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29. Le dieu de la mort

« C'est par ici » lançait périodiquement Aarto, comme un engrenage qui grince.

Vorag n'avait pas de frontières définies et son horizon s'éloignait à mesure qu'ils avançaient. Le marécage se fit plus dense, plus homogène, les rochers disparurent dans une boue caoutchouteuse, qui prit la consistance d'un pergélisol sur le point de fondre. De grandes excroissances noirâtres, comme des ossements couleur de charbon, surgissaient du sol pour leur barrer la route. Aarto sautillait entre ces branches torturées, les obligeant à le suivre dans des chemins scabreux, où les aiguilles sinistres crissaient contre le cuir bouilli de leurs tuniques.

Ils n'essayaient pas de se presser. En allant trop vite, ils auraient perdu leur chemin dans cette forêt maudite. Il leur fallait d'abord lire et comprendre ; ces arbres étaient comme des empilements de pierres tombales aux inscriptions effacées, qui retracent l'histoire de tout une ville de province. On ne pouvait pas espérer y trouver quoi que ce soit sans examiner longuement leurs écorces tortueuses.

« Par ici, par ici » dit Aarto en claquant des dents.

Ils sautèrent d'un bon mètre sur ce qui s'apparentait à un chemin, fait d'une cendre collante et de petits morceaux d'ossements, de la taille de gravillons.

« Dis-nous, Aarto, vous avez bien parlé de lui comme le dieu de la mort ?

— Eh, ouais. Tu trouves ça si étonnant, toi, de trouver le dieu de la mort au milieu de ses sujets ?

— C'est que je doute que la mort ait un dieu.

— Tu vas voir, tu vas voir. »

Une ironie mordante dégoulinait de ses paroles, comme si tout leur chemin avait été une longue plaisanterie, dont la chute approchait.

« Vous allez voir » corrigea Aarto en se souvenant de la présence d'Aléane.

Attentive, elle fermait la marche ; son visage et ses mains émettaient une lumière vacillante, discrète, dont la beauté faisait un contraste frappant avec les alentours. Elle n'appartenait pas à ce monde. Ce monde ne l'ignorait pas, mais il la laissait arpenter ses allées avec une certaine curiosité.

« Voilà » lâcha Aarto.

Les arbres écartèrent leurs bras charbonneux et une sorte de clairière s'ouvrit. Le ciel-océan colorait la poussière d'ossements de tons verdâtres, comme des moisissures rampantes. Un rocher transperçait cet espace en son milieu, semblable à ces bornes dont d'anciennes civilisations faisaient le centre du monde. Et de même que ces totems d'époques oubliées, le rocher était peut-être le centre de Vorag, car Vorag n'avait pas de centre ; de même que ces mondes étant sphériques, toutes les bornes avaient raison.

Le dieu de la mort était affalé contre ce rocher, attendant sans doute, tel l'épée de la légende, qu'un preux le délivre de son sommeil. Sa poitrine se soulevait en rythme régulier avec un sifflement de locomotive, qui devait être son ronflement. Difficile d'en apprendre davantage, puisqu'il n'avait pas de tête. Son cou s'arrêtait à mi-hauteur, la tranche couverte de poussière grisâtre, comme une salaison.

Aléane, moins habituée à ces théâtres d'horreur, détourna brièvement le regard. Aarto émit un ricanement, puis il boita jusqu'au colosse endormi et donna de petits coups de pied dans ses genoux.

« Eh, Thaddeus ! Tu as de la visite. »

L'homme émit un grognement, puis il se tourna sur le côté. Aarto continua de frapper jusqu'à ce que résonne une voix sombre, attachée à ce corps, mais qui ne provenait d'aucune gorge.

« Qu'est-ce qu'il me veut, le nain ?

— Lève-toi, vieux moche. Tu as de la visite. Des gens de l'extérieur sont venus te voir ! »

Thaddeus s'appuya sur le rocher pour se relever ; il était largement plus grand qu'eux, mais tenait à peine debout, car il ne voyait rien et ne pouvait pas se repérer.

« De l'extérieur » grogna-t-il.

Des filaments d'Arcs progressèrent en direction de Christophe, qui les arrêta en plein élan et les saisit de la main, comme si Thaddeus avait voulu le renifler et qu'il l'interrompait d'un coup de poing dans le nez. Le prétendu dieu pencha vers l'arrière et manqua de se prendre les pieds dans le rocher qui lui servait d'oreiller.

« Qu'est-ce que tu espères ? ricana Aarto. Ce ne sont pas des drôles, ces deux-là.

— Dites-moi, renchérit Christophe en tenant toujours en main les Arcs, comme une corde qui tenait Thaddeus en respect. Pourquoi vous nomment-ils le dieu de la mort ?

— C'est à cause de mon nom. Thanathos-Deus.

— C'est un calembour, dit Aarto. Zor en était très fier.

— Vous n'êtes donc pas la mort, et vous n'êtes pas un dieu.

— Oh, je l'ai été, protesta Thaddeus.

— Vous êtes un homme. C'est évident.

— Mais j'ai été bien plus que les pucerons et les larves de Vorag !

— C'est ce qu'ils disent tous. Je suis venu vous poser une question. Avez-vous connu la guerre d'Aton contre Kaldor ?

— Vous dites ça parce que le dévoreur d'étoiles est de retour, et vous savez que j'ai été le roi de Naglfar, et que j'ai participé à la bataille de Sol.

— Exact, dit Christophe, bien qu'il n'ait encore jamais entendu parler ni de Naglfar, ni d'une telle bataille.

— Vous voulez savoir comment battre le dieu-soleil ! Mais vous ne pouvez rien. »

Christophe lâcha les Arcs de Thaddeus, qui se laissa tomber de dépit. Il examina les abords de son esprit.

« S'il est ici, c'est que vous représentez une menace pour lui. Donc quelque chose que nous pouvons exploiter. Je ne veux pas d'une armée, je ne veux pas de la puissance de mille étoiles. Je veux le secret qui le rendra vulnérable. Je veux la vérité capable de le détruire.

— S'il est de retour, peut-être me laissera-t-il reprendre la tête de son armée, murmura Thaddeus tout bas, car il ne s'adressait pas à eux, mais à lui-même.

— Hélios sera bientôt ici, intervint Aléane. Nous n'avons pas beaucoup de temps.

— C'est pour moi qu'Il vient ! se rendit compte Thaddeus. Après deux mille ans ! »

Une lumière naquit aux confins de la forêt de charbon, dont l'approche pulvérisait les arbres en une tempête de cendre.

« Je reprendrai la tête de mon armée d'ombres ! Mon vaisseau, Naglfar, voguera de nouveau parmi les astres ! Et les âmes déchues serviront de nouveau ma volonté... Il est venu les collecter ici, dans ce trou où elles sont tombées, pour les remettre à leur juste place... »

Christophe figea l'espace autour de Thaddeus ; le colosse avait l'impression de courir vers l'orbe de lumière, mais il restait fixe ; la poussière soulevée par ses pas demeurait suspendue dans l'air.

« Je suis ici ! Gronda Thaddeus. Je suis ici ! Je t'attends ! »

Christophe comprit qu'il était trop tard ; il tendit la main à Aléane et découpa l'espace devant eux, détachant une bulle de Vorag. La clairière reprit son organisation, comme une cicatrice qui se referme ; ils se trouvaient désormais au-dessus de Vorag, rattachés par un simple fil, un Arc invisible, aussi simple et solide qu'un brin d'herbe, sur lequel on peut marcher cent fois sans le remarquer.

Malgré la gelée qui l'emprisonnait, Thaddeus ouvrit les bras pour accueillir son dieu. La lumière d'Hélios le traversa ; il se consuma en un instant, et lorsque les ailes du dieu-soleil battirent pour reprendre de l'altitude, elles agitèrent ses cendres mélangées à celles de la clairière.

Hélios remonta comme une flèche ; sa lumière demeura en place comme une anomalie d'optique, car elle avait grevé les lois physiques du rêve, qui reprenaient à peine leur droit. Christophe, estimant le danger écarté, ouvrit le mur de leur bulle d'espace et les laissa retomber dans Vorag.

« Eh ben, lâcha Aarto.

— Hélios a eu ce qu'il voulait » constata Aléane.

La traînée de feu du dieu-soleil se poursuivit jusqu'à la frontière de l'océan, qu'il traversa dans un nouveau dégagement gazeux. Son passage avait rougi le ciel, comme si Océanos s'était rendu malade de cette présence étrangère, et qu'il lui faudrait des siècles avant de s'en remettre.

L'homme-requin se gratta la tête d'un air gêné. Il alla jusqu'au tas de cendres de Thaddeus et l'agita du pied, comme pour vérifier qu'il n'en restait rien.

« Bon, et donc, ça veut dire qu'on est foutus ?

— C'est difficile à dire » trancha Christophe.

Il regardait dans le vague, tel ce randonneur qui après des heures d'effort, est interrompu par un à-pic infranchissable, découvre qu'il a mal interprété la carte, que son chemin n'avait servi à rien et qu'il lui faut faire un nouveau détour.

« Mouais. De toute façon, ne comptez pas sur moi pour pleurer à votre place. Il paraît que le dieu-soleil veut bouffer toutes les étoiles, puis la réalité, et qu'il veut mettre fin au Temps. Moi, je dis : qu'il y aille. Ça ne pourra pas être pire pour nous.

— Cet univers n'est pas le vôtre, intervint Aléane. Il appartient aux vivants. »

Aarto eut un sourire malicieux, comme le rhéteur qui, tel un chasseur intelligent, amène sa proie sur un terrain connu, où tous ses pièges et ses contre-arguments sont prêts et affûtés.

« On n'est pas vraiment adulte tant qu'on n'a pas connu le regret. Si tous ceux qui se sont laissés prendre par le tyran, et qui l'ont regretté, si tous-ceux là étaient encore en vie, alors ils ne laisseraient aucun tyran reprendre le pouvoir. Et toi, Aléane, tu n'aurais pas besoin de revenir. »

Christophe pencha son regard vers ce petit homme à la tête trop large.

« Quel tyran avez-vous suivi, Aarto ? »

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