11 Donner sa langue au chat !
Bien sûr, Sophie et Juliette m'ont appelée dès le lendemain pour me demander ce qui s'était passé et pourquoi j'avais commis une chose pareille. Ma mère n'a pas pu tenir sa langue. J'ai eu beau leur expliquer mille fois que je ne voulais pas vraiment attenter à mes jours, que j'aimais la vie en règle générale, elles s'adressèrent à moi avec une voix mielleuse et remplie de compassion. Apparemment, comme mes parents, elles ne me croyaient pas non plus.
Dix sept heures. Simon rentre enfin du collège. Ni une ni deux, sans que je ne l'aie vu venir, il me serre fort contre lui.
—Wow, laisse-t-il échapper en relevant la tête. T'as quoi au visage ? C'est trop bizarre.
—J'me suis pété le nez, je lui réponds, blasée.
—Et ça fait mal ?
—Ouais. Les médicaments qu'ils m'ont donnés à l'hosto ne font presque plus effet, et le doliprane, ce n'est pas aussi efficace.
—Ma pauvre sœurette. Et en plus, tu fais vachement peur comme ça.
—Merci, ça me réconforte.
J'ose espérer que la vérité ne sort pas systématiquement de la bouche des enfants.
—Désolé, mais c'est vrai, insiste t-il.
—Bon, ça va, j'ai compris.
Il hausse les épaules.
—Il est où Popette ?
—Pff, je ne sais pas, peut-être sous le lit, je prononce d'un air détaché, presque dédaigneux.
Il se met alors à quatre pattes pour regarder.
—Ah non, il n'y est pas. Et pourquoi tu parles de lui comme ça, d'abord ?
—Ben, il doit être ailleurs alors, je souffle, nonchalante.
—Tu fais la gueule à ton chat ?
—Simon, gros mot !
—Euh ouais, pardon. Tu lui fais la tête ?
—C'est à cause de lui si j'ai le pif en charpie.
—Pourquoi ?
—Je suis tombée tête la première parce que je me suis entravée dedans.
—Oh, le pauvre, tu ne lui as pas fait mal, j'espère.
J'arque un sourcil.
—Non, il se porte comme un charme, lui.
Soudain, l'intéressé fait son apparition en sautant sur mon oreiller. Il s'approche et ronronne déjà.
—Tu vois, il vient s'excuser. Je suis sûr qu'il ne l'a pas fait exprès.
—Hum.
Le vendredi qui suivit, ce que je redoutais le plus, inexorablement, se produisit.
Mes parents n'ont hélas pas perdu de temps et à peine suis-je rentrée à la maison qu'ils ont recherché un psy ayant soi-disant une super réputation. Et voilà qu'à peine 4 jours plus tard, je suis déjà en train de patienter dans la salle d'attente du docteur Williams, lorsque la secrétaire que j'ai vue à l'accueil, réapparaît dans l'encadrement de la porte.
—Mademoiselle Rossignol, le docteur Williams va vous recevoir, annonce-t-elle.
Je me lève aussitôt, et non sans une certaine appréhension, je la talonne jusqu'au fond du couloir. Les murs chocolat sentent la peinture fraîche. Quant à la secrétaire, elle s'est tellement aspergée de parfum, que même avec mon plâtre, ça me pique le bout du nez.
Elle ouvre la porte en bois foncé et m'invite à entrer.
—Mademoiselle Rossignol, me présente-t-elle avant de repartir.
—Asseyez-vous, je vous en prie, j'entends alors.
C'est une voix étonnamment jeune et terriblement sensuelle. Elle provient de derrière le bureau laqué noir qui est placé en plein milieu de la pièce, juste devant une immense baie vitrée. De cet étage, on peut y admirer le clocher, les tours et les flèches de la cathédrale de Pey Berlan. La vue est splendide. J'hésite un instant à m'asseoir sur l'une des deux chaises positionnées en face du bureau, pour finalement me rétracter, préférant rester debout.
—Excusez-moi, j'essaye en vain de récupérer mon stylo qui, comme de par hasard, est tombé pile poil en-dessous, bougonne-t-il, toujours caché.
Je vois ses pieds dépasser. Il est à moitié allongé sur le sol, sans doute la tête penchée sur le côté pour essayer de voir où est son stylo.
—Ahh ! Voilà, alléluia, je l'ai.
Il se relève et époussète son jean. Alors que je manque de m'étouffer avec ma propre salive, il esquisse un sourire étincelant.
—Bonjour, dit-il en me serrant la main.
Je suis scotchée, médusée. Je n'en crois pas mes mirettes et déglutis tant bien que mal. Ses doigts sont si doux, si chauds, si grands.
—Euh...bonjour.
Devant moi se tient un mec ô combien méga canon. Même habillé, on peut voir à quel point il est musclé. Il a les épaules carrées et je devine des abdos saillants sous sa chemise bleu ciel, laquelle est assortie à ses prunelles. Avec sa peau caramel, ses cheveux rasés de près, sa mâchoire carrée et ses lèvres charnues, il possède un minois vraiment trop craquant.
—Je suis le docteur Williams, enchanté, continue-t-il sans m'avoir lâché la main.
Je dois être rouge pivoine. Cet homme me fait un effet bœuf. Il faut à tout prix que je garde mon sang froid sinon mon cœur d'artichaut va y laisser des feuilles.
—Sinon, docteur, comptez-vous me rendre ma main avant la fin de la séance ? rétorqué-je, soulagée d'avoir retrouvé un semblant de répartie.
Il a le sourire en coin le plus sexy d'Hollywood. Sauf qu'on est à Bordeaux.
Je me liquéfie sur place, mais n'en montre rien.
—Bon, je tiens à préciser que je ne suis pas venue ici de mon plein gré. Je suis là uniquement pour rassurer mes parents qui... s'inquiètent un peu pour moi.
Il s'assied dans le siège derrière son bureau, puis m'invite à faire de même, en face, sur l'une des deux chaises en cuir.
—Hum, Lise, c'est ça ?
Je hoche la tête.
—Est-ce que vous voulez bien me raconter ce qui vous est arrivé au visage ?
Je blêmis instantanément. Il m'a tellement retourné le cerveau que j'en ai oublié la tronche que je me paye avec mon nez plâtré.
Impossible de répondre, je suis tétanisée.
—Votre mère m'a un peu dit ce qu'il s'est passé, il y a une semaine. Je pense donc, qu'étant donné les circonstances, vous n'êtes pas seulement venue me voir pour faire plaisir à vos parents, mais aussi pour aller mieux.
Je papillonne des paupières, bouche bée.
—Eh bien, Lise... Je peux vous appeler Lise, n'est-ce pas ?
—Hum, je réussis à prononcer, prostrée sur ma chaise.
—Vous avez donné votre langue au chat ?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro