je ne crois pas. »

La table de pierre s'effondra, balayée en un nuage de poussière. Ikar se leva de son siège, imité par tous les rois vaincus ; Vern, Kaldor, Zor, Arès, les dragons, Justitia, Ozymandias, et de nombreux autres encore. Ces visages secs se tournèrent vers Christophe et Aléane. Leurs regards absents se firent furieux, comme si les deux intrus étaient l'objet de leur colère.

« Si ce n'est pas moi, déclara Ikar en guise d'adieu, ce sera vous. Si ce n'est pas vous, ce sera moi. »

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