Un vœu à l'étoile
Un petit OS très court pour sceller ce recueil, au moins cette année... Je vous souhaite à tous un merveilleux Noël, et tout plein d'amour!
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-Elle dort ? Murmura John.
Sherlock fit un signe affirmatif, posa un doigt sur ses lèvres, et sortit de la chambre avec mille précautions. Lorsqu'il s'agissait de Rosie, il prenait son rôle très – trop, dirait John – au sérieux. Il n'était pas question de la réveiller, et encore moins de la réveiller le soir de Noël. Tout devait être parfait.
John sourit, attendrit par le détective qui refermait très doucement la porte. Cela pouvait paraître étrange, mais il n'avait jamais douté que Sherlock soit pour Rosie un excellent père. Non qu'ils soient mariés, ou ensembles, ou quoi que ce soit du genre, bien entendu, ce n'est pas comme s'il était gay, ou quoi que ce soit, ou amoureux de Sherlock... Mais il connaissait son ami. Il savait que Sherlock devenait meilleurs en prenant soin des gens. Il était un danger pour lui-même, mais il ne mettrait jamais en péril le bien-être de quelqu'un qu'il aimait, pas s'il pouvait l'éviter. Il préfèrerait sauter d'un toit, plutôt que quoi que ce soit arrive à ceux qu'il avait choisi.
Intrigué par cette attention persistante, Sherlock adressa à John un regard interrogatif, qui ne souleva qu'un sourire. D'un commun accord, ils se dirigèrent vers la chambre de John, où était entreposés les cadeaux. Sherlock posa un livre sur le lit pour aider son colocataire à soulever le sac contenant les paquets colorés.
-Qu'est-ce que c'est ? S'amusa John en marquant une pause pour se saisir du livre.
-Le conte préféré de Rosie, répondit Sherlock sur un ton d'évidence – non mais, vraiment, John, qu'allait-il lire d'autre à Rosie le soir de Noël ?
-Ah, oui, Pinocchio, s'amusa John en reposant le livre. La marionnette qui devient humaine grâce à un vœu à l'étoile bleue...
-Techniquement, le contredit Sherlock, c'est la Fée qui est bleue, et non l'étoile.
John rit doucement et lui fourra une pile de paquets dans les mains. Rosie n'avait que quatre ans, mais tous leurs amis avaient tenus à lui offrir un cadeau, en plus de ceux qu'ils avaient déjà prévus. Ils traversèrent l'appartement à pas de loup et déposèrent les paquets sous le sapin, un à un. Sherlock les réarrangea à sa convenance, histoire de donner au tout une allure plus esthétique, tandis que John remplissait de papillotes la chaussette que la petite fille avait accroché au mur.
John leva les yeux au ciel en s'apercevant que Sherlock avait redisposé les paquets (en prenant en compte l'ordre dans lequel ils devaient être ouverts, bien entendu), mais son sourire n'était que de tendresse. Sherlock frissonna en le recevant, le trouble de son regard heureusement dissimulé par la pénombre. Ils avaient éteint toutes les lumières, pour ne pas réveiller Rosie, et seul la rue les éclairait, leur offrant la lueur ocre des guirlandes scintillantes qui décoraient les façades.
Ils restèrent un long instant en silence, debouts, au milieu du salon, à se regarder, tout simplement. Le monde était si calme, soudain, si paisible. Emplie de certitudes, de promesses, et d'avenir. John savait que dans cette personne qu'il contemplait, ce détective aux boucles brunes qui l'observait en retour, se trouvait la moitié de son univers. L'autre dormait à poings fermés, à côté, dans le débarra transformé en chambre d'enfant.
Il tendit la main. Il ne savait pas trop pour quoi, exactement. Sherlock retint son souffle, le cœur battant soudain plus fort, plus rapidement.
Mais John ne savait pas quoi faire, après cela. Il ne savait pas, ou n'osait pas. Sa main resta suspendue dans l'air, puis retomba à ses côtés. L'instant était brisé. Le cœur de Sherlock aussi.
-Je vais prendre une douche, murmura le docteur, puis je vais me coucher. À demain. Ne veille pas trop tard.
-À demain, répondit Sherlock en détournant le regard, affreusement déçu.
Mais qu'avait-il espéré ?
Sur un long soupir, il regarda John quitter la pièce, absorbé par l'obscurité du couloir. Prit d'un étrange caprice, il tira son fauteuil jusque levant la fenêtre et s'y laissa tomber, les genoux sous le menton, engoncé dans son éternelle robe de chambre gris-souris. Il n'y avait aucune étoile, dans le ciel de Londres. Les lumières artificielles étaient trop fortes.
Pourquoi se prenait-il à rêver d'étoiles, lui qui n'aimait que les faits ? Peut-être à cause du conte.
-Un vœu à la Fée Bleue, souffla-t-il pour lui-même.
Quel vœu ferait-il, s'il le pouvait ? Il n'avait pas besoin de se poser la question. Il savait ce qu'il désirait le plus, tout, tout au fond de lui, dans cette partie cachée de son cœur qu'il n'avouerait jamais posséder. Dans ce jardin intime, secret, se cachait un nom, un visage, une voix, des gestes, des regards, et un homme, un seul. John.
John était celui qu'il l'avait apprivoisé. Comme le renard, dans cette autre livre que Rosie aimait bien. Sa culture de conte du soir n'en finissait plus de grandir, ces derniers temps... Mais il adorait lui aussi, en secret, l'histoire du renard qui voulait être apprivoisé. L'animal demandait au petit homme blond de revenir tous les jours, au même moment, et de s'asseoir à ses côtés, à chaque fois un peu plus près. Le petit homme blond revenait, encore et encore. Mais il partait, à la fin ; et Sherlock en avait toujours la gorge serrée. Le renard pleurait, après. Son ami s'était enfui sans lui, à la recherche d'une rose perdue quelque part, dans l'immensité des nues.
Et le renard était seul, sans l'être le plus important de son univers.
Tout seul.
Sherlock serra les bras autour de ses genoux, se refermant le plus possible sur lui-même, tout en gardant son visage dans la lumière.
Il rêvait de John, parfois. Il rêvait de lui comme il n'avait jamais rêvé de personne. Il rêvait de son visage, de ses yeux, de sa bouche, du sourire qui l'illuminait souvent, et se demandait, le souffle court, quel goût pourrait bien avoir ces lèvres, quelle texture contre les siennes. Il se demandait aussi ce qui arriverait, s'il posait ses lèvres ailleurs... dans le creux de son cou... tout près de son épaule, où affleurait sa cicatrice de guerre... sur sa poitrine, au niveau de son cœur... sur son ventre... ou simplement sur sa joue. Il se demandait ce qui arriverait, s'il le serrait contre lui, s'il plongeait son nez dans ses cheveux, et qu'il respirait son parfum en se repaissant de sa chaleur. S'il refermait ses mains sur son visage, sur ses épaules, ou dans le creux de ses reins. S'il le touchait, s'il l'embrassait, s'il...
Il se réveillait de ces songes l'esprit et le corps en flammes, les joues fraiches de larmes inavouées. Ce qu'il désirait tant n'arriverait jamais.
-Un vœu à la Fée Bleue, murmura le détective. S'il n'en fallait qu'un, qu'un seul... Je souhaiterais que John m'aime. Qu'il m'aime... comme il aimait Mary. Qu'il m'aime. Qu'il m'aime... répéta-t-il tout bas en fermant les yeux, laissant les mots se former sur ses lèvres et puis mourir, écrasés par le silence.
Il ne vit rien de la silhouette immobile, dans l'embrasure de la porte.
~
John était sorti de la douche, une simple serviette autour de la taille. Il s'apprêtait à regagner sa chambre, car il commençait à avoir froid, lorsqu'il avait entendu un bruit de voix dans le salon, tout bas, comme un murmure. Intrigué, il s'était dirigé vers la pièce toujours sombre. La vision de Sherlock dans son fauteuil, éclairé par la lueur de la fenêtre, l'avait arrêté sur le seuil.
Il était beau, son détective. Il ne voyait de lui que le blanc de sa nuque, les boucles brunes de ses cheveux, et la pâleur de son profil. Il avait l'air terriblement vulnérable, ainsi recroquevillé sur lui-même, comme un enfant. Une vague d'affection lui serra le cœur. Oh, Sherlock...
Puis le détective se mit à parler à parler, sans bouger, les yeux fermés, avec une sorte de ferveur triste sur sa frimousse fatiguée.
-Un vœu à la Fée Bleue... marmonna-t-il.
John sourit. Encore ce conte ? Qu'est-ce que Sherlock allait demander ? Un tueur en série rien que pour lui ?
-S'il n'en fallait qu'un, qu'un seul... Je souhaiterais que John m'aime. Qu'il m'aime... comme il aimait Mary. Qu'il m'aime. Qu'il m'aime...
John s'était figé. Son cœur aussi. Ses pensées. Tout.
Aimer.
Sherlock voulait qu'il l'aime. Qu'il l'aime comme il avait aimé Mary, de l'amour des amants, et non seulement des amis. Qu'il l'aime.
Cela ne pouvait signifier qu'une chose. Une chose affolante, extraordinaire, merveilleuse, terrifiante. Sherlock l'aimait. Sherlock Holmes, l'unique, le seul, le fou, le génie, l'insupportable et tendre Sherlock Holmes. Il l'aimait lui.
Ce que cette révélation lui procura, il n'aurait su le décrire. C'était comme un éblouissement, comme un simple humain en face d'une lumière divine, d'une étoile, ou d'un soleil. C'était enivrant comme jamais l'alcool ne l'avait été, et c'était doux, comme rien d'autre ne le serait jamais. C'était puissant, aussi, bien plus puissant que tout ce qu'il n'avait jamais ressentit. Sa vie avait réellement commencé avec Sherlock. Il donnerait pour lui tout ce qu'il avait, si ce n'était Rosie. Mais pouvait-il lui donner ça ? Pouvait-il l'aimer ?
Comme la réponse était simple, et comme elle était compliquée ! Oui, il pouvait aimer Sherlock. Ce n'était pas tant qu'il puisse l'aimer, d'ailleurs, c'était qu'il l'aimait, à la folie, à la tendresse, à la mort et à la vie.
Ce qui était moins simple, c'était ce qu'il voulait faire de tout ces sentiments. Est-ce qu'il voulait réellement devenir celui-là, ce type gay dont tout le monde avait prévu le coming-out ? Avait-il réellement envie de subir les remarque, les plaisanteries, les regards trop appuyés ou les insultes ? Avait-il envie de confronter sa famille, ses amis, de se placer en marge de toute une société ? Il n'était pas gay, de toute façon. Il ne l'avait jamais été.
Oui, mais... Mais Sherlock. En face de tout cela, en face de la gêne, de la honte, du harcèlement et des étiquettes imposées, il y avait Sherlock, qui paraissait si triste, et qu'il ne tenait qu'à lui de consoler. Il n'avait pas grand-chose à faire. Il n'avait que quelques pas à franchir.
Ou alors il pouvait retourner dans sa chambre, et faire comme s'il n'avait rien entendu, comme s'il ne savait pas que Sherlock avait adressé un vœu à la bonne étoile, et que ce vœu, c'était lui.
Il avança dans le salon, lentement, très lentement, vers cet être recroquevillé qui lui serrait le cœur. Il se pencha, et déposa sur le haut de sa tête, au milieu des boucles brunes, un furtif baiser. C'était si naturel...
Sherlock sursauta et se retourna d'un bond, un air d'incrédulité totale peint sur sa face.
-John ?! Balbutia-t-il, incapable de tirer des conclusions de cette situation, incapable de se laisser aller à croire...
John contourna la chaise et se plaça devant lui. Les yeux de Sherlock brillaient, comme s'il avait pleuré, ou qu'il était sur le point de le faire.
John s'assit sur ses genoux, dénouant involontairement sa serviette. Sherlock avait momentanément cessé de respirer, les joues entièrement rouges.
-Sherlock, soupira le blogueur en se laissant aller contre sa poitrine.
Les mains du détective l'entourèrent, lui procurant un peu de sa chaleur. Elles tremblaient.
-John ? Questionna-t-il tout bas, si indécis que le médecin en souri, gentiment.
-Sherlock... répéta John dans un murmure.
Il voulait dire quelque chose. Il voulait dire quelque chose qui puisse exprimer à la fois l'incroyable force et la plus grande confusion de ses sentiments, quelque chose qui puisse exprimer à quel point il tenait à lui, à quel point il craignait de le perdre, et comme il constituait une part si importante de celui qu'il était. Quelques mots qui puissent exprimer tous les tourments de son âme et ceux de sa chair. Mais les mots, malheureusement, ne sont qu'humains. Ils ne laissent que deviner.
-Je t'aime, dit-il alors, tout simplement.
Sherlock frémit et prit une grande inspiration. John enferma son visage dans ses mains, savourant contre ses paumes ce contact chaud, puis posa doucement, très doucement, ses lèvres contre les siennes. Ce n'était qu'une caresse prolongée, à peine une pression de leurs deux bouches scellées. Sherlock cru qu'il allait mourir, tant il était heureux.
Il agrippa les cheveux de John et se mit à l'embrasser de plus belle, dévorant sa bouche, s'appropriant ses lèvres. Lorsque John les ouvrit pour y insérer sa langue, il songea qu'il allait défaillir, mais continua son assaut, éperdu de désir.
La serviette quitta la taille de John pour tomber sur le parquet. Le détective laissa ses baisers glisser des lèvres du docteur à son cou, ses mains caressant longuement sa nuque, la courbe de ses épaules, et le creux de son dos nu.
-John... murmura-t-il en continua d'embrasser la peau offerte. John... John... John...
John se sépara brutalement, le souffle court. Le détective lui envoya un regard paniqué, les lèvres rougies par les baisés. John se releva et lui tendit la main.
-Allons dans ma chambre, dit-il.
Sherlock se saisit de cette main comme s'il s'agissait du plus précieux des trésors.
Et ça l'était. C'était, pour lui, le plus extraordinaire et le plus merveilleux de tous les cadeaux de Noël.
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