Le Cadeau en carton - 1/2
Coucou! J'espère que tout le monde a passé un Joyeux Noël! (ou de très bonnes vacances pour celleux qui ne le fêtes pas). Je voulais poster cet OS le 25, mais j'ai mal calculé mon coup, donc... Voilà XD J'espère qu'il vous plaira, ça faisait longtemps que je n'avais pas écrit de mormor :3
Pour les personnes qui ne l'aurait pas vu, d'ailleurs, la première nouvelle de ce recueil (victorian johnlock) est disponible en papier sur Amazon! (Noël à Baker Street par Isabelle Lesteplume) (6€ sans fdp). Merci infiniment à toutes les personnes qui l'ont déjà acheté!!! Ça me fait tellement chaud au coeur!
Milles bises en chocolat! Portez-vous bien!
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ATTENTION: la nouvelle qui suit contient des termes sexuels explicites et une scène sexuelle "dubious consent" ("consentement douteux") ellipsée.
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Ils s'étaient rencontré un soir de Noël. Ce qui aurait été diablement romantique, s'il n'avait pas commencé la soiré en se tirant dessus.
Jim était d'une humeur exécrable. Il détestait que ses plans tournent mal, il détestait être en retard pour son feuilleton du soir et il détestait être obligé de se servir d'une arme. Et que faisait-il ? Bingo. Planqué au premier étage d'un centre commerciale fermé depuis une heure, entouré de mafieux mécontents, un révolver presque déchargé à la main...
Soirée de merde.
Une balle frôla son oreille, ricocha contre le mur et entama la joue ronde d'un Père Noël peint. Bien fait pour lui, songea distraitement le génie du crime. On a pas idée de sourire si bêtement alors qu'on se fait extorquer des cadeaux par tous les enfants qui passent.
— Moriarty ! rugit une voix. Sort de ta cachette !
Jim cligna des yeux, incrédule. Son adversaire était-il si bête ?
— Je sais que tu es là ! continua l'imbécile.
Mais oui. Décidément, l'éliminer compterait probablement comme une bonne action sur la liste du rondouillard en rouge.
Il se laissa rouler sur le côté et passa la tête par-dessus un comptoir couvert de chocolats en carton. Il avait une bonne vue sur la place principale du centre commerciale, hantée par les statues cauchemardesques de rennes abîmés par le temps et les mioches.
Grace au bruit, il n'eut aucun mal à repérer l'endroit où Peter Stanley, l'imbécile qui venait de crier, se cachait. Si « cacher » était le mot exact, puisqu'il se tenait debout derrière un pilier qui ne dissimulait pas entièrement son ventre. Un sniper se tenait à sa droite et un autre à sa gauche, accroupis derrière des bonbons en plastique.
— Allez, Moriarty, espèce de lâche ! continua Peter en secouant sa bedaine.
L'un des deux snipers soupira ostensiblement et pinça l'arête de son nez entre ses doigts. Jim avait presque de la peine pour lui.
Il visa soigneusement et tira. Il n'était pas très doué avec les armes à feu, mais il n'avait pas besoin de l'être pour transpercer le ventre qui gigotait derrière le pilier et il avait envie de régler le problème lui-même.
Peter lâcha un cri rauque en s'affalant théâtralement au sol. Sans perdre de temps, Jim visa l'un des deux snipers – pas celui qui l'avait amusé quelques secondes plus tôt – et tira. Il n'était pas certain de l'avoir touché, mais l'homme s'effondra avec un bruit étouffé.
Pas mal.
Il s'aplatit aussitôt, craignant que le deuxième sniper ne le vise, mais n'entendit rien d'autre que le râle de sa victime.
— Arrêtez de pleurnicher, grommela quelqu'un. Ce n'est qu'une éraflure.
— Sortez-moi d'iciiiii, geignit Peter Stanley.
Jim risqua un coup d'œil au-dessus de la rambarde. Un rire lui chatouilla la gorge. Peter était à genoux, accroché à la taille du sniper de tout à l'heure qui, mortifié, n'osait même pas le regarder.
— C'est un ordre ! couina celui qui était censé succéder au parrain de la mafia locale. Portez-moi vers la sortie immédiatement !
Le sniper soupira de nouveau et passa une main dans ses cheveux courts. Il était blond, bien bâti, la mâchoire carrée et les épaules musclés. Une cicatrice lui barrait la joue. Il ne fallut que quelques instants à Jim pour déduire l'essentiel : ancien soldat, ancien braconnier, revenu en Angleterre depuis peu, ayant déjà effectué des missions pour au moins six... Non, sept employeurs différents. Grand fumeur. Joueur. Expert en combats rapprochés.
Intéressant.
— Si je fais un pas vers la porte, expliqua le sniper d'un ton qui laissait transparaitre son impatience, nous allons nous faire tirer dessus par huit tireurs embusqués. Vous pensez réellement que Moriarty est venu à un rendez-vous avec vous sans un minimum de couverture armée ? Nous sommes dans leur ligne de mire depuis au moins treize minutes.
Intelligent, ajouta Jim à sa note mentale. Et observateur.
Peter gémit de nouveau en se tenant le ventre.
— Moriarty ! Cria-t-il en tournant la tête de tous les côtés. Je veux faire la paix !
Le sniper lui jeta un regard incrédule, comme s'il n'arrivait pas à croire que son patron ait dit un truc aussi stupide en s'attendant à ce que ça marche.
Jim ne put résister. Il recula, traversa le magasin à quatre patte, réapparut sur le côté et s'approcha du sniper, qui tourna aussitôt la tête dans sa direction.
— Pas une lumière que vous avez là, commenta-t-il en pointant du doigt le pauvre Peter, qui se vidait de son sang.
— À qui le dites-vous, soupira tragiquement le sniper, le doigt sur la gâchette de son arme.
Jim ne doutait pas qu'il puisse dégainer et le tuer dans la seconde.
Les choses venaient de devenir tellement plus intéressantes.
— Je tiens à préciser que tout ce bazar ne vient pas de moi, ajouta l'ancien soldat en désignant les corps qui jonchaient le sol autour d'eux. Je ne voudrais pas qu'on pense que j'ai si peu de compétence professionnelle. Désolé. Vous méritiez probablement une tentative d'assassinat un peu mieux élaborée.
— Il n'y a pas de quoi, s'amusa Jim, agréablement surpris de trouver un interlocuteur possédant un bon sens de l'humour. Peter a le don pour décevoir tout le monde.
— Cessez de parler ! glapit l'intéressé en se dissimulant derrière les jambes du sniper. Tuez-le ! Tuez-le ! Tirez-lui dessus !
L'ancien soldat leva les yeux au ciel.
— Mais oui, je vais le faire, pas la peine de s'exciter ainsi...
— Que voulez-vous, regretta Jim, il n'y a plus aucun panache dans le métier, aujourd'hui.
— À qui le dites-vous ! Aucune ambition. Aucun savoir-faire. Aucun professionnalisme. Que des bouchers qui tire à droite et à gauche en espérant toucher quelque chose.
— Je dois m'excuser aussi à ce sujet, regretta Jim. Mes hommes n'ont pas mieux réagit. À se demander combien il faut payer dans cette ville pour embaucher du personnel décent. Savez-vous l'erreur que j'ai faite ce soir ?
— Vous avez confondu l'agence de mercenaires avec le club de tricot du quartier ?
Jim pouffa. Depuis combien de temps cela ne lui était-il pas arrivé ?
— Probablement, concéda-t-il avec un sourire en coin. Mais j'ai surtout complètement surestimé ce pauvre Peter. De très, très loin. Je n'aurais jamais cru qu'il serait assez stupide pour tenter une attaque armée ce soir, contre moi, dans un lieu si peu à son avantage, alors qu'il n'avait pas encore récupéré la marchandise.
Le sniper fit la moue, compatissant silencieusement.
— Mais tuez-le ! Gémit Peter. Faites-le taire !
— Je vous ai déjà dit qu'on nous tirera dessus après, rétorqua le sniper. Vous êtes si impatient de mourir ?
— Vous êtes renvoyé, imbécile ! répondit l'héritier de la mafia. Renvoyé !
Le sniper échangea avec Jim un regard incrédule.
— Vient-il réellement de renvoyer son seul tireur à gage restant en l'insultant ?
— Il semblerait, s'amusa Moriarty. Certaine personnes nous surprennent toujours.
— Ça vous ennuierait si je...
Il désigna son ancien patron du bout de son canon.
— Mais faites, lui offrit Jim en s'écartant d'un pas.
Il détestait avoir des bouts de cervelle collé au pantalon.
Il y eu un petit sifflement lorsque l'arme, pourvue d'un silencieux, cracha sa balle fatale. Peter se tut enfin.
Le sniper planta ses yeux dans ceux de Jim et sourit. Il avait des iris bleus délavés, presque gris.
— Et maintenant ? s'enquit-il tranquillement. Vous allez me tuer ?
— Ça dépend, répondit nonchalamment Jim. Ce serait dommage, vous êtes plutôt amusant. Vous savez tirer ?
L'autre leva son bras en une fraction de seconde et pressa la gâchette deux fois, sans même regarder. L'affiche suspendue au plafond, six ou sept mètre au-dessus d'eux, prit deux points parfaitement alignés sur le « e » de « Noël ».
Jim sourit en croisant de nouveau le regard bravache du sniper. Cet homme lui plaisait.
— Et que savez-vous faire d'autre ?
— Je cuisine d'excellentes pâtes au pesto.
Jim regarda autour de lui, puis arracha le cadeau en carton que tenait un père Noël amorphe, se servit dans un pot de feutre sur un comptoir et écrivit en grosse lettre : « Vous êtes engagé ».
— Joyeux Noël, lança-t-il en le lui tendant.
Le sniper sourit.
— La paye est-elle bonne ?
— Au moins le triple de celle que vous touchez.
— Les missions ?
— Intéressantes.
— Morales ?
— Jamais.
— Le patron ?
— Intelligent. Intransigeant. N'essayez jamais de le trahir.
Son ton s'était mortellement grave sur la dernière syllabe. L'ancien soldat porta deux doigts à son front pour effectuer un salut approximatif.
— Bien reçu. Est-il célibataire ?
Jim ouvrit la bouche et la referma sans rien dire. Une première. Cette audace !
Une part de lui avait envie d'ordonner qu'on le tue, finalement. Mais une autre part le trouvait diablement intéressant.
Il laissa son regard trainer sur le buste, les jambes et le derrière du sniper, moulé dans son pantalon. Après tout, lui aussi avait droit à un cadeau de Noël, non ?
— Tout dépendra de vos pâtes au pesto, répondit-il avec un sourire en coin. J'ai une faim de loup.
Le visage du sniper arbora l'expression ravie d'un enfant au pied du sapin.
— Sebastian Moran ! se présenta-t-il en tendant la main. Vous venez d'acheter mon âme, pour ce qu'elle vaut. J'ai hâte de travailler pour vous !
~
Un an entier passa sans que Jim réussisse à déterminer si embaucher Sebastian avait été la pire ou la meilleure idée de sa carrière.
Professionnellement, évidemment, Sebastian était parfait, encore plus que tout ce qu'il aurait pu imaginer. Excellent combattant, excellent tacticien, excellent soldat. Il lui obéissait aveuglement, quoi qu'il lui demande, mais était capable de prendre des initiatives en se montrant créatif, ce que Jim appréciait tout particulièrement. Il n'hésitait pas à donner son avis, mais ne rechignait pas lorsqu'il était contredit et ne répétait jamais deux fois la même chose. Il préférait travailler seul, mais pouvait former et diriger de nombreux hommes sans difficultés.
Autant dire qu'il était immédiatement devenu indispensable – ou, du moins, aussi indispensable que quiconque pouvait l'être à ses yeux.
Humainement parlant, il avait le sens de l'humour, une bonne répartie, beaucoup de patience et un sens du timing impeccable. Il était aussi extrêmement sexy, ce qui était évidemment un avantage non négligent.
Il ne voulait pas arrêter de fumer, ce que Jim désapprouvait, mais se rachetait largement en se laissant baiser à tort et à travers à chaque fois que son patron le lui demandait. Chez lui, dans son bureau, dans son lit, dans un restaurant, dans une rame de métro vide, n'importe où, n'importe comment. Jim demandait – ordonnait – et Sebastian s'exécutait, une étincelle lubrique au coin des yeux.
C'était si simple avec lui, si agréable. Pas de prise de tête. Pas de malentendu. Pas besoin de se débarrasser du corps après. Il avait petit à petit arrêté de chercher son plaisir autre part. C'était comme cesser le streaming après s'être acheté un compte Netflix : où était l'intérêt de se prendre la tête alors qu'un contenu de meilleur qualité était accessible facilement ?
Non, Sebastian était parfait.
Alors pourquoi se prenait-il à souhaiter, de temps en temps, ne l'avoir jamais rencontré ? Parfois, lorsqu'il le voyait se tendre sous l'effet de l'orgasme, lorsqu'il l'entendait gémir et s'abandonner en son pouvoir, son esprit se teintait d'une inexprimable amertume.
Certain jours, Sebastian le saluait de son éternel sourire en coin, écrasait sa cigarette au sol en lançant simplement « Salut boss, quoi de neuf aujourd'hui ? » et il se sentait... Il ne savait pas exactement. L'impression venait par à-coup, aux instants où il s'y attendait le moins. Lorsqu'ils riaient tous les deux en évoquant l'une de leur victime. Lorsqu'ils se préparaient ensemble à une nouvelle mission, penchés sur la même carte. Lorsque le sniper surgissait dans son dos pour le protéger. Lorsqu'il se sentait fatigué et que Sebastian lui tendait son manteau en s'inclinant exagérément...
Tous ces moments-là lui faisaient peur. Et il était Jim Moriarty, génie du crime – génie tout court. Il ne pouvait pas avoir peur.
Surtout sans savoir pourquoi.
~
Trois semaines avant Noël, Sebastian sortit de sa douche, à minuit passé, pour trouver Jim affalé sans son sofa, les yeux rivés sur la télé. Ils ne s'étaient presque pas vu de la journée, séparés par deux affaires différentes.
— Bonsoir, boss, lança Sebastian en souriant, pas le moins du monde décontenancé.
Le génie du crime tourna la tête dans sa direction. Son regard s'attarda sur la serviette qui entourait la taille du sniper. Sa peau humide luisait légèrement sous la lampe du plafond.
— Une nouvelle mission ou une envie de pâtes ? s'enquit tranquillement Sebastian en s'accroupissant devant la cheminée.
Moriarty sourit. Il était certain que son sniper favori faisait exprès de lui donner une si belle vue sur son dos musclé, légèrement galbé, où ressortaient quelques cicatrices pâles.
— Une petite faim, répondit-il nonchalamment, conscient du double sens qui dormait derrière ses mots.
Sebastian lui adressa un sourire en coin par-dessus son épaule, ses yeux gris luisant de désir et d'autre chose, une étincelle indéfinissable qui disparut aussi vite qu'elle était née.
— À votre service, boss, acquiesça-t-il en se relevant.
Comment sa serviette faisait-elle pour rester en place après tant de mouvements ?
Il s'approcha du bar qui lui servait de plan de travail et sortit sa planche à découper, quelques pots d'herbes aromatiques fraiches et un long couteau, dont il fit trainer la pointe sur le bois.
— Voulez-vous un encas ? s'enquit-il en souriant, ou patienterez-vous jusqu'au plat de résistance ?
Il s'était légèrement penché en avant. Une mèche blonde, lourde d'humidité, tombait sur son front. Il n'était pas rare que Jim débarque chez lui pour prendre ce dont il avait envie, argent, arme, nourriture ou sexe. Il ne s'y était jamais opposé.
Moriarty hésita, trainant son regard sur les lèvres entrouvertes du sniper – qu'il pouvait déjà s'imaginer baiser – ses épaules nues, son torse strié de cicatrice, sa serviette légèrement pliée, là où elle commençait à se soulever...
Il sourit. Il comptait faire durer les préliminaires, ce soir.
— Je pense que je prendrais plutôt un surplus de dessert, répondit-il en le fixant intensément. Un boudoir. Avec beaucoup de crème fouetté.
Sebastian pouffa et passa sa langue sur ses lèvres, si attirant que Jim faillit céder sur le champ, lui demander de s'agenouiller et de le sucer. Seule sa fierté l'en empêcha.
Il se leva, s'étira et alla s'accouder au bar tandis que Sebastian s'affairait, maitre de la cuisine. Il aimait le regarder couper, préparer et cuir les ingrédients, ses lames tranchant à une vitesse folle les légumes destiner à finir dans ses poêlés. Ce spectacle avait quelque chose d'apaisant : le meilleur assassin du pays utilisant ses talents pour lui préparer à manger.
D'agréables odeurs ne tardèrent pas à flotter dans l'air. Évidemment, Sebastian ne se contentait jamais de simples pâtes au pesto, il inventait sans cesse de nouvelles sauces, de nouveaux accompagnements... Parfois, Jim se demandait s'il le faisait pour lui, sachant qu'il détestait la routine. Pourquoi cette idée lui plaisait-elle tant ?
— Comment s'est passé votre rendez-vous ? demanda négligemment Sebastian en prenant note de l'heure, pour estimer le bon temps de cuisson. Plus intéressant que cette histoire avec les Chinois ?
Jim soupira tragiquement, comme la drama queen qu'il était.
— Si ennuyaaaant, Sebastian ! Personne ne possède-t-il plus de trois neurones connectés dans cette cité ? Incapables de prendre la moindre initiative ! Incapable de penser, au moins une fois dans leur vie, pour m'offrir un challenge intéressant ! Je ne me souviens même plus de la dernière fois que j'ai été surpris...
— Eh bien, il y a eu l'affaire Peter Stanley, l'hiver dernier... Même si celui-ci vous a plus surpris par sa stupidité.
La soirée où ils s'étaient rencontré. L'espace d'un instant, Jim eut l'impression que le regard de Sebastian s'appesantissait sur lui, comme pour graver sa présence dans son esprit, et quelque chose d'indéchiffrable dansa de nouveau dans ses yeux.
Puis l'instant s'évanouit, comme une bulle de savon qu'on éclate, et Sebastian se retourna pour verser dans un verre son cocktail préféré.
Jim l'accepta et plongea ses lèvres dedans. Sebastian, qui semblait gêné, vérifia la cuisson de ses pâtes et s'agenouilla devant la cheminée.
— Je devrais rajouter un peu de combustible, remarqua-t-il à mi-voix. Après la mission en Sibérie de la semaine dernière, je n'ai plus envie d'avoir froid.
— Je ne me souviens pas t'avoir entendu te plaindre, rétorqua Jim en profitant du reflet des flammes sur la peau de son subordonné.
— Je n'oserai pas, répliqua Sebastian en lui envoyant son éternel sourire en coin. Je me souviens de ce qui est arrivé à la dernière qui a essayé d'émettre une réclamation.
— Suggèrerais-tu que je traite mes employés de façon tyrannique ?
— Ma foi, je n'ai rien à redire sur le sujet... Et puis, Christelle était insupportable. L'ambiance était beaucoup plus légère après sa démission spontanée.
— Spontanée ? releva Jim.
— Vous n'avez pas spontanément décidé qu'elle ne travaillait plus pour vous ?
Jim rit et plongea ses lèvres dans son cocktail. L'alcool lui réchauffa agréablement la gorge. Il ne riait pas autant, avant de le rencontrer...
Désirant brusquement s'éloigner de ce train de pensée, il reposa son verre et s'écarta du bar.
— Je vais chercher plus de combustible.
Sebastian lui envoya un regard stupéfait. Tant mieux, il détestait être prévisible.
— Ne vous inquiétez pas, boss, tenta de le contrer le sniper, je vais...
— Mon petit Sebastian, je te conseille de ne pas suggérer que cette tâche soit impossible pour moi.
— Non, bien sûr que non, bafouilla l'ancien soldat.
Jim sourit. Il adorait jouer avec ses nerfs.
— Dis-moi où.
— Au fond du couloir, près de la porte d'entrée. À droite, un placard... Vous trouverez du carton, tout en bas, et des buches juste au-dessus. Une buche devrait suffire.
Le génie du crime opina de la tête, retira sa veste et la jeta sur Sebastian, qui l'attrapa au vol, la plia et la posa sur le dossier d'une chaise. Ah, comme il aimait le dévouement de cet homme...
Il quitta la pièce, suivit les instructions, se pencha pour récupérer une buche et regretta immédiatement son choix. Il allait devoir porter ce truc sale ?
Il se demandait s'il n'allait pas renoncer et appeler son sniper plutôt que d'abîmer sa chemise lorsqu'une couleur familière attira son attention. Un bout de carton découpé...
Son cœur se mit à battre un tout petit peu plus vite.
Il attira le carton à lui. Il s'agissait d'un faux cadeau. Au dos était noté « vous êtes engagés ».
Le « contrat » qu'il lui avait donné Noël dernier. Le jour de leur rencontre.
Plusieurs choses se bousculèrent dans sa tête, tout un tas d'images et d'émotions entremêlées. Le sourire en coin de Sebastian. Ses regards effleurant si souvent les siens. Ses doigts le caressant, juste après l'orgasme, sans menace, sans colère et sans peur. Son parfum, son corps, son rire, et ce bout de carton qui ne pouvait signifier qu'une chose, et une seule : Jim était important pour lui. Plus qu'un patron, plus qu'un objet de satisfaction sexuelle, plus qu'un collègue même. Il chérissait assez le souvenir de leur rencontre pour en garder cette trace, pourtant puérile.
Son cœur accéléra encore, ce sale traitre. Ah, il était beau, le génie criminel, déboussolé par un cadeau en carton, ébranlé par une simple considération.
Sebastian Moran tenait à lui.
Mais il avait une politique stricte dans sa petite compagnie, une règle auquel nulle ne dérogeait jamais. On ne s'attachait pas. Si Christelle avait laissé la vie en Sibérie, ce n'est pas parce qu'elle était trop bavarde, mais parce qu'elle avait fait l'erreur de s'impliquer avec un suspect.
Pas d'émotion. Pas de peur, pas de culpabilité, pas de pitié, et rien qui puisse ressembler de près ou de loin à de l'amour.
Mais ce cadeau, ce témoignage de leur rencontre...
Cette possibilité...
Était-ce de cela qu'il avait peur depuis presque un an ? Que Sebastian l'apprécie vraiment ? Parce qu'il devrait le tuer, se séparer de lui ? Ou parce qu'il n'arrivait pas à s'avouer que lui-même...
Comme un somnambule, il se leva et marcha jusqu'au salon.
— Vous avez trouvé ? s'enquit Sebastian en se tournant vers lui.
Jim s'attendait à recevoir une réaction, mais le sniper n'exprima rien lorsque son regard se posa sur le présent.
— Pas de bûche, finalement ? Plaisanta-t-il en attrapant le carton.
Pour le jeter dans le feu.
Les flammes se jetèrent instantanément sur l'objet, dévorant les mots marqués à l'envers. Vous êtes engagé.
Jim regarda fixement le faux présent se racornir, se consumer de l'intérieur, emportant en même temps cette chose dans sa poitrine qui n'était pas censé exister.
Il s'était trompé.
Lui, Jim Moriarty, s'était trompé.
Sebastian n'avait pas gardé le carton comme une relique, il l'avait relégué au fond d'un placard et oublié. Cela ne signifiait rien pour lui. Jim ne signifiait rien pour lui.
Un sentiment de perte féroce le transperça de plein fouet, répandant dans son sillage l'acide de la trahison.
Qu'avait-il cru ?
Il tourna lentement les yeux sur Sebastian, qui ne le voyait que comme un boss, un employeur compétent, un bon coup... Sebastian qui venait de jeter au feu le souvenir de leur rencontre, comme un déchet, comme rien du tout.
Bon sang, pourquoi cela faisait-il si mal ?
— Boss ? s'enquit le sniper.
Jim ne pouvait pas savoir quelle expression il arborait à présent, mais elle était visiblement assez effrayante pour inquiéter son homme de main.
Mais il n'allait pas lui laisser le plaisir de l'avoir blessé. Oh, non, Jim n'était pas comme ça. Il prenait, arrachait et dévastait ce qu'on lui refusait. Il ne montrait aucune vulnérabilité, jamais, et certainement pas pour quelque chose d'aussi stupide qu'un peu d'affection.
Il marcha jusqu'au bar, tira un tabouret haut et s'assit tranquillement.
— Ça brûle, lâcha-t-il en désignant le four.
Il attendit que Sebastian sorte son plat pour l'attraper par le bras, le faisant tout renverser, le plaquer contre le bar et lui retirer sa serviette.
Il sentit le sniper se tendre sous sa poigne. Ils n'avaient jamais couché ensemble sans lubrifiant. Mais il voulait faire mal, cette fois, il voulait faire mal pour de vrai.
— Finalement, je prendrai mon dessert directement.
Sebastian mordit dans un torchon pour ne pas hurler et Jim ne prit aucun plaisir à sentir la chair céder sous lui. Il termina vite, ignora le sang, et se rhabilla.
— Franchement, tu aurais pu faire un effort pour les pâtes, marmonna-t-il en enjambant le reste du plat éparpillé au sol.
Sebastian, pâle comme la mort, lui envoya un regard éteint. Jim ignora la chose qui se tordait au fond de lui pour ouvrir un placard, attraper un morceau de pain et croquer dedans.
— Il faut tout faire ici, soupira-t-il tragiquement. Bon, j'y vais. Sois à l'heure demain.
Et il partit, sans claquer la porte, sans rien emporter d'autre que l'impression de douleur, de trahison et de mal-être qui lui collait à l'esprit. Il avait envie de hurler, de frapper quelqu'un – peut-être lui.
Comment avait-il pu se montrer si stupide, putain ?
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