#18
Lil Uzi Vert - Team Rocket
Il a commencé à tousser très bizarrement lorsque j'ai évoqué le mot "prison". Je pense que lui non plus n'était pas prêt à entendre la vérité sur ma mère.
Moi - T'es choqué, c'est ça ?
Chris - Même pas ! Qu'est-ce qui te fait croire que j'suis choqué ?
Moi - Des choses comme ta toux soudaine par exemple.
Chris - J'suis un peu malade ces temps-ci, normal.
Et c'est le mec qui passe la moitié de son temps torse nu qui prétexte être malade...
Sa quinte de toux finit par s'estomper et un silence prit place pendant quelques secondes, qui me parurent interminables.
Chris - Tu l'avais pas vue depuis combien de temps ?
Moi - Trois ans. J'étais encore au lycée lorsqu'elle s'est fait arrêter.
Chris - Ah ouais ?
Moi - Oui. Je m'en souviens encore. C'était un vendredi après-midi et je rentrais de l'école avec...Bryson.
Flash-back - Trois ans plus tôt
Bryson - T'as déjà visité l'académie de Détroit un jour ?
Moi - Non, mais j'aimerais bien. Elle est réputée dans tout le pays et plein de célébrités se sont faites connaître là-bas.
Bryson - C'est pour ça qu'on devrait postuler pour l'intégrer après le lycée.
Moi - Tu rigoles ?
Il s'arrêta en plein chemin, ce qui me fit clairement comprendre qu'il ne rigolait pas. Je m'arrêtai à mon tour, prête à entendre les raisons de son souhait que je jugeais un peu trop ambitieux.
Bryson - J'ai toujours voulu vivre de la musique et t'as toujours rêvé de devenir actrice. Tu penses pas qu'il serait temps de réaliser nos rêves là ?
Des voitures de police passant à une vitesse fulgurante près de nous m'interrompirent dans ma réflexion. La police était assez présente dans ce quartier ces derniers temps donc je ne m'attardais pas trop dessus.
Jusqu'à ce que ces voitures s'arrêtent devant ma maison.
Les policiers y sortirent prestement et se dirigèrent vers ma maison, munis d'armes disproportionnées qui me firent perdre ma sérénité.
À cet instant, je perdis conscience de mes faits et gestes. La seule chose que mon corps m'obligeait instinctivement à faire, c'était de courir jusqu'à ma maison.
Arrivée devant, on faisait sortir ma mère, menottée et escortée par deux policiers.
Moi - MAMAN ! Qu'est-ce qu'il se passe ?!
Des larmes s'écoulaient progressivement sur mes joues et également sur les siennes. Ces brutes de policiers ne lui laissaient même pas le temps de s'arrêter quelques secondes pour me parler. Alors qu'on la faisait avancer jusqu'à la voiture, elle me lâcha ces derniers mots qui me détruisirent.
Maman - Je vous appellerai tous les jours Aly...Je vous lâcherai pas...
Le choc et la souffrance me firent m'écrouler à terre. Bryson était à mes côtés et me disait des choses que je ne parvenais même plus à entendre. L'abondance de larmes m'empêchait de voir nettement ce qui m'entourait. Il n'y a qu'une seule et dernière phrase que je réussis à discerner, et elle était adressée à Bryson.
Maman - Prends soin de ma fille Bryson...
On claqua aussitôt sa portière et la voiture partit sur le champ. D'autres policiers étaient sur les lieux pour je ne sais quelles raisons. À vrai dire, leur présence m'était complètement égale.
Tout simplement parce qu'on m'avait séparé de ma mère pour de bon.
Fin du flashback
Moi - Après son arrestation, je suis tombée dans la dépression pendant deux semaines. Mon père a demandé à ce qu'on m'hospitalise, par peur que je fasse une bêtise.
Il ne dit pas un mot et observa le lac, avec un regard fixe. Ce silence, surtout venant d'un mec constamment agité comme lui, était inhabituel et m'intrigua beaucoup.
Chris - En vrai t'es pas cinéaste pour rien. T'as réussi à faire croire à tout le monde que ta vie était simple alors que c'était tout le contraire.
Moi - Il fallait bien que je préserve l'image de ma famille. Les gens nous auraient regardé différemment s'ils savaient la vérité. Ils auraient même pu créer des rumeurs sur le véritable motif d'arrestation de ma mère.
Chris - Pas faux. Les petits vieux du quartier c'est les premiers à raconter que t'es en prison pour le meurtre d'un flic alors qu'en vrai t'as juste volé une boîte de sardines à la supérette du coin.
Voilà comment me faire éclater de rire en même pas deux secondes. Il est fort quand même, il a réussi à gâcher l'ambiance pesante de la conversation pour laisser place à un climat nettement plus relaxant.
Moi - Me fais pas rire Chris, c'est pas le moment.
Chris - Mon humour est imprévisible, j'y peux rien.
Moi - C'est pour ça que t'aurai dû être comédien. Il est pas trop tard pour te réorienter dans une filière cinéma tu sais.
Chris - Eh non merci. J'préfère encore prendre la prison à perpétuité que de me livrer directement à la faucheuse.
Souvent j'ai l'impression que l'activité préférée de Chris c'est de tester mon mental avec ses provocations. Je me préparais déjà à prendre sa jolie petite tête pour la plonger dans l'eau lorsque, d'un coup, j'entendis un bruit provenant des buissons.
Moi - T'as entendu ça ?!
Chris - Ouais, c'est juste un craquement de feuilles mortes.
Moi - Oui et les feuilles ne craquent jamais toutes seules ! Il doit y avoir quelqu'un qui se cache derrière ces buissons !
Chris - Et c'est peut-être un écureuil, une taupe ou un hibou qui a perdu l'équilibre. Détends toi.
Contrairement à lui qui s'en foutait royalement de ce bruit suspect, j'étais sur mes gardes. C'était pas la première fois que j'avais l'impression d'être surveillée en étant avec lui. J'avais eu le même ressenti lorsqu'il m'avait accompagné jusqu'à chez moi le soir où je lui avais menti sur Bryson.
Il finit par remarquer que ce bruit me laissait perplexe alors il s'empara d'un grosse pierre et la lança en direction des buissons. On n'entendit aucun bruit d'agonie ou autre chose laissant penser que quelqu'un était présent.
Chris - Tu vois ? Y'a personne.
Moi - T'as raison. C'était sans doute un animal.
Mes yeux se posèrent à nouveau sur le lac que je contemplai, perdue dans mes pensées. Chris, lui, me fixa avec un regard insistant pendant un certain moment, avant de me questionner sur un ton posé.
Chris - Elle a fait quoi pour qu'on la mette en prison ?
Moi - Un truc moins grave que le meurtre d'un policier mais largement pire que le vol d'une boîte de sardines.
Chris - C'est-à-dire ?
Moi - Trafic de drogues.
Il écarquilla ses yeux, dans lesquels je ne percevais que de l'étonnement et de la stupéfaction. Je sais pas s'il s'attendait à quelque chose de moins grave ou de pire, mais il fut vraiment secoué.
Chris - Pourquoi elle s'est mise dans tout ça ? Vous viviez bien donc pourquoi elle a choisi de s'aventurer dans ces trucs pour se faire de la thune ?
Moi - Parce que dans le passé, on vivait pas aussi bien que tu crois. Ma mère a été condamnée pour des trafics dans lesquels elle a été impliquée il y a une dizaine d'années. J'étais encore à l'école élémentaire lorsqu'elle faisait ce business pour notre survie. C'est grâce à cet argent sale qu'on a pu emménager dans l'Etat de Michigan, à Détroit.
Chris - Et vous habitiez où avant ?
Moi - À New York, dans un quartier pas très réputé. J'te laisse deviner lequel.
Chris - Le Bronx ?
Moi - Ouais.
Mes mauvais souvenirs de mon quotidien dans ce quartier refaisant surface, je baissai la tête et concentrai mon regard sur mes pouces, que je n'arrivais pas à maintenir immobiles.
Moi - Les familles respectives de mes parents n'ont jamais approuvé leur couple. Mes grands-parents paternels refusaient que mon père épouse une femme qui n'a même pas la nationalité américaine. Mes grands-parents maternels, eux, ne voulaient pas que ma mère épouse un homme déjà père à l'âge de 20 ans et dont l'enfant est, en plus, orphelin de mère.
Chris - Tu parles de Fetty là ?
Moi - Oui. Il a jamais connu sa vraie mère car elle est morte à son accouchement. C'est ma mère qui s'est chargée de l'éduquer comme son véritable fils.
Chris - Ah ouais, je vois.
Je relevai ma tête et poursuivis mes explications en ne décollant pas mon regard du lac.
Moi - Comme leur couple n'était pas très apprécié, tu t'imagines bien que leur mariage a envenimé les choses. Ils ont complètement coupé les ponts avec leurs parents afin de vivre leur idylle. Puis j'suis venue au monde, deux mois après leur mariage. C'était déjà pas évident pour eux de vivre à trois avec un enfant en bas âge, alors tu devines bien que la situation a empiré lorsqu'un deuxième enfant s'est ramené. Mon père avait trouvé un petit boulot dans une épicerie, qui n'était pas suffisant pour arrondir les fins de mois. En revanche, pour ma mère, c'était beaucoup plus compliqué. À chaque fois qu'elle essayait de trouver un emploi, on lui rappelait son statut d'immigrée mexicaine. Toutes ses tentatives d'insertion professionnelle aboutissant à un échec ont fini par la faire désespérer.
Chris - Et c'est là qu'elle a opté pour le seul travail qui voudrait d'elle sans se préoccuper de son identité.
Moi - T'as compris. Plein de personnes sont tombées dans ce cercle vicieux au Bronx, dont de nombreuses femmes qui étaient dans la même situation qu'elle.
Chris - Et la vie au Bronx, c'était dur ?
J'hochai la tête positivement et la baissai à nouveau. Il m'a toujours été impossible de raconter à quelqu'un comment était la vie au Bronx. C'est un endroit où j'ai vu et vécu énormément de choses traumatisantes, dont je suis pas prête à parler.
Moi - Très dur. Mais j'ai pas trop envie d'en parler pour l'instant.
Chris - C'est rien, j't'y oblige pas.
Après être restés dans un long silence à regarder le lac pendant quelques minutes, on se décida à partir et, comme il était tard, il insista pour me raccompagner chez moi.
Dès lors qu'on arriva à la porte d'entrée de ma maison, je passai mon regard sur lui, qui avait l'air d'être ailleurs.
Moi - Encore désolée pour ton ballon.
Chris - Tranquille, j'en ai des tas chez moi.
Moi - Ah, tu me rassures.
Juste après m'avoir souhaité de passer une bonne nuit, il fit demi tour et avança pour partir. Je le regardais s'en aller, dans le silence.
Moi - Chris ?
Il se retourna lentement, l'air interrogateur au visage.
Chris - Ouaip ?
Moi - La filière cinéma t'emmerde, espèce d'idiot.
Il ricana comme pas possible puis partit en me disant comme derniers mots.
Chris - D'accord chef. Gloire au cinema !
J'esquissai un petit sourire puis entrai chez moi, de meilleure humeur. Tout le monde était allé dormir, excepté ma mère qui m'attendait debout, à côté du canapé.
Je me dirigeai doucement vers elle et la pris inconsciemment dans mes bras. Ça faisait trop longtemps que j'en avais pas eu l'occasion.
Moi - Tu m'as manqué maman.
Maman - Toi aussi ma chérie.
Plus rien ni personne ne m'éloignera d'un de mes proches à nouveau, encore moins de ma mère. J'suis restée trop longtemps sans avoir ma famille au complet à mes côtés.
À suivre...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro