
Chapitre ②
Bonsoir ! ^-^
Voici la suite de Noir ! J'espère que ce chapitre vous plaira, vous allez déjà doucement commencer à découvrir/comprendre certaines choses ;)
Bonne lecture ~
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Si Jungkook avait d'abord été sceptique, à présent, il n'avait plus aucun doute sur sa décision ; il allait ouvrir ce message privé. Après tout, ce dernier venait quand même d'un photographe qui semblait assez connu, et le noiraud devait avouer que ses oeuvres étaient d'une beauté fascinante. Quand ses yeux de biche se posaient sur la nature capturée par ce Vante, il se sentait attiré dans une bulle chaleureuse et sécurisante ; c'était rare que cela lui arrive. En effet, l'étudiant n'avait pas été envahi par ce doux sentiment depuis un long moment.
Quatre ans, en fait. C'était long, n'est-ce pas ?
Ses pupilles se mirent à trembler lorsqu'il parcourut un peu plus les tréfonds de ce profil intriguant. Plus de temps à perdre ; le noiraud allait répondre à ce message. Tant bien que mal, son doigt incertain qui trahissait sa timidité et son manque de confiance trembla contre l'onglet "messages", mais il finit par appuyer sur ce dernier en expirant.
Ainsi, le jeune homme se retrouva sur la conversation avec Vante. Il accepta rapidement la demande de message et lut les mots du talentueux photographe, les sourcils froncés de concentration.
@Vante :
Bonsoir jeon_jk, j'aime beaucoup ton travail.
Court, simple, mais efficace ; Jungkook avait déjà envie d'entamer une conversation avec ce mystérieux personnage. Ses deux incisives se plantèrent dans son croissant rosé et pulpeux, si bien qu'il en devint blanc à l'endroit où il était maltraité. L'étudiant en psychologie survolait les touches de ses deux pouces, prêt à pianoter une réponse, mais il resta de longues secondes sans oser appuyer sur les lettres tactiles.
Que devait-il dire ? Devait-il le remercier ? Et c'était tout ? Ou devait-il enchaîner sur autre chose ?
Jungkook ne se souvenait même plus de comment faire fonctionner un début de relation sociale. Il était seul, par sa propre volonté, depuis maintenant quatre ans et il s'était tant coupé du monde qu'il ne savait même plus comment faire pour discuter avec un potentiel futur ami.
Finalement, ses pensées s'ajustèrent et un éclair de courage, semblable à de l'adrénaline, fit trembler tout son être jusqu'au bout de ses doigts, et c'est ainsi qu'il tapa sa réponse, le coeur battant.
@jeon_jk
Bonsoir, je vous remercie pour votre message, il me touche beaucoup. J'apprécie énormément votre travail également, vous êtes très talentueux.
En envoyant la réponse, le noiraud se demanda si ce n'était pas trop, s'il n'avait pas abusé sur les mots et leurs significations -il n'était pas doué pour ça, pour parler-. Il ne l'avait jamais été, même avant cette soirée-là. Mais il fallait avouer que, depuis ce moment précis qui avait marqué un tournant affreux dans sa vie, Jungkook était encore moins à l'aise en ce qui concernait la manipulation des mots.
Le jeune homme se mordillait les ongles en fixant l'onglet des messages. Il espérait une réponse, car il était terrifié à l'idée d'avoir déjà gâché le semblant d'échange avec cet inconnu.
Ses doutes s'envolèrent lorsque son téléphone vibra, lui indiquant un nouveau message. Cette fois, aucune hésitation ; son index délicat cliqua sur la boîte de réception du réseau social, et il lut avec une grande attention la réponse de l'individu qui avait piqué sa curiosité.
@Vante
Que de compliments, ça me touche beaucoup. Mais je t'en prie, tutoie-moi, je me sens déjà vieux avec ton message.
Le coeur de Jungkook sembla rater un battement. C'était de l'humour, n'est-ce pas ? Voilà que les traits du noiraud se tordirent en une expression inquiète et tracassée. Avait-il été désagréable ? Cette fois, la peur d'avoir fauté le fit taper beaucoup plus rapidement sur le clavier virtuel, si bien qu'il ne prit même pas le temps de relire sa réponse avant de l'envoyer.
@jeon_jk
Je te prie de m'excuser, je te tutoie à partir de maintenant. Encore désolé pour mon précédent message.
Jungkook se redressa et alla dans sa minuscule cuisine pour se préparer des nouilles instantanées ; il n'avait jamais bon coeur à cuisiner, c'est pourquoi les plats comme celui-ci, rapide et simple, lui convenaient parfaitement. Manger était pour lui une perte de temps. Lorsqu'il avait faim, le noiraud faisait en sorte de combler rapidement cette mauvaise sensation, puis de reprendre ses occupations. Il était rare qu'il apprécie un vrai repas, bien chaud, préparé avec amour, parfaitement cuisiné pour son propre plaisir et pour gâter ses papilles gustatives.
Sa chute de rein creuse s'appuya contre sa petite table à manger alors que ses mains délicates attrapèrent une nouvelle fois son cellulaire. Son plat était au micro-ondes, il avait donc le temps d'espionner à nouveau le profil de son interlocuteur anonyme. Ses pupilles gourmandes, avides de plus de photographies de Vante, découvrirent d'abord que sa photo de profil était un homme de dos, aux cheveux châtains ; sûrement qu'il préférait rester anonyme, lui aussi.
Puis, par curiosité, Jungkook décida d'aller chercher la toute première photo publiée sur son profil.
Elle était différente des autres. C'était une fleur, en noir et blanc. Jungkook fut assez surpris ; en effet, cet artiste à qui il parlait ne semblait pourtant pas être friand des couleurs ternes.
Rapidement, le noiraud l'identifia comme étant une fleur de Lys. Ses deux orbes aussi sombres que l'image tombèrent sur la légende. Vante n'en mettait pas, habituellement, mais il y avait bel et bien une phrase écrite en-dessous de cette publication, qui était la toute première de son profil.
"Pourquoi avoir arraché la seule chose qu'on ne peut rendre ?"
Un sursaut brusque secoua le corps de l'étudiant ; son micro-ondes avait indiqué la fin du décompte, et ses nouilles instantanées étaient prêtes. Une poignée de secondes plus tard, Jungkook mangeait son repas chimique et, alors qu'il s'aventurait dans les publications de Vante, il reçut un message de ce dernier.
@Vante
Oh non, ne t'en fais pas pour ça. Puis-je te demander ton prénom ?
La panique envahit plus ou moins rapidement le noiraud dont les lèvres au goût de boeuf étaient pincées. Il déglutit lentement, avant de répondre au photographe.
@jeon_jk
Pourquoi tu veux savoir mon prénom... ?
Jungkook était ce qu'on pouvait qualifier de paranoïaque ; il s'inquiétait pour tout, avait peur de chaque question, de chaque détail qu'il pouvait donner à propos de sa personne. Ainsi, il préférait s'assurer sur les raisons de Vante à connaître son identité ; il pourrait alors juger s'il a l'impression que ce dernier était une menace ou non.
Une énième bouchée plus tard, le noiraud reçu une notification d'un nouveau message.
@Vante
Pour te nommer, tout simplement. Mais si tu es inconfortable avec ça, je comprendrais.
C'est en lisant les mots de son interlocuteur que l'étudiant réalisa soudainement quelque chose.
Taehyung. Il ne pensait même plus à lui, alors que ce dernier occupait habituellement son esprit depuis quatre ans. Et aujourd'hui était une excellente raison pour être mentalement envahi par le châtain, mais discuter avec ce Vante l'intriguait tant, ce soir, que c'était comme si son cerveau s'accordait enfin un peu de répit, un peu de repos.
Ca faisait du bien, parfois, d'oublier ne serait-ce que le temps d'une soirée la chose qui torture le quotidien du jeune homme. La chose, qui était en fait une personne.
@jeon_jk
Jungkook. Et toi ?
Oui, l'étudiant avait jugé sa réponse comme honnête ; il avait apprécié la franchise de l'inconnu aux photographies magnifiques, car ce dernier n'avait pas cherché à inventer une quelconque raison stupide pour en savoir plus sur le noiraud, non. Il avait tout simplement avoué vouloir mettre un nom sur un profil, une conversation, un échange, et Jungkook avait plutôt aimé cela, à vrai dire.
@Vante
Tu peux m'appeler Vante.
Un froncement de sourcils, puis un mouvement de recul.
@jeon_jk
Je t'ai donné mon prénom, pourquoi ne pas me donner le tien ?
Les réponses de son homologue furent plus rapides et cela ravit l'étudiant, sans trop qu'il ne sache pourquoi.
@Vante
Je te le donnerai plus tard, ça ne te dérange pas ?
Les lèvres du noiraud furent pincées. Si, ça le dérangeait, mais pas plus que ça, à vrai dire. Cette personne semblait différente ; cent milles abonnés, et elle gardait son anonymat. Jungkook appréciait cette part de mystère, car il la ressentait aussi à travers ses photos.
@jeon_jk
Non, ça va.
@Vante
Alors dis-moi, tu fais quoi dans la vie, Jungkook ?
Le jeune homme fit passer le bout de sa langue rose sur ses deux croissants pulpeux, hésitant quant à la question de son vis-à-vis. Lui donner plus d'informations sur lui ? N'était-ce pas dangereux ?
Le noiraud pesa le pour et le contre, puis se fit la réflexion que tant qu'aucune adresse n'était révélée, il ne devait pas courir de grands risques. Il hocha de la tête pour lui-même et rabaissa cette dernière vers son téléphone pour répondre à Vante.
@jeon_jk
Je suis en licence de psychologie, et je travaille dans un petit café pas loin. Et toi ?
Après avoir envoyé son message, Jungkook se dirigea vers son sofa à nouveau après avoir débarrassé le bol de nouilles à présent vide. Ses fesses se posèrent sur le tissu du fauteuil et un soupir passa la barrière de ses lèvres lorsque son dos fatigué rencontra le dossier. Sa tête bascula vers l'arrière et Koya vint sur ses genoux. Il caressa le petit crâne de son animal de compagnie, les yeux perdus sur le sol.
Il était calmé depuis l'après-midi, c'était certain, mais l'étudiant sentait bien que quelque chose clochait dans son corps. Son estomac pesait trop lourd, son coeur battait trop vite et les frissons incessants dans sa nuque et ses poignets ajoutaient à la conclusion suivante :
Il pensait à Taehyung.
Il avait peur, il était terrifié à l'idée que ce dernier ne tente par un moyen ou par un autre d'entrer en contact avec lui.
@Vante
Et tu aimes ce que tu fais ? Ca te plaît, cette licence ? Je suis professeur.
Immédiatement, le cadet inspira un grand bol d'air. Il était en train de discuter avec un enseignant ? Ce fut soudain très étrange à ses yeux, si bien qu'il eut peur que ce soit l'un de ses professeurs. Alors il ne perdit pas de temps et enchaîna les mots un à un dans la barre des messages.
@jeon_jk
Oui, j'aime beaucoup. Pardon mais quel âge as-tu ?
La réponse fut presque immédiate. Le photographe semblait encore sur la page de conversation avec le noiraud.
@Vante
Je t'impressionne ?
Un sourcil fut levé de la part de Jungkook, alors qu'il tapait sa réponse, sans même se rendre compte qu'il était de plus en plus vif dans cet échange. Ce Vante était assez sympathique et, à part le mystère qui planait autour de lui, le jeune homme devait avouer qu'il ne s'ennuyait pas dans cette discussion.
@jeon_jk
Un petit peu. Tu es professeur et je suis un étudiant. De plus, tu m'as demandé de te tutoyer. C'est étrange.
Jungkook se surprit à rester dans la conversation après son dernier message. Il vit les trois petits points qui signifiaient qu'en ce moment même, son interlocuteur tapotait sur son téléphone pour lui répondre. Le noiraud l'imagina comme un homme dans la quarantaine, mais ça ne collait pas réellement au fait qu'il utilise un réseau social. Quoi que. De nos jours, même des parents avaient des comptes sur Instagram ou Twitter. Cependant, l'étudiant se souvint de sa photo de profil. En effet, l'homme figurant sur cette dernière était de dos, mais ses cheveux châtains, lisses et bien coiffés faisaient penser à tout sauf à un quarantenaire.
@Vante
J'ai vingt-six ans. C'est ma seconde année d'enseignement, ne sois pas si gêné.
@jeon_jk
Je vois.
Le jeune homme aux cheveux ébènes s'allongea doucement sur son canapé, les paupières closes. Il commença même à somnoler lorsque son cellulaire lui indiqua l'arrivée d'un nouveau message.
@Vante
Et toi, quel âge as-tu ?
@jeon_jk
J'ai dix-neuf ans. Je suis en première année de licence.
Se sentant partir pour le monde des songes, Jungkook décida de mettre fin à la conversation avant que le photographe n'ait eu le temps de répondre.
@jeon_jk
Je vais aller me coucher, je commence tôt demain. Bonne nuit.
@Vante
Bonne nuit Jungkook, à bientôt j'espère.
Le noiraud hésita à répondre autre chose, les yeux figés sur le dernier message de Vante, mais se ravisa. Il quitta l'application et se redressa dans le but de faire sa toilette et d'aller se coucher, séchant les révisions pour ce soir.
C'est dans son lit, dans le noir complet, qu'il commença à trembloter. Le visage de Taehyung lui revenait par flashs, toute son ascension pour servir son plateau avec le donut à la fraise et le café viennois, jusqu'au moment où leurs prunelles surprises se sont croisées.
Le noir lui fit soudain très peur, et il eut l'impression que son aîné était dans la pièce, avec lui. Dans ce coin-là, ou peut-être celui-là, qui sait ? Peut-être que le châtain était aussi sous son lit, après tout. Ou peut-être que son corps élancé était debout, juste devant les pieds du lit de Jungkook, à attendre qu'il s'endorme pour lui faire du mal ? Pour briser son corps à nouveau ?
Une larme roula sur la joue du jeune homme et il se recroquevilla sur lui-même, n'osant plus bouger le pouce, comme si ça allait le mettre en danger, voire le tuer. Il se remémora contre son gré le visage du châtain, et bientôt, ses poings se serrèrent si fort que ses ongles laissèrent des arcs-de-cercles blanchâtres dans ses paumes. C'était l'une des pires journées d'anniversaire de sa vie.
Jungkook ne haïssait pas Taehyung, non.
Il avait juste profondément peur de lui.
**
Il est bizarre.
Pourquoi est-ce qu'il ne parle jamais ?
Encore un qui veut se la jouer "différent" à rester éloigné des autres.
Jungkook était habitué à ces remarques, lorsqu'il traversait les rangs dans sa classe.
"L'université est un monde mature, un monde de découvertes, de rencontres. Tu y trouveras ta vraie voie, tu apprendras qui tu es."
Apparemment et sans grande surprise, le noiraud était une exception. Dans le mauvais sens du terme. Il ne le faisait pas exprès, il ne voulait pas se mettre de côté ainsi. Mais il n'était pas doué, pas friand des échanges sociaux. Oh, autrefois, il l'avait été. Avant ses quatorze-ans, l'étudiant rayonnait de sociabilité et de gourmandise. Si bien qu'il avait attiré à lui, par mégarde mais non sans lui déplaire, un jeune homme fascinant du nom de Hoseok.
Hoseok avait été un grand ami, un confident, et son sourire faisait celui de Jungkook. Oui, lorsqu'il se mettait à rire, à exposer sa belle dentition au monde, que sa voix trahissait sa joie et que ses petits yeux rieurs reflétaient cette lueur presque euphorique -Hoseok était excessif, parfois, ce qui avait plu au noiraud- Jungkook était comme piqué par ça, par ce bonheur contagieux.
Ces deux-là s'étaient très bien entendus. Pendant trois ans, très exactement, de douze à quinze bougies.
Et puis, un jour, l'adolescent au grand sourire avait proposé au noiraud de venir passer le week-end chez lui, que son grand-frère qu'il avait souvent aimé qualifier de "trop cool" inviterait ses amis. Son aîné, de dix-neuf ans bien tassés, avait fait exploser les murs de la maison, ce soir-là, avec tous ces autres étudiants âges de dix-huit à parfois vingt-trois ans.
Jungkook avait d'abord adoré cette soirée, aux côtés des "grands" qui, eux, s'alcoolisaient en interdisant aux deux plus jeunes de descendre de la chambre du petit-frère de l'hôte de la soirée.
Il fallait croire que ces deux imbéciles de pré-adolescents n'en avaient fait qu'à leur tête ; le grand-frère d'Hoseok n'avait eu le dos tourné que dix minutes, et les chenapans s'étaient réfugiés dans la salle à vivre, là où les corps s'entrechoquaient, suaient, oubliaient les lendemains.
"Monsieur, votre carte de bus."
Jungkook sursauta, ramené au présent. Peut-être qu'il s'était un peu trop laissé aller, la tête contre la vitre, à se remémorer sa jeunesse avant qu'elle ne s'effondre. Mais ce contrôleur était arrivé de nulle part et l'avait sorti des tréfonds de ses pensées les plus profondes, de ses souvenirs d'une pré-adolescence paisible. Paisible, car ce même contrôleur venait de couper le fil rouge de sa mémoire, celui qui menait aux dernières heures de cette soirée.
Aux dernières heures de la vie de Jungkook.
Pourtant, Jungkook était vivant. Jungkook se réveillait, marchait, baillait, mangeait, travaillait, étudiait.
Alors il était vivant, n'est-ce pas ?
"O-Oui... ?
-Votre carte, s'il vous plaît." Répéta l'homme.
Maladroitement, le noiraud glissa ses phalanges dans sa poche arrière, arquant le dos pour que ses fesses décollent du siège de quelques centimètres. Ses doigts tirèrent sa carte de son bas, et l'homme scanna l'objet sans grand intérêt, avec des gestes robotiques, lassés, lessivés.
"Bonne journée." Lâcha-t-il.
Sans même que l'étudiant n'ait eu le temps de se poser des questions comme fallait-il répondre ? Quoi donc ? Avec quel ton ?, le contrôleur demandait une autre carte à une femme enceinte, non loin du corps crispé du petit noiraud.
Ce fut un souffle de soulagement qui traversa la barrière de ses lèvres, puis il s'en retourna à la contemplation maussade des rues sales qui défilaient sous ses yeux intensément sombres, mais éteints.
La pluie se mit à ce moment-là à frapper les vitres du bus, les nuages vomissant leur chagrin, et Jungkook se sentit comme eux, soudainement. Transparent, prêt à disparaître et d'une blancheur impure.
Alors il subit encore, en cette journée pluvieuse, ces remarques à l'université. Il ne baissa pas la tête, préférant faire comme si rien ne l'atteignait ; il savait de toute façon que ça n'irait pas plus loin. A quoi bon porter de l'attention aux mots ? Les mots étaient la chose la plus volatile qui puisse exister ; après être prononcés, ils s'effaçaient dans le temps, et le noiraud s'arrangeait pour accélérer son horloge interne, faisant plus rapidement se désintégrer les lettres épineuses.
Il aimait que le temps soit court. Il aimait que les aiguilles se courent après. Plus le temps s'écoulait, plus il s'approchait du mur, celui où tout sera terminé, celui où sera noté son nom, prénom, sa date de naissance et la date précise où il heurtera le néant, avant de s'y faire aspirer.
Oui, il avait hâte.
Mais le courage n'y était pas.
Jungkook n'était pas un lâche, mais il n'avait jamais eu assez de force pour se donner la mort.
Alors il rêvait à quand la mort ne lui donnerait plus le choix.
**
"Koya, viens-là, regarde ce que je t'ai acheté au supermarché."
La boule de poils noirs ronronna immédiatement, son crâne caressant le mollet de l'étudiant en psychologie, alors que les mains de ce dernier s'affairaient à ouvrir le paquet cartonné. Le bruit des croquettes au poulet qui heurta la gamelle du petit chat fit s'exciter ce dernier, ses griffes se faufilant entre ses coussinets roses alors qu'il grattait le meuble blanc sous l'évier.
Jungkook eut un faible sourire et alla déposer le bol métallique sur le sol, puis versa un peu d'eau dans son autre gamelle. Il laissa son animal de compagnie se nourrir joyeusement et s'installa sur la table, près de la porte de la cuisine. Son ordinateur reflétait une lumière blanche sur la peau opaline de son nez, son menton et ses pommettes, avant qu'il ne commence à étudier. Koya arrêta de manger pour sauter sur les jambes de son maître et s'y installer en boule chaude et ronronnante, se métamorphosant en bouillotte de fortune pour le noiraud concentré.
En ce samedi encore un peu pluvieux, l'étudiant s'était réveillé assez tard -à quatorze heures, en fait-. Entre l'Assiette gourmande et l'université, il ne savait parfois plus où donner de la tête, si bien qu'il lui arrivait de s'assoupir à la bibliothèque universitaire entre deux cours. La vieille documentaliste aigrie ne pouvait s'empêcher de lui faire la remarque, au début, jusqu'à ce qu'elle ne prenne conscience des cernes parfois violettes sous les yeux en amande du jeune homme. Depuis, elle le rouspétait encore, mais avec plus de délicatesse et de compassion.
Mais il y avait un petit problème, pour l'étudiant, ces derniers temps.
Voilà une semaine qu'il n'allait plus travailler.
Son supérieur l'avait contacté le premier jour de son absence et, visiblement, avait été drôlement compréhensif. Jungkook lui avait affirmé d'une voix tremblotante qu'il allait mal en ce moment, qu'il couvait sûrement quelque chose, et son patron l'avait tout bonnement cru -de ce qu'il avait répondu, en tout cas, ça avait l'air d'être le cas-. Surpris, le noiraud avait été autorisé à prendre une semaine de congés. Sans plus d'explications, son supérieur avait raccroché, affirmant qu'il devait être de retour le lundi suivant. L'étudiant était resté devant son téléphone, estomaqué, puis un énorme sentiment de soulagement avait détendu son corps, lui décrochant même un faible sourire.
Il ne préférait pas penser au pourquoi il n'y allait pas. Le noiraud ne réfléchissait pas à ce qu'il s'était passé une semaine plus tôt, de qui il avait revu très récemment.
Il bloquait ce visage de son esprit, empêchant les traits démoniaquement angéliques de Taehyung de se former derrière ses paupières.
Alors il avait agi comme si rien ne s'était passé, comme s'il ne l'avait jamais revu, là, à cette table dans le café-restaurant. Il n'avait pas pesé le pour et le contre, il n'avait pas tenté de savoir si c'était la bonne chose à faire ou non. Il s'était contenté de le faire, ni plus ni moins. De continuer sa vie, à la seule exception qu'il n'allait pas travailler pendant une semaine.
Oui, absolument. Jungkook se voilait la face. Et peut-être qu'il avait une si grande peur d'affronter le récent événement, de se le remémorer, qu'il fit comme si ça ne s'était jamais réellement produit.
C'était juste un cauchemar, pas vrai Koya ? Je ne l'ai pas vraiment vu, hein ? Avait même questionné l'étudiant en rentrant chez lui le lendemain soir, un sourire affreusement faux barrant son délicat visage.
Mais si c'était juste un cauchemar, pourquoi ne vas-tu pas travailler ? Semblait lui répondre sa conscience, un sourcil haussé et les bras croisés.
Jungkook l'avait superbement ignorée.
Sa conscience avait levé les yeux au ciel.
Un léger halo de lumière attira l'attention de Jungkook, qui tourna le visage vers sa droite ; son téléphone venait de s'allumer, affichant une notification assez inattendue.
C'était lui. Vante.
La curiosité piquée, le noiraud prit son cellulaire entre ses doigts naturellement tremblants, et alla consulter le message que le photographe lui avait envoyé.
@Vante
Bonsoir Jungkook, je ne te dérange pas ?
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Pas mal d'éléments très importants dans ce deuxième chapitre, j'espère que ce dernier vous a plu ! ^-^
J'ai vu pas mal de réactions sur Twitter qui étaient en fait plutôt inquiètes car c'est une fiction sur le viol mais aussi sur le Taekook. Je ne veux pas vous spoiler alors je ne vais dire qu'une chose :
Faites-moi confiance.
Je vous souhaite à tous et à toutes un très bon week-end, et bon courage pour la semaine prochaine!! Gros gros bisous ! ^-^ ♥
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