#61
- Le numéro 14 est prié de se rendre au cabinet numéro 25.
La voix automatique de l'écran me fit sortir des pensées dans lesquelles j'étais plongée depuis plus de trois quarts d'heures, c'est-à-dire depuis que j'étais entrée dans la salle d'attente.
Je me levai aussitôt, sous le regard désespéré de certains patients qui commençaient à perdre patience, et je marchai jusqu'au cabinet 25. Arrivée devant la porte, je n'eus pas besoin de toquer puisqu'elle était déjà entrouverte.
Je pris une grande inspiration puis poussai la porte timidement, avant d'entrer dans le cabinet. Mon regard tomba directement sur celui d'une femme, qui me regardait avec un petit sourire bienveillant, les bras croisés sur sa table.
Femme - Bonjour mademoiselle. Comment vous appelez-vous ?
Moi - Bonjour. Je m'appelle Aly...Aly Evans...
Femme - Enchantée Aly, je suis Angelina. Vous pouvez vous asseoir.
Après l'avoir regardée pendant quelques secondes, j'allai m'asseoir sur la chaise en face de son bureau. Même si j'étais loin d'être effrayée de cette femme qui avait un visage d'ange, j'étais assez braquée car c'était la toute première fois que je me rendais chez une psychologue.
Angelina - Vous me paraissez assez jeune. Quel âge avez-vous ?
Moi - 19 ans.
Angelina - C'est bien ce que je pensais. Vous devez être à l'université j'imagine ?
Moi - Oui, enfin dans une académie. J'étudie le cinéma.
Angelina - Oh, intéressant. Vous aimeriez faire carrière dans la réalisation ?
Moi - Plutôt dans l'acting. Mais après, je suis ouverte à tout.
Angelina - Vous avez des ambitions très originales. C'est un rêve d'enfance ?
Moi - On va dire ça. J'ai toujours été attirée par l'univers cinématographique, même si à l'époque je n'envisageais pas d'en faire ma vocation.
Angelina - Et qu'est-ce qui vous a poussé à franchir le pas ?
Sa question m'a fait avoir un flashback du jour où ma mère a été arrêtée, car en réalité, c'était ce jour où j'ai décidé d'arrêter de rêver, et que j'ai commencé à agir. C'était le jour où j'ai décidé de faire une demande d'inscription pour l'académie.
Moi - À l'époque, je fréquentais un garçon qui rêvait d'avoir une carrière artistique. Il voulait donc qu'on intègre l'académie ensemble, mais je ne me sentais pas à la hauteur. Mais lorsque ma mère a été envoyée en prison, j'ai eu comme un déclic et je voulais lui prouver que même en son absence, je pouvais m'en sortir. J'ai donc pris mon courage à demain et j'ai déposé ma demande d'inscription.
Angelina - Demande qui fut couronnée de succès. Votre copain était visiblement de nature bienveillante.
Moi - On peut dire que les conseils qu'il m'a donné pendant nos trois ans de relation m'ont été bénéfique, c'est vrai. Mais aujourd'hui on n'est plus ensemble donc ça n'a plus d'importance.
Angelina - Et vous pensez avoir fait le deuil de cette relation ?
Moi - Oui, totalement. J'ai commencé à fréquenter un autre garçon peu de temps après donc ça m'a bien aidé à enterrer cette relation.
Angelina - Vous êtes en couple avec ce garçon depuis combien de temps ?
Moi - C'est assez compliqué à chiffrer, comme on a eu beaucoup de hauts et de bas.
Angelina - Et selon vous, ces hauts et ces bas ont-ils renforcé votre couple ?
Moi - Aucune idée...On était en couple, puis j'ai découvert qu'il trompait sa fiancée avec moi donc je l'ai quitté. Peu de temps après, il a rompu avec elle et on s'est remis ensemble. Mais quelques jours après, on a décidé de faire une pause d'un mois et demi. Cette pause a pris fin il y a très exactement une semaine, mais jusqu'à présent on n'a pas eu de réelle conversation à ce sujet. Pourtant, ça fait une semaine que je vis chez lui.
Angelina - J'imagine donc que vous êtes dans une relation passionnelle...Qu'est-ce qui vous a soudainement poussé à cohabiter avec lui, en sachant que vous ne vous étiez toujours pas rabiboché ?
Je devins soudainement muette à l'entente de cette question, comme si l'aise que j'avais tout au long de notre conversation s'évapora en quelques secondes. Pendant environ une vingtaine de secondes, je m'étais mise à repenser à tout, de mon agression jusqu'à mon overdose. Les flashbacks que je me faisais étaient beaucoup trop insoutenables.
Angelina - C'est un sujet sensible ?
Moi - Un peu...
Angelina - Vous voulez qu'on en parle une autre fois ?
Moi - Oui, je préférerais.
Mon médecin m'avait laissé deux options : soit aller voir un psy, soit me confier à un proche. Malheureusement, il n'y avait personne dans mon entourage qui pouvait encaisser ce que j'allais lui raconter. Ma mère était beaucoup trop colérique, mon père allait sûrement replonger dans l'alcool, Fetty allait complètement retourner la ville, Azealia voudrait planter Shayaa et Chris n'allait sûrement pas me croire.
Après cette séance qui dura environ une heure, je me rendis au centre-ville pour faire quelques courses. Depuis mon agression, j'avais vraiment du mal à rester trop longtemps à l'extérieur quand j'étais seule, en particulier quand la nuit commençait à tomber. On était en fin d'après-midi donc je ne perdis pas de temps à rentrer chez Chris.
Arrivée chez lui, je remarquai assez rapidement qu'il n'était pas encore rentré. Cela faisait une semaine que je vivais chez lui et, paradoxalement, je l'avais très peu vu car il était à l'académie la journée et avait fréquemment des showcases le soir.
Pendant que je rangeais les courses, je pensais à tout et à rien en même temps lorsque mon téléphone se mit à sonner. Malgré que ce soit un numéro masqué, j'ai quand même décidé de décrocher et j'entendis une voix automatique :
« Vous allez être mise en relation avec un détenu de la prison d'Atlanta. Tapez cinq pour accepter l'appel. Sinon, raccrochez. »
Mes mains se mirent à trembler et mon rythme cardiaque augmenta. J'arrivais pas à réaliser que c'était un appel d'Offset. Pendant tout ce temps, je n'avais tellement pas eu de nouvelles de lui que j'avais cru qu'il m'avait oublié. Sans perdre de temps, j'acceptai l'appel.
Moi - Allo ?
Offset - C'est Aly là ?
Moi - Qui ça pourrait être d'autre ?
Offset - J'sais pas, j'me souvenais pas que t'avais une voix aussi cassée.
Moi - J'suis un peu fatiguée en ce moment, c'est rien.
Offset - Toujours ?
Moi - Toujours...J'ai tellement attendu ton appel.
Offset - C'est ce qu'on m'a dit. T'as encore deux minutes pour en profiter là.
C'est vrai que j'avais complètement oublié le caractère limité des appels téléphoniques provenant de prison. On avait seulement trois minutes pour parler, une minute était déjà passée et j'avais tellement de choses à lui dire et de questions à lui poser que je ne savais même pas par où commencer.
Moi - Ajoute moi sur ta liste de visiteurs.
Offset - T'es sérieuse ?
Moi - Très sérieuse. C'est pas une conversation téléphonique de trois minutes qui va me rassurer sur ta situation.
Offset - Au vu du contexte, c'est plutôt toi qui devrais me donner de tes nouvelles sur ta situation.
Moi - Eh bien j'vais mal, d'accord ? J'étais déjà mal depuis quelques semaines, mais les choses n'ont fait que de s'empirer depuis qu'on t'a arrêté.
Offset - Il s'est passé quoi ? On a toujours pas retrouvé Shayaa ?
Moi - Toujours pas. Ça fait une semaine que j'ai pas mis les pieds à l'académie, j'en peux vraiment plus...
Offset - Bon il me reste pas beaucoup de temps donc écoute ce que j'vais te dire. Calme toi, repose toi quelques jours et quand tu te sens mieux, retourne à l'académie. Rester enfermé chez soi trop longtemps, c'est pas bon et ça fera qu'aggraver ton état.
Moi - Plus facile à dire qu'à faire...
Offset - Sois patiente. T'as sûrement beaucoup de questions à me poser là, mais ça serait trop long pour te répondre. J'vais essayer de m'arranger concernant les visites. En attendant, fais ce que j'te dis et tout se passera bien. Ok ?
Moi - Je vais essayer...
Quelques heures plus tard, Chris était rentré et il n'avait pas de showcase ou d'événements prévus ce soir. On était donc allé manger dans un restaurant caribéen du centre-ville, avant de rentrer chez lui.
On se trouvait actuellement dans le studio d'enregistrement de son appartement et il me faisait écouter ses nouvelles chansons. La chanson qui jouait en ce moment même s'appelait Hangover.
Moi - T'en as pas marre de faire des chansons incroyables ?
Chris - Arrête j'vais rougir.
Moi - J'suis très sérieuse. Je peux jamais faire de critique négative, ça devient redondant.
Chris - Jamais jamais ? T'es sûre ?
Moi - Hmm...Excepté la fois où t'as fait quelques chansons avec des rappeurs bancals de la ville.
Chris - Ahah laisse les tranquille, faut bien commencer quelque part.
Moi - Certes, même s'ils auraient pu commencer loin de toi.
Il rigola et se mit à faire ses petites gestuelles en rythme avec la musique, tandis que je le regardais, debout, avec amusement. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas eu l'occasion d'écouter ses chansons en exclusivité, j'en avais même oublié qu'il avait ce mood incroyable.
Chris - I'm so for real this time, let your candy rain on me babe, don't fuck it up it's on me babe, if you fuck it up it's all on me babe, and let's slip and let's slide, and if we sip, we can't drive, so you gon' have to stay over, and wait out this hangover, wait out this hangover...
La chanson prit fin et, comme toute supportrice qui se respecte, je l'ai applaudi. Certaines personnes dans l'académie ont de bonnes paroles, d'autres ont de bonnes instrus et d'autres ont une belle voix. Mais Chris, c'est les trois à la fois. À chaque fois qu'il sort une nouvelle chanson, je suis toujours aussi impressionnée.
Moi - Quel artiste...
Chris - Tu me flattes trop ce soir.
Moi - Je t'ai toujours flatté.
Chris - Pourtant j'ai plus l'impression d'avoir reçu des insultes que des compliments ces dernières semaines.
Moi - Et tu méritais toutes ces insultes, sans exception. Mais bon c'est du passé, j'suis plus fâchée contre toi.
Chris - Prouve le.
Moi - J'arrive à partager le même air que toi dans une pièce, ça en dit long.
Chris - Mais encore ?
Pendant quelques secondes, c'est comme si un court-circuit avait traversé l'ensemble de mon cerveau. Même si j'avais toujours été habituée à réfléchir avant d'agir, mon cerveau ne l'avait pas entendu de cette oreille ce soir.
Et c'est pour cette raison que la glace fut brisée au moment où nos lèvres s'entremêlèrent. Comme si toutes les tensions qui tournaient autour de nous depuis des semaines s'étaient subitement éteintes...
À suivre...
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